Bien sûr qu’il savait que Devyn avait raison, que s’il lui racontait toute l’histoire, ce ne serait pas la fin du monde. Mais ce n’en était pas loin. Il était son meilleur ami, il n’avait pas envie de le perdre pour une histoire qui remonte à six ans et dont il est auteur des méfaits. L’esquisse d’un sourire se dessina sur ses lèvres lorsque le Gale parla de ses doutes quant à la volonté de William de le tuer. Selon lui, il était impossible de le cacher dans la bibliothèque, et instinctivement, William balaya furtivement la pièce du regard comme pour vérifier son hypothèse. Par-dessus l’épaule du blond, il ne vit que quelques marches, menant à des rangées de livres qui semblaient être plus anciens que les romans qu’il avait vu en rentrant. De grandes fenêtres qui laissaient passer la lumière jaune du soleil, dessinant de grandes raies lumineuses aux formes des carreaux desdites fenêtres. Et des bouquins, des bouquins, des bouquins. Des étagères, des bouquins, des bouquins, des étagères. Devyn avait raison et William esquissa un nouveau sourire. Il avait l’impression qu’un vrai sourire lui demanderait un effort surhumain tant il se sentait vidé. Lorsque le blond parla du fait de remonter la pente, expliquant à William que, même si l’on se croit perdu, il existe toujours un moyen de remonter. William l’écouta mais il perçu dans sa voix une certaine absence. Il était bien là, il l’aidait sincèrement, ça se voyait. Mais peut-être semblait-il un peu ailleurs puisque le Kane savait qu’il ne faisait pas que lui donner son avis. Il avait vécu ce qu’il était en train de raconter. Il savait qu’il avait perdu ses parents puis sa grand-mère, qu’il n’avait plus aucune famille. Il se sentit égoïste subitement, parce que lui avait toujours sa famille, il n’était simplement plus en contact avec eux. Il avait ses raisons, il ne supportait que très difficilement les manières de son frère, PDG d’une grande entreprise de commerce international basé à Londres, et la légèreté de ses parents. Ils semblaient vivre en permanence sur un nuage, isolé de tout, à voyager en permanence. Ils le pouvaient après tout, ils étaient des rentiers extrêmement aisés. Mais William n’aimait pas l’idée de se reposer sur ses lauriers en envoyant le reste baladé. Non, vraiment pas. Et encore moins son égoïsme auprès de Devyn. Il savait au fond de lui qu’il serait capable de remonter la pente, mais il ne savait pas comment et surtout comment il serait après ça. Cette épreuve lui faisait du mal, beaucoup de mal, mais c’était différent de perdre sa famille. Alors il lui dit ; « Tu as raison.. » Il savait maintenant qu’il avait le soutien nécessaire pour se reconstruire, c’était Devyn sa famille à présent. Si lui avait réussi à être la personne qu’il est aujourd’hui après ce qu’il avait vécu, William lui devait au moins d’essayer. Il n’était pas suicidaire, loin de là, il voulait vivre. C’était une mauvaise passe, c’est tout, il avait hâte qu’elle prenne fin. Et puis enfin, il dit toute la vérité à Devyn. Sarah, les orages, sa vraie famille et sa fausse famille, les billets de train, le voyage, l’engueulade, les gifles, son départ. Et lui planté comme un idiot sur le seuil de la porte, incapable de la retenir. Il l’avait encouragé à parler, silencieusement, en lui faisant des petits signes de la tête. William n’avait certes pas eu le courage de regarder le jeune homme, mais il restait dans son champ de vision. Devyn prit ensuite la parole, il allait connaître le fond de sa pensée. Lorsqu’il lui dit qu’il avait du être brut de décoffrage, il pinça ses lèvres. Le mot choisi était faible, il entendait Sarah le supplier d’arrêter de lui parler, lui qui continuait. Il n’avait pas simplement été brut de décoffrage, il avait été une brute. Une brute mentale, un tortionnaire psychique. Il n’était pas sûr qu'il ai raison à cent pour cent, à moins qu’il ne soit seulement focalisé sur ses actes qu’il qualifiait d’ignobles aujourd’hui. Il secoua négativement la tête, insistant ; « N’importe qui aurait craqué en étant au pied du mur. J’ai simplement été une ordure. » Il inspira profondément avant d’ajouter, après réflexion ; « Tu sais, elle n’avait jamais rien dit de mal à mon sujet. J’énervais Henry & il me le faisait savoir. Mais Sarah ne disait rien, jamais rien. Et je crois qu’au fond… J’ai voulu qu’elle réagisse. » Il eu l’impression de se prendre une claque. D’où sortait-il ces révélations ? A force de parler, son esprit devait s’éclaircir. Après tout, même s’il y pensait souvent, il n’avait jamais cherché à savoir le pourquoi du comment. Et aujourd’hui il lui apparaissait comme ça, il en devenait fou. Devyn lui dit qu’il avait simplement manqué de tact, c’est vrai qu’il était d’une franchise pure & dure. C’est également vrai que Sarah connaissait ce défaut en lui, elle s’était montrée conciliante de nombreuses fois sans même que William ne le remarque, par moment. Le jeune homme lui dit également qu’ils avaient étés aussi dur l’un que l’autre, que ce soit avec l’autre ou avec eux-mêmes. William n’en était pas si sûr, il avait du mal à se sortir de la tête ce qu’il avait. Si aujourd’hui il pouvait remonter le temps & faire en sorte de ne rien dire à Sarah, quitte à la laisser vivre son mensonge, il l’aurait fait. Puis il se dit que finalement, ce n’était pas une si bonne idée. Il avait connu son meilleur ami grâce à Sarah, & s’il avait pu s’ouvrir aux autres, c’est parce qu’il avait choisi un nouveau départ à Harvard où il avait fait des rencontres qui l’on marqué. Il y avait même retrouvé Devyn. Alors il ne fut plus sûr de rien, le passé est le passé, de toute façon il ne pouvait remonter le temps. Il pouvait toujours tacher de réparer ses erreurs, mais celle-ci était coriace à ses yeux. Manquait-il de courage ? Surement. Pour la première fois de sa vie, il avait peur, comme un gosse. Il allait décevoir son ami par ce qu’il allait dire, mais s’il ne s’en doutait pas, maintenant il n’y aurait plus de doutes possible ; « Devyn je crois que j’ai volontairement voulu lui faire du mal. » Quelque chose lui tordit les tripes et il serra les mâchoires, incapable d’affronter le regard du Gale. Il était certain à présent que tout ce qu’il avait voulu, c’est qu’elle réagisse. Et elle l’avait fait. Il ferma les yeux, posant sa tête dans ses mains, les coudes sur ses genoux. Le dos vouté, il laissa son visage entre ses mains pour faire taire le martèlement des tambours dans sa tête. Il n’avait pas entendu Devyn se lever, c’est lorsqu’il fut à quelques centimètres de lui qu’il s’en aperçu. C’est sa voix, beaucoup plus proche, qui le lui indiqua. Il passa ses mains dans ses cheveux, aplatissant momentanément ses boucles brunes. Quelle horreur, il n’avait pas eu de cheveux aussi longs depuis des années, il devrait songer à les couper très vite. Il frissonna lorsqu'il l’appela Will, ça faisait des années qu’il n’avait entendu cela. En fait, il n’aimait pas qu’on scinde son prénom. C’était William, point barre. Mais il n’eut pas envie de crier sur Devyn bien au contraire. Il lui était très reconnaissant de ce qu’il venait de faire, et il pourrait lui dire que c’était normal autant de fois qu’il le voulait, il resterait reconnaissant envers lui. Après tout, les deux anglais se ressemblaient beaucoup d’un point de vue caractériel et de fonctionnement, il n’y a pas beaucoup de personne pour qui le Kane aurait pu en faire autant. Devyn était surement le seul. Il joint ses mains ensemble lorsqu’il lui dit qu’il ne se débarrasserait pas de lui, pas comme ça, qu’il était tenace. Merci d’être aussi tenace, pensa-t-il. Le roc qu’il était se brisait et Devyn était sa corde, celle qui maintenant les deux parties ensemble. Il inspira profondément ; « Merci d’être tenace. »