※ sail aaaaway, Devyn

Voilà deux jours que toutes les équipes avaient repris la mer. Resté cloîtré dans un endroit aussi fermé qu'un voilier donnait des envies de meurtre à Cody. Pourtant casanier, il avait de plus en plus du mal à accepter la promiscuité et il avait grand besoin d'arriver à Cuba au plus vite. On était le dix juillet, on prévoyait d'amerrir dans la journée. Pendant ces longuuuues heures de traversée, Cody dut faire preuve d'imagination pour trouver de multiples occupations. Aujourd'hui, il s'essayait à la pêche. En farfouillant la cale du voilier pirate, il avait déniché un peu de fil de pêche et une longue cane qu'il avait remontés jusqu'au pont inférieur, à la poupe du bateau. Agenouillé par terre, il bricolait du mieux qu'il pouvait ces matériaux pour en faire un outil convenable. Il se souvenait de ses longues matinées d'été où, avec son oncle, il lambinait des heures sur le ponton situé juste en bas de la rue sous-jacente à la maison familiale, au Canada. Les embruns de la mer, la brise fraîche et la joie intense à la découverte des prises ravivaient en lui cette flamme qu'il avait gardée de son enfance. Mais pour le moment, il ne pêchait pas, pas tant qu'il ne réussissait pas à fabriquer cette maudite canne artisanale. Il devait être neuf heures, peu de ses coéquipiers n'étaient encore levé ou, du moins, ne se promenaient sur le pont. Sinon il aurait demandé de l'aide, vous pensez bien. Quoiqu'on l'aurait pris pour un extra-terrestre.

Deux jours. Deux longs jour sur un bateau, et tu savais déjà que tu préférais la vie sur la terre ferme. Ce n'était pas parce que tu avais le mal de mer, non, au contraire, tu te sentais plutôt bien. Par contre, le bateau n'offrait guère d'intimité, il fallait déjà considérer le fait que les chambres étaient pour six personnes, et tu avais du mal à gérer ça, avec ta pudeur extrême. Entre ça et ton besoin de solitude quotidien impossible à combler, tu étais quelque peu à cran. S'ajoutait également à ceci le fait que tu avais toujours des difficultés à dormir dans le bateau, ce qui te rendait plus fatigué et irritable au final. Tu n'étais donc pas là de la meilleure compagnie ce matin-là, alors que tu venais de prendre seul ton petit-déjeuner, encore réveillé de trop bonne heure. Tu décidas ensuite d'aller sur le pont, un endroit où, normalement, tu ne pensais voir personne, vu l'heure matinale. Malheureusement, ce n'était pas le cas, mais au moins tu n'avais aucun problème avec la personne, vu qu'il s'agissait de Cody, un Lowell que tu connaissais un peu d'avant le Summer Camp. Il était entouré de fil et... d'une canne : il voulait faire quoi, pêcher ? Etonnant. Matinal à ce que je vois. Que fais-tu donc ?

Si son portable ne jouait à pas à Lost : les disparus depuis quelques jours, Cody se serait dépêché d'appeler le 118 218 pour avoir le numéro du Bob le Bricoleur le plus proche. Là, ce qu'il bidouillait ressemblait à tout sauf à une canne à pêche. Avec un peu de chance, il parviendrait à le rendre un minimum beau pour le transformer en bibelot décoratif, le genre qu'on accroche dans le hall d'entrée, que tout le monde voit mais dont tout le monde se fout. Alors qu'il était plongé dans des réflexions intenses à base d'équation du cinquantième degré, quelqu'un vint lui adresser la parole. Un sursaut lui déchira l'échine, il ne pensait pas croiser quelqu'un aussi tôt. Peut-être était-il tombé de son lit. Il s'agissait de Devyn, un futur Lowell avec qui il avait brièvement l'occasion de discuter.  Il ne prit pas la peine de se lever, il ressemblait à un gosse entouré de ses jouets qu'on prenait en photo sur le vif, avec la même lueur étincelante dans les pupilles. « J'ai l'impression d'être un hamster coincé dans sa cage, faut que je bouge. » soupira-t-il en laissant tomber la longue tige en bois qu'il triturait depuis toute à l'heure. Le jeune homme s'interrogeait sur ce qu'il faisait. Ahlalalala, si seulement il le savait. « Pour le moment, pas grand-chose. Mais mon grand projet dans la vie, c'est de terminer cette fichue canne à pêche et lancer l'hameçon par-dessus bord. » Un rêve, rien qu'un rêve.

Cody semblait être à la fois en mode enfant perdu et enfant devant plein de cadeaux, c'était assez déstabilisant de la part de Cody. Du coup, tu ne savais pas trop s'il était content ou pas, surtout qu'il se comparait à un hamster en cage. Il pouvait être heureux dans une cage tout comme être malheureux, non ? Après tout, tout dépendait du maître... En tout cas, vu son soupir et le fait qu'il laissa tomber une partie du matériel, cela ne devait pas franchement être bon signe. Ou un poisson dans son bocal sinon Quoique... Ne disait-on pas qu'un poisson oubliait tout dès qu'il avait fini son tour ? Il ne pouvait pas s'ennuyer s'il oubliait, ce n'était peut-être pas un bon exemple... Bref, toujours était-il que ton hypothèse était bonne, il voulait pêcher juste avec ça. Tu n'étais pas sûr d'être d'une grande aide, vu ta maladresse, et tu n'avais pratiqué la pêche, mais cela ne coûtait rien de tester des idées, non ? Et puis, cela t'occuperait. Tu t'assis donc en tailleur face à lui et ses composants, avant de réfléchir. Et si tu réussis à faire des nœuds sur la tige assez solides pour tenir sans bouger, mais permettait de passer ton fil, cela le fixerait et tu n'aurais plus qu'à le jeter, non ?

Dans ce bateau, Cody se comparait à un hamster, un lion, un crotale, en fait … À n’importe quel animal que l’on gardait souvent en captivité. Il avait l’impression de devenir fou à voir tout le temps les mêmes têtes à tout moment de la journée. Pourtant, il n’avait pas d’ennemi sur la navire. Mais il y avait également une once de frustration qui s’accaparait de ses ressentiments envers la traversée et c’est pour cela qu’il avait besoin de s’aérer. De s’occuper l’esprit tout du moins. Devyn renchérit en parlant du poisson dans son bocal. Pas con. Petit moment de silence. Attention … Reprise. « Il vaut quand même mieux être un hamster dans une roue qu’un poisson dans un bocal. » Phrase philosophique du jour bonjouuuur. Cette réplique était presque digne de figurer sur un petit papier que l’on insérait à l’intérieur d’un fortune cookie, que l’on servait traditionnellement dans les restaurants chinois. À une époque, Cody en faisait la collection. Jusqu’au jour où il a été en âge de comprendre exactement ce que signifiait ces fameux proverbes … Et qu’il n’a pas compris. Sans qu’il n’eut à lui demander, Devyn se joignit à son puzzle et proposa une solution pour régler le souci. En effet, là où Cody galérait, c’était pour la fabrication d’un moulinet ou, du moins, un mécanisme lui permettant d’attacher solidement la ficelle. « Hum. » commença Cody en analysant bien ce qu’il avait entre les mains. Pas con. « T’as un bac + combien en fabrication de canne à pêche ? » Bac + … Que lui. Ça, c’était une certitude.

Non mais... C'était quoi cette réponse ? Tu n'étais pas encore suffisamment habitué aux phrases étranges de Cody, et tu le regardais donc d'un drôle d'air lorsqu'il dit que pour lui, être un hamster dans une roue était mieux qu'une poisson dans un bocal. Nouveau blanc entre vous deux, mais là, tu séchais pour trouver une réponse. Tu te contentais donc simplement de hausser les épaules, signe de ton maque d'intérêt pour cette question, avant de t'asseoir et d'étudier un peu mieux cette fameuse idée de canne à pêche. Ce n'était pas si bête malgré tout, même si tu doutais que l'on puisse attraper si facilement un poisson alors que le bateau se déplaçait. Mais bon, tu n'y connaissais rien du tout, c'était peut-être possible... Au moins, cela vous occupait à deux, et tu pouvais toujours mieux le connaître aussi, même s'il semblait quelque peu... fou. La preuve encore avec sa question, sur tes études en la matière : tu tentas cependant de rentrer dans son jeu. Bac-24 aux rattrapages, cela suffira ?

Cody aurait dû s’en douter qu’il n’avait pas en face de lui un mec qui sortait d’école d’ingénieur, que partant d’une allumette, il pouvait concevoir le plan de Boeing 417 à turbo propulsion. Qu’est-ce qu’il s’imaginait ? Il était dans une équipe de winners, de Terminators dopés à l’adrénaline, pas des gens qui fabriquaient des cannes à pêche. Dommage pour Bleeker qui devrait se contenter de ses maigres connaissances là-dedans. Encore heureux qu’il était un minimum bricolo. En espérant que Devyn le soit aussi, si jamais il avait l’intention de lui tenir compagnie. « Je doute que ça fasse avancer notre affaire … » répondit Cody, haussant les épaules par la suite. Il leva les yeux au ciel, plissant légèrement les paupières et analysa durant quelques secondes l’état du firmament qui se déployait au-dessus de leurs têtes. En monsieur météo qui se respecte (ou pas) il affirma ; « De toute façon, je pense pas que l’on soit pressé par le temps. » Il faisait beau et ils n’étaient pas près d’amarrer à Cuba.

Non, il était certain que tu n'allais pas aider de par tes connaissances, tu n'aurais que ton imagination pour seul recours. Ce n'était pas tes capacités manuelles qui allaient faire de toi un avantage, elles étaient très limitées après tout. Mais bon, cela ne coûtait rien d'essayer, non ? Mais Cody semblait être en train de regarder le ciel, pour une raison totalement inconnue. Il n'y avait rien de spécial à l'horizon, aucun avion... rien quoi. Juste le ciel bleu sans nuage. Et apparemment, c'était cela qui l'intéressait vu le pronostic qui suivit. Dans quelques heures, à ce que j'ai compris hier. On a le temps de faire du bricolage en attendant. Ton ton faussement enjoué contrastait avec l'air perdu que tu affichais en regardant les outils. Cela promettait d'être drôle... Tu tentas en tout cas de commencer ta première idée, à savoir de faire des nœuds pour tenir le fil de pêche qui irait à la mer.

Quelques heures ? Encore ? Des heures en plus ? Cody aimerait tant que la distance qui les sépare du débarquement à Cuba se compte en minutes, voire en seconde. Mais apparemment, il pouvait toujours courir. Voilà pourquoi, de la fabrication de la canne à pêche, il espérait gagner du temps. Sinon, il pouvait toujours se servir du fil de nylon pour se pendre. Quoiqu'il n'était pas convaincu de l'efficacité de la chose mais à tenter mais dans un élan de désespoir, why not. « J'ai vraiment hâte d'arriver. Vous êtes mignons les Rhumtabagas, mais je sais que si je reste encore un jour de plus enfermé avec vous, je vais virer fous. » Parfois, Cody se demandait s'ils n'avaient pas recueilli les membres de l'équipe dans un asile psychiatrique. La théorie se tenait, il y avait quand même dans ce voilier une belle brochette de tarés. Non mais ils étaient gentils. Disons que le rhum n'était pas que dans le nom de l'équipe, pour résumer. Il laissa Devyn bricola la longue tige en bois et se pencha légèrement en arrière, prenant appui sur ses mains. Il fixait avec intérêt des mains du jeune homme qui se dévouait à la tâche. « Tu rejoins les Lowell à la rentrée, c'est ça ? » Cody en était à peu près sûr mais c'était histoire de faire la causette.

Apparemment, quelques heures, c'était encore trop pour Cody qui semblait au bord du désespoir... ou presque. Ta réponse ne devait pas être la bonne, tu semblait être tombé sur un grand impatient. Tu ne peux cependant que sourire et même légèrement rire face à cette remarque, qui était finalement assez proche de tes pensées. Ce n'est pas faux, c'est un peu restreint comme endroit, pour le nombre que nous sommes. Et dire que tu étais loin de connaître tout le monde... Tu ne pus cependant t'empêcher d'ajouter, pince sans rire. Au pire, si c'est trop long, accroche-toi à ce fil de pêche et passe par-dessus bord pour nager derrière le bateau... et à toi la liberté et l'espace ! Tu plaisantais bien sûr, tu t'imaginais assez mal quelqu'un faire cela. Concentré sur tes nœuds, tu ne répondis pas de suite à sa question, occupé à faire tenir le tout premier sur la tige tout en faisant glisser la plus grande longueur de fil dedans. Je vais essayer en tout cas. C'est vraiment la maison qui me correspond le plus.