HAPPASIYA ► everytime here for you

Rares étaient les soirées que je passais dans le cottage depuis l'arrivée au Summer Camp mais ce soir-là, j'avais décidé de faire une exception à la règle et de rester en compagnie d'Anabel devant une pizza et la télé, d'autant que le temps n'était pas au beau fixe à l'extérieur et je craignais une averse. Je préparai le petit salon pour notre soirée entre soeurs tandis qu'Anabel lisait une BD près de la baie vitrée.

Il était rare que l’angoisse d’Happy soit telle qu’il vienne en demander carrément de l’aide. Mais là, c’était trop, trop vite, et il ne pouvait plus suivre. Aussi, après s’être payé une bonne crise de larmes en solo, caché des regards indiscrets, il chercha les yeux rougis le cottage où habitait Anastasiya pour l’intégralité du Summer Camp. L’américain ne savait pas encore si elle était seule ou accompagnée pour cette soirée, mais au pire, il ne prendrait que quelques minutes de son temps. Juste vider son sac, essayer de faire semblant d’aller mieux puis repartir. Les cheveux en bataille, les yeux comme explosés, il frappa énergiquement à la porte de ce fameux cottage, attendant que sa brune préférée ne vienne lui ouvrir. « Tu as deux minutes à m’accorder si tu es seule ? » fit-il, encore tout tremblant, au bord d'une nouvelle crise d'angoisse. « Sinon je repasse ! »

Je n'attendais aucune visite ce soir-là. D'un autre côté, rares étaient les personnes à venir me solliciter. Je n'entendis pas frapper à la porte, contrairement à Anabel qui n'était pas loin. Malgré mes recommandations, elle alla ouvrir après avoir abandonné son livre et parla d'une petite voix aigüe.

-Bonjour ! Vous êtes qui ?

J'entendis alors Anabel parler sans comprendre ce qu'elle disait vraiment. C'était rare qu'elle discute alors je fus immédiatement inquiète et allai aussitôt dans le salon.

-Happy ? Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

Happy avait parlé sans même trop regarder qui lui avait ouvert au juste. Gravissime erreur, puisque cette jeune femme n’était pas Anastasiya. Il demeura bouche bée quelques instants face à sa question, déglutissant avec difficulté tant il se trouvait couillon face à cette inconnue. Ceci étant, il n’eut pas besoin de dégoiser trois mots que la jolie brune venait d’apparaître, lui demandant ce qu’il faisait ici. « Oh rien de spécial, c’est pas très grave. Je ne savais pas que tu étais en compagnie de quelqu’un j’aurais dû au moins t’envoyer un texto… profite de ta soirée, on parlera plus tard ! » fit-il hochant la tête pour appuyer ces propos. « Désolé je ne me suis pas présenté. Happy, un ami d’Anastasiya. Je pense qu’on pourra faire connaissance plus tard, ce sera un plaisir » tenta-t-il un sourire avant de tourner les talons. Non, il ne se dévoilerait pas face à une inconnue, fallait pas déconner. Noyer son angoisse dans l’alcool, c’était son plan b.

Pas besoin de connaître Happy sur le bout des doigts pour me rendre compte que quelque chose n'allait pas chez lui. Apparemment la présence d'Anabel dérangeait, il est vrai que je ne parlais d'elle à personne et que peu de monde connaissait son existence. Ressentant le mal-être de Happy, je m'approchai de ma soeur pour lui demander d'aller finir de préparer la table, ce qu'elle fit sans rechigner. Je rattrapai alors Happy par la main et lui fis face.

-Tu ne me déranges pas du tout Happy.

Je gardai sa main dans la mienne et le regardai de plus près, mes soupçons étaient confirmés.

-Qu'est-ce que tu as, je vois bien que quelque chose ne va pas.

Happy se serait volontiers confié à Anastasiya, parce qu’elle avait toute sa confiance, mais hors de question de le faire devant quelqu’un qu’il ne connaissait en aucune façon. Son côté secret et pudique se dévoilait facilement dans ces moments là et ce fut la raison pour laquelle il tourna les talons. Fort heureusement, la brune le rattrapa bien vite, à l’extérieur, prenant sa main dans la sienne sans pour autant la lâcher ensuite… fatalement, il se retourna pour lui faire face, dévoilant son visage marqué par l’angoisse et la peine. « A la fois je le sais et d’un autre côté je ne pouvais pas me confier face à une inconnue, tu me connais… on peut en parler plus tard sinon tu sais » reprit-il n’en démordant pas au départ, avant que son ananas préféré n’insiste à son tour, avec la douceur étant la sienne. « C’est mon ouïe » fit-il quasiment sans émotion. Il valait mieux, sans quoi les larmes reviendraient.

Pas question que je laisse Happy repartir alors que je pouvais aisément voir qu'il n'allait pas bien moralement, ça aurait été indigne de ma part. Et puis le voir comme ça me pinçait le coeur. Je pris sa deuxième main dans la mienne, continuant de lui faire face.

-Je te comprends, mais ne t'inquiète pas, Anabel est digne de confiance. Tu pourras apprendre à la connaître si tu veux. Je préfère la cacher aux yeux des autres... Mais pour le moment, c'est toi qui a davantage besoin de moi qu'elle.

Je lui parlai d'une voix douce et l'une de mes mains quitta la sienne pour se poser sur sa joue.

-Comment ça ? Tu as d'autres problèmes qui sont apparus ?

Pour le coup il m'inquiétait... Je savais que la situation ne pouvait que se détériorer mais maintenant ce n'était pas possible...

Lorsque Happy sentit Anastasiya prendre sa deuxième main dans la sienne, il sentit à la fois une vague de chaleur rassurante s’emparer de son corps, mais également une certaine paix s’insuffler en lui. L’angoisse s’amoindrissait par ce geste, et lui permettait ainsi de prendre une grande inspiration en vue de se calmer. « Anabel… elle fait partie de ta famille ? Pourquoi tu la caches ? » demanda-t-il doucement, surpris que son ananas préféré agisse ainsi tout en sachant qu’il devait forcément y avoir une bonne raison derrière. Il la connaissait suffisamment pour le savoir. « Pas d’autres problèmes en soi… juste que j’entends encore moins bien qu’hier. Pourtant elle s’était un peu stabilisée et là, bim ! Je ne sais même pas pourquoi et si tu savais comme j’ai eu envie de détruire un truc ce soir ! »

A Happy non plus je n'avais jamais parlé d'Anabel, l'occasion ne s'était pas présentée, d'une part, mais j'avais tellement l'habitude de ne pas parler d'elle. Et puis, pour le moment, c'était la situation de Happy qui m'importait le plus. Je sentai qu'il se calmait un peu mais je ne comptais pas le laisser repartir comme ça tout de suite.

-Anabel est ma soeur adoptive... Elle est la fille de ma mère de substitution, elle est morte à sa naissance et son père n'a pas eu la force de l'assumer, et puis on était si proche l'une de l'autre...

J'écoutai Happy s'expliquer avant de retirer ma main de sa joue pour reprendre sa main avec douceur.

-Mais en réajustant tes appareils ça devrait aller non ?

Il fut bien évident qu’Happy ne perdit pas une miette de ce que lui expliqua Anastasiya à propos de sa sœur… adoptive. Une histoire apparemment compliquée qu’il comprit en quelques secondes, sans chercher à avoir davantage d’informations. Ce n’étaient pas ses oignons et il ne voulait de toute façon pas risquer de gêner la jolie brune, qui elle le soutenait plus que jamais à cet instant précis. « Je vois… tu as ma parole, ton secret est sauf avec moi, je ne parlerai jamais d’elle » lui assura-t-il, même s’il savait qu’elle en avait déjà confiance. Jamais l’américain ne l’avait trahie, ce n’était pas pour commencer aujourd’hui. « Je ne sais pas… j’aime pas forcément parler de ça mais je suis quasiment au max avec ceux-ci. J’aurais dû en avoir d’autres, mieux adaptés mais beaucoup plus chers et je ne roule pas sur l’or, alors… »