(+) Les jumeaux du bout du monde. w/Elisandra

« J’aimerai bien. Ce n’est pas contre toi mais je suis du genre méfiant alors avant de croire la bonne parole, je préfère avoir des preuves »répondis-je après une courte hésitation. J’étais un homme qui se fiait aux preuves comme le flic que j’avais été un jour. « Je ne suis pas certain que tu as été scout mais je suis actuellement en pleine reconstruction. Mon mariage est sur la corde raide, mes amis me détestent pour la plupart –l’un essayant régulièrement de me péter la gueule ; alors j’ai un peu de mal à me dire que j’ai une sœur jumelle. C’est un peu trop pour moi » soupirais-je avant de relever la tête pour la regarder. « Ajoute à cela que tu es une parfaite étrangère… Ce n’est pas fait pour m’aider »

Elisandra esquissa un sourire amusé. « Je suis une étrangère pour pas mal de monde, t’inquiètes j’ai l’habitude ! Allez lève ton derche et suis-moi, on va à l’hosto faire cette analyse » fit-elle en lui prenant le poignet pour l’inciter à se relever et à la suivre sans discussion jusqu’à l’hôpital où elle avait subit quatre ans de coma. Ce fut difficile d’ailleurs d’en passer le seuil mais Elie y parvint car elle ne pouvait pas perdre de vue son but. Elle commença la première avec la prise de sang pour mieux laisser l’infirmière faire son office avec Caleb. « Pour ta femme je suis sûre que tu vas trouver une solution, après tout… le mariage c’est pas que chiant, ça pardonne aussi, même quand on fait une connerie. Puis ton pote qui te castagne, au pire, offre lui un punching ball ? Quant à moi j’ai pas l’intention de te coller au train. Je veux juste que tu aies conscience des choses, point barre… après, la balle est dans ton camp Caleb. Quand tu seras prêt à entendre ce que j’ai à dire… tu me trouveras. »

Elisandra était un curieux personnage mais je devais avouer que je me retrouvais un peu en elle –bon carrément ; et c’est pour cela que je consentis à me relever et la suivre jusqu’à l’hôpital pour faire ces analyses ADN. C’était étrange de me dire que j’avais peut-être une sœur jumelle, une autre famille que les Weyss. Toutefois, dans mon cœur, ma famille biologique ne serait jamais réellement ma famille. Les Weyss m’avaient élevé et aimé et ils étaient ceux que j’appellerais toujours papa et maman. Je ne me voyais pas leur tourner le dos ou ouvrir grand les bras à ces autres parents. Du moins pas de suite mais peut-être qu’avec les années, cela serait possible. « Je n’ai pas vraiment envie de parler de moi. Pour l’heure, tu n’as fait que me balancer que tu étais ma sœur jumelle mais je ne sais toujours rien de toi alors si vraiment tu recherches ton frère jumeau va falloir remédier à cela car je ne suis pas du genre à sauter dans les bras d’inconnus et leur faire des mamours sous prétexte qu’on partage le même sang »

Elisandra se gratta énergiquement la tête alors qu’ils attendaient maintenant les résultats, seuls dans une salle d’attente. « Très bien, commence l’interrogatoire Sherlock, je t’écoute. Ça sera plus simple si je te dis tout ce que tu veux savoir, tu crois pas ? » Sauf que cette distance qu’il mettait entre eux la mettait mal à l’aise et qu’elle était à deux doigts de la crise d’angoisse. Ses mains tremblaient d’ailleurs violemment et elle s’assit aussitôt pour éviter de perdre la face. « Je te pousse à rien et surtout pas à des mamours. Je voulais avant tout que tu me croies, point barre. »

« Je ne veux pas t’interroger, juste apprendre à te connaitre. Si je voulais quelque chose de totalement froid et inintéressant, je t’enverrais un questionnaire à remplir. Parle-moi simplement de toi »levais-je les bras d’impuissance. Je n’avais jamais été très bon dans ce jeu et puis, j’avais tellement de question à lui poser qu’aucune ne se démarquait des autres. « Je n’ai jamais dit que je ne te croyais pas Elisandra » lui fis-je remarquer. J’avais simplement de m’appuyer sur un fait concret pour me rentrer l’information dans le crâne, là était la nuance. « Tu as quelqu’un dans ta vie ? Tu fais quoi ? Tu aimes quoi ?! J’en sais rien moi… Je n’ai pas lu le bouquin : faites connaissance avec votre sœur jumelle pour les nuls »

Elisandra poussa un pénible soupir en hochant la tête. Qu’il n’aille pas croire que c’était plus facile pour elle que pour lui… mais la norvégienne avait toujours le chic pour s’imposer des émotions fortes alors qu’en théorie, elle devait les éviter. « Je suis avec quelqu’un mais c’est un peu compliqué… à la rentrée je vais reprendre ma troisième année en architecture et en langues étrangères. J’adore les enfants, le tennis, la cuisine, les grandes balades solitaires, être entourée de mes proches et… voyager. Que dire d’autre ? Je sors d’un coma de quatre ans et je suis norvégienne. »

« Un coma de quatre ans ?! » m’exclamais-je en la regardant comme si je la voyais pour la première fois. J’oubliais les points communs que nous avions pour me concentrer sur cette donnée. « Tu as eu un accident ? » lui demandais-je en fronçant les sourcils. Quatre ans de coma, c’était hallucinant surtout que j’avais bien conscience qu’elle devait en avoir gardé des séquelles. Inconsciemment, j’attrapais une de ses mains avec une des miennes comme si j’avais besoin d’établir un contact quelconque. D’ailleurs à tout bien réfléchir, je ressentais ce besoin de la toucher à plus forte raison en sachant qu’elle avait souffert.

« C’est atroce dis comme ça, hein ? Et encore, on dirait pas trop en me voyant » fit-elle d’un ton diablement sérieux, regardant dans le vide pour éviter de croiser son regard. Elisandra ne savait même pas pourquoi elle en avait parlé, mais le contact de la main de Caleb contre la sienne fut salvatrice, même si elle n’était pas capable de la serrer. Ce n’était pas par manque de volonté mais plutôt parce que ses tremblements l’en empêchaient. « J’ai été agressée. Un salopard voulait mon sac à main, il m’a mit un coup de barre de fer derrière la nuque et comme je me suis défendue, il m’a descendue d’une balle dans la tête. Il paraît que je suis une miraculée, et mon fils aussi parce que j’étais quasiment au terme de ma grossesse. Mais ça va, hein ! La preuve, je suis encore suffisamment chiante pour te coller au train et te faire faire un test ADN ! »

La pression que j’exerçais sur sa main se fit plus forte à mesure qu’elle me racontait son agression. J’appris au passage que j’avais un neveu dans la nature âgé de quatre ans. C’était tellement inattendu. « Je suis vraiment désolé pour toi mais ton agresseur a-t-il été jugé ? » lui demandais-je avec une sorte de colère mêlée d’inquiétude. Je ne la connaissais pourtant pas et voilà que je m’inquiétais avec la même intensité que si je parlais avec ma propre femme. Ma tête refusait toujours de l’appeler sœur mais mon cœur lui, semblait plus enclin à l’accepter rapidement. L’avait-il reconnu ?! « Est-ce…Est-ce que tu as de la famille en ville ? En dehors de moi j’entends » lui demandais-je sans prendre conscience que je venais de m’inclure de ma propre initiative dans sa famille.

Elisandra plaça son autre main contre celle de Caleb à défaut de pouvoir la serrer. C’était diablement frustrant de ne pas être capable de serrer simplement une main… un geste tellement simple pourtant. « Je ne sais pas. J’essaye de me souvenir de sa tête mais ça me revient pas alors j’en sais rien » avoua-t-elle en toute honnêteté et sérieux. « A part le père de mon fils et mon petit bout que je viens à peine de connaître non, ils sont tous en Norvège. Mais ça va hein… je suis pas à plaindre. »