i'm here with you now (oliver)

Un carton dans les mains, je sens mon cellulaire vibrer dans la poche de mon pantalon. Du mieux que je peux, j'essaie de transférer le poids de la boite sur un bras, puis sur un genou et un bras… après quelques tentatives infructueuse, j'en soupire : j'y arriverai pas sans échapper mon matériel ou me casser la gueule. Ou les deux.

Croisant le regard amusé de Shirley au dessus du carton, je lui tire simplement la langue tandis qu'elle se moque de la légère danse que je viens de faire sans que ça n'apporte quoi que ce soit. Dans sa grande générosité et malgré son amusement, elle vient piger mon téléphone. Allumant l'écran, elle m'affiche bientôt le message que j'ai reçu. J'aurais cru qu'il était Carter, mais je vois plutôt le nom de Jax inscrit. Je lui aie laissé mon téléphone, mais je suis tout de même surpris qu'il me contacte parce que ça va pas.

- Tu peux lui répondre que je suis dispo dans quelques minutes, s'te plait? Demandais-je à ma belle-soeur.

Sans poser de questions, elle s'exécute, à l'aise sur mon téléphone comme si c'était le sien. Elle connaît mon code : chaque fois que j'ai des problèmes avec, c'est elle qui me régler tout ca.

- Un nouvel ami?
- En quelque sorte, oui.


Mon matériel artistique étant enfin complètement rendu à ma chambre de la Lowell House, je remercie Shirley. Ça fait des semaines que je demande à mon frère parce que je ne veux pas me claquer 350 voyages en autobus, mais bon, Jason c'est Jason. Ma belle-soeur regagnant Boston, moi je me dirige vers la Mather House. C'est qu'environ 10 minutes. ...bon d'accord, 15 parce que je me suis planté de rue et que j'ai dû revenir sur mes pas. Chuuut.

Cognant à ce que je pense être la bonne porte de chambre, j'ai la confirmation que je me suis pas gourré quand je vois apparaître la silhouette tatoué.

- Pas de quoi. T’as l’air étonné que je sois là, constatais-je avec un léger sourire amusé en entrant dans sa chambre.

J’aurais cru que "Ok, dispo dans quelques minutes » serait assez simple pour qu’il ne soit pas surpris. Ou est-ce que c’est parce qu’on ne s’est vu que deux fois et donc qu’il ne s’attendait pas à ce que je réponde présent ?

Je fronce légèrement le nez, juste un tic, lorsqu’il parle. J’aime pas nécessairement son choix de mots ou même son ton de voix. J’ai l’impression qu’il s’est mis un fardeau sur les épaules. Fardeau beaucoup trop lourd et qui, peut-être, n’a pas lieu d’être.

- Dépressif, je te laisse juger, commentais-je. Connard… meh, je suis pas de ceux/celles qui peuvent te le reprocher, fis-je en haussant les épaules. Fatigué par contre, ça t’en a tout l’air.

Il a l’air perdu aussi. Ou nerveux. Ou… je sais pas trop en fait, mais il est pas bien, ça c’est clair. Sa démarche lourde, son soupir, sa main qu’il passe dans ses cheveux - et qui, par réflexe conditionné, me font faire la même chose - pas besoin d’être devin. Ma main me démange de lui ébourrifé le crâne. Juste pour le déconcentré et le sortir du tourbillon noir. Oh et puis, merde!

- T’es adorable quand tu t’inquiètes, déclarais-je sur le ton de la plaisanterie en lui secouant les mèches, avant de me laisser tomber naturellement à ses côtés sur le bord de son lit. Soit je venais te voir, soit je classais mes tubes de peintures en ordre des couleurs de l’arc-en-ciel,déclarais-je. Donc selon toi, est-ce que j’étais vraiment occupé?

En vrai, je suis plutôt du genre à tout bazardé dans mon étui qu’à classer mes effets par ordre, que ce soit couleur, grandeur ou n’importe. Je fais plutôt artiste bordélique que ceux qui arrive à créer dans un univers blanc et épuré style design norvégien.

- T’en fais pas pour ma soirée, va! J’avais rien de prévu, finis-je par confirmer plus sérieusement.

Carter est avec son chéri, donc mon planning est vide. Qui plus est, elle semble reprendre du mieux alors j’ai la tête un peu plus en paix. Surtout qu’elle n’est pas toute seule. Donc j’aurais probablement passé la soirée à dessiner ou un truc du genre. Mais, apparement y’a quelqu’un qui a besoin de mon soutient moral ce soir alors autant être là.

- Tu m’as écrit, tu m’as dit que t’étais mal, maintenant que je suis là et que t’es toujours mal, qu’est-ce que je peux faire pour t’aider? demandais-je avec un sourire doux, posant mes avant-bras sur mes cuisses, penchant la tête en espérant croiser son regard.

Le fait que ma soirée n'était pas réellement occupée et qu'il ne me dérange donc pas, semble faire son chemin et je ne sais pas si ça lui enlève un poids, mais tant mieux si c'est le cas : ça ne me dérange pas d'être ici. Je suis ses mouvements des yeux tandis qu'il se lève et traverse la pièce pour fouiller dans un des meubles. En le voyant prendre une longue rasade, je tique légèrement. C'est certainement pas pour fêter quoi que ce soit, vu la tête qu'il tire. Acceptant cependant son partage, j'en tire une gorgée tandis qu'il se remet à parler. À ses recommandations de pas aller bavasser, je pouffe de rire, manquant de m'étouffer, tellement ça me semble ridicule.

- Oh men! M'exclamais-je, toussant une fois ou deux, lui tendant son bien avant que je n'en reverse partout. J'aurais pas l'idée d'aller dire que t'es faible nul part, t'en fais pas, riais-je. Et puis, qui me croirait? T'as les biceps de la taille de mes cuisses, lui fis-je remarqué. Le mieux qu'on va me répondre c'est "t'es jaloux, ta gueule", ajoutais-je en riant encore.

On a beau être presque la même hauteur, il fait facilement deux fois ma largeur d'épaules! Le seul temps où je peux avoir l'idée stupide de parler de faiblesse à un type de sa carrure, c'est quand je suis au bar à broyer des idées noires et que j'ai plus assez de filtre pour ne pas déclencher une bagarre. En fait, rendu là, je la cherche volontairement, mais bon, ça c'est une autre histoire.

Alors qu'il s'installe à nouveau sur son lit et me questionne, je me tourne et me replace légèrement pour lui faire face, le fixant un instant en regagnant mon sérieux.

- À dire vrai, Jax, toi et moi, on se connait pas beaucoup, même si on s'est rencontré y'a trois plombes de ça. Alors niveau goût, je sais pas vraiment ce que t'aimes faire. Je sais pas non plus ce que tu fais en temps normal pour te défouler, donc c'est un peu difficile de te le proposer. Qui plus est, si t'es versé sport… well, je crois que tu remarques assez facilement que c'est pas vraiment mon domaine, fis-je en riant doucement, pointant ma silhouette de haut en bas. On peut toujours sortir et aller marcher, ou aller en boite, rester et mater un film; n'importe quoi. Suffit de dire, expliquais-je. Mais sinon, c'est quoi le problème?

- Je suis pas jaloux, non, riais-je doucement. Chacun son style, je suis très bien avec ma personne.

J’ai beau être trop maigre selon certains, pour ma part, je suis bien à l’aise avec ma silhouette. Une preuve étant possiblement que je passe la plupart de mes journées en skinny jeans. Pour ce qui est des hauts trop larges, c’est d’une part une question de confort et de l’autre …une incroyable flemme de ma part. Après, si je voulais vraiment être plus musclé, faudrait que je commence par faire du sport, chose qui m’intéresse pas particulièrement. Je préfère encore passé des heures devant une toile.

Un peu étonné, je le vois soulevé son t-shirt et mes yeux suivent ses doigts tandis qu’il joue avec sa peau pour m’expliquer ses dires. Mon regard s’attarde sur l’encre qui s’étends sur sa peau un moment - il est plus marqué que dans mon souvenir - avant qu’il ne replace le tissu et me conseille de ne jamais l’inviter à table. J’en ris doucement.

- Tu ferais pitié si tu devais m’avoir comme cook. Pas que je cuisine mal, là-dessus, je crois que je m’en tire pas trop mal, mais j’oublie de manger la plupart du temps, expliquais-je. C’est pas super sain, je le reconnais, et ça tombe particulièrement sur le système de mon frère aîné, mais… je sais pas, quand je travaille, je ressens pas la faim. Trop concentré probablement. Mon organisme fonctionne en grande partie à la caféïne et à la nicotine, fis-je avec une moue coupable, haussant ensuite les épaules parce que je sais que ça ne changera pas.

Honnêtement, pour suivre un régime de trois repas par jour, faudrait que j’active des alarmes sur mon téléphone pour m’obliger à décrocher de ce que je fais et me forcer à prendre un truc pour avaler quelque chose. Et je sais déjà que ça fonctionnera pas. Le meilleur moyen reste encore quand je vivais avec Saël, puisque lui mangeait correctement. …ou quand Jason m’attrape par la peau du cou pour que je ne passe pas par-dessus un repas.

Tandis qu’il me demande ce que je pourrais faire pour le cheer up s’il me laisse le champ libre, je reconnais ne pas trop savoir, puisque, on se le cachera pas, on se connait pas vraiment. Je lui propose des trucs, franchement usuel, lui demandant de me donner des idées s’il le veut. Quand il me dit qu’il n’a aucune envie de sortir, j’ai un mouvement de la main pour balayer ses excuses avec un simple sourire. C’était des propositions, pas des obligations.

Mon sourire s’affaiblit peu à peu alors qu’il me livre le pourquoi de sa déprime. J’aurais pas cru que c’était aussi lourd comme sujet. J’aurais préféré qu’il me dise qu’il s’est blessé un muscle et qu’il devait renoncer à une quelconque compétition. Le genre de trucs qu’il aurait pu reprendre l’an prochain. Ça aurait fait chier, mais ça aurait été « réparable » en quelque sorte. Tandis que là… Là, c’est même pas comparable. Le premier coup à encaisser était d’apprendre qu’il avait un fils. Après une possible acceptation de sa part, c’est de se dire qu’il ne le connaîtra jamais parce qu’il n’est plus de ce monde. Rendu là, je ne sais pas si c’était pas mieux pour lui de ne jamais avoir su qu’un Jackson junior a pu exister. C’est pas comme s’il pouvait continuer sa vie en se disant que ça change rien. Il y a forcement une faille qui s’est faite à l’intérieur de lui. Quelque part. Pour preuve, il est loin d’être en forme ce soir.

- Je serai probablement jamais à ta place, mais… commençais-je en cherchant quoi dire exactement. J’essaie de figurer le vide et le mélange d’émotions qui doivent cogner.

Je marque un temps d’arrêt, baissant la tête. Je sais pas vraiment quoi dire au final. En juin dernier, quand j’ai su que ma mère refaisait surface après près de 20 ans d’absence, mais qu’elle risquait de mourrir, j’ai tout plaqué pour prendre le premier vol pour me rendre à son chevet. Les oreilles qui bourdonnent tellement le coeur bat fort, le cerveau qui focussent que sur des informations qui concernent l’évènement… C’est un peu la même chose pour lui j’imagine. Sauf que ma mère a passé l’opération. Elle respire encore aujourd’hui. Lui n’a pas cette chance.

- Tu sais s’il était malade? demandais-je faiblement, relevant la tête pour croiser son regard, passant une main dans mes cheveux pour les ramener vers l’arrière.

Qui sait si de se dire qu’il aurait souffert de X maladie n’aidera pas à ce qu’il passe un peu plus facilement par dessus. …si on peut vraiment passer par-dessus ça.

Tandis que je dis que mon corps fonctionne en grande partie sur la caféine et la nicotine, il affirme qu’il fume aussi et laisse entendre que c’est pas toujours dans la légalité. Quand il dit que c’est pour oublier, j’ouvre la bouche, prêt à lui proposer de fumer ce soir, mais avant que je n’aie prononcé une syllable, il chasse l’idée. Il ne veut pas oublier son enfant. …dont il a vu des photos si je comprends bien. Je suis pas porté sur les enfants, en grande partie parce que je considère que j’ai de la difficulté à prendre soin du grand enfant que je suis moi-même, alors je vois pas comment je pourrais réellement avoir quelqu’un à charge. Mais bon, j’irai pas lui dire. Je me contente d’un doux sourire quand il affirme que son fils était adorable.

Il m’explique ce qui s’est passé, mentionnant le nom d’une fille qui me dit vaguement quelque chose, mais sans plus. La mère et l’enfant ont eu un accident de voiture et le petit n’a pas survécu. Un soupire profond s’échappe de ses poumons et je n’ajoute rien de plus. Qu’est-ce que je pourrais dire?

Ça me fait mal pour eux en vrai. Les parents, je veux dire. Ben… le petit aussi, mais… il souffre plus et eux sont encore là. M’enfin… putain ça parait cruel dit comme ça! Mais je sais pas comment l’exprimer autrement. C’est ceux qui restent derrière qui sont fracturés. Et Jax me laisse croire qu’il s’était fait à l’idée d’avoir de la descendance. Ne sachant pas trop quoi faire ou dire, je baisse à nouveau la tête, triturant mes jointures tatouées. Sa bouteille passant dans mon champ de vision, je m’y focusse, réalisant qu’il me la passe à nouveau, probablement après en avoir descendu une rasade. Je fais pareil tandis qu’il me dit qu’on change de sujet, me dictant de trouver un truc pour qu’il pense à autre chose. Lui redonnant la bouteille alors que le liquide me réchauffe la gorge, je le fixe un instant, penchant légèrement la tête sur le côté. Je veux bien te faire penser à autre chose Jax, mais je sais pas de quoi te parler. Je me vois mal me lancer dans l’optique de la peinture, je me doute que c’est pas nécessairement ton sujet de prédilection. Même si bon, je pourrais avoir des surprises. Pourtant, ça me ramène un truc anodin en tête. Un hochement de tête imperceptible et je me dis que ça peut-être un départ.

- Dis, cherche pas nécessairement le lien, mais t’en plus tatoué qu’avant non? questionnais-je, pockant son ventre quelque par entre son nombril et son plexus pour illustrer mes dires. Dans mon souvenir, on voyait un peu plus ta peau.

Possible que ce soit ma mémoire qui défaille aussi. Mais si ma peau est plus marquée depuis la première fois qu’on s’est vue, la sienne doit l’être aussi. Je pensais que j’avais la piqûre, mais mon canevas est encore presque vierge comparé au sien.