(+) Les jumeaux du bout du monde. w/Elisandra

La semaine prochaine allait rapidement être là et les commémorations de la seconde guerre mondiale avec. Je me sentais toujours empreint d'une certaine nostalgie pendant ces moments-là car voilà deux ans désormais que je connaissais la vérité sur mon passé. Je n'étais pas un Weyss pur et dur et mes parents me l'avaient confirmé il y a quelques jours. Nous avions longuement parlé car avec cette histoire de violeur etc... beaucoup de choses étaient remontées à la surface notamment le sujet de mes origines. Mes parents m'avaient alors avoué qu'ils m'avaient recueilli après m'avoir trouvé errant et sale dans leur domaine. D'après eux, cela faisait plusieurs jours que j'errais sans but et ils n'avaient jamais été en mesure de retrouver mes véritables parents. Aussi, pensant ne plus pouvoir concevoir d'enfants, Anita Weyss avait convaincu son mari de m'adopter et j'étais ainsi devenu un Weyss. Aujourd'hui, avec la naissance des jumeaux qui approchait, je me surprenais de plus en plus à vouloir en savoir plus sur mes origines mais pour l'heure, j'avais d'autre chat à fouetter. Je venais d'apercevoir la jeune femme qui n'arrêtait pas de me suivre partout. Je me dirigeais vers elle et posais ma main sur son épaule pour la faire se retourner. "Salut. Je dois te parler. Tu as quelques minutes?" lui demandais-je sans trop savoir comment réellement me comporter avec elle.

Elisandra venait de soupirer pour la dixième fois en une minute. Vider son casier, quelle drôle d’idée ! De toute manière, elle n’aurait sûrement pas l’utilité de tout ce qui se trouvait à l’intérieur, surtout pas alors qu’elle recommencerait sa troisième année en architecture à la rentrée de septembre… tout ce beau bordel allait donc finir à la poubelle, très certainement. Mais la jolie blonde était tellement concentrée dans le fait de réussir à fourrer tout son barda dans son sac déjà plein à craquer qu’elle sursauta en sentant une main se poser contre son épaule. « Bordel tu m’as flanqué une trouille ! » s’exclama-t-elle en le dévisageant un moment pour mieux tenter un petit sourire. « Ben… là j’essaye de fourrer toutes ces saloperies dans mon sac mais je suis toute ouïe faut pas croire ! »

Je n’avais de cesse de me repasser la conversation que j’avais eue lors du bal avec Bambi et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle avait raison. Si je ne parlais pas à Elisandra puisque j’avais fini par obtenir au moins son prénom, je le regretterais toute ma vie –surtout qu’il n’était pas évident de ne pas la croiser étant donné que nous appartenions à la même confrérie et que j’étais son bizuteur. « Désolé, je voulais pas t’effrayer » marmonnais-je en tentant de lui faire un léger sourire. « Tu t’en vas ? » fronçais-je les sourcils en sentant un pincement au cœur rien qu’à l’idée qu’elle puisse partir loin de moi. « Enfin, j’aimerai parler de quelque chose. Voilà, j’ai bien vu que tu me tournais autour depuis un certain temps et je n’arrive pas trop à comprendre pourquoi et surtout pourquoi ça me trouble. Tu as des vues sur moi ? »

« Non je ne vais nulle part, je fais du ménage dans des trucs qui ont quatre piges on va dire » soupira-t-elle et dieu sait combien elle avait accumulé de bordel à débarrasser de son précieux casier. En revanche, Elisandra manqua de s’étouffer en avalant sa salive à la question de Caleb. Elle le regarda subitement, le dévisageant même, avant de s’exclamer : « il n’y a aucune ambiguïté dans mon comportement je te rassure de suite, sinon bonjour l’inceste ! » Et heureusement sinon elle serait condamnée pour cela. « Je savais pas comment t’accoster en fait. C’était pas évident et je te remercie de l’avoir fait. »

« D’accord » répondis-je sans demander plus d’informations. Je me sentais à la fois à l’aise et son contraire en sa présence car je ne rêvais pas, il y avait comme une connexion entre nous. Je fronçais subitement les sourcils lorsqu’elle répondit à mes présomptions. « Pourquoi parler d’inceste, nous ne sommes pas de la même famille alors je crois que ce n’est pas le bon terme. Tu n’es pas attirée par moi mais tu ne sais pas comment m’accoster. Ecoute, si c’est pour un partenariat de danse, je dois te dire que j’ai déjà une partenaire et qu’une fois qu’elle aura accouché, je compte bien reprendre les entrainements avec elle »supposais-je qu’il s’agissait de cela.

Elisandra esquissa un petit sourire narquois et amusé en même temps. « Hey, pourquoi je parle d’inceste à ton avis ? » reprit-elle, ne sachant pas franchement comment aborder le sujet surtout que Caleb ne lui facilitait pas forcément la vie. « Oula non, la danse ce n’est pas vraiment mon truc… je suis en architecture pas en danse, enfin je l’étais. En fait, je te suivais parce que tu t’appelles Caleb Weyss et que ça fait un paquet de temps que je te cherche. On t'a dit que tu avais été adopté ou pas ? »

« Aucune idée. » fronçais-je à nouveau les sourcils. Cette femme était-elle folle ?! Sûrement même si la suite de ses paroles me donnèrent l’impression de recevoir un uppercut dans le ventre. Aussitôt, mon regard se fit nettement plus méfiant et froid comme si je cherchais à me protéger. C’était le cas comme à chaque fois qu’un(e) inconnu(e) me posait des questions trop intime. « En quoi cela te concerne que je sois adopté ou pas ?! Ecoute, je ne sais pas trop ce que tu me veux mais va droit au but sinon ça va pas le faire » grognais-je tout en la toisant avec intérêt. Je n’osais pas trop additionner A+B car même si je savais que j’étais adopté, je n’avais jamais eu réellement l’intention de chercher ma famille biologique.

La froideur subite de Caleb ne fit pas reculer Elisandra d’un millimètre. Elle s’était préparée à la chose et même si tous les discours qu’elle avait pu imaginer par le passé s’emmêlaient tous dans son esprit, elle n’en n’oublia pas son culot. « Tu as été enlevé lors d’un voyage à Berlin quand tu avais quatre ans. Nos parents t’ont fait chercher pendant des mois et des mois avant que le chagrin n’espace leurs recherches mais moi j’ai décidé de prendre leur relai et si je suis ici ce n’est pas par hasard. Tu vas me prendre pour une tarée mais il n’empêche que l’on est jumeaux Caleb. Il faut que tu me croies… si tu es bien celui que je cherche alors tu as une cicatrice derrière l’oreille droite. »

L’histoire concordait avec le peu d’éléments que mes parents m’avaient fourni sur mon passé mais il y avait le canyon du Colorado entre le fait de le savoir et de l’accepter. Cette femme qui se disait être ma jumelle débarquait dans ma vie au moment où je peinais à la reconstruire. Certes, Thaïs m’avait pardonné mais je continuais de me sentir dans mes petits souliers au sein même de notre mariage. Je ne parlais même pas de ma vie sociale au point mort car mes amis me reprochaient tous d’avoir fait souffrir ma jolie blonde. Non, Elisandra débarquait au plus mal. « Bordel de merde »lâchais-je avant de me laisser glisser contre les casiers. Dans un sens, j’étais soulagé de savoir qu’on ne m’avait pas abandonné mais de l’autre, je crois que je m’étais habitué au fait de ne pas connaitre mes origines. « C’est pour ça que je me sens lié à toi… D’un côté ça me rassure mais de l’autre, désolé de te dire ça mais je vais peut-être décevoir tes attentes car tu ne débarques pas vraiment au bon moment dans ma vie. »

« Tu veux qu’on aille faire un test ADN pour que tu en sois persuadé ? » proposa-t-elle, Elisandra aussi étant prête à jouer la carte du tout pour le tout. Il fallait qu’elle réussisse car la norvégienne ne supporterait pas un tel échec… c’était inenvisageable. « Heu… comment ça pas au bon moment, si tu me permets de demander ? » écarquilla-t-elle les yeux, surprise de sa réaction inattendue. « T’en fais pas, j’ai mon propre lot de chiottes mais… je peux être un soutien pas mal il paraît, parole de scout. »