LETICIA ▬ ma meilleure amie m'fait voir la vie autrement.

J'avais passé ma journée entière assise dans mon lit, avec le cafard post Spring Break, mais dans l'après-midi, j'avais un rendez-vous important avec ma banque. Ma conseillère financière, qui se trouvait derrière son ordinateur avait cafté à mon père que j'avais fait des folies en Jamaïque. Cette enflure devait se lécher les babines en m'enfonçant auprès du paternel. Soit, j'ai réussi à sauver mes fesses, en lui précisant que c'était un évènement occasionnel, et que j'étais à l'antithèse de la fêtarde qu'elle avait pu constater. Les ornements décoratifs de son bureau et ses tableaux de dodos me donnaient envie de m'en servir d'essuie-mains tellement c'était moche. En sortant de l'établissement bancaire, je me baladais dans les rues de Boston, avant d'apercevoir une jolie blonde, aussi tatouée que moi, dont la silhouette m'arrachait un large sourire. « Leti ?! » criais-je derrière elle, en espérant qu'elle allait se retourner.

Après avoir passé ma matinée a réviser avec tous mes livres de psycho, j'avais bien besoin de prendre l'air. Alors je décidais d'aller faire quelques boutiques dans les rues de Boston. Comme c'est bientôt l'été, je pense qu'un short en jean de plus dans mon armoire s'impose. Une fois sortie du magasin avec deux shorts en jean -car oui je n'ai pas pu résister à la tentation du shopping-, je continuais tranquillement ma balade quand j'ai eu l'impression d'entendre une voix familière m'appeler. « Leti ? » Quand je me suis retournée, j'étais sous le choc. J'avais l'impression que mon coeur allait exploser de bonheur en voyant Harley, ma meilleure amie, un peu plus loin derrière moi. Elle a toujours énormément compté dans ma vie. « Harley, c'est bien toi, je rêve pas ? » lui dis-je en m'approchant d'elle, en repensant à toutes les choses qu'on a vécues ensemble, comme nos bêtises, et à ce fichu sentiment de culpabilité qui me ronge encore depuis cette soirée de merde qui l'a transformée à jamais. Elle m'a tant manquée, on a tant de choses à se dire et tant de temps à rattraper, que j'écartais mes bras pour la serrer fort contre moi.

Comparée à celle de la Jamaïque, la météo de Boston n'est pas au beau fixe, de ce fait, j'avais une petite veste sur le dos. Le soleil est présent, mais pas la chaleur. Mais quand j'ai cru voir ma meilleure amie, j'étais heureuse, et je sentais mon âme se réchauffer un peu plus. Trop de personnes reviennent dans ma vie actuellement. D'abord Aly, maintenant Leticia, je sentais que j'allais bien kiffer cette année. Quand elle a capté que l'appel dans la rue venait de moi, elle se demandait si elle n'était pas en train de rêver, puis elle courait vers moi, chose que je fis également, avant de me jeter dans ses bras, comme une enfant, serrant mes jambes à ses hanches, et mes bras autour de son cou. « Putain c'que tu m'as manquée Leti ! J'suis trop contente de te revoir. T'es ici combien de temps ? » J'avais tellement de questions à lui poser, tellement de choses à lui raconter, et j'étais tellement excitée à l'idée de pouvoir passer à nouveau du temps avec elle que je ne la lâchais pas.

Je ne rêvais pas, c’était bien ma Harley. J'ai même pas eu le temps de lui sauter dessus qu'elle était déjà accrochée a moi, avec ses bras autour de mon cou et ses jambes autour de mes hanches. Le câlin parfait. A ce moment là, je lui fais un énorme bisou sur ses belle joues toutes rouges « Putain c'que tu m'as manquée Leti ! J'suis trop contente de te revoir. T'es ici combien de temps ? » Quand elle me dit ça alors qu'elle est encore accrochée à moi, je n'ai même plus envie de la poser à terre. Je suis tellement heureuse de la retrouver que dans ma tête tout se bouscule, et à ce moment là, je décide de rester ici avec elle. J'irai où elle ira, même si c’était pas forcément prévu, mais je compte pas la laisser seule, et je n'ai pas du tout envie de partir loin d'elle. Plus maintenant. Cette année, je suis décidée à lui ouvrir mon cœur, mais pour le moment, je la serre fort contre moi et je profite du moment présent. Après ce gros câlin, je la repose doucement. « Moi aussi je suis trop contente de te revoir tu m'as trop manquée ma chérie. Raconte moi comment tu vas ? Tu as le temps, là ? Tu veux qu'on aille boire un verre ? Ne t'inquiète pas je vais rester ici encore un bon moment. » lui demandais-je en la tenant par la main, car inconsciemment, je ne voulais pas la lâcher.

Ma jolie Leticia, ma meilleure amie, ma soeur, mon sang, mon tout. Sans elle, je ne serais plus là depuis longtemps. On se connait depuis tellement de temps maintenant, c'est tout comme si nous avions toujours vécu ensemble. On a grandi ensemble, joué ensemble, eu notre première cuite ensemble, nos premiers délires d'adolescence ensemble, notre premier bisou innocent ensemble, on a même fait notre premier tatouage ensemble. Elle était là après que Bastian m'a violée, et quand Aly m'a abandonnée. Elle a toujours été là pour moi, dans les bons comme les mauvais moments, et le fait de la revoir à cet instant me remémore toutes ces aventures et épreuves qu'on a partagées toutes les deux et des larmes de joie me montent aux yeux. Trop d'émotions se trouvaient en moi à cet instant précis. « J'vais super bien, j'suis trop heureuse de te revoir ! Ouais j'ai le temps pour boire un verre, même une bouteille si tu veux. » lui dis-je en souriant, remarquant que ma main était toujours dans la sienne. Cela ne me dérangeait pas, j'étais dans les nuages de la retrouver. « Viens, je t'emmène dans le meilleur bar du coin pour te raconter touuut ce qu'il s'est passé ces trois dernières années. Même si y a rien d'intéressant, si ce n'est que depuis quelques mois. » Je sous entendais le retour de Calixte, les retrouvailles catastrophiques, la prise de tête qu'on a eue. Tout en gardant sa main dans la mienne, je l'entraînais vers un bon bar de Boston. « Et toi, la Floride ? T'as couché avec combien de personnes en trois ans ? la taquinais-je alors, en connaissant parfaitement sa réputation de bombe sexuelle.

Harley, rien que son prénom me donne des frissons. Cette fille c'est ma princesse à moi, je l'aime tellement même si elle le sait pas encore. J'arrive toujours pas a réaliser qu'elle se trouve en face de moi, et mon cœur bat si fort, quand je suis avec elle. J'ai tellement envie de l'embrasser, ses yeux me font tourner la tête. « J'vais super bien, j'suis trop heureuse de te revoir ! Ouais j'ai le temps pour boire un verre, même une bouteille si tu veux. Viens, je t'emmène dans le meilleur bar du coin pour te raconter touuut ce qu'il s'est passé ces trois dernières années. Même si y a rien d'intéressant, si ce n'est que depuis quelques mois.» Quand elle me parle, je la regarde et je bois toute ses paroles. Ma main dans la sienne, elle m’embarque pour aller boire un verre dans un bar. Mais avec toutes les choses qu'on doit se raconter je pense qu'on va y passer la nuit. J'ai l'impression d’être dans un autre monde. « Et toi, la Floride ? T'as couché avec combien de personnes en trois ans ? » C'est justement cette question là que je voulais éviter. J'ai jamais réussi à me poser parce que j'en ai jamais vraiment eu envie je dois l'avouer, sauf avec elle car c'est la seule pour qui je suis prête a tout. « Pas tant que ça en fait, tu sais c’était très difficile d’être loin de toi, très dur de pas pouvoir te voir et me confier à toi. J'ai toujours eu besoin de tes conseils avant de me lancer avec quelqu'un et sans toi c’était pas pareil. Tu n'étais pas là pour m'engueuler donc c’était beaucoup moins drôle. Mais maintenant tu es là et je compte bien rester avec toi. » Quand je me suis rendue compte de ce que je venais de lui dire, j'essayais de rattraper mes paroles avant qu'elle ai le temps de se rendre compte que j’étais rouge comme une tomate et que mes paroles étaient celle d'une fille qui était pas indifférente. « Bon, allons boire cette bouteille, on a toute la soirée pour discuter de tout ça !» On se tenait la main comme des enfants dans les rues de Boston et j'avais hâte qu'elle se confie a moi comme avant.

On discutait de tout et de rien sur le chemin menant au bar où je voulais l'emmener, alors que nos mains étaient toujours liées l'une à l'autre. Elle me racontait qu'elle n'avait pas eu tant de conquêtes que ça depuis trois ans, que sans moi dans sa vie ce n'était pas aussi drôle, que mes conseils lui manquaient dans ses relations, et que désormais, elle comptait bien rester près de moi. Ces mots me touchaient, car je ne pouvais pas imaginer qu'elle pouvait partir dans les semaines ou les mois à venir, car j'ai trop besoin d'elle dans ma vie. Cependant, je ne remarquais pas son visage rougit par la honte de ses paroles, jusqu'à qu'elle change de sujet. Je ne disais rien jusqu'à qu'on arrive au bar dans lequel je voulais l'inviter, et je trouvais les portes de l'établissement fermées, pour cause de congés annuels. Légèrement agacée par cette fermeture dont je n'avais pas connaissance, je laissais échapper un « Putain fait chier. » assez audible, avant de me mettre à rire. « Tant pis, on ira ici quand ils reviendront de vacances ! Si tu veux, on va acheter une bouteille, on va chez moi et on se fait une bonne soirée à l'ancienne, qu'est-ce que tu en penses ? » dis-je à la jolie blonde près de moi, avec un large sourire aux lèvres. Si mes souvenirs sont exacts, son alcool préféré est la vodka, et l'accompagnement, cramberry, tout comme moi. Et je sais qu'elle ne refuse jamais des shooters de tequila. Alors on partait en direction de l'épicier du coin pour acheter deux bouteilles de spiritueux et le diluant de la russe, ainsi que quelque chose à grignoter, histoire de ne pas finir la tête dans la cuvette à un moment de la soirée. « J'vais bientôt acheter un nouvel appart', tu veux bien être ma colocataire ? » lançais-je comme ça, sans pression, à peine sorties de l'épicerie, à ma meilleure amie. J'espérais qu'elle accepterait, même si je sais très bien que si je venais à me réconcilier avec Aly, ça partirait en sucette complet. Mais je voulais prendre le risque, car j'ai trop souvent été sage ces trois dernières années, et je ne veux pas qu'elle remarque à quel point j'étais mal jusqu'à présent.

Une fois devant le bar, on se rend compte qu'il est fermé. Harley un peu énervée, sort un « Putain fait chier. » Normal ? A ce moment là, je me mets à rire, puis elle me propose d'aller chez elle et de passer chercher à boire avant. Bien sur, comment refuser ? D'un côté, je préfère me retrouver seule avec elle, plutôt que dans un endroit public, où les gens vont écouter notre conversation. Même si je me retrouve un peu stressée, je ne sais pas ce qu'elle a fait durant c'est trois années. Peut-être qu'elle a quelqu'un dans sa vie, tant qu'Aly n'est pas revenue, moi ça ne me dérange pas. Je veux son bonheur, et s'il y a bien quelqu'un qui est incapable de ne pas lui faire du mal, c'est bien cette sale brune que je ne supporte pas. Une fois sorties de l'épicerie, et en direction de l'endroit où vit Harley, on discute un petit peu « J'vais bientôt acheter un nouvel appart', tu veux bien être ma colocataire ? Sur le moment, je m'arrête de marcher. Je suis choquée. Est-ce que j'ai bien entendu Harley qui me propose d'être sa colocataire ? Je sais pas quoi répondre. En fait, ça dépend de sa situation, parce que je me vois mal la voir tous les matins en petite culotte avec sa copine à coté. Je ne sais pas quoi lui répondre, mais malgré tout, j'ai toujours rêvé de vivre avec Harley. C'est celle que j'aime depuis longtemps. Sur le moment, je préfère lui dire « Je sais pas, oui. Enfn, ça dépend. Je veux pas m'imposer. Avant, raconte moi un peu ce qui t'es arrivé pendant ces trois dernières années ? » J'étais complètement perdue. J'aimerais tellement qu'elle soit mienne pour toujours, et pourtant je me pose trop de questions sur sa vie avant que je ne revienne. Est-ce que l'autre est revenue dans ses bras, a t-elle trouvé le bonheur ailleurs, s'est-elle enfermée dans une bulle depuis Aly ? Bien sûr que je veux vivre à ses côtés, mais je veux avant tout savoir comment elle vit désormais. Et ces réponses, je ne les auraient qu'une fois chez elle.

Je n'ai jamais compris pourquoi Leticia et Calixte ne pouvaient pas trop se supporter, comme s'il y avait une rivalité entre les deux. A l'époque, elles voulaient toutes les deux mon bonheur, et je ne peux pas dire que j'étais malheureuse, bien que cette tension entre les deux femmes qui font partie intégrante de ma vie noircisse un peu le tableau de cet équilibre parfait de bonheur. J'ai toujours laissé couler cette histoire entre elles, sans trop me mêler, tant que je n'y étais pas forcée. Jusqu'alors, ça n'est jamais arrivé, puisque je n'avais pas vu Aly depuis son départ, et ce jusqu'à son retour il y a quelques semaines, et que ma meilleure amie n'a débarqué qu'il y a quelques jours, tout au plus. Mais maintenant qu'elles sont toutes les deux ici, quelles seront les conséquences ? Comment Leti va réagir si je lui dis qu'Aly est en ville et qu'elle m'a dit qu'elle m'aimait encore ? Comment elle va réagir si je lui dis qu'on s'est également disputées en plein milieu d'une rue bondée du campus ? Et que va dire Aly si elle sait que Leti est là ? Ca sent les problèmes, tout ça. Alors quand elle me dit que ça dépendait de ma situation de ces trois dernières années, qu'il fallait que je lui raconte, j'haussais les épaules furtivement. « Rien de très intéressant, tu sais..» Je ne savais pas trop comment lui dire, mais il fallait que je prenne mon courage à deux mains pour cracher le morceau. Après tout, je n'ai rien fait de mal. « Calixte est revenue, il y a quelques semaines. » La bombe était lancée, et je m'arrêtais un instant pour tenter de discerner quelque chose sur le visage de mon amie. Que ce soit un choc, de la haine, du dédain, du mépris, de l'indifférence, de la jalousie, n'importe quoi. Je voulais voir sa réaction avant de dire quoi que ce soit d'autre, qui pourrait bloquer toute communication. Et je sens très bien que je vais en prendre plein la tronche.

Je n'ai jamais accepté la relation entre Harley et Aly, tout simplement parce que je déteste cette crevure. Et je la déteste encore plus depuis qu'elle a abandonné Harley, parce qu'elle a détruit la partie d'elle que j'aimais tant. Cependant, son départ nous a beaucoup rapprochées, donc je sais pas si je dois lui dire merci ou lui dire à quel point je la hais. Parce que même si j'étais bien contente de me retrouver seule avec Harley, je savais bien qu'elle allait mal à cause du départ d'Aly. Quand je lui demande ce qu'il s'est passé durant ces trois années et qu'elle me dit « Rien de très intéressant, tu sais..», je sens bien qu'elle me cache quelque chose, et que sa phrase n'est pas finie. J'ai peur de ce qu'elle va me dire. « Calixte est revenue, il y a quelques semaines. » A ce moment là, j'ai l'impression que mon cœur va s’arrêter de battre, que je suis dans un cauchemar et je me dis que ce n'est que le début. « T'es sérieuse ? Ecoute, arrête. Ne dit plus rien. Pas ce soir, s'il te plait, je veux pas qu'on parle d'elle et encore moins en public. » J'avais la haine, le démon. Je suis dégoûtée de savoir que la sale brune était de retour dans sa vie et par la même occasion, dans la mienne. Je décide de la prévenir directement. « Je veux bien vivre avec toi, mais je veux pas vivre à trois, encore moins avec Aly. Mais bon, allons boire cette bouteille. Je pense qu'on en a bien besoin, tu crois pas ? » J'étais motivée comme jamais. En fait, ce qu'elle venait de me dire me donnait encore plus envie de profiter de cette soirée, car demain je pense que la réalité des choses va nous rattraper. Donc j'attrape Harley pour la prendre dans mes bras et lui murmure « Je ferai tout pour prendre soin de toi. » Comment lui en vouloir ? Elle n'y était pour rien. Maintenant, je n'avais qu'une idée en tête, profiter de chaque moment seule avec elle. Je relâchais mon bras qui se trouvaient autour d'elle, toute joyeuse. « Bon, on est encore loin de chez toi ? » Je recommençais à marcher droit devant moi, en espérant aller dans la bonne direction.