GWIN • Narwhals, narwhals, inventors of the shish kebab

Rares sont devenues les fois où j'erre dans les couloirs de la Mather House depuis que j'ai repris possession de mon appartement sur Inman Square, mais comme je suis en vacances forcées à cause de ma tremblote, il faut bien que j'occupe mon temps en faisant chier certains pensionnaires de la confrérie, en leur proposant un apéro ou quoi. Et c'était le cas de cette soirée, accessoirement. J'ai pu discuter avec quelques potes dans le grand salon, en buvant quelques verres et en refusant poliment les diverses drogues qu'on me proposait, choquant la plupart des personnes présentes. Ouais, j'affirmais que moi, Gwenaëlle Black-Hoover, connue pour être un aspirateur à coke, j'arrêtais la drogue. Choc des titans dans leurs têtes. Après avoir pris congé du salon, j'me baladais au niveau des chambres, quand une putain de musique répétitive se faisait entendre. C'est quoi cette merde, putain ?

Narwhals, they are narwhals, narwhals, inventors of the Shish Kebab La même putain de musique tournait en boucle depuis bien cinq minutes alors que je cherchais d'où elle venait, et elle commençait déjà à me prendre la tête bien comme il faut. Puis j'ai trouvé la chambre d'où sortait cette chose capable de rendre fou n'importe qui au bout d'un certain temps. Sans prendre de pincettes, j'ai ouvert la porte et j'ai vu Robin, complètement perchée qui bloquait là-dessus. Narwhals, narwhals, swimming in the ocean, causing a commotion coz they're so awesome. Je regarde l'écran quelques seconde pour voir des narvals en train de "danser" avec des faces de teubs souriantes, avant de regarder à nouveau la personne qui est la cause de cette migraine musicale. Putain, t'es sérieuse là avec ta connerie prise de tronche qui sert à rien ? J'm'approche alors de l'ordinateur pour couper le son, histoire de calmer ces céphalées qui commencent à me prendre au cerveau. T'es bloquée là dessus depuis plus d'une demi-heure, t'es au courant ou t'es trop défoncée pour capter quoi que ce soit ? Je plantais alors mon regard dans sa direction, et le ton de ma voix se voulait plutôt froid, mais pas agressif.

Les chambres de la Mather House, surtout celles qui sont inoccupées, c'est un peu comme le Graal de la baise ou de la salle de shoot. Elles n'ont pas été rares les fois où j'venais dans une de ces chambres pour troncher une fille et me taper un fix juste après pour planer encore plus haut. Faut croire que les temps ont changés depuis quatre ans. Maintenant, ils viennent bloquer devant un pc complètement stones en écoutant une musique entrainante et répétitive. Pauvre jeunesse perdue. Robin est absorbée par sa connerie et me fait signe de fermer ma gueule. C'est vraiment très mal me connaître que de penser que c'est seulement imaginable que je me la ferme. Bizarrement, sa réaction fut vive quand j'ai coupé le son. Cela m'arrachait un sourire, malgré tout, car elle bougeait enfin et montrait qu'elle n'était pas une loque. Attends, t'as vraiment cru qu'en me parlant comme ça t'allais réussir quelque chose ? Un léger rire nerveux venait ponctuer ma phrase correctement. Je venais alors saisir son bras pour lui éviter la chute qui l'attendait. T'as vu ton état ? Tu crois que tu vas aller mieux en te collant trois grammes dans le nez ? Réveille toi avant que j'te réveille, parce que tu risquerais de mal le vivre. Je la repoussais alors en arrière en signe de provocation, pour voir jusqu'où elle serait prête à aller pour fuir sa réalité.

Son silence est à la fois agaçant et drôle. Je sais très bien que ce que je peux lui dire n'a aucune importance, qu'à ses yeux je passe pour la sale conne moralisatrice alors qu'à la base, je suis loin d'être un exemple de sainteté. Mais malgré tout, ça m'emmerde profondément, le fait qu'elle se détruise autant pour des choses qui ne sont pas directement de sa faute. Elle n'a poussé personne à la mort, elle n'a aidé personne à vouloir se donner la mort, ou toutes autres choses malsaines qui pourrait polluer son esprit et la pousser dans une telle déchéance. Elle a besoin d'aide, bien qu'elle refuse toute main qui se tend vers elle dans l'espoir de la ramener dans la réalité. Elle s'énerve, me dit de dégager et essaie de me pousser en vain. Délicatement, ma main venait se poser sur le portable pour le fermer, tandis que mes yeux se levaient vers le plafond. Tu t'évertues pour rien, Robin. T'as même plus assez de force pour essayer de me décaler...c'est triste, vraiment. Je cherchais à l'énerver un peu plus, à trouver la provocation, voire même, la confrontation directe. Je suis aussi lourde que ça ? Je riais légèrement, plantant mon regard dans le sien, pour y trouver toute sa haine refoulée.

C'est vraiment blasant quand les jeunes comme Robin décident de se ruiner la vie de cette façon. Le plus drôle dans ce que je dis, c'est que j'le faisais aussi, à son âge, sauf que j'repoussais pas plus que ça les gens qui me tendaient la main pour m'aider. Je lui demande pas d'arrêter la came, c'est pas ma soeur, ma fille ou quoi, j'm'en branle complet. J'veux juste qu'elle prenne conscience de la réalité et que la drogue n'est qu'un moyen éphémère d'oublier ses problèmes. Je la voyais s'énerver petit à petit, et c'était un peu ce que j'cherchais aussi. La voir sortir de ses gonds, voir qu'elle n'est pas une loque. Merci du compliment ma belle, j'suis touchée au plus profond de mon coeur. Un bisou pour te remercier ? Je posais ma main sur ma poitrine en évitant de lui rire à la gueule, même si l'envie se faisait sentir. Non, j'ai jeté mon dévolu sur toi aujourd'hui, Courtney Love. Ca serait con de finir comme Kurt, tu crois pas ? Je la laissais foncer sur moi, sans bouger. Tu veux continuer à fuir tes problèmes toute ta putain de courte vie ou tu m'laisses te secouer le cul cinq minutes ? Je ne bougeais toujours pas, voulant voir ce qui m'attendait.