J'aurais presque envie de le fraper. De l'assomer. Qu'il s'endorme dans un coin de la salle et qu'il se réveille dans quelques heures, sain et sauf.
Misha et moi on se ressemble, on est têtus et on tient l'un à l'autre plus qu'on tient à nous-mêmes. Je préfèrerais mourir que de le voir blessé, il préférerait mourir que de me voir blessée. Si quelques minutes plus tôt, j'avais peur de me voir emmenée par les ennemis de mon père, à présent je ferais tout pour qu'ils me prennent sans faire le moindre mal à
Misha. Alors quand je le vois qui continue, qu'il se laisse pas intimider par le russe, je comprends que cette histoire va mal finir. Je me rends compte que de toute façon, l'un de nous va finir blesser et que la seule chose à faire, c'est faire en sorte d'atténuer la situation. Faire en sorte que ça ne soit pas lui.
« Misha, s'il te plait, laisse tomber ! » je lui demande une dernière fois. Je dis pas ça car j'ai peur pour ma vie, mais parce que je sais que sa réaction ne résoudra rien. Que de toute façon, si je me fais tirer dessus, ce sera tout de suite après son tour et qu'on aura tout perdu. La suite se passe vite, trop vite.
Misha profite de l'hésitation de notre agresseur pour s'avancer, ce dernier panique.
Misha attrape une bouteille pour la lui jeter dessus avant de le fraper et me libérer de l'emprise du russe. Il me dit de partir alors je plonge mon regard dans le sien l'espace d'une seconde avant qu'il n'aille se battre. Une seconde, c'est tout ce dont j'avais besoin pour me convaincre de ne pas partir. Je partirais pas sans lui. Je refuse de m'en sortir en sachant que cette seconde a été la dernière. Je refuse d'éduquer notre enfant en devant lui expliquer que son père est mort en sauvant ma vie. On est pas dans un film, tout ça n'a rien de romantique. Le vrai romantisme, c'est le bonheur, le bonheur à deux, c'est de vivre longtemps ensemble. Alors je fais l'inverse de ce qu'il me dit. Je reste dans le périmètre, j'essaye de trouver un moyen pour le séparer du russe, pour lui sauver la vie à lui afin qu'on puisse se sauver ensemble. Je vois qu'autour de moi, certaines personnes s'affairent pour s'enfuir, que les russes ont cessé de tirer sur la foule. Qu'il y a beaucoup de blessés, voire même des morts. Mais mon regard de s'attarde pas sur le sang ou l'horreur de la scène, mais plutôt sur nos assaillants. Je vois que certains fixent la scène entre l'un de leurs collègues et Misha. Ils ont l'air de pas apprécier, ils se disent que cela va compromettre leur mission. Ils lèvent donc leurs armes vers eux. L'espace d'une seconde je me dis qu'ils n'oseraient pas tirer d'aussi loin sur l'un d'entre eux, puis je me rappelle qu'il s'agit de la mafia. Que si un de leurs hommes les gêne, tant pis. Alors je réagis. Je fais quelque chose de fou. Quelque chose de peut-être pas très intelligent, de lourd en conséquences. Mais quelque chose que je ne vais pas regretter. C'est presque une réflexe tellement ça me vient naturellement. J'ai pas eu besoin de réfléchir, d'hésiter, je le fais c'est tout. Je m'interpose entre
Misha et les russes. Deux balles viennent l'une après l'autre déchirer ma robe d'argent qui se teint rapidement de rouge. La douleur est fulgurante mais le choc empêche le moindre son de sortir de ma bouche. J'ai la respiration coupée et ce n'est que lorsque je m'écroule au sol que l'oxygène finit par retrouver son chemin jusqu'à mes poumons. J'ai le réflexe de porter mes mains à mon ventre mais je n'ose pas y jeter un coup d'oeil. Je sais que c'est mauvais rien qu'à la sensation du sang sur mes doigts.
✻✻✻ CODES © LITTLE WOLF.