TORRYATT ► And it pulsates and it works its way around my brain

Le ciel noir avait pour seul lumière une lune pleine. Aucune étoile ne comblait le vide. Ce n’était qu’un puits obscur. Roulant à vive allure, je fonçais sur la route dégagé. L’esprit empli d’une colère sourde, mes yeux orageux ne fixait que ma destination. Mes œillères en place, je ne faisais pas attention à ce qui pouvait m’entourer. C’est dans un crissement de pneu presque menaçant que je me garais devant la villa de Torrey. Luxe vide et sombre. Aucune lumière. Personne à l’horizon et je m’en étais assuré avec préméditation. Sortant de la voiture, je m’appuyais contre cette dernière, les bras croisés sur le torse. Aucune brise ne venait briser le silence morne qui emplissait les lieux. Soudain, mon regard fut aveuglé par les phares d’une voiture qui m’était familière. Au tréfonds de mes entrailles, je pouvais sentir la colère montée. Pourtant, il fallait que je me maitrise. Lorsqu’elle sortit de la voiture, je ne pus m’empêcher de lancer une pique comme une accusation. « Tu rentres tard. »

Bon sang, cette journée avait été longue! J’avais les pieds meutris d’avoir du porter des talons toute la journée, mais je n’avais pas eu d’autre choix. Aujourd’hui, nous avions un privilège particuliers et la chance d’assister à un vrai procès, mais il fallait être habillé en conséquence. Talons hauts, tailleur et jupe assortis, je détachai distraitement mes cheveux en sortant de ma voiture, n’ayant même pas remarqué que Wyatt était garé devant. Je sursautai donc en entendant sa voix s’élever dans la pénombre de cette nuit. « Tu rentres tard. » Je tournai vivement la tête vers lui et soupirai de soulagement en réalisant que ce n’était que lui et pas un fou furieux qui m’attendait chez moi après m’avoir suivis pendant des mois. J’avais eu mon lot de cinglé dans ma vie, je ne comptais pas donner à nouveau. « Oui, j’ai eu une grosse journée.. » Je fronçai les sourcils, analysant sa posture et le ton d’accusation sur lequel il venait de me dire ça. « Ça n’va pas? » demandai-je en m’approchant lentement après avoir verrouillé les portes de ma voiture.

Comment pouvait-elle me regarder de cette manière ? Comment pouvait-elle employer un ton aussi innocent ? Je l’avais vu à l’entrée de cet hôtel. De cette vision, je n’en gardais qu’un goût amer. J’avais détesté la voir avec un autre homme. Pourtant, je ne devrais pas. Jalousie mal placée. « Pas aussi bien que toi. » Me redressant de toute ma hauteur, je marquais un temps d’arrêt, avant de reprendre le fil de la conversation. « A en juger par ce que j’ai vu l’autre fois, tout va très bien pour toi. » Un soupçon de sarcasme venait percer le ton de ma voix. Détaillant son apparence d’un regard noir, je revoyais cet enfoiré posé ses mains sur ses épaules. Je pouvais facilement deviner la suite des évènements. Et elle était là, pure et chaste comme la bonne petite Dunster qu’elle était. Mensonge.

« Pas aussi bien que toi. » Qu’est-ce que c’était censé vouloir dire? J’avais eu une bonne journée, j’allais bientôt être avocate pour de bon, qui avait-il de mal là-dedans? Wyatt se redressait avant d’avancer vers moi. Je le fixais en silence, ne comprenant pas exactement pourquoi il émanait de lui un aura de haine et de frustration. « A en juger par ce que j’ai vu l’autre fois, tout va très bien pour toi. » Pardon? Mais de quoi est-ce qu…. J’ouvris les yeux ronds, additionnant rapidement un et un pour en arriver à deux. Chris et moi. Wyatt nous avait vu? Comment était-ce possible? Non, justement, c’était impossible. Ou du moins, je devais m’en assurer avant de m’avancer sur quoi que ce soit. « De quoi tu parles Wyatt..? » Il était jaloux ma parole!?

Elle jouait l’incompréhension avec perfection. Un rire nerveux s’échappait de mes lèvres. Tournant le visage une seconde, je fuyais son regard pour ne pas m’agacer davantage. Puis, plongeant mes yeux orageux dans les siens, je laissais éclater la vérité. « Vraiment ? Il faut que je te rafraichisse la mémoire peut-être » Me rapprochant un peu plus d’elle, je m’arrêtais à sa hauteur. La dominant de tout mon être, je lui jetais un regard comparable au dégout. « T’sais, toi et ce gars à l’hôtel. Au moins t’as eu la décence de faire ça loin de notre fils. » Ma jalousie était injustifié. Moi-même, je n’étais pas clair. Néanmoins, je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir cela. Peut-être avais-je toujours considéré Torrey comme acquise. A dire vrai, je m’étais installé dans une sorte de confort. Jamais, je ne m’étais dit qu’elle referait sa vie.

Wyatt détournait le regard et ça me blessait de voir qu’il ne pouvait même pas me regarder en face. Je savais très bien de quoi il s’agissait, c’était bien trop évident avec sa réaction. « Vraiment ? Il faut que je te rafraichisse la mémoire peut-être » Je clignai des yeux, tentant de ne pas reculer face à sa présence imposante et… menaçante. Ouais, bien que je ne croyais jamais le voir comme ça, je le trouvais carrément effrayant là.  « T’sais, toi et ce gars à l’hôtel. Au moins t’as eu la décence de faire ça loin de notre fils. » Je pinçai les lèvres, ne sachant pas si je devais m’emporter ou alors pleurer. Il avait ce don de toujours me faire culpabilisé à la seconde où j’allais vers un autre gars. Pourtant, s’empêchait-il de voir Maëlys lorsque je n’étais pas là? Non. Aux dernières nouvelles, il l’avait même embrassé. Ou du moins c’était ce que j’avais entendu et j’avais préféré me mêlé de mes affaires. « Et j’étais supposé faire quoi moi Wyatt, hein? » demandais-je, optant définitivement pour la première option. Je n’allais pas rester silencieuse face à son attitude. Pas cette fois.

Qu’était-elle censée faire ? Je n’avais pas de réponse à cette question. Oh si, j’en avais bien une, mais je n’étais pas en droit d’exiger pareille chose. Passant une main dans mes cheveux, je tâchais d’apaiser mon envie de lui hurler dessus. « J’en sais rien. T’abstenir de te faire sauter à la minute où je te laisse. » Je faisais ici référence à la sortie que je lui avais préparé en Nouvelle-Zélande. A ce moment précis, je n’étais pas juste, mais j’étais trop aveuglé par la colère pour le reconnaitre. Je détestais la vision qui hantait mon esprit. Je détestais le simple fait d’imaginer un autre homme que moi la posséder. Oué, je haïssais cela.  

Wyatt semblait surpris par ma réplique, comme s’il ne s’y attendait pas. Il croyait quoi? Que j’allais l’attendre toute ma vie? Ou alors que j’allais me coucher comme une bonne petite fille dès qu’il se mettait à gueuler? Non, j’avais assez donné. Trop bonne trop conne, ce n’était plus moi. Il se passa une main dans les cheveux et une brève brise envoya son odeur vers moi, m’enivrant un moment et m’empêchant de me concentrer. « J’en sais rien. T’abstenir de te faire sauter à la minute où je te laisse. » J’ouvris la bouche, surprise par ses paroles si.. crues. Pour la peine, j’étais sans mots. Je refermai ma bouche et détournai un moment le regard, me pinçant l’arête du nez, choisissant mes mots pour la suite. « J’peux pas passer ma vie à t’attendre Wyatt. J’peux pas simplement te regarder aller à gauche et à droite avec les filles de ton choix sans que ce ne soit jamais moi. » J’avalai difficilement ma salive, frustré de voir qu’il pouvait être si égoïste. « Tu m’as demandé d’être patiente et de ne pas te pousser, c’est ce que j’ai fait. Qu’est-ce que tu attends alors, hein? »

S’apprêtant à prendre la parole, elle choisissait de se raviser. Surprise sans doute. Détournant le regard, je pouvais facilement deviner ce qu’elle était en train de faire. Son cerveau était en ébullition pour trouver une réponse convenable ou du moins me faire taire. Son discours prenait enfin forme et je ne trouvais rien à redire. Certes, j’avais flirté avec d’autre fille, mais cela n’avait pas été sérieux. Il y avait bien Maëlys avec qui les choses étaient compliquées et cela, je ne pouvais pas le nier. J’étais peut-être trop honnête pour ça. Sans aucune réponse à lui donner, je finissais par lâcher une phrase de secours comme pour me sauver la mise. « Tu comprends rien ! » J’allais devenir dingue. Cette situation était sans issue, car je savais qu’elle avait raison. « J’veux juste du respect. Tu crois que ça me fait plaisir de savoir que tu t’es fait prendre par un type ? » Vision. Encore une. Pétant un plomb, j’attrapais son poignet, l’encerclant de ma main. M’abaissant, je rapprochais mon visage aux allures menaçantes. Lui crachant presque mes derniers mots. « Tu crois que j’suis insensible ?! Que j’en ai rien à foutre de toi ?! »  

« Tu comprends rien ! » Oh vraiment? C’est tout c’que t’as bébé Wyatt? Parce que franchement, je m’attendais à mieux. J’avais raison, je le savais et il le savait aussi. Voilà ce qui le rendait dingue là tout d’suite. Et voilà pourquoi il ne trouvait rien de mieux à dire que ça. « J’veux juste du respect. Tu crois que ça me fait plaisir de savoir que tu t’es fait prendre par un type ? » Du respect? Comment osait-il même me parler de respect alors qu’il était celui de nous deux qui avait laissé l’autre. Alors qu’il était celui qui s’était attaché à une autre fille, qui avait osé me demander de l’attendre et qui continuait de la voir elle?! J’hallucine là ou quoi? J’allais rétorquer, mais Wyatt m’attrapa par le poignet, s’approchant à nouveau de moi, m’obligeant à reculer contre ma voiture. « Tu crois que j’suis insensible ?! Que j’en ai rien à foutre de toi ?! » J’ouvris grand les yeux, j’avais du mal entendre. Oui, voilà, j’avais mal entendu. Il ne me posait pas réellement cette question. « Honnêtement? Je n’sais plus quoi croire Wyatt. J’suis rien de plus que la mère de ton fils après tout, pas vrai? » lui répondis-je sur le même ton sur lequel il s’était adressé à moi.