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C'est juste que quand j'te vois, ça fait comme des flashs dans ma tête.
12 octobre. Je retourne à la vie. A la réalité là, dehors. Je me suis réveillé ce matin calme et serein, étrangement. Comme si je m'étais résigné à l'idée de devoir exister dehors à nouveau. Bien sûre, j'appréhende ce qu'il m'attend. Un mois hors système, ça vous éloigne d'absolument tout. Je ne connais plus les histoires d'Harvard, pas même celles qui me concernent. Ou est-ce que j'en suis là dehors ? Qu'est ce qu'il se dit sur moi ? Et puis, chaque fois que j'ai dormi hors de cette chambre avec la permission des médecins, il s'est passé un truc : le paintball avec les Mathers et ma crise d'angoisse, le feu à l'Eliot House quand je dormais avec Gabrielle. J'finis par prendre les choses avec cynisme, ce n'est pas possible d'être à ce point victime de la malchance, j'accumule les déboires de la vie, et arrivé à un certain stade, il ne me reste plus qu'à hausser les épaules et dire tant pis. C'est peut-être cette résignation qui me pousse à l'accalmie. Comme chaque matin, je change le pensement à mon pectoral, le bandage à ma cuisse. Je m'habille d'un sweat shirt confortable et d'un jean noir. Je prends mes anti-douleurs, peste contre les dégats qu'ont fait subir les perfusions à mes tatouages et me lève à l'aide de ma béquille. Je boite encore, mais ce n'est qu'un moindre mal par rapport aux semaines précédentes. Je fais le même rituel chaque matin. Sauf que cette fois, c'est le dernier. La dernière fois. Je ne sais pas si je suis triste ou heureux. La vérité je crois, c'est que j'ai affreusement peur. D'y retourner, de ne pas m'en sortir, d'avoir trop changé. Affreusement, affreusement peur. Je n'ai appelé personne, parce que je ne voulais que personne ne se déplace pour moi. J'ai réussi à éloigner Gabrielle de l'hopital, je sais bien que pour les huit milles jours à venir j'irais dormir avec elle à l'Eliot alors je voulais ... je ne sais pas. Un temps solitaire pour me reconnecter à moi-même. Il est dix sept heures quand je signe les papiers de sortie. Dix huit quand Kenneth, mon chauffeur, arrête la limousine aux abords du parc de l'univeristé. Je lui demande de ralentir parce que ... C'est bizarre. Je ressens des choses bizarre. Je ne suis pas si serein que ça, ça ressemble à de l'appréhension, à de l'angoisse. Je souffle un bon coup, comme m'a appris la sophrologue pendant ma rééducation. Et je lui demande de continuer sa route. Vers l'Eliot ? Non, je n'ai pas envie. Pas maintenant, pas maintenant. Mes yeux dévient vers le panneau qui indique le gymnase et je somme Kenneth de m'y conduire. Combien de probabilité de chance y a-t-il que Lara ait un cours aujourd'hui ? Je n'en sais rien. Et pourquoi c'est là que je vais ?! Je le sais encore moins. Je ne contrôle pas mon esprit. Pas même quand il me dit que c'est le seul endroit où là, tout de suite, il se sent en sécurité, il a envie de se retrouver. Priant sans se l'avouer, y rencontrer Lara. Je descend de la voiture et arpente péniblement les couloirs du gymnase à l'aide de ma béquille. Je déteste les regards complaisants qu'on me lance, je déteste ne pas porter de costume et ressembler à un adolescent attardé. Ma béquille résonne presque dans le couloir vide et j'entends au loin des sons de musiques. J'avance, difficilement, jusqu'à me retrouver contre un mur, juste devant une immense vitre qui donne sur l'intérieur de la pièce. Je m'appuie épaule au mur comme je suis fatigué et concentre mes yeux sur cette vitre. Des danseuses. Elles se ressemblent toutes de dos. Mais il y a celle là devant que mon esprit semble avoir reconnu avant moi. Sans comprendre pourquoi, je me mets à sourire. Et à rire. Et à sourire encore. Plus attendrie que jamais par le spectacle qui s'offre à moi. Peut-être que c'est elle. Peut-être que c'est Lara. Oui, il n'y a pas de doute. Sinon, ça ne me ferait pas ça. Pas comme ça.
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