(+) Une biche à sauver. w/ Bambi

Il était tard et c'est pourtant en marchant dans les rues que je regagnais l'agence. Ce soir, je ne dormirais pas à l'appartement mais Elisandra était prévenue. Elle avait l'habitude que je découche et puis, je ne me cachais pas d'elle non plus puisqu'elle savait très bien où me trouver. Ce n'était pas non plus pour la fuir que je m'en allais retrouver le lit de mon appartement privé au-dessus de mon bureau mais simplement parce que demain, je devais me lever tôt et qu'il était plus rapide que je dorme directement sur place. Il faut dire que durant ma semaine d'arrêt maladie, j'avais accumulé une dose importante de retard : les affaires n'attendent jamais. Un bruit dans la ruelle à ma droite attira mon attention. Je m'engageais dans celle-ci jusqu'à ce qu'une femme me tombe dans les bras, mal en point. Je jurais en grec avant de m'adresser à elle. "Qu'est-ce qui vous est arrivé?! Je vais appeler une ambulance, ne vous inquiétez pas" lui dis-je alors que je peinais à correctement la voir dans la pénombre de la nuit.

Foutu contrat merdique. Bambi savait par avance qu’il risquait de tourner au vinaigre et fatalement, elle se retrouvait avec une éraflure conséquente de balle sur le flanc gauche et probablement plusieurs côtes cassées. L’important désormais résidait dans le fait de se mettre à l’abri, mais pas auprès de Mina : elle risquait de faire une attaque en la voyant dans un tel état. A la place, elle s’engouffra dans une ruelle mais hélas, épuisée par sa longue course, elle s’écroula littéralement entre les bras d’un parfait inconnu au bataillon. « Pas l’hôpital… appelle l’hôpital et j’te zigouille… »

La surprise donna un semblant d’humanité à mon visage. Qui était cette femme ?! Une faible lumière vint éclairer son regard et l’espace d’un instant, je fus propulsé des années en arrière alors que je revoyais les beaux yeux de ma petite sœur. Est-ce que pour cela que je la soulevais dans mes bras pour reprendre la marche vers mon appartement. « Je crois que vous n’êtes pas en état pour me menacer d’une quelconque manière » lâchais-je tout en pénétrant par la porte de service pour atteindre mon ascenseur privatif. « Ais-je le droit d’appeler un médecin ou dois-je vous soigner seul ? » demandais-je.

« Détrompe-toi, je peux encore te broyer ton sac à bonbons » lui fit-elle remarquer car une lionne, une fois blessée, s’avérait plus dangereuse encore que lorsqu’elle était en bonne santé et blessée, Bambi s’apparentait davantage à une lionne qu’à une pauvre biche égarée, qu’on se le dise. « Pas de médecin. Plaie par balle, il poserait des questions… c’est quoi ton nom ? » demanda-t-elle en articulant avec difficulté, le souffle court. Ses côtes cassées ne l’aidaient pas en la matière et pourtant, Bambi ne lâchait pas cet inconnu sauveur du regard comme si elle avait une impression de déjà vu. « On se… connaît ? »

« Pas besoin d’être violente, je ne vous veux aucun mal » lui répondis-je dans un soupire agacé. « A moins que vous préfériez que je vous laisse dans cette ruelle sordide »ajoutais-je car je n’étais pas le bon samaritain alors si elle continuait ses menaces, elle pouvait toujours se brosser pour que je l’aide. « Je me nomme Hippolyte » lui répondis-je finalement après un court instant. J’appuyais par la suite sur le bouton ouvrant les portes de mon appartement, la conduisant jusqu’à la chambre où je l’allongeais sur le lit. « Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr à 100% » soupirais-je car son regard, lui, je le connaissais mais mon cerveau se refusait à analyser toutes les données. « Il faut que je vous déshabille pour vous soigner »

« Bah on ne prête qu’aux riches et m’emmerde pas avec tes grandes manières je suis pas d’humeur » avoua-t-elle sans le repousser, Bambi devant admettre qu’elle avait besoin de lui. C’était une question de survie que d’être méfiante et s’il n’était pas idiot, il le comprendrait sûrement de lui-même. « Bambi » reprit-elle pour se présenter. « Comment ça « pas sûr » ? Déshabille, ça va j’en ai vues d’autres il n’y a pas de soucis… »

« Cessez de me menacer dans ce cas. On ne vous a jamais appris à ne pas mordre la main qui vous soigne ?! » bougonnais-je car si elle n’était pas d’humeur, je l’étais moins. D’ordinaire, je ne me serais même pas retourné vers elle alors qu’elle s’estime privilégiée. « Bien. Les présentations sont faites »lâchais-je après coup avant de commencer à la déshabiller avec des gestes mécaniques. « Vous ressemblez à une personne que j’ai bien connu enfant du moins, vous en avez le regard » lui dis-je tandis que je la laissais en sous-vêtement pour mieux me diriger vers la salle de bain où je trouvais le nécessaire pour pouvoir la soigner. J’avais l’habitude de ce genre de choses mais il me fallut bien prendre le temps de reprendre le contrôle de mes nerfs tant la vue du sang ne m’avait pas laissé de marbre.

« On ne vous a jamais appris à ne pas faire forcément confiance au premier inconnu qui passe ?? » répondit-elle mécaniquement non sans savoir pourquoi elle en était si affectée. Cette phrase semblait raisonner de façon si juste dans son esprit… « Une personne, c'est-à-dire ? Non parce que j’ai l’air plus jeune que vous, c’est pas pour dire… » fit-elle remarquer avant de tenter de se mettre en position assise non sans gémir de souffrance. « Je dois avoir des côtes cassées… bordel ! »

« Vous parlez sûrement à l’homme le plus méfiant de la planète mais j’ai appris également que lorsqu’on cherche à m’aider, je ne menace pas mon sauveur au risque qu’il me laisse dans ma merde »rétorquais-je machinalement avant de la forcer à se rallonger. « Cessez donc de bouger, vous vous faites saigner plus qu’autre chose »la rabrouais-je avant de secouer la tête. « Vous me faites penser à ma petite sœur que je cherche depuis dix-neuf ans » expliquais-je tout en commencer à nettoyer sa blessure la plus importante.

« Et vous parlez à quelqu’un qui a passé une très mauvaise nuit et n’a pas envie qu’on l’enguirlande, ça vous va ? » soupira-t-elle, ne sachant même pas pourquoi elle continuait à parler à cet énergumène manifestement certain de tout savoir sur tout. Bambi se rallongea néanmoins avec docilité, grimaçant au passage car cela ne faisait pas du bien tout en fronçant les sourcils à ses mots. « Impossible, j’ai pas de frère. Puis je suis monténégrine et Hippolyte, ça sonne pas vraiment monténégrin, désolée. Juste mes yeux vous font penser à votre sœur ? C'est un peu léger pour vous comme preuve, non ? »