ADRUZY + my heart is afraid that it will have to suffer

Au final, sans m'adapter, qu'est ce que je pouvais faire? Je suis une personne qui s'inquiète constamment pour ce qui peut lui arriver, qui ne supporte pas la simple idée d'être prise au dépourvu. Est-ce que je devrais apprendre à vivre ainsi? J'avais tellement envie d'abandonner, de baisser les bras, de retourner à Stockholm et de vivre cloitrée dans le manoir de mes parents. Pour la première fois, la simple idée de me sauver à travers les autres ne me traversa pas l'esprit en premier. « Je peux pas me réconcilier avec mon passé et changer du jour au lendemain, Adriel. Si tu veux que je quitte la maison jusqu'à ce que j'arrive à accepter qui je suis, alors soit, je le ferais. Je ne retournerais pas sur le campus, mais je trouverais bien un endroit où vivre, je trouve toujours un moyen de me débrouiller. » lançai-je sur un ton légèrement sarcastique. Dévier le blâme de cette façon, c'était bien quelque chose que je n'avais pas fais depuis longtemps. De toute manière, devant lui, je n'avais désormais plus rien à perdre, non? Puisqu'il était au courant. D'une petite part. Une très petite part de l'immense mensonge qu'est ma vie. Lorsqu'il dit alors ne pas vouloir me perdre, je relevai un instant les yeux vers lui; ça me semblait si peu naturel d'entendre ça, après tout. « Mais si c'est pour que tu te méfies constamment de moi, est-ce que ça vaut vraiment le coup? » demandai-je alors, détournant le regard. La meilleure des solutions aux problèmes, pour moi, ça avais finalement toujours été la fuite. Plutôt que de faire face à la culpabilité, je préférais l'éviter, c'était toujours comme ça.

Elle pouvait pas. C'était normal si j'y réfléchissais, je pouvais pas lui demander de changer du jour au lendemain alors que ça faisait des années qu'elle était comme ça. Je soupirais, je tournais en rond dans cette putain de salle de bain. Puis j'attrapais son bras et je la tirais jusqu'à ma chambre. Il me fallait un espace plus grand, mais surtout, il fallait que je finisse mon joint. C'était la seule chose qui pouvait me détendre. Je relevais les yeux vers elle. « Parle-moi de ton passé. » demandais-je en m'asseyant sur mon lit, tirant sur mon joint. Je ne savais pas si c'était la meilleure des idées. Autant pour qu'elle me raconte son histoire, que pour que je fume mon joint. Mais je voulais pas trop réfléchir pour l'instant. Sa question, elle venait de me retourner l'esprit. Est-ce que ça valait le coup ? C'était une bonne question, une très bonne même. Je réfléchissais, continuant de tirer sur mon joint, comme si mes pensées pouvaient être plus claire grâce à ça. « Ca vaut le coup. » déclarais-je doucement, je savais même pas si elle avait entendue. Mais j'allais pas abandonner, j'allais pas la laisser partir, c'était hors de questions. Je tenais bien trop à elle pour ça. « Je dis pas que ça va être simple, mais tant que j'aurais pas essayé de te faire confiance, alors je refuse que tu quittes cette maison. » rajoutais-je en baissant les yeux, n'osant même pas la regarder. Le soucis, c'est que ce n'était pas la seule qui faisait des confessions aujourd'hui et je montrais clairement trop que je tenais à elle. Choque que j'évitais de réellement montrer aux gens, en temps normal. Mais rien de cette journée n'était normale, de toute façon..

Jetant un oeil aux morceaux de verre, j'y regardais quelques instants mon reflet, multiplié comme sur un kaléidoscope. Du moins, juste avant qu'il n'attrape mon bras pour m'emmener dans sa chambre. Je n'y avais pas mis les pieds depuis la fois dernière, cela dit, je restais debout non loin de la porte, ne sachant réellement quoi faire. Bien que je ne puisse m'appuyer à rien, comme aucun mur n'était assez proche sans que je paraisse trop loin. Je regardais un peu partout sans réellement m'arrêter sur lui, lorsque sa question m'interpella légèrement. Mon passé, hein. « Qu'est ce que tu veux savoir? Le côté bourgeois de suède qui n'a jamais manqué de rien ou le côté tragico-dramatique? » demandai-je faussement assurée, avec toujours ce léger ton sarcastique comme si ça me semblait naturel, alors que.. pas du tout. Certes, cette histoire, je l'avais racontée des dizaines de fois, mais.. cela n'empêchait pas que je ne vivais toujours pas en accord avec elle. Le silence régnant dans la pièce tandis qu'aucun d'entre nous ne parlait, j'entendis lorsqu'il dit que si, ça valait le coup, mais je ne relevais pas. J'étais décidément bien perdue dans ce que je devais faire, penser, croire ou non. Et dire que je ne pouvais nullement me plaindre tant j'étais la reine qui venait de se faire voler sa couronne par simple manque d'attention. « Très bien.. » dis-je seulement dans un murmure, m'avouant vaincue sur ce coup-là. Non, ça n'allait pas être simple et je me demandais si je pourrais vivre en étant constamment jugée pour savoir si je mentais ou non sachant que c'était exactement ce qui m'avait fait créé ma carapace, mais soit. Je suppose qu'à un moment ou à un autre, il faut jeter les armes mais également son bouclier.

Je l'avais tiré jusqu’à ma chambre. J'avais besoin d'espace. J'avais besoin de sortir de cette fichue salle de bain. Il fallait que je sache tout d'elle. J'en avais besoin en fait, peut-être pour me sentir mieux, pour mieux la comprendre. J'en savais rien au final, mais je voulais savoir et comme elle était partie pour m'dire la vérité, alors elle me le dirait sûrement non ? Je levais les yeux au ciel après le ton qu'elle avait prit pour me répondre. « D'après toi ? Le côté tragico-dramatique. » répondais-je en plantant mon regard dans le sien. Cette fois, elle ne s'échapperait pas. Cette fois, je ne laisserais rien passer et je resterais têtu, même si ça devait partir en dispute. Je m'en foutais, je voulais juste la vérité pour une fois. J'avais vécu dans le mensonge avec elle jusqu'ici, alors il était temps que je sache qui elle était vraiment. Je voulais savoir qui se cachait derrière cette jolie blonde. Je l'observais, alors qu'elle restait plantée debout, n'osant pas venir s'asseoir. « Tu peux venir te mettre à côté de moi hein, je vais pas te sauter dessus.» disais-je en soupirant légèrement. Même si cela ne m'aurait pas dérangé en temps normal, je n'avais pas la tête à ça pour l'instant. Ce qui était plutôt normal pour le coup.

Effectivement, cela semblait logique. Je n'allais pas lui parler des choses bâteaux que tout le monde connaissait à mon sujet, ce serait idiot. « Donne moi un chiffre entre un et trois. » demandai-je alors tout à fait sérieusement. Trois. Il y avait trois évènements dont je pouvais parler, le premier et le dernier étant trop liés pour que je ne puisse les raconter ainsi. Pas dans ces conditions, pas sous la pression, j'avais vraiment du rapport de confiance qui allait avec. Parce que je savais à quel point j'étais terrifiée du propre récit du premier, et à quel point je bloquais sur chaque mot. Sur son prénom. Et.. mes pensées se perdirent alors jusqu'à ce que la voix d'Adriel ne me réveille à nouveau. M'avançant alors, j'allais m'asseoir de l'autre côté du lit, dos à lui d'abord. « Si tu veux bien, je supporte pas l'odeur des joints. » dis-je alors en pivotant légèrement pour le retrouver dans mon champ de vision. Quelle étrange ambiance que celle du doute planant dans une sphère brisée qui avait toujours flotté dans le mensonge. Il ne m'était jamais arrivé de me demander comment ma vie serait si j'avais continué sur la voie que j'avais prévu d'emprunter quelques années plus tot. Finalement, les trois évènements que je pouvais lui raconter, n'étaient que des étapes dans ma vie, bien que le premier des trois soit sûrement celui qui m'ait le plus atteint, en terme de personnalité. Révélations, révélations, mensonges. J'ai l'impression d'être l'héroïne d'une mauvaise série.

Qu'est-ce que j'allais apprendre ? Est-ce que j'allais regretter de lui avoir posé la question ? Non, j'étais bien trop curieux pour regretter quoique ce soit. Même si j'appréhendais, me demandant bien si elle allait m'annoncer des choses graves ou pas. Je fronçais les sourcils alors qu'elle me demandait de choisir un chiffre. « Deux. » disais-je en haussant les épaules. De toute façon, j'aurais droit aux trois, non ? Donc peu importait celui que je choisissais en premier ou en dernier, je saurais tôt. C'était le principal pour moi. Même si je risquais de me sentir idiot pendant son récit, même si je risquais d'avoir envie de m'enfuir, même si je risquais de ne pas savoir quoi dire. Moi, Adriel Rhodes, qui ne sait pas quoi dire. Ce serait quand même mythique de voir ça, non ? Je lui proposais de venir s'asseoir, car ça me stressait de la voir debout. Elle s'approchait et fit une remarque sur mon joint. Oh, bien évidemment. J'oubliais que j'étais en présence d'une grande Cabot. Je tirais une dernière fois dessus avant de l'éteindre et de poser le cendrier plus loin. « Voila. » rajoutais-je simplement. Je me tournais vers elle, me mettant dans la position la plus confortable possible. Allez Adriel, tout allait bien se passer. Qu'est-ce qu'elle pourrait bien me dire de si grave de toute façon, hein ?

Ce n'était pas tout les jours que l'on m'entendait parler de ma vie. C'était rare, spécial, voire presque inexistant comme occasion. Je préférais la chimie à la littérature, les équations aux longs récits, il faut dire. Il choisit alors le second, ce qui correspondait.. à mon adolescence, donc. « Donc, l'épisode du lycée. » murmurai-je alors avant d'aller m'installer. Devais-je raconter ça de la même manière que je l'avais raconté aux psychologues? Disons que la narration n'est pas tant mon fort. « Tu dois avoir remarqué que je ne sors jamais seule la nuit, et je t'ai déjà dit avoir fait des cours de selfdefense il me semble. » remarquai-je en soutenant son regard un instant avant de détourner les yeux. « Techniquement, c'est le plus soft au niveau conséquences. » continuai-je ensuite. J'avais vraiment un bloquage lorsqu'il s'agissait de parler de moi-même, hein? Je retardais constamment l'échéance. « Lorsque j'étais au lycée, j'ai été suivie pendant plusieurs mois. Après les cours, avant des soirées. Il ne m'a jamais parlé, mais disons qu'on le pensait lié à une autre affaire. » Toujours cette histoire avec Cassandra. « Ca a duré sur plusieurs mois, et à chaque fois je savais qu'il se rapprochait de moi. Pour je ne sais quelle raison, il ne m'a jamais touchée. J'ai appréhendé, souvent. J'en ai cauchemardé des jours durant. Mais mes amies ont fini par appeler la police. » Si j'étais trop faible pour le faire? En réalité, tout se ramenait à la mort de ma soeur; si c'était moi qui avait appelé la police et que cet homme appartenait au même clan que celui qui avait tué ma soeur, aurais-je été une autre cible? Au final, tout se liait, tout se reliait. Et il n'y avait aucune exception.

J'étais face à elle, je l'observais et je flippais. Je flippais car j'avais peur de ce que j'allais apprendre. J'avais peur de regretter d'avoir voulu savoir la vérité. Même si la première partie de cette vérité m'avait déjà bien énervé. L'épisode du lycée ? Mmh, d'accord. J'hochais la tête après ses paroles, car effectivement, elle m'en avait parlé. Elle avait été suivie ? C'était flippant. Je pouvais pas imaginer ce que c'était de se faire suivre, de la savoir mais de ne rien faire. D'attendre. « Pourquoi est-ce que toi tu n'as rien fait si tu le savais ? Pourquoi tu n'as pas toi-même appelé la police ? » demandais-je perplexe. Je trouvais ça étrange que ce soit ses amis qui aient appelés la police. Si j'étais une fille et que je savais qu'un homme me suivait, alors j'irais directement voir les flics. Ca me paraissait logique. Il devait donc bien y avoir une raison pour ça. « Ca a pas dû être facile, je comprends que tu ne veuilles plus sortir seule la nuit. » rajoutais-je en soupirant légèrement. Les gens pouvaient être vraiment idiots pour faire ce genre de trucs. J'étais parfois bien content d'être un mec car je savais que ce genre de choses ne m'arriveraient pas. Mais qu'est-ce qu'allait être la suite maintenant ? Si ça, c'était le plus soft, alors je ne voulais même pas imaginer le reste.

Je me demandais comment j'allais m'en sortir. Tout dire, ainsi, c'était.. tellement nouveau pour moi. Le dire à lui, surtout. Je n'aurais jamais cru qu'un jour, il aurait droit à un grand nombre de détails sur ma vie. Il faut dire que je n'aurais jamais pensé que les choses prennent une telle tournure non plus, auparavant. A sa question, je bloquais un instant. Ca, je ne pouvais pas le dire, de quelque manière que ce soit, j'en étais incapable. Alors il me fallait trouver une parade, pas si loin de la vérité, sans l'admettre totalement. « Il y a eu.. des affaires concernant des groupes de personnes s'attaquant aux familles riches à Stockholm. Je me disais que si j'appelais la police moi-même, je pourrais m'engager dans bien pire. » Et ce n'est pas arrivé puisque je ne suis pas la responsable de sa mise sous les barreaux. Mais effectivement, ça n'avait pas été facile. J'avais mit du temps à assimiler les choses et à les accepter, malheureusement. Etrangement, cette boule au ventre que j'avais semblait légèrement se dissiper plus j'avançais dans mon récit. Et plutôt que de lui redemander son avis, j'entreprenais moi-même les choses. « L'évènement qui suit celui-ci est la bombe. En réalité, il se place juste après ça sur l'échelle des conséquences. C'est celui qui s'est passé plus tôt qui m'a réellement influencée. » dis-je alors d'un ton à la fois calme et légèrement tremblant. « Il y a.. une raison aussi logique qu'elle n'est injuste, au fait.. que je m'adapte, en fait. » Relevant les yeux vers lui, je poursuivais. « Si tu m'imagines à l'âge de six ans environ, dans quel genre d'environnement.. penses-tu que j'ai été scolarisée? » Parce que oui, c'était là le plus gros point à soulever.

Je l'écoutais et un petit "o" s'affichait sur mes lèvres. Putain, c'était quand même flippant. Bon, on pouvait pas dire que j'avais eu une vie facile, même si je ne parlais jamais de mon passé, mais ce qu'elle avait vécu, c'était quand même horrible quand j'y pensais. « D'accord je comprends ! Mais bon, le principal reste que de toute façon, il ne t'est rien arrivé, donc on peut dire que tu as eu de la chance. » disais-je avec un léger sourire compatissant. Enfin, compatissant.. A ma manière quoi. Je me demandais si elle allait me demander de choisir un autre nombre, mais non. Elle choisissait elle-même la suite de son récit et je ne disais rien. Je l'écoutais juste, car j'étais curieux, car je voulais tout savoir et car je ne voulais pas qu'elle s'arrête en si bon chemin. Ca devait être tout nouveau pour elle de dire la vérité, alors ça me faisait plaisir de savoir tout ça. Je devais l'avouer, ça touchait quand même mon égo. Il y avait une raison pour qu'elle s'adapte ? Je ne comprenais pas quels genres de raisons pouvaient pousser à faire ça ! Vraiment pas. « L'environnement ? » demandais-je en haussant un sourcil. Je ne comprenais pas vraiment et je me demandais bien ce qu'allait être sa révélation. Encore une fois, je flippais, bien évidemment. « En sachant que tu es riche, tu devais être dans une espèce d'école spécialement pour les enfants de riches, non ? » Je ne savais pas si c'était la réponse qu'elle attendait, mais je devais avouer que j'étais perdu et que je ne comprenais pas exactement où elle voulait en venir. Ce qui attisait ma curiosité.