※ YOU, ME, YOU'RE CONFUSING DANAE

Les signes, les signes … Faut-il les rappeler, tous ces signes ? D'abord, Danae proposait de le ramener chez elle, ensuite elle le violait limite sur le siège passager de sa voiture. Si on prend en compte un facteur super important concernant l'état de santé de Cody – à savoir qu'il voyait flou et qu'au lendemain sa consommation de Doliprane sera telle qu'il fera grimper l'action à la bourse – évidemment il s'était fait de fausses idées. Maintenant, il avait juste envie de quitter cette voiture de honte, aussi vite que possible, faisant donc culpabiliser la jolie Danae. « T'as pas à t'excuser. » fit-il à demi-mot, avant de sortir dans la précipitation de la voiture une fois garée. J'vous rassure, il n'eut aucun rejet, juste des haut-le-cœur, comme si on venait tout juste de réduire en petits morceaux ce dernier. « ça va aller. » Et d'un coup, le Cody au dos voûté style Quasimodo qui reprenait sa respiration, ce Cody-là se redressa comme si tout allait pour le mieux (son jeu d'acteur était renversant, ou pas) et annonça ; « Non, c'est plus sûr d'aller chez toi. Qui sait ce que je pourrais faire en rentrant chez moi … Dans une maison vide ... » Il la prenait par les sentiments. Non, il ne voulait pas rentrer chez lui maintenant. Il était maintenant son virus, il ne la lâcherait pas.

À la base, Cody n'avait pas besoin d'être materné, il n'en avait pas envie, il était grand, merde, il avait vingt-cinq ans ! Il savait prendre sa vie en main. Il n'avait pas besoin de Danae, dans le fond. Elle prétendait vouloir lui rendre service mais pour quoi, pour qui ? Cody ignorait ce qui poussait Danae à agir de la sorte, à s'encombrer d'un déchet ambulant, si elle était simplement la réincarnation de l'Abbé Pierre, sans la barbe. Ça n'aurait pas été la première fois que Cody rentrait chez lui complètement bourré, qu'il tomberait lourdement dans son canapé pour lutter contre ses vertiges à la con. Mais ce soir, c'était différent. Il refusait que Danae le laisse parce que pour la première fois depuis longtemps, il avait enfin l'impression que quelqu'un en avait quelque chose a foutre de sa gueule, que quelqu'un osait enfin pointer le problème sans prendre de gants. « Merci. » chuchota-t-il en regagnant à son tour la voiture, en silence. Cette fois-ci, il éviterait de céder à ses pulsions, du moins tant qu'ils n'avaient pas franchi le seuil de son appartement.

Maintenant qu'il avait perdu toute once de crédibilité aux yeux de Danae, Cody demeura sage et silencieux dans la voiture, le temps du trajet. On aurait dit un enfant puni, mais sans le siège réhausseur. Plutôt narmol en fait. Une fois que le véhicule fut de nouveau à l'arrêt, il observa à travers la vitre le lieu où ils s'étaient garés, vérifiant qu'il ne s'agissait pas d'un bord de route avec un fossé à côté. On ne sait jamais, si Danae en avait marre de lui et qu'à présent, elle laissait ses pulsions meurtrières parler. Ça arrivait plus souvent qu'on ne le pensait, il n'y avait qu'à voir à la télé le bon nombre d'émission sur ça. « C'est pas pour rien qu'on m'appelle Codiscrétion, très chère. » Personne ne l'appelait Codiscrétion, que les choses soient claires entre nous, ce n'était que le fruit de son imagination d'homme bourré et fatigué. Il entra dans l'appartement, scruta les recoins comme une bête curieuse. Mais il ne toucha à rien puisqu'il avait deux mains gauches, enfin deux mains droites dans son cas, et qu'en lui résidait une profonde maladresse digne d'un Pierre Richard. Il finit par demander à Danae ; « T'as pas à boire ? » Il s'empressa d'ajouter, puisqu'une précision était de mise ; « De l'eau. T'affole pas. »

C'est à ça qu'on pouvait reconnaître un maître de l'humour ; même dans les conditions extrêmes, vertiges, sueurs froides et mal de crâne, il continuait à vanner. C'était léger, mais avouez que le jeu de mots était un peu recherché. En tout cas il fit rire Danae. Ou alors elle fit semblant pour lui faire plaisir, ce qui ne le dérangeait pas pour autant. Elle était comme ça Danae, gentille, très gentille, peut-être même trop gentille mais Cody ne s'en plaindrait jamais. Pas grand monde irait ramasser un déchet ambulant dans la rue comme elle l'avait fait. « Tu doutes de mes paroles ? » En même temps, depuis la scène de la voiture, elle avait certainement bien raison. Il s'avança dans l'appartement et trouva le salon, là où il se laissa tomber dans le canapé, assis, jambes tendues, dans un état semi-léthargique tandis qu'il avait réclamé un verre d'eau à la Quincy. Les bras croisés, ses yeux se rivèrent sur l'écran éteint de la télévision et ce spectacle se révélait plutôt fascinant, captivant même. Il ne sourcillait pas et sursauta même quand Danae intervint de nouveau. Elle semblait s'inquiéter de ces maux, c'était mignon. Un sourire en coin s'esquissa à la commissure de ses lèvres et, levant la tête vers elle, remarqua ; « J'ressemble à une épave, j'fais pitié, mais toi t'es encore là à jouer l'infirmière avec moi. J'comprends pas. » C'était sa façon de la remercier. « Je pense que ça suffira. » termina-t-il en attrapant le verre d'eau qu'il guida à sa bouche.

C'est vrai que t'es une épave. Merci Danae. Cody avait l'impression de recevoir l'award d'honneur au musée des épaves, il venait de détrôner le Titanic et le Black Pearl, rien que ça. Il ria en silence, essayait de sortir son cerveau de cet état d'hibernation provisoire, le temps de prendre conscience de ce qu'il avait fait pour en arriver là. Heureusement que ses cuites n'étaient qu'occasionnelles … Ahah. « Les épaves, on fait toujours tout pour les ramener à la surface. » s'avoua-t-il à lui-même en fixant son verre d'eau, à moitié vide. Ouais, à moitié vide plutôt qu'à moitié plein, voilà, il était en plein milieu de la phase de déprime dans le cycle de sa cuite. Généralement, à ce moment-là, soit il s'arrangeait pour ingurgiter un autre verre, soit il priait pour s'endormir profondément jusqu'au petit matin. Mais avec Danae à côté, il essayerait de garder un minimum de tenue. « Dis-toi que j'aime juste ça, tu vois, je suis comme un … Neuno … Ogniooon … Oneo ... » Sa bouche se déformait, allait-il réussir à prononcer ce fichu mot ? La suite au prochain épisode. Ouais ouais je sais, gros moment de suspense, dents qui claquent, tout ça. « œnologue. Merde, tout ça pour ça. C'est comme toi, tu dois aimer … Attends, je réfléchis à des trucs de Quincy … Les œuvres de charité ? Moi j'aime les bars, voilà tout. » L'ambiance, les gens, tout un tas de choses faisait qu'il se sentait là-dedans comme un poisson dans un aquarium et ça, Danae ne le comprenait pas. Elle voulait qu'il y ait une raison psychologique, personnelle à son état et pourtant non ...