Round 100(...)000 ♥ PRIALYA

Mon rythme cardiaque redevint peu à peu normal avec Mila contre moi, calme. J'avais bien du mal à imaginer un avenir serein pour elle lorsque je voyais comment un simple trajet en voiture pouvait se passer. Pourquoi est ce que j'avais mis au monde un bébé dans cette ambiance là ? Pourquoi est ce que je lui imposais de vivre tout cela ? Ce n'était déjà pas la faire partir du bon pied dans la vie et ça c'était entièrement ma faute, notre faute. Trop égoïstes que nous avions été de la garder, de voir notre bonheur d'être parents, d'avoir un petit être à aimer plutôt que de se dire qu'il ne serait pas heureux dans cette vie à être trimbalé. Toutes mes pensées se bousculaient dans ma tête tant bien même que j'essayais de faire le vide. Mais rapidement je me sentie observée et j'ouvrais les yeux à nouveau. Priape était là, dans l'encadrement de la porte du box. Je ne croisais pas son regard ne sachant que lui dire, je passais simplement ma main sur mes joues pour essuyer le torrent de larmes qui venait de s'écouler et je portais mon regard sur notre fille, si petite et innocente. C'était une bonne excuse pour ne pas croiser le sien et ne pas lui faire remarquer ce qu'il venait de se passer. Trop émotive, j'étais trop émotive et je l'avais toujours été. Ca ne changerait pas, je ne changerais pas.

Les paupières de Talya se rouvrirent et son regard fuit aussitôt le mien, se posant sur Mila. Je fis quelques pas dans leur direction, essayant de abstraction de ses  joues inondées de larmes, que je savais être là par ma faute, à cause du trajet, du silence, de la tension et du ton intransigeant que j’avais pris pour lui expliquer ce que je pensais de son comportement. Faire abstraction de ça, de ce sentiment de culpabilité au creux de mon ventre. J’étais là pour Mila, pour passer un moment avec la petite. Je me penchai lentement, approchant mon visage de sa minuscule petite bouille endormie, venant déposer un bisou sur le sommet de sa tête, m’approchant dans mon geste, du visage humide de mon ex, la petite étant lovée sur son épaule. Mes prunelles croisèrent un instant les siennes. Comment pouvait-on être à la fois si proche et à la fois si loin ? « Ca va ? » lâchai-je malgré moi, sur un ton plus adouci que celui utilisé tout à l’heure dans la voiture. A croire que l’indifférence n’était plus dans mes cordes. Un exercice auquel je ne savais pas m’adonner bien longtemps. Je n’en restais pas moins fâché, mais il fallait faire des efforts… Pour Mila…

Priape vint trouver le visage de sa fille tout près de mon épaule pour déposer un doux baiser dessus. Ma tête aurait voulu demander à mes lèvres de sourire mais là c'était au dessus de mes forces. Lorsqu'il croisa mon regard, j'avalais ma salive difficilement alors qu'il était beaucoup trop proche de moi, ce n'était pas la distance réglementaire. Il s'écarta et me demanda si ça allait, j'hochais la tête, est ce qu'il avait vraiment besoin d'avoir une réponse orale de ma part pour savoir que le oui que j'allais lui servir n'était pas vrai ? La petite bougea légèrement contre moi son petit souffle allant dans mon cou et m'apaisant de tous les maux. J'étais bien avec elle, je serais encore mieux quand je pourrais avoir mes deux bébés ensemble, près de moi. Je relevais timidement les yeux vers le visage de Priape, pas vers ses yeux hein, non je voulais toujours les éviter, je n'avais pas envie de lire le mépris que j'avais entendu dans sa voix quelques minutes auparavant : « Prends là j'en ai profité ce matin. » Sauf que pour la prendre il allait devoir se mettre dans la même tenue que moi, si jamais il était encore capable d'enlever son tee shirt devant moi et de me laisser l'effleurer juste le temps que je lui donne notre bébé. Il allait devoir aussi me voir en soutien gorge, au dessus de ses moyens ? Non surement pas, il n'aurait pas repenser à toute la colère qu'il avait pour moi dans la voiture et ça lui couperait toute envie. En attendant sa réponse à ma question qui n'en était en fait pas une, je ne voulais pas m'accaparer Mila, j'embrassais sa tête, remettais ses quelques cheveux correctement, caressait son petit dos... Tout était petit.

Talya ne répondit pas à ma question, jugeant surement que ce n’était pas nécessaire vu son état, elle se contenta d’un hochement de tête qui suffit à le faire taire. Je n’avais pas d’intérêt à insister, clairement j’étais responsable de ce qui n’allait pas alors… Mon regard se reposa sur la couveuse, s’attardant un instant sur l’écran du scope qui la surplombait, songeur, essayant d’imaginer ce que devait ressentir la petite une fois enfermée dans cette bulle. Mais la voix de Talya me tira de mes pensées, me proposant de la prendre à mon tour en peau à peau contre moi… Je fronçais les sourcils : « Oh non, garde la, profite… » fis-je aussitôt. J’essayais de me dérober ? Oui un peu… Ce n’était pas que je n’en avais pas envie mais elle était toute petite… Alors bien sur de par mon travail en pédia, j’avais eu parfois à prendre en charge des prémas de ce gabarit mais là il s’agissait de ma fille, j’avais peur d’être gauche, maladroit, mal à l’aise… Et puis, j’avouai : « Je l’ai pas encore prise comme ça tu sais… » J’étais venu assister aux soins, j’avais passé ma main dans l’incubateur pour venir lui faire de petites caresses, mais le peau à peau, non je n’avais pas encore eu l’opportunité de tester, et ça pédiatre ou pas, ça allait être tout nouveau pour moi.

Pourquoi est ce qu'il refuse ? Il a l'air tout gêné et tout, presque gauche. C'est mignon et ça a le don de me détendre un petit peu. Je me lève doucement une main dans le dos de la petite et une main derrière sa tête et d'un mouvement de la tête je fais signe à Priape de venir s'assoir. « Enlève ton tee shirt et assieds toi. » J'étais celle qui appréhendais le plus de voir mon bébé ici et j'ai l'impression d'être celle qui est le moins perturbée par tout cela, ou alors qui le gère le mieux, mais il faut dire que moi je n'ai que cela à m'habituer, je ne dois pas m'habituer à ma nouvelle parentalité puisque je suis déjà maman, les responsabilités, je connais. « Te fais pas prier Priape, elle a besoin de son papa... » Et ce n'était pas une main passée dans l'incubateur ou ce genre de contact qui allait créer vraiment le lien entre eux, puis il verrait le bonheur que ça fait d'être en connexion comme ça avec son enfant. Devant mes yeux qui ne lui laissaient pas trop le choix et qui lui enlevaient surement toute envie d'hésiter, à mon tour d'être dure et ferme, il s'exécuta et s'installa dans le fauteuil. Je lui indiquais de prendre la couverture pour la déposer sur ses genoux le temps que je cale Mila contre lui, bien sûr c'était un peu spécial comme situation. Il était torse nu, j'étais en sous vêtement, on pouvait voir le pansement de ma cicatrice en bas de mon ventre c'était un peu gênant pour ma part, je ne savais pas réellement quel blocage je faisais avec le fait d'avoir accouché par césarienne mais j'avais bel et bien un problème avec ça. « Tu veux que je te la mette comment ? » Oui autant bien lui placer de suite, elle était toute petite il ne devait pas être très à l'aise pour la manipuler mais en plus il y avait pas mal de tuyaux qui la suivaient donc c'était un peu impressionnant.

Je voyais bien que qu’importent mes hésitations, Talya n’en démordrait pas. Elle m’ordonna d’ôter mon tee shirt… Un ordre qui, malgré le contexte tendu, m’arracha un petit sourire. Je ne pus retenir une petite remarque taquine, espérant peut etre aussi que cela effacerait un peu la tension que mon attitude durant le trajet avait laissé planer entre nous. « Pas devant notre fille voyons Talya... » Elle se leva doucement tout en maintenant la petite contre elle pour me laisser le fauteuil. « Je suis pas sûr que ça soit une.. » Pas le temps de finir ma phrase, son regard me dissuada de toute protestation. Mes prunelles restèrent un moment fixées sur la petite lovée contre sa maman. Oui en fait, ce contact, ça me donnait malgré tout envie. J’avais moi aussi envie de partager cela avec Mila. « Ok… » obtempérai-je finalement. Je saisis les bords de mon haut, le retirant pour me mettre torse nu avant d’aller m’installer à la place qu’occupait Talya jusque là, la couverture sur mes genoux, trop concentré, et un peu excité aussi, par ce premier vrai peau à peau avec ma puce pour me laisser troubler par l’étrangeté de la situation, par la nudité partielle de mon ex devant moi.  « Pas sur mon bras gauche… » répondis-je au tac au tac avant de poser les yeux sur ma peau où le prénom d’une autre était toujours inscrit. « J’ai pas encore pris le temps de me faire dé-tatouer. » ajoutai-je avec une petite moue. « Mets là ici… » fis-je en appuyant ma paume sur mon torse. « Elle va entendre mon cœur comme ça. » C’était le genre de son qui apaisait les nouveaux nés normalement. Il fallait prendre garde à tous les câbles et tuyaux… « Ca va aller… Attention à sa perfusion… » Ma main se posa alors sur celle de Talya un instant, pour la remplacer et soutenir Mila qu’elle venait de placer contre mon torse. Je relevai les yeux vers ceux la jeune femme : « Merci… »

« Très drôle Priape... » Lui dis je avec un ton réprobateur alors qu'un sourire se dessine sur mon visage. Oui j'avoue que ça fait du bien qu'il détende un peu l'atmosphère qu'il s'est chargé de refroidir. Il finit par enlever son tee shirt et mon regard ne parcourt même pas son corps, trop concentrée sur la petite qui est blottie contre moi. Avant de déposer Mila sur Priape, je lui demande où il la veut et il me fait un commentaire sur son tatouage, là encore, nouveau rire. « Tu comptes vraiment payer une fortune pour te le faire enlever ? » Je ne sais même pas comment ça s'enlève ce genre de truc mais je sais que ça coute cher et je sais qu'il n'a pas les moyens de le faire. Vraiment c'est dommage de dépenser des tunes là dedans plutôt que dans Mila. Enfin il fait ce qu'il veut mais s'il avait besoin d'entendre que ce prénom sur sa peau n'était pas ma priorité voilà qui était fait. « Eh eh zen, je fais attention Priape, c'est pas la première fois que je la manipule avec tout ça. » Non en fait je ne sais pas venir ici sans prendre la petite contre moi, si elle va bien bien sûre ce qui est le cas depuis le début. Je la dépose là où Priape la voulait puis je laisse glisser mes mains pour la lâcher effleurant la peau du jeune homme par la même occasion. Je plaçais tous les petits tuyaux pour qu'elle soit bien. « C'est bon comme ça ? » Je me penchais vers Priape oubliant complètement ma presque nudité. Je pris la couverture sur ses genoux et la mis sur la petite et sur le jeune papa pour que ni l'un ni l'autre n'ait froid. Je déposai un bisou sur le front de la petite puis me dirigeai vers l'endroit où j'avais déposé mon tee shirt pour le renfiler. J'approchais une chaise de Priape et notre fille m'installant en face d'eux. « Alors ? Papa regrette de ne pas l'avoir fait avant ? »

Son ton se voulait réprobateur mais son sourire la trahit. On était là pour être avec Mila. Je voulais que notre tension reste dans la voiture. Nous avions surement encore des choses à nous reprocher, mais le moment était mal choisi pour le faire. Le commentaire sur mon tatouage la fit réagir. « Soit je me le fais enlever, soit j’épouse Leevy… Je l’ai dans la peau désormais. » Petit sourire amusé à nouveau alors que je relevai finalement mes yeux vers elle. Mais oui, j’étais sérieux. Ce n’était clairement pas ma priorité, je n’en avais pas le budget pour le moment, mais j’allais me faire enlever ça, un jour ou l'autre. Et si les rôles avaient été inversés, ça ne m’aurait surement pas plu du tout que Talya ait le prénom de je-ne-sais-quel guignol inscrit sur sa peau. Elle posa Mila contre moi prudemment, me rassurant, ce n’était pas la première fois qu’elle la manipulait ainsi. J’étais d'abord tendu, sentant la respiration de la petite, sa chaleur contre mon torse, et son souffle qui me chatouillait le cou. « Ca va aller oui… » Je me décrispais un peu, ma main caressant délicatement son dos sous la couverture avec laquelle Talya nous avait recouverts. « Je ne regrette pas de ne pas l’avoir fait avant non… » Mon regard se planta dans celui de mon ex petite amie alors que je clarifiai : « Je suis content de l’avoir fait aujourd'hui, comme ça, avec toi. » Et pas avec une des puericultrices du service. Ca voulait dire beaucoup plus que ça se soit fait ainsi… Mes prunelles voyagèrent à nouveau sur notre petit trésor et, de plus en plus détendu, je repris la parole : « Tu sais que j’ai craqué l’autre jour… Je lui ai commandé un petit body taille préma sur le net. »

« Je dois t'avouer un truc... » Je rougis un peu, j'ai honte. Mais quand même je dois le dire à Priape. « J'ai été à la winthrop hier pour tenter de trouver Royce, bien sûr il n'y était pas mais je l'ai croisé après sur le campus et je l'ai pourris... » A cause de ce tatouage oui, du fait qu'il m'ait dans la peau, du fait que Priape ait Leevy dans la peau. « Ca aurait été moi de gravé t'aurais pu gravé Mila dessous ça se serait expliqué... » Je tente un peu d'humour. Non en fait si il avait eu mon prénom est ce qu'il aurait voulu se le faire enlever aussi ? J'avais un pincement au coeur de me dire que oui mais je me reconcentrai sur la situation actuelle, Priape partageant un premier moment avec sa fille. J'acquiesçai à l'écoute de ses paroles puis ajoutai : « Je suis contente que tu m'aies fait confiance. » Parce que oui c'est bien ce que ce geste veut dire. Il ne s'est pas senti prêt de le faire avant et là il a juste fallu que je le bouscule un petit peu pour qu'il accepte. « Trop mignon... J'avoue que même si j'ai déjà tout ce qu'il faut comme il y a Charlie avant, j'ai passé mon temps à commander de nouveaux trucs sur internet pendant mon hospit... Je veux qu'elle soit unique... Mais j'ai tellement hâte que Charlie puisse la voir aussi... » Mes deux bébés ensemble c'était ce que je voulais le plus au monde. En fait j'avais déjà mal au coeur de savoir Mila ici et Charlie chez ma mère alors qu'est ce que ça serait quand Charlie serait avec moi et Mila avec son père... Ca serait nul, vraiment ce n'était pas ce que je voulais pour aucune de mes filles. « On peut revenir sur ce que t'as dit dans la voiture sans que tu fasses voler Mila dans la pièce ou tu vas t'énerver ? » Avec la petite dans les bras c'était peut être le moment pour lui parler, au moins j'étais sûre qu'il reste calme.

Je l’écoutai m’avouer ce –truc- et à mesure que les paroles s’échappèrent de ses lèvres, mon sourire s’élargit. «Il avait encore ses deux bras ? Non parce qu’il avait peur que Leevy le lui arrache quand on a réalisé la boulette du tatoueur… » racontai-je à mon tour en me rappelant notre –réveil-. Je n’avais pas revu le garçon depuis, à mon avis nous n’étions pas prêts de recommencer à boire ensemble, sa fiancée lui avait peut être même interdit de me voir si ça se trouve… « J’aurais aimé me faire graver Mila dans la peau… Ou rien que sa date de naissance sinon… » Mais là il allait déjà falloir que j’économise pour me faire effacer ça. « Tu lui as dit quoi alors à Royce ? » Il avait déjà du se prendre une soufflante par sa blonde, alors si en plus il s’en était pris une par la mienne, pauvre bonhomme. Je confiai ensuite mon craquage sur le net, Talya avoua elle même qu’elle avait craqué régulièrement pendant son hospitalisation. La jeune maman était impatiente en tout cas de faire se rencontrer ses deux filles. « Leanne a dit qu’il fallait attendre qu’elle réussisse à manger toute seule, qu’elle n’ait plus besoin de sa perfusion… » Ca pouvait aller vite, mais il ne fallait pas brusquer cette étape. Ses intestins étaient encore fragiles. Mon regard chercha celui de la jeune femme lorsqu’elle tenta d’aborder à nouveau le sujet de tension qui était apparu durant le trajet. « On est obligés de faire ça ? » J’avais envie de profiter de ce moment avec Mila, mais bien sûr d’un autre côté, je savais que oui, on y était forcés. Les non dits et les rancoeurs n’avaient pas leur place quand on était parents.