zoie&hedwige - between the lines

L’ascenseur ? Non, pas l’ascenseur. Elle ne releva même pas. Parce que Zoie savait exactement, très exactement de quoi elle parlait. Elle le lui confirma d’ailleurs, en répondant finalement à sa question. Et elle ne savait pas. Bien sûr que non, elle ne pouvait pas savoir. Comment aurait-elle pu ? Comment aurait-elle su répondre à cette question en n’ayant pas la moindre idée de ce qui se tramait de son côté à elle ? Parce qu’au final, tout ça, c’était de sa faute, à Hedwige. Si seulement elle avait été honnête depuis le début, elles ne se seraient pas fait tout ce mal. Mais le problème, c’était qu’elle-même ne savait pas. Ce qu’il se passait. Ce qu’elle voulait. Ce qu’il fallait faire. C’était un dilemme permanent… Enfin non. La plupart du temps, elle parvenait à se raisonner. Mais il lui suffisait d’un regard, à peine une pensée pour la mather, pour que tout s’envole en éclat. Alors là, coincées toutes les deux dans un espace aussi étroit, autant dire que ça bouillonnait. Et elle avait mal de ne pas savoir. Et elle avait mal de lui faire du mal. « Moi aussi, je suis perdue. Moi non plus, je ne sais pas quoi faire. Depuis que je t’ai revue, c’est… compliqué. » Elle jouait avec la petite boîte. Réfléchissant soigneusement à ce qu’elle représentait. A ses mots. Et à ceux que Zoie lui avait dits, la dernière fois. « La vérité, c’est que tu me fais peur, Zoie. »

Compliqué ? Alors c'était ce qu'elle lui inspirait, quelque chose de compliqué ? Elle déglutit difficilement. Elle aurait franchement voulu lui provoquer autre chose, comme sentiment. Il fallait qu'elle arrête. Qu'elle arrête de croire que quelque chose était possible entre elles. De se demander si Hedwige aussi était troublée. De se rattacher à cet espoir, et d'y penser tous les jours. Elle se faisait du mal. L'incertitude était insupportable. Elle devait se faire une raison. Mais elle s'était déjà dit ça, et elle continuait à s'accrocher. "Compliqué ?" Releva-t-elle volontairement. Elle avait besoin d'en savoir plus. Depuis qu'elles s'étaient embrassées, elle était dans l'incertitude et Hedwige ne s'était pas livrée. Mais le plus dur fut d'entendre qu'elle lui faisait peur. "Peur ?" Zoie était choquée, et surprise. C'était la dernière chose à laquelle elle s'attendait. Franchement, elle ne comprenait pas. "Peur de quoi ? Hedwige, je ne vais te blesser, je ne m'en prendrais jamais à toi, enfin ! Jamais. Et si t'as peur de moi je ..." Son regard se perdit dans le vague. "Je ferais ce qu'il faut pour ne plus te croiser. Je ne veux pas que t'aies peur à cause de moi."  

Compliqué, oui. Et peur, oui. Elle avait levé les yeux vers Zoie, attendant sa réaction. Mais elle fut bien différente de tout ce à quoi elle avait pu penser. Non en fait, elle était carrément à côté de la plaque. Zoie n’avait visiblement pas compris. Et elle allait devoir être plus claire. Mais en fait, elle n’en avait pas vraiment envie. Si elle lui disait, tout, ce serait… trop dur à accepter. Zoie lui en voudrait, sûrement. Et c’était la dernière chose dont elle avait envie. Mais avait-elle encore le choix ? « Non, ce n’est pas ce que je voulais dire. » Elle secoua la tête, gênée de ne pas s’être fait comprendre. « Je n’ai pas peur de toi, pas comme ça. Je… » Elle prit une grande inspiration. Il fallait se lancer. A tout prix, il fallait. « C’est compliqué, parce que j’ai déjà quelqu’un dans ma vie. Que… que je pensais que tout allait bien. Mais que depuis que tu es là, j’ai du mal à… je n’arrive pas… je ne peux pas t’ignorer. Ni toi, ni tout ce que tu me fais ressentir. » Voilà, c’était dit. Son cœur battait la chamade. C’est qu’on était à l’étroit dans cet ascenseur.

Visiblement elle était à côté de la plaque. Elle ne faisait pas "peur" à Hedwige au sens où elle l'avait compris. C'était toujours ça, parce que franchement, elle ne lui ferait jamais de mal. Et elle espérait que la dunster le savait. Elle haussa un sourcil, attendant la suite des explications. Elle avait besoin de comprendre. Et la sentence tomba. Et fut terrible. Elle avait déjà quelqu'un. Voilà. Hedwige avait quelqu'un dans vie, quelqu'un d'autre, avec qui elle était heureuse. Quelqu'un d'autre qui avait le droit de l'embrasser, de prendre soin d'elle, de la protéger, de s'afficher avec elle. Elle eut l'impression qu'on venait de transpercer son ventre avec un cran d'arrêt. Elle baissa la tête pour dissimuler son visage. Comment est ce qu'elle pouvait cacher sa réaction, coincée dans un ascenseur avec elle ? Puis elle ne pouvait pas contrôler ça. Elle ne pouvait pas contrôler ses sentiments, ni ce couteau en travers de son estomac, ni la douleur dans sa poitrine. Elle glissa ses mains sur son visage. Il ne fallait pas qu'Hedwige voit son visage figé, voit ses yeux tout à coup plein de larmes. Elle faisait un effort surhumain pour les retenir. Pour essayer de prendre sur elle. Il fallait qu'elle dise quelque chose bordel. Elle ne pouvait pas se recroqueviller comme ça sans réagir. Elle aurait pu balancer un sarcastique "au moins je te fais ressentir quelque chose, c'est toujours ça." Mais elle était trop atteinte pour user de sarcasme. Elle prit une immense inspiration, essuya discrètement ses yeux, prit un visage aussi impassible et mature que possible et redressa enfin la tête. "D'accord ..." Elle hocha la tête, comme pour se convaincre elle-même de ce qu'elle disait. "D'accord."

Zoie ne réagit pas. Enfin, pas vraiment. En même temps, comment aurait-elle pu réagir ? Elles savaient toutes les deux ce que ça signifiait. Elles savaient très bien, toutes les deux, ce qu'il s'était passé, ce qui se serait passé, ou ce qui aurait pu... Hedwige n'osait pas la regarder. Elle n'en avait pas besoin, à vrai dire, pour imaginer son visage. Bien sûr qu'elle avait mal. Au point d'en avoir des larmes ...? Non, elle ne voulait pas savoir. La simple idée d'être responsable de son malheur lui était insupportable, et ses propres yeux s'humidifièrent. Pourquoi n'avait-elle pas été claire depuis le début, hein !? Bon sang... « Je suis désolée... » Et elle avait tellement de raisons de l'être. Désolée de ne pas l'avoir dit plûs tôt. D'avoir attendu elle ne savait quoi, alors qu'elles se faisaient du mal sans même savoir pourquoi. Désolée de ne pas être libre pour elle, oh oui, elle l'était. Et désolée de ne pas l'avoir attendu... C'était ça, finalement. Ni plus, ni moins. Elle ne l'avait pas attendu, elle avait continué à vivre, à essayer d'être heureuse, sans elle. Et elle avait presque réussi... Presque. La petite boîte toujours dans sa main, elle la fixa longuement, se demandant ce qu'il fallait en faire. C'était injuste, ce qu'elle faisait vivre à Zoie. Et les mensonges qu'elle servait à Julia aussi. Parce que non, tout n'allait pas bien. Tout n'allait pas bien du tout. Et ça n'était pas en mentant à tout le monde, et surtout à elle-même, que ça allait s'arranger. « Ce que je t'ai dit, la dernière fois, je n'en pensais pas un mot. J'imagine que j'essayais juste de me convaincre que c'était mieux comme ça... Mais j'ai eu tort. Je... J'ai besoin de toi. Je ne veux pas te perdre. Encore. »

Désolée ? Elle était désolée ? Mais ça ne changeait rien ! Ca ne changeait rien du tout au fait qu'elle était prise et que Zoie avait des sentiments pour elle. Oui, elle avait des sentiments pour Hedwige toujours bien présents, inutile de se voiler la face plus longtemps. On aurait pu penser que Zoie allait se battre. Qu'elle allait se battre pour récupérer Hedwige. Mais non. Elle n'allait pas se battre contre un adversaire qu'elle ne connaissait pas. Elle n'avait aucun droit. Hedwige avait fait sa vie, sans elle, et elle devait l'accepter. Même si ça la tuait. Elle serra le poing. Elle ne voulait pas la perdre. Certes. Et ça signifiait quoi ? Qu'elle allait faire un pas en avant et deux pas en arrière à chaque fois qu'elles allaient se voir ? Parce que Zoie allait continuer à souffrir. C'était de la torture, ce qu'elle lui demandait. Et en même temps se priver d'Hedwige était tout aussi dur. Elle se retrouvait dans une situation impossible. Elle prit le parti de ne pas répondre. Pas maintenant. Elle se releva, tout à coup tirée de sa léthargie par la colère. "On va sortir de là. Fais moi la courte échelle."

Hedwige était perdue. C'était une évidence. Et oui, elle le savait que ce qu'elle demandait à Zoie, c'était difficile. De la torture. C'était complètement égoïste de sa part, d'ailleurs. Mais l'idée de la perdre, c'était insupportable. Tout autant que l'idée de laisser tomber Julia. Qui n'avait rien demandé à personne. Qui n'avait d'ailleurs pas la moindre idée de ce qui se tramait dans la tête de la blonde. Jamais elle n'aurait imaginé être dans cette position. A force de toujours être rationnelle, elle avait fini par rationnaliser l'amour. Se disant que c'était simple, finalement. Mais elle n'avait jamais imaginé revoir Zoie non plus... Une chance sur un milliard. Statistiquement impossible. Et pourtant. La brune se releva soudainement, ignorant ce qu'elle venait de dire. Et c'était peut-être mieux comme ça. Sortir de là ? Hedwige en avait autant envie qu'elle, mais passer par les conduits était toujours une idée stupide. Ca, ça n'avait pas changé. Mais elle n'était pas sûre de pouvoir l'en dissuader cette fois-ci, de toute façon. « Allez Wonder Woman, grimpe. » Elle se mit en position en dessous de la trappe.

Wonder Woman ? Zoie avait toujours préféré Black Canary, allez savoir pourquoi. Elle avait pris mal de cours de sport depuis qu'elle était à Harvard, et elle était devenue très agile. Hedwige ne le soupçonnait certainement pas. Elle prit un élan de deux grands pas, s'appuya sur la dunster, se propulsa et atteignit la trappe qu'elle poussa de la main gauche, pendant qu'elle s'accrochait au bord de la main droite. Les pieds dans le vide. Bon, il y avait toujours le sol de l'ascenseur en dessous, heureusement. Elle parvint à attraper le bord avec sa deuxième main, et se hissa lentement mais surement sur le toit de l'ascenseur. Des muscles en béton cette fille. Petite, mais intrépide. "Je ne vois rien" dit elle pendant qu'elle cherchait son portable dans sa poche, pour l'utiliser comme lampe de poche. Une fois trouvé, elle le dirigea vers le mur et observa la cage d'ascenseur. "On est coincées en plein milieu des étages." dit elle suffisamment fort pour qu'Hedwige entende. Et elle jura intérieurement. Elle était trop loin d'une porte pour tenter quoi que ce soit. Son petit numéro d'acrobatie n'avait servi à rien. Elle soupira et fit un pas en arrière, par réflexe. Sauf qu'un pas en arrière, il y avait la trape d'accès. En déséquilibre complet, elle ne put pas se rattraper et fit une lourde chute de deux mètres avant d'atterrir sur le sol de l'ascenseur.

Ouais, Wonder Woman, c’était comme ça. Elle aurait tout aussi bien pu l’appeler Shadowcat, niveau physique, ça aurait été plus proche. Mais peu importait au final. Zoie fit son acrobatie, et la dunster l’observa sans un mot. Visiblement, elle n’était pas la seule à avoir amélioré ses performances physiques depuis le lycée. Une fois que la mather fut sur le toit, elle attendit qu’elle lui parle. C’était comme si que tout ce qu’il s’était passé juste avant n’avait plus d’importance. Que tout ce qui comptait, c’était de sortir de ce fichu ascenseur. Elle lui indiqua qu’elles étaient coincées entre deux étages. Impossible donc d’essayer de sortir par là. A moins de grimper sur les câbles, mais Zoie n’était pas encore Catwoman. Hedwige soupira, et essaya à nouveau le bouton d’urgence. Pas de réponse. Elle se baissa vers son sac, cherchant son portable pour réessayer d’avoir du réseau, mais n’eut même pas le temps de l’atteindre. Un énorme bruit résonna dans la cage, faisant trembler l’ascenseur, et la blonde se retourna sur le corps étalé de son ex. « ZOIE !!! Ca va !? » Elle était penchée au-dessus d’elle, la main frôlant successivement sa joue, son bras, sa hanche, puis de nouveau sa joue. Elle n’osait pas vraiment la toucher, de peur de lui faire encore plus mal. Et elle attendit désespérément une réponse. Le visage beaucoup trop proche du sien.

Zoie ne comprit pas vraiment ce qui lui arrivait. La chute était trop courte pour qu'elle réalise. Elle vit juste le plafond de l'ascenseur et sentit un choc extrêmement douloureux au niveau de sa nuque. Les acouphènes envahirent sa tête à cause de la chute. Elle avait les yeux fermés, mais elle était à peu près consciente. Elle fronça les sourcils et essaya d'émerger. La première chose qu'elle vit fut Hedwige penchée au dessus d'elle. Puis elle glissa sa main jusque dans son cou qui la faisait souffrir, le toucha, et vit du sang sur sa main. Bravo Zoie, elle avait bien fait la maligne, y avait pas à dire. Son dos cognait, son bras gauche avait plus ou moins amorti la violence du choc et elle avait du mal à le bouger. Elle grimaçait, elle était dur à cuire mais elle n'arrivait pas à dissimuler la douleur. "Ca va, ça va t'inquiète pas." Elle ne voulait pas qu'Hedwige s'inquiète, et surtout pas qu'elle la voit en position de faiblesse. Sur coup là, plutôt raté, et par sa propre faute en plus. Elle se détestait.