Léonora me complimente sur mon prénom et me livre le sien. Tien, c'est marrant, ça ressemble beaucoup au prénom de mon fils. Je souris alors qu'elle me dit très subtilement que c'est son anniversaire et lui réponds :
- Joyeux anniversaire, alors.
Je trouve assez ironique pour une amérindienne d'être née le jour de l'Independance Day mais je ne lui en fais pas la remarque, même sur un ton de plaisanterie, peu désireux de passer pour un indélicat. En tout cas, elle a de la répartie, mais qu'est-ce qu'elle danse mal ! Enfin, elle ne danse pas spécialement mal mais elle me piétine allégrement les pieds. Je ne dis rien néanmoins, parce qu'elle est trop légère pour me faire mal, et puis merde, on n'est pas ici pour danser un spectacle, on vient pour s'amuser ! Enfin, elle, peut-être, elle vient pour s'amuser. Mon but est beaucoup moins louable.
- Les blondes, c'est surfait. Les brunes ont plus de caractère. Peut-être qu'il aime les cruches sans cervelle mais t'as rien perdu dans ce cas.
Enfin à vrai dire, comme il est à côté de Maëlys, j'aime autant qu'il préfère les blondes. On passe un bon moment malgré les écrasages de pied et les remarques sur les mecs intéressés uniquement par le monde au balcon, et j'arriverais presque à en oublier ma déprime - et la raison première pour laquelle j'ai proposé cette danse à Léonora. Alors je suis presque surpris quand soudain, la voix furieuse d'Amanda nous frappe les oreilles. Et merde !
Léonora me lâche immédiatement et je tourne le regard vers Amanda. Putain, qu'est-ce qu'elle raconte ? Elle est sérieuse, là ? À l'entendre, on croirait que je l'ai tabassée à coups de poing, alors qu'au final elle m'a fait plus mal que l'inverse ! Ma joue me brûle encore rien qu'à la vue de ses talons. Je la trouve franchement garce de raconter l'histoire comme ça, surtout qu'évidemment, je ne peux m'empêcher de me retrouver une nouvelle fois dévasté par la culpabilité malgré ma colère. Et elle le sait, putain, elle sait que ce n'était pas moi, elle sait à quel point je m'en veux et que j'aurais préféré qu'elle me fasse cent fois ce qu'elle m'a fait au lieu que je lui donne cette unique gifle, pourtant elle persiste à m'enfoncer alors que j'ai rampé devant elle ! J'ai à nouveau cette envie furieuse que je n'avais pas éprouvée depuis longtemps, cette terrifiante sensation de vouloir l'étrangler tout en lui faisant l'amour. Putain, voilà, se remettre ensemble n'a servi à rien sinon à m'envoyer au fond du gouffre et faire renaître mes vieux démons, je le savais.
Évidemment, parmi toutes les filles présentes, il a fallu que je choisisse sa meilleure amie... Bordel, j'aurais dû réfléchir avant d'agir, j'en étais sûr qu'elles se connaissaient ! Évidemment, la pauvre Léonora fuit sans demander son reste et je suis furieux, ça fait deux fois que je passe pour un abruti devant elle, quand même. Bon, en même temps, je ne la connais pas et peu importe au fond, mais rien que le principe m'échauffe les oreilles.
- Félicitations, Amanda, ta meilleure amie allait mal, j'étais en train de réussir à lui rendre le sourire et tu as tout foutu en l'air. Tu crois vraiment que je lui ferais du mal ? T'as pas encore compris que la lourdeur de notre passé changeait beaucoup de choses dans notre relation et que de toute façon ça n'aurait pas fonctionné entre nous ? T'as pas compris que je m'en veux à mort et que je déprime dans ma chambre comme une adolescente de quatorze ans depuis que tu m'as largué ? Putain de merde, évidemment que t'as compris, vu comment j'ai rampé devant toi, alors pourquoi tu m'enfonces encore et encore ?!
En lui balançant tout ça à la figure, je me fais mal tout seul. Parce que je n'avais pas pris conscience avant de le formuler à l'instant que notre relation était vouée à l'échec. Pourtant, c'était le cas. Si j'avais pu retrouver un jour la confiance que je lui portais à nos débuts, jamais je n'aurais été capable de la gifler. Si j'ai pu faire ça, alors c'est que je ne serais jamais parvenu à la considérer un jour pleinement comme ma femme. Les mots ne sont que des mots, et parfois, on dit des choses qu'on croit penser alors qu'on se trompe, parce que ce n'est qu'une passion néfaste et dévastatrice qu'on confond avec de l'amour.
Et pourtant je l'aime... Rien qu'à la façon dont je peine à tenir sous mes jambes sous son regard de feu, je sais que je l'aime. Alors pourquoi a-t-il fallu que je la gifle, merde, merde, merde ?!
- Et puis dis donc, quand on raconte l'histoire sous le bon angle, ça sonne tellement mieux ! Je t'ai frappée, hein ? Bah ouais, et tu sais très bien à quel point je suis désolé, mais aurais-tu oublié qu'il y avait une raison, et que tu as largement compensé ce que je t'ai fait ? Est-ce que je me suis défendu quand tu as répliqué, hein ? Non, j'me suis laissé faire, et tu sais pourquoi, tu sais que c'est parce que j'avais putain de honte, et que j'avais conscience de pas mériter mieux ! Amanda, tu sais très bien que je serai toujours à tes pieds, que t'auras toute ta vie qu'à claquer des doigts pour me faire revenir, que je s'rai jamais qu'une merde qui rampe à tes pieds. Alors rends-moi un service, si tu veux vraiment me prouver que tu tenais au moins un peu à moi : ne te sers pas de ça pour me laminer !
Je préfère encore qu'elle me tape dessus, même devant tout le monde, ça ne me dérange pas de me faire massacrer par une femme même si je dois me faire traiter de tous les noms type lavette et compagnie derrière. Moi, je saurai que j'ai agi en tout bien tout honneur en refusant de répliquer, et Dieu sait que j'en ai de l'honneur à rattraper après avoir osé gifler Amanda. Je suis essoufflé comme après avoir couru un marathon alors que j'achève ma tirade furieuse, secoué par la colère et le manque d'elle. J'en peux plus de ces sentiments totalement contradictoires qu'elle fait naître en moi !
Quand soudain, je sursaute presque violemment alors que je sens un bras se nouer au mien et des lèvres se poser sur ma joue. Merde, il se passe quoi ? Reyna ?! Je ne savais même pas qu'elle venait à ces vacances, on ne s'en était pas parlé. Je ne sais pas ce qu'elle a entendu de notre conversation et je sais bien que je ne serai pas crédible face à Amanda alors que je viens de lui lâcher tout ce que j'ai sur le coeur, y compris qu'elle a toujours tout pouvoir sur moi, mais je rentre immédiatement dans son jeu, soulagé :
- Ça va bien mon coeur, juste une ex qui m'ennuie. Je suis désolé de t'imposer ça, je ne pensais pas qu'elle serait là.
Oh le gros mensonge ! Pas comme si je l'avais suivie jusqu'ici, nooooon. J'essaye de réunir les miettes de dignité qui me restent en passant un bras autour de la taille de Reyna. Quand on pense que je viens de dire à Léonora que je n'aimais pas les blondes, cette conversation devient vraiment du foutage de gueule complet.
- Bon, tu nous laisses tranquilles maintenant ? fais-je d'un ton agacé en reportant mon regard sur Amanda.
[PAVÉ, CAESAR. Mes excuses :laugh: ]