※ may the force be with us Alexia

Grand manitou Cody Bleeker. Voilà comment tout le monde devrait l'appeler à présent. Il aimait beaucoup ce surnom, il imposait tellement le respect qu'il pensait même à se renommer sur Facebook voire ajouter ce surnom à sa carte d'identité, au même titre que Johnny Hallyday m'voyez. Ça lui irait si bien. En réalité, même s'il le voulait très sincèrement, il ne parviendrait pas à s'éloigner d'Alexia. Elle était sa muse en matière d'idées foireuses et de conneries, de blagues vaseuses et de drague pourrie. Il avait besoin de sa dose pas quotidienne mais au moins hebdomadaire d'Alexia. Quotidienne, ça serait de trop. Comme le mcdo. « Je préfère ça, Ô ma lady Alexia-de-la-tour-du-pop-corn-fleuri. » Lady Alexia. Ahaha, il en sortait des conneries. Elle avait autant d'une lady que Cody avait de Brad Pitt à l'époque où il a joué dans Friends. Il s'exécuta aux dernières tentatives d'essuyage – il n'était pas franchement convaincu par l'efficacité des mouchoirs – et jeta les résidus par terre. Vue la bataille de pop-corn qui avait précédé, les messieurs du ménage n'étaient plus à un mouchoir près. « D'autres films te feront oublier mon cinéma. » Par films, il fallait entendre d'autres aventures, d'autres histoires, d'autres garçons. Cody Bleeker n'était pas éternel dans les cœurs. Même si Alexia avait quasiment prononcé le serment du mariage. « Ameeeeeeeeen. » lâcha-t-il en imitant le timbre solennel d'un moine tibétain en pleine prière, le tout en joignant ses mains et en se penchant en avant pour une révérence. « Tu es ma femelle. On a échangé nos kleenex mais on a oublié de faire nos vœux. » Sympathiques alliances, mine de rien. Ils faisaient tout a l'envers. Ce qui ne déplaisait pas au Lowell. 

Non mais Lady, le coup de vieux, elle étant anglaise mais pas encore dans l'aristocratie. Déjà qu'elle s'était faite appeler milady l'autre jour. Et puis, pop corn ok, fleuri c'était un compliment donc d'accord, mais de la tour, pourquoi ? Elle ressemblait à une tour sur un jeu d'échec ? A Raiponce coincée en haut de sa tour ? Elle avait un lien de parenté encore inconnu avec George de la Tour ? Mystère et boule gomme. Quitte à choisir autant être la descendante d'un illustre peintre. Ou ressembler à une princesse. Dur de dire. "Je crois pas, t'es le meilleur film que je connaisse à toi tout seul !" Imaginez, on filmait Cody tout seul dans une salle vide pendant une heure trente, et zoup, on avait un film à grand succès, le prochain block buster d'hollywood, avec comme star Bleeker le Joker. Qu'il continue à faire le pieux comme ça, lui manquait plus qu'une calvitie précoce et on aurait dit un prêtre. Chausséééé auuuu moine. Hum pardon. Y avait de quoi effrayer les croyants qui passeraient par là. "Ta femelle ?" C'était quoi cette dénomination horrible ? Elle avait l'impression d'être la reine des abeilles là. C'était quoi ce nouveau délire chelou de mariage ? Encore une nouvelle technique de drague innovante ? "Euuuuh. Que les liens des kleenex imbibés de café nous unissent pour le meilleur et pour le pire jusqu'à ce que la mort nous sépare ?" C'était ce qu'elle était supposée dire ou bien ? Fallait pas qu'il le prenne au sérieux, surtout. Pas qu'elle lui mette encore un râteau sans le vouloir et qu'ils recommencent leur guéguerre au prochain film.

Voilà que Cody doutait sérieusement de la culture cinématoraphique d'Alexia. Avec tout le respect qu'il avait pour elle et pour lui-même, elle était sacrément jetée pour dire que Cody était le meilleur film du monde. Ou alors elle le voyait avec les yeux de l'amouuuur et donc c'était pour cette raison-là qu'elle le trouvait si génial. Oh, ça ne pouvait qu'être ça. Systématiquement, il hocha frénétiquement la tête de droite à gauche afin de chasser cette idée de sa tête. Non, non, arrête, toi, de te faire des films. « Si tu veux je peux te signer un autographe. » affirma-t-il en levant le menton, prenant un air un peu hautain, un peu vantard. Au bal, après qu'il ait gagné ses awards, une fille lui avait affirmé qu'il devait s'entraîner à signer des autographes sur des seins. Peut-être que ce moment était venu. Qui dit star de cinéma dit femme de star de cinéma. Et voilà qu'il proclamait Alexia femelle de lui, un titre honorifique dont elle devrait tirer une grande fierté. Mais ça ne semblait pas lui correspondre. « Ma lady n'a pas l'air de te convenir, ma femelle non plus … Il faut que je t'appelle comment ? » Et please, pas Alexia. C'était tellement … Alexia quoi. Lady, il aimait bien, ça faisait penser à Lady Dickins. Enfin, cette dernière prononça les vœux comme pour sceller leur union. Il pouffa de rire. « Je t'épargne le passage où on s'embrasse, la nuit de noce, la lune de miel … Fais-moi juste le dîner, femme. » Quelle épouse chanceuse. Beaucoup rêverait d'être à sa place.

"Si tu y tiens. Mais ce sera sur un kleenex imbibé de café alors." dit-elle en haussant un sourcil. Un autographe, n'importe quoi. Ca y est, il se faisait à nouveau des plans sur la comète, comme si Alexia le voyait tel un héros. Ah ce Cody. Si ça pouvait lui faire plaisir et lui donner un peu de confiance en lui, qu'il le fasse. Elle jetterait le kleenex une fois arrivée chez elle, mais ça il ne le saurait jamais. Elle pouvait même lui fournir le stylo pour signer s'il voulait. Ouais elle se déplaçait avec un bureau dans son sac ou presque, comme toutes les femmes. "Appelle moi Alex, ça sonne plutôt bien." Elle n'était pas sa femelle ni sa lady, ni sa femme, non mais il avait perdu la tête. Le truc avec Bleeker, c'est qu'on ne savait jamais s'il était dans un délire passager ou s'il était vraiment persuadé qu'Alexia craquait pour lui et qu'elle voulait se mettre en ménage avec. Franchement, elle ne voulait pas lui briser le coeur encore, mais elle espérait que c'était juste une hallucination passagère, un nerf comprimé dans son lobe frontal, quelque chose comme ça. Puis Alex, ça faisait masculin, c'était parfait. Comme si c'était un pote. C'était exactement ce qu'elle était: une pote. "Je suis aussi bonne en cuisine que pour faire des claquettes, alors si tu veux de la bouillie en guise de repas pas de problème ... Autrement tu fais la cuisine toi. Ou alors tu achètes des plats surgelés. Ou tu divorces." Fais moi le diner femme, quel machisme, pff, même s'il disait ça pour rire - là encore elle n'en était pas certaine et le pire c'est que ça ne l'était probablement pas à cent pour cent - ça la faisait hurler en temps normal. Ca passait juste parce que c'était Cody et leurs délires bizarres !

« J'pense pas que tu aies envie de te promener avec un kleenex imbibé de café. » reprit Cody en affichant une mine presque désolé. Il n'était pas convaincu non plus qu'elle veuille se promener avec un autographe de lui mais soit, il ne le fit pas remarquer. Il avait fini par comprendre que Bleeker n'était rien que le mec chelou au bar qui, certes, rendait les fins de services moins ennuyants mais qui resterait toujours ce mec chelou au bar. Venait un moment où il fallait ouvrir les yeux. « Va pour Alex. » Il n'aimait pas Alex, il appelait ses copains Alex. Alexia était peut-être comme un copain, ceci dit. T'façon, dès qu'il faisait des allusions à plus que de l'amitié, même s'il en parlait avec légèreté, elle se braquait comme un caissier lors d'un hold-up. Donc ouais, il avait compris, inutile de lui faire un dessin, de lui démontrer par A + B et par je-ne-sais-quel-théorème de Pythagore que le triangle de leur relation était quelconque. « J'crois que je vais divorcer. Cuisiner des plats surgelés je sais le faire moi-même. » Correction ; sa mère savait très bien le faire. « C'aura été le mariage le plus court que la planète people ait connu. » Parfaitement, ils étaient des stars. Du moins, dans ce cinéma.

"J'espère que c'est un divorce à l'amiable, tu sais que de plus en plus de divorcés restent très bons amis de nos jours. Et on partage les biens en deux ? Je te laisse le pop corn " fit-elle en guise de signe de paix. Maintenant le but c'était de faire comprendre à Cody que même si elle n'était pas attirée par son super sex appeal de Bleeker, elle l'aimait bien et qu'elle se marrait bien avec lui: en fait c'était juste des moments inimitables made in Bleeker & Dickins. Deeker, le nouveau duo comique vedette que tout le monde adore. Bon ok, une autre fois. "Ouais, même plus court que le premier de Britney. Mais au moins le notre il a la classe !" Oui elle était fan de Britney Spears avant que quelqu'un demande. Puis se marier dans un cinéma c'était plus classe que se marier à Las Vegas quand même, ils allaient lancer une nouvelle mode. "Hé mais en plus j'ai même pas eu de bouquet de mariée, c'est de l'arnaque ça !" Elle rêvait de ce fameux bouquet qu'on lançait et que souvent sa meilleure amie attrapait signe qu'elle aussi allait se marier dans la foulée. Et puis tout à coup, Alexia regarda l'écran géant support du film. Le générique de fin était en train de commencer. "Oh la vache, le film est déjà fini, mais j'ai rien vu, c'est pas possible !" Ils s'étaient chamaillés pendant deux heures trente ? Ils avaient payé juste pour ça ? Ils étaient vraiment irrécupérables.

Pour quelques minutes de mariage avec Alexia, Cody n'avait le droit qu'au pop-corn. Et la moitié de sa fortune, sa voiture, son ordinateur, son bar, on en faisait quoi, hein ? Il avait un peu le sentiment de se faire carrément arnaquer dans cette histoire. Surtout que le pop-corn était quasiment vide et inutile de rappeler pour quelle raison. Cody baissa les yeux sur le bien qu'il avait récupéré, ne protestant pas. Ben ouais, la nana venait de parler de Britney, Bleeker était carrément fan d'elle quoi. « En même temps, Britney méritait mieux que ça. À mon humble avis, elle aurait dû passer sa vie avec Justin Timberlake mais je n'ai pas à interférer dans la vie de Britney. Quoiqu'elle fasse, je le respecte. » Ouais, comme s'il pouvait émettre une objection sur ce que faisait – ou pas – son idole. À présent, il soupirait ; elle râlait pour son non-bouquet. N'importe quoi. « J'ai pas eu ma nuit de noces donc j'estime qu'on est quitte. » Voilà, donc elle pourrait râler tant qu'elle voulait mais tant qu'il n'aurait pas sa nuit de noces, elle n'aurait pas son bouquet. C'est-à-dire qu'elle n'aurait sûrement jamais son bouquet. On peut barrer le sûrement. Puis, elle lui fit à juste titre remarquer que le film était fini. Oh. My. God. Il avait l'air tellement bien en plus, ahah. Cody fit une grimace ; « C'est triste, ça veut dire qu'on va devoir se quitter. » Le monde est cruel.

Ca alors, ils 'étaient trouvé UN point commun, enfin. Britney Spears. Vous les imaginez se faire des aprèms canapé en parlant de Britney tout en écoutant du Britney et et en regardant du Britney ? Ca fait beaucoup de fois le prénom Britney, je vous le concède. "Je suis d'accord avec toi." En espérant que Cody avait enregistré ça, parce qu'il n'entendrait surement plus ces mots de si tot. Berk la nuit de noces. Quelle idée horrible. Alexia eut des visions qui apparurent dans sa tête et vous ne voulez pas connaître les détails, croyez moi. Aucun regret pour le bouquet. Elle le laissait à la fille extrêmement chanceuse qui tomberait folle amoureuse de Bleeker the Winner. Attendez. Minute. Se quitter. Alexia avait complètement zappé son objectif de départ, à savoir obtenir le numéro de Cody ou alors lui subtiliser son portable. Comment elle avait pu zapper un truc pareil ? Il lui avait fait un lavage de cerveau pendant le film ou quoi ? Quelle tête en l'air. "Mais se quitter pour mieux se retrouver. C'est pas chouette ça ?" Oui très chouette. Attention, passage à l'action. "Passe moi ton numéro comme ça je te fais signe bientôt pour qu'on se fasse un truc ensemble." Un truc. Elle n'avait rien de plus vague ou de plus ambigu dans son vocabulaire ? Ca pouvait aller du sexe tantrique à du tricot là. "'Enfin je veux dire un truc de potes quoi, puisqu'on est en paix et potes. Pas vrai ?" On sentait à sa voix qu'elle n'en était pas cent pour cent sure pour autant. Cody était tellement imprévisible aussi.

Se quitter pour mieux se retrouver ? Cody le voyait plus comme une simple trêve dans la guerre des Pop-Corn, cette longue bataille qui a sévi pendant pas loin de 2h30 dans le Kendall Square Cinema. Deux blessés graves, zéro mort … Un bilan sanglant. « Géni... » s'apprêta-t-il à dire avec une fausse voix enjouée. Mais elle lui coupa la parole pour réclamer son 06. Ou son 456. Merde, c'était quand même moins classe. Comment faisaient les racailles des bacs à sable quand ils draguaient très lourdement les filles qui leur passaient sous le nez ? Bref. Décidément, cette fille était trop speed pour le deux de tension qu'il était. Le ton monocorde, il lâcha ; « 456140994. Et j'espère que t'as bien noté car je ne le répéterais pas. » Si, il le répéterait puisqu'il voulait la revoir et même si, de son côté, il disposait déjà du numéro de la blondasse, il n'aurait pas le courage de lui envoyer un message en premier. « Peace and potes ma sœur. Enfin Alex. Parce que c'est comme ça qu'il faut t'appeler. Aleeeex au rapport. » Et il plaqua sa main contre son front au garde-à-vous. God. C'était quoi ça ? Cody ne savait même pas. Il fallait qu'il arrête d'agir sans réfléchir.  

Papalapapapa, papalapapapa, Alexia avait le numéro de Cody, elle avait gagné la bataille, la guerre, la seconde guerre mondiale, la guerre intergalactique entre les jedis et les siths, la ... ouais on a compris. Victooooooire. Alors c'était 45614... 780 ... euh non, 765 ... rah mais c'était trop bête, il l'avait dit trop vite, et par surprise, non non non elle n'allait pas se faire avoir comme ça aussi bêtement. Elle sortit son propre portable et nota les chiffres dont elle était sure en s'indignant "Noooon tu vas trop vite, c'est pas juste, mon petit Cody chéri, s'il te plait, je sais qu'on a divorcé mais je serai toujours là pour toi, répète moi ton numéro rien qu'une fois, pour ma mémoire défaillante" Quelle plaidoirie endiablée digne des plus grands avocats au monde, avec ça, même dsk aurait été reconnu non coupable avec nafissatou. "Chef, oui chef. A vos ordres colonel Bleeker" fit-elle en faisant un garde-à-vous comme Cody. Ils avaient l'air trop malins comme ça les deux acolytes. "Qu'attendez vous de moi, colonel-grand-manitou ?" demanda Alex super solennellement comme si elle y était pour de vrai. Tout est bien qui finit bien entre eux non ? Et en plus, elle commençait tellement à aimer Cody, qu'elle n'avait plus du tout envie de pirater son téléphone, tout à coup. Ouais, elle n'aurait pas fait ça à un ami. Donc elle n'aurait pas fait ça à Cody.