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Joyce ne sait pas très bien sur quel pied danser ; doit-elle se sentir flouée de s'être fait presque arnaquer, ou flattée qu'il ait à ce point envie de redormir avec elle malgré le peu d'espace disponible dans son lit ? Cela veut au moins dire qu'il n'a pas passé une mauvaise nuit à ses côtés et elle sent, à cette idée, le rouge lui picorer les joues. De même, la myriade de possibilités qu'une victoire - presque acquise par avance - pourrait lui procurer, fait dériver son imagination sur tout un panel d'idées dont certaines ne devraient probablement pas se trouver là. Elle ne peut cependant pas s'autoriser cette évasion mentale bien longtemps si elle ne veut pas complètement louper ses œufs alors elle se contente de lui sourire et de lui répondre :
– D'accord. Ça me laisse toute la journée pour trouver une idée alors !
Qui peut aller de lui faire faire une omelette si elle a un petit creux au milieu de la nuit, à lui imposer de dormir à la belle étoile – après tout, sa seule contrainte à elle c'était de dormir avec lui –, ou même, pourquoi pas, un baiser ? Mais peut-être que c'était tricher d'obtenir un baiser sur un pari, probablement que ça le rendait bien moins intéressant que s'il avait vraiment été désiré. Même si, alors qu'elle récupère la fourchette pour commencer à battre les œufs, l'idée de ses lèvres sur les siennes s'est frayée un passage et mettra un certain temps à disparaître…
Si Jay savait définitivement briser des œufs, son vrai point faible était clairement la cuisson. Elle s'était demandée s'il n'allait pas réussir à cramer, en plus de leur petit déjeuner, la poêle, la cuisine entière, voir tout le bateau. Et comme elle n'avait pas vraiment envie de ramer jusqu'à Boston avec un canoe de sauvetage, ni de devoir expliquer à ses parents pourquoi leur maison sur les vagues était réduite en cendres, elle s'était sentie soulager de rattraper la catastrophe juste avant que le plat ne passe de doré à noir. Ils ont même pu manger, tranquillement posés à la petite table de la cuisine.
– Tu as rendez-vous quelque part ? observe-t-elle, goguenarde.
C'était ça qu'elle aimait, sur les vagues, les horaires venaient par vagues avec le soleil et l'endroit où le vent voulait bien les pousser. Bien sûr, parfois il fallait respecter certains timing si on voulait avoir la chance de croiser des créatures marines à des moments bien précis de leur quotidien, mais globalement le temps filait différemment sur les flots, bien plus calme. Il n'y avait à courir après pour arriver à l'heure en cours, faire ses courses avant que les magasins ferment ou ne pas louper un rendez-vous chez le dentiste. Et si on n'arrivait pas à apercevoir des requins en pleine chasse parce qu'on arrivait trop tard, ce n'était jamais bien dramatique ; on pouvait toujours repasser le lendemain.
Récupérant les tasses et les verres pour les poser dans l'évier, elle hoche la tête à sa proposition.
– C'est une surprise. Tout ce que je peux te dire, Monsieur le poisson, c'est que tu as meilleur temps d'enfiler un maillot de bain… enfin si l'eau froide ne te fait pas trop peur !
Lorsqu'elle l'entend monter sur le pont, elle sourit derrière le gouvernail, sans se retourner pour autant, concentrée sur la ligne tracée dans l'horizon. Vêtue d'un short et d'un pull dont la capuche tombe dans son dos, elle a cependant enfilé son maillot de bain sous ses vêtements, comme une seconde peau pour la capitaine autoproclamée. Enfant, il était rare qu'elle ne l'enfile pas automatiquement, devant parfois rebrousser le chemin sur la demande de sa mère quand elle imaginait pouvoir se baigner dans des vagues trop ajoutées et sous de lourds nuages noirs. La combinaison de plongée, en revanche, avait souvent pallié au froid, et Joyce avait parfois l'impression d'avoir appris à plonger avant même de savoir marcher, avant même de vivre sur un bateau en tout cas, alors qu'ils étaient encore à San Francisco. Il était important pour ses parents qu'elle maîtrise tout ça sans sourciller ; hors de question de lui apprendre dans des conditions délicates, en haute mer et avec trop de profondeur sous leurs pieds.
– Je préfère l'océan, il y a plus de surface à explorer.
Toujours plus. Même si, en réalité, ça lui était assez égal, tant qu'elle pouvait naviguer et faire de drôles de rencontres.
Que le père de Jay ne sache pas nager, en revanche, la surprend un peu. Ça lui paraît tellement naturel, et puis surtout, il lui a dit être un nageur, alors qui a bien pu lui apprendre ? Est-ce que c'est sa mère ? Le mystère s'envole sans même qu'elle ait à lui poser la question puisqu'il lui raconte sa chute dans l'enfonce et la manière dont il a réussi à survivre, flottant pour ne pas se noyer, pendant une vingtaine de minutes. Même si l'eau fait partie de Joyce depuis son enfance, elle est tout de même impressionnée ; elle n'est pas certaine qu'à sa place elle aurait pu garder son calme sans maîtriser l'élément.
– T'es courageux. Tu avais quel âge ?
Jetant un coup d'œil dans sa direction, elle écoute brièvement sa réponse avant de se plonger dans ses propres souvenirs.
– Après ma naissance, mon père a pris une année sabbatique pour s'occuper de moi. Il m'amenait tous les jours à la plage et, s'il jugeait le temps acceptable, se baignait avec moi dans les bras. Je ne m'en souviens pas, bien sûr, j'étais trop petite, mais après qu'il ait repris son poste à l'université, il a gardé cette tradition de m'amener tous les jours voir l'océan, soit le matin, soit le soir. Jusqu'au jour où on a commencé à vivre dessus.
Elle jette ensuite un coup d'œil à ses instruments de navigation, faisant rapidement le calcul pour estimer leur moment d'arrivée jusqu'au point qu'elle avait en tête. Ce n'était pas tout à fait à côté, mais elle était certaine que ça pourrait lui plaire.
– Un peu moins de deux heures.
Si l'envie lui disait, ils pourraient se baigner au large, puis prendre le canoë pour rejoindre une petite crique qu'elle connaissait pour pique-niquer. Et sûrement se baigner à nouveau s'il n'avait pas trop froid, car elle ne connaissait pas meilleure sensation que de sentir l'eau glisser sur son corps et le sel picorer sa peau.
Le voyant sortir son paquet de cigarettes de sa poche, elle lui fait signe de la tête que ça ne la dérange pas. Même si elle ne fume que très occasionnellement, l'odeur de la dérange pas et elle a suffisamment connu de personnes fumeuses dans son entourage pour s'y être habituée. À commencer par celui avec qui elle avait longtemps été et dans les baisers avec le goût du tabac.
– Non, tu peux y aller.
Le soleil était bien remonté dans l'horizon lorsque Joyce ancre le navire à une centaine de mètres de la fameuse crique qu'elle veut lui faire découvrir. Le temps ne lui a pas paru long entre les différentes discussions qu'ils ont pu avoir, mais elle sait qu'elle peut avoir une conception différente de tout ça, habituée aux longs moment de navigation, où ils ne touchaient pas terre pendant des jours et des jours. Joyce espère qu'il ne s'est pas trop ennuyé alors qu'elle termine d'immobiliser le bateau.
– Est-ce que tu as faim ? J'ai pensé qu'on pouvait se baigner un peu par ici avant de préparer la nourriture puis de prendre le canoë pour aller la manger vers la crique, là-bas.
Du bout du doigt elle désigne l'endroit caché et, avantage incontestable, accessible uniquement par bateau ce qui limite bien le nombre de personnes qui y vont.
– D'accord. Ça me laisse toute la journée pour trouver une idée alors !
Qui peut aller de lui faire faire une omelette si elle a un petit creux au milieu de la nuit, à lui imposer de dormir à la belle étoile – après tout, sa seule contrainte à elle c'était de dormir avec lui –, ou même, pourquoi pas, un baiser ? Mais peut-être que c'était tricher d'obtenir un baiser sur un pari, probablement que ça le rendait bien moins intéressant que s'il avait vraiment été désiré. Même si, alors qu'elle récupère la fourchette pour commencer à battre les œufs, l'idée de ses lèvres sur les siennes s'est frayée un passage et mettra un certain temps à disparaître…
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Si Jay savait définitivement briser des œufs, son vrai point faible était clairement la cuisson. Elle s'était demandée s'il n'allait pas réussir à cramer, en plus de leur petit déjeuner, la poêle, la cuisine entière, voir tout le bateau. Et comme elle n'avait pas vraiment envie de ramer jusqu'à Boston avec un canoe de sauvetage, ni de devoir expliquer à ses parents pourquoi leur maison sur les vagues était réduite en cendres, elle s'était sentie soulager de rattraper la catastrophe juste avant que le plat ne passe de doré à noir. Ils ont même pu manger, tranquillement posés à la petite table de la cuisine.
– Tu as rendez-vous quelque part ? observe-t-elle, goguenarde.
C'était ça qu'elle aimait, sur les vagues, les horaires venaient par vagues avec le soleil et l'endroit où le vent voulait bien les pousser. Bien sûr, parfois il fallait respecter certains timing si on voulait avoir la chance de croiser des créatures marines à des moments bien précis de leur quotidien, mais globalement le temps filait différemment sur les flots, bien plus calme. Il n'y avait à courir après pour arriver à l'heure en cours, faire ses courses avant que les magasins ferment ou ne pas louper un rendez-vous chez le dentiste. Et si on n'arrivait pas à apercevoir des requins en pleine chasse parce qu'on arrivait trop tard, ce n'était jamais bien dramatique ; on pouvait toujours repasser le lendemain.
Récupérant les tasses et les verres pour les poser dans l'évier, elle hoche la tête à sa proposition.
– C'est une surprise. Tout ce que je peux te dire, Monsieur le poisson, c'est que tu as meilleur temps d'enfiler un maillot de bain… enfin si l'eau froide ne te fait pas trop peur !
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Lorsqu'elle l'entend monter sur le pont, elle sourit derrière le gouvernail, sans se retourner pour autant, concentrée sur la ligne tracée dans l'horizon. Vêtue d'un short et d'un pull dont la capuche tombe dans son dos, elle a cependant enfilé son maillot de bain sous ses vêtements, comme une seconde peau pour la capitaine autoproclamée. Enfant, il était rare qu'elle ne l'enfile pas automatiquement, devant parfois rebrousser le chemin sur la demande de sa mère quand elle imaginait pouvoir se baigner dans des vagues trop ajoutées et sous de lourds nuages noirs. La combinaison de plongée, en revanche, avait souvent pallié au froid, et Joyce avait parfois l'impression d'avoir appris à plonger avant même de savoir marcher, avant même de vivre sur un bateau en tout cas, alors qu'ils étaient encore à San Francisco. Il était important pour ses parents qu'elle maîtrise tout ça sans sourciller ; hors de question de lui apprendre dans des conditions délicates, en haute mer et avec trop de profondeur sous leurs pieds.
– Je préfère l'océan, il y a plus de surface à explorer.
Toujours plus. Même si, en réalité, ça lui était assez égal, tant qu'elle pouvait naviguer et faire de drôles de rencontres.
Que le père de Jay ne sache pas nager, en revanche, la surprend un peu. Ça lui paraît tellement naturel, et puis surtout, il lui a dit être un nageur, alors qui a bien pu lui apprendre ? Est-ce que c'est sa mère ? Le mystère s'envole sans même qu'elle ait à lui poser la question puisqu'il lui raconte sa chute dans l'enfonce et la manière dont il a réussi à survivre, flottant pour ne pas se noyer, pendant une vingtaine de minutes. Même si l'eau fait partie de Joyce depuis son enfance, elle est tout de même impressionnée ; elle n'est pas certaine qu'à sa place elle aurait pu garder son calme sans maîtriser l'élément.
– T'es courageux. Tu avais quel âge ?
Jetant un coup d'œil dans sa direction, elle écoute brièvement sa réponse avant de se plonger dans ses propres souvenirs.
– Après ma naissance, mon père a pris une année sabbatique pour s'occuper de moi. Il m'amenait tous les jours à la plage et, s'il jugeait le temps acceptable, se baignait avec moi dans les bras. Je ne m'en souviens pas, bien sûr, j'étais trop petite, mais après qu'il ait repris son poste à l'université, il a gardé cette tradition de m'amener tous les jours voir l'océan, soit le matin, soit le soir. Jusqu'au jour où on a commencé à vivre dessus.
Elle jette ensuite un coup d'œil à ses instruments de navigation, faisant rapidement le calcul pour estimer leur moment d'arrivée jusqu'au point qu'elle avait en tête. Ce n'était pas tout à fait à côté, mais elle était certaine que ça pourrait lui plaire.
– Un peu moins de deux heures.
Si l'envie lui disait, ils pourraient se baigner au large, puis prendre le canoë pour rejoindre une petite crique qu'elle connaissait pour pique-niquer. Et sûrement se baigner à nouveau s'il n'avait pas trop froid, car elle ne connaissait pas meilleure sensation que de sentir l'eau glisser sur son corps et le sel picorer sa peau.
Le voyant sortir son paquet de cigarettes de sa poche, elle lui fait signe de la tête que ça ne la dérange pas. Même si elle ne fume que très occasionnellement, l'odeur de la dérange pas et elle a suffisamment connu de personnes fumeuses dans son entourage pour s'y être habituée. À commencer par celui avec qui elle avait longtemps été et dans les baisers avec le goût du tabac.
– Non, tu peux y aller.
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Le soleil était bien remonté dans l'horizon lorsque Joyce ancre le navire à une centaine de mètres de la fameuse crique qu'elle veut lui faire découvrir. Le temps ne lui a pas paru long entre les différentes discussions qu'ils ont pu avoir, mais elle sait qu'elle peut avoir une conception différente de tout ça, habituée aux longs moment de navigation, où ils ne touchaient pas terre pendant des jours et des jours. Joyce espère qu'il ne s'est pas trop ennuyé alors qu'elle termine d'immobiliser le bateau.
– Est-ce que tu as faim ? J'ai pensé qu'on pouvait se baigner un peu par ici avant de préparer la nourriture puis de prendre le canoë pour aller la manger vers la crique, là-bas.
Du bout du doigt elle désigne l'endroit caché et, avantage incontestable, accessible uniquement par bateau ce qui limite bien le nombre de personnes qui y vont.
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