zoie&hedwige - between the lines

Ca lui faisait du bien, et elle ne voulait pas réfléchir. Peut-être que plus tard, elle le regretterait. Sûrement même. Mais là, la seule chose à laquelle elle voulait bien penser, c’était au visage de Zoie qu’elle tenait entre ses mains, à ses lèvres qu’elle embrassait, et à ses mains sur ses hanches. Elle frissonna au contact de sa main sur sa peau, alors que les siennes allaient rejoindre les hanches de la brune. Elle retrouvait les mêmes sensations qu’elle avait eues, des années plus tôt. Les mêmes gestes, les mêmes instincts. Et il ne lui en fallait pas plus pour basculer complètement. A son tour, elle passa les mains sous le haut de la mather, profitant de cette peau douce qui lui avait tellement manqué. Jusqu’à ce qu’une secousse vint les interrompre. Hedwige sursauta, mettant fin au baiser. Son regard était indéchiffrable lorsqu’il croisa celui de son ex, avant de parcourir la cage, cherchant l’origine de la secousse. Mais elle était passée, et l’ascenseur ne bougeait plus. Elle se mordit les lèvres et replaça une mèche derrière son oreille, en essayant de retrouver une contenance. « Zoie, je… » Il y avait tellement de choses qu’elle voulait lui dire. Tellement d’autres qu’elle n’avait pas le droit de dire. Ce baiser avait juste renforcé sa confusion. « Je ne veux pas te faire de mal… » Je n’ai pas le droit. Je tiens à toi. Je ne sais pas. Tout était sous-entendu dans cette phrase, mais ça n’était pas dit qu’elle comprenne.

Zoie frissonna en sentant les mains de la dunster sur sa peau. Cette sensation lui avait manqué. Terriblement. Elle était incomparable. La mather n'avait pas du tout l'intention de s'arrêter là, mais une secousse les interrompit et elles redressèrent toutes les deux la tête, alertes, pour voir si ça signifiait que l'ascenseur allait repartir - ou alors chuter, qui sait. Mais rien. Elles étaient toujours coincées dans cette boîte, toutes les deux. Et le moment était passé. La frustration était terrible. Zoie aurait déjà voulu rembobiner de quelques secondes. Elle restait là, agenouillée devant Hedwige. Elle ne voulait pas lui faire de mal. Ca voulait dire quoi ? Qu'entre elles ça s'arrêterait là et plus rien ? Qu'elle choisissait l'autre ? C'est ça ? Elle ne l'accepterait jamais. "Regarde moi." Elle glissa sa main sur la joue de la jeune femme et la regarda droit dans les yeux. "Regarde moi et dis moi que tu ne ressens rien pour moi." Elle était à la fois déterminée et désespérée. Follement désespérée à l'idée de la perdre. "Cette fois, je ne m'enfuirai pas. Je me battrai pour toi d'accord ? Je ne referai plus jamais la même erreur. Je ne renoncerai pas à toi."

La regarder, c’était à peu près la dernière chose à faire, elle le savait. Mais Zoie ne lui laissait pas vraiment le choix. Comment voulait-elle qu’elle lui dise qu’elle ne ressentait plus rien ? Alors que tout ce qu’elle voulait, là, c’était de la prendre dans ses bras, l’embrasser, lui donner la moindre particule de son cœur et son corps ? La détresse d’Hedwige se fit plus oppressante. Et son cœur serré fit un bond douloureux lorsque Zoie lui annonça qu’elle se battrait, qu’elle ne renoncerait pas. Son souffle était court, et il n’y avait pas le moindre son qui voulait bien sortir de sa gorge. Et de toute façon, pour dire quoi ? Ce que la mather voulait lui faire dire, c’était juste impossible. Et en même temps, elle n’était pas comme ça. Elle n’était pas cette fille-là. Julia comptait sur elle, lui faisait confiance, et elle la trahissait de la pire des manières possibles, rien qu’en étant dans cet ascenseur avec son ex. Plus que son ex, son premier amour. Celui qu’elle n’avait jamais oublié. Celui qui avait bouleversé sa vie, toute son existence. Elle ferma les yeux, dans une tentative désespérée pour reprendre son souffle, retrouver le chemin vers sa raison. Et enfin, elle parvint à murmurer, à peu près posément. « J’ai besoin de temps. »

Zoie n'aurait aucune réponse aujourd'hui. Même coincées dans cet ascenseur. Elle se demandait si Hedwige dévoilerait ses sentiments un jour. Elle aurait aimé savoir ce qu'il en était vraiment. Mais elle était convaincue qu'il y avait bien quelque chose. Elle l'avait senti. Ressenti, même. Elle baissa la tête. Elle n'était pas exactement du genre patiente. Quand Zoie voulait quelqu'un, elle n'attendait pas. "Ne tarde pas trop Hedwige. On a déjà perdu 7 ans. Je n'ai pas envie de perdre plus de temps. Je sais que c'est toi. Ca a toujours été toi." Au moins c'était clair. C'était dit. Et elle ne le dirait pas deux fois. Maintenant c'était à Hedwige de faire le prochain mouvement. Si elle n'était pas capable de faire un choix, c'est que ses sentiments n'étaient pas entièrement réciproques. Elle partait de ce principe là totalement injuste pour justifier son impatience. Même si elle était prête à prendre sur elle pour donner du temps à la dunster. Il n'était pas question de tout faire foirer. Seulement elle était impulsive. Attendre, c'était prendre le risque qu'elle fasse quelque chose de stupide par jalousie.

On a déjà perdu sept ans. Oui, c’était vrai, elles avaient perdu sept ans, et c’était déjà beaucoup. Mais était-ce une raison pour se précipiter ? Pour la brusquer ? Elle voulait quoi, qu’elle fasse un choix là maintenant ? Que sur un coup de tête, elle décide de tout lâcher pour elle ? Hedwige fronça légèrement les sourcils. Ça avait toujours été elle… Vraiment ? C’était cette carte-là qu’elle voulait jouer ? Elle planta son regard dans celui de Zoie. « Si tu le savais, pourquoi tu n’as pas cherché à me retrouver ? » Oui d’accord, elle avait fui à cause de ce qui lui était arrivé, qui était terrible, elle en était parfaitement consciente. Mais ça faisait six ans qu’elle était à Harvard, qu’elle vivait sa vie tranquillement, sans prendre la peine d’essayer de la retrouver. Six années pendant lesquelles Hedwige avait aussi vécu sa vie, bien sûr, mais ça n’était pas la question. « Tu ne peux pas faire ça Zoie. Tu ne peux pas débarquer comme ça et me demander de tout quitter pour toi. Il y a sept ans, je l’aurais fait, tu sais ? Mais là… » Là, elles avaient mûri. Elles n’étaient plus des gamines, du moins, c’était ce dont Hedwige essayait de se convaincre. Et puis en fait ça n’avait rien à voir. Elle demandait du temps, Zoie refusait, et ça la dérangeait. « Me presser n’y changera rien du tout. »

Aie, aie, aie. Zoie se prit à peu près trois gifles en plein figure coup sur coup. Pourquoi elle n'avait pas cherché à la retrouver ? De un, parce qu'elle l'avait plaquée et que Zoie avait douté, de deux, parce qu'elle préférait encore ne pas savoir plutôt que de constater qu'elle avait refait sa vie, de trois, parce qu'elle n'avait pas eu envie de replonger dans son passé, et Hedwige évoquait forcément ses parents, et Montréal. Mais elle ne lui répondit pas tout ça. Elle se contenta de croiser les bras et de se braquer. Elle ne voulait pas faire de choix ? Elle préférait rester avec quelqu'un d'autre ? Elle n'était pas prête à réessayer ? Très bien. Elle en prenait bonne note. Parce qu'elle n'était pas prête de se livrer à nouveau à elle comme ça de si tôt. Ni de lui laisser une autre chance. Surement pas. Qu'elle aille se faire voir si elle changeait d'avis. Comment ça, Zoie était susceptible ? A peine. "Prends tout ton temps, dans ce cas. Comme le réparateur de ce foutu ascenseur." lâcha-t-elle avec sarcasme avant de retourner dans son coin, l'air renfermé habituel de nouveau collé au visage.

Okay, elle y avait été un peu fort. Mais Zoie l'avait énervée. Agacée, pour être plus juste. Et peu importait ce qu'il se passerait ensuite. Elle assumerait. Et oui, elle savait que ce que la mather venait de faire, elle n'était pas prête de le refaire de si tôt. Pour être honnête, ça l'arrangeait, parce que oui, elle avait besoin de temps. Vraiment. De réfléchir en étant au calme, et pas enfermée dans un ascenseur avec son ex qui la pressait pour avoir une réponse dans la seconde. Son sarcasme ne fit qu'accentuer son irritation, leur « moment » était bel et bien passé, en supposant qu'elles en avaient bien eu un. Elle essuya ses yeux humides, marquant la fin de son moment de faiblesse, et se leva, son portable à la main. « Je réessaie. » Et encore une fois, elle fit parcourir le moindre mètre cube d'air à son portable pour retrouver au moins une barre de réseau. En silence, d'abord. Mais elle ne put s'empêcher de répondre au sarcasme de Zoie. « Si tu crois que c'est facile, tu te trompes. » Elle n'ajouta aucun détail. Comment lui expliquer que Julia était tout ce qu'elle n'était pas ? Rassurante, droite, fiable, simple, et directe. Jusque là, on ne pouvait pas vraiment dire que son ex avait fait preuve d'une telle maturité...

"C'est ça, réessaie." lâcha Zoie avec un soupir d'exaspération. Qu'elle trouve du foutu réseau, que quelqu'un vienne les sortir de là, et qu'elle ne revoit plus jamais Hedwige, ça lui ferait les pieds. D'accord, elle disait ça sous le coup de la colère. Mais elle avait de le penser. Même si elle ne le pensait pas. Compliqué tout ça. "Je ne crois rien et je me fous que ça ne soit pas facile. Tu sais quoi ? Ma vie était très simple avant que tu débarques comme une fleur, et ça m'allait très bien." Alors elle allait y retourner, à sa vie sans Hedwige. Elle se taperait qui elle voulait, quand elle voulait, elle serait libre comme l'air, et personne ne la jugerait avec ce foutu regard désapprobateur que la dunster prenait une fois sur deux. Sérieux, on aurait dit sa mère, ou pire, sa nounou. Puis elle finirait bien par se trouver une fille bien pour se poser un jour. Une fille qui ne lui prendrait pas la tête. Hedwige trouvait peut être qu'elle n'avait pas fait preuve de maturité, mais ce n'était pas ce que Zoie voyait. Elle voyait surtout qu'Hedwige n'était pas capable de faire un choix, n'était pas au clair avec elle-même, et qu'elle rendait tout compliqué. Zoie, à travers ce qui semblait être de l'immaturité, voulait juste dire ce qu'elle pensait et refusait les semi-mensonges, et les prises de tête. Elle voulait une relation belle mais simple. Pas un film avec dix mille rebondissements. C'est bon, elle avait donné à l'adolescence. Elle se leva et essaya de nouveau d'appuyer sur le bouton de secours de l'ascenseur.  

« Tant mieux pour toi. Retournes-y à ta petite vie tranquille, si elle était si bien que ça. » Ca lui ferait des vacances. Ou pas. Non, en fait, ça la déchirait de lui dire ça. Mais ça serait plus simple pour tout le monde, pas vrai ? Elle serra la mâchoire, tellement fort qu'elle sentait la crampe arriver. Pourquoi n'arrivaient-elles pas à communiquer simplement, hein ? C'était complètement fou. Et Hedwige ne savait plus quoi faire, ne savait plus comment la prendre. Qu'on vienne les sortir de là, vite ! Une barre de réseau apparut sur son écran, et au même moment, Zoie appuya de nouveau sur le bouton d'urgence. Et... Elle n'en crut pas ses yeux, mais une sonnerie retentit du haut-parleur, suivie d'une voix masculine qui se voulait sûrement rassurante, annonçant qu'on les sortirait bientôt de là. Elle se précipita sur le micro « Dépêchez-vous, on a une blessée. » Oui, bon d'accord. Ca n'était peut-être pas aussi grave qu'elle l'avait laissé paraître, mais si ça aidait à accélérer les choses, elle n'allait pas s'en priver. Et tandis qu'elle se tenait juste à côté de la mather, la sonnerie de son portable retentit. Elle releva la main, et vit le nom de sa petite amie apparaître à l'écran. Son coeur se serra, et elle hésita une seconde, avant de refuser l'appel. L'air de rien, elle laissa retomber son bras, sans trop oser regarder la brune. « Tu vois, c'est bientôt fini. Tu pourras bientôt faire comme si que je n'existais pas. »

"Pas de problème, j'y retourne de ce pas." Parce qu'en plus, elle détestait ne pas avoir le dernier mot. Il fallait qu'elle se montre impitoyable jusqu'au bout en toutes circonstances. En même temps, Hedwige l'avait cherché. Elle n'était plus la même Zoie qu'avant, et avec elle c'était quitte ou double. Hedwige avait choisi quitte. Qu'elle l'assume. En attendant, il était temps de sortir de cet ascenseur, dont le bouton d'urgence remarcha comme par hasard. Le cynisme du destin ne la faisait absolument pas rire. Un vrai complot. Et la dunster qui se précipita pour dire qu'elle était blessée avant qu'elle ait pu en caser une. Zoie leva les yeux au ciel. "C'est bon, je ne suis pas en sucre, je vais survivre, merci pour ta préoccupation." dit elle sèchement. Voilà qu'elle se prenait pour sa nounou maintenant. Ca va, elle était grande, et elle pouvait se débrouiller toute seule. Non, elle pouvait se débrouiller sans Hedwige, c'était plus exact. Elle n'avait certainement pas besoin d'elle. "Cette perspective est la plus réjouissante des trente dernières minutes, ça illumine ma journée." Une vraie garce quand elle voulait.