※ YOU, ME, YOU'RE CONFUSING DANAE

Danae semblait parler de lui comme d'un suicidaire. Comme s'il avait expressément sauté sous ses roues, dans un désir de mettre fin à ses jours. Cody leva les yeux au ciel, juste avant qu'elle ne s'engage dans sa procédure de regard-qui-fait-peur. Ou de regard-qui-est-censé-faire-peur. Si Bleeker ne savait pas ce qu'elle était en train d'essayer de faire, il lui aurait demandé si tout allait bien, si son strabisme était grave, si elle avait une chance de pouvoir un jour retrouver une vision normale. Mimant un mouvement de recul, presque au point de se plaquer le dos contre l'habillage de la portière, il crut pendant une fraction de seconde qu'elle allait le pétrifier comme la Méduse. « Tu … Tu sais, tu parlais d'aller à l'hosto toute à l'heure … Si tu veux, on peut y aller pour toi ... » bafouilla-t-il dan sa barbe de trois jours, s'inquiétant sérieusement du cas clinique de son ami. Ou de sa non-amie. De sa sauveuse quoi. Elle lui avait – soi-disant – sauvé la vie, pouvait-il la considérer comme une amie ? Ah, la dure loi des relations humaines. Toujours est-il que, dans cette voiture, ils furent d'un coup très proche. Il n'avait pas pensé à l'intimité que générerait sa requête, ni penser qu'elle irait jusqu'à lui grimper dessus pour attacher cette fichue ceinture. Il l'imaginait plutôt en train de râler pour qu'il l'enfile lui-même mais non, c'était sans compter l'altruisme inégalable de Danae. Cody grimaça, garda une moue crispée pour ne pas qu'elle croit qu'il profitait de la situation. C'était un peu le cas, mais chut. « Aaaah, t'as les genoux pointus ! » s'écria-t-il d'un coup en sentant une douleur violente à la cuisse. « Place-toi dans un trou, je sais pas, le siège est assez grand pour deux ! » Pas vraiment non, mais Danae n'avait qu'à se contorsionner un peu.

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Cody & Danae

You, me, you're confusing

La réaction de Cody me fit rire. A ce moment précis, il devait être en train de me prendre pour une psychopathe. Son regard en disait long. Il était en train de se dire « mon dieu, je suis coincée avec une tarée, pitié, aidez moi ». Qu'il se rassure, ma santé mentale était (presque) parfaite. Mais mes yeux d'un bleu perçant avaient été mon arme personnelle depuis toujours. Je les utilisais pour attirer les gens aussi bien que pour les repousser. Et la réaction des gens me faisait toujours aussi rire. En effet, il était rare de croiser quelqu'un avec des yeux aussi bleus que moi. « Je te l'avais dit. », disais-je avec un petit rire. Le moment qui suivait était un moment que je me souviendrais probablement pendant longtemps tant il était gênant. D'habitude, je ne grimpais pas sur les gens pour attacher leur ceinture, ne vous méprenez pas. Mais là, l'état de Cody me laissait penser qu'il était incapable de le faire lui-même. Peut-être étais-je trop gentille, une nouvelle fois. En tout cas, je considérais plus Cody comme une bonne connaissance qu'un ami, et je ne chevauchais pas souvent les gens que je ne connaissais pas bien. Surtout quand cette personne était bourrée et m'avait donné des petits surnoms affectueux quelques instants plus tôt. Quiconque nous verrait dans cette position se poserait probablement des questions, mais soit. Cody poussa un cri de douleur tandis que je l'escaladais. Eh oh, je n'étais pas si grosse que ça ! Celui-ci pesta une nouvelle fois. Qu'est-ce qu'il croyait ? Que j'étais à l'aise dans cette situation ? Je me retournais vivement vers lui, lui balançant au passage ma longue chevelure brune dans la figure. « Eh oh, si t'étais un peu moins empoté, et un peu plus sobre, j'aurais eu à faire ça ! »

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Cody ne se reprendrait plus à défier Danae de son regard d'un bleu aussi intense que du Canard WC. Elle lui avait fait trop peur, il avait cru vivre un remake pourri des oiseaux de Hitchcock, sauf qu'au lieu de corbeaux tueurs, il avait simplement une chouette qui l'épiait. Et plus si affinité. Elle venait carrément de lui grimper dessus. Certes, dans d'autres circonstances, Cody aurait tiré profit de la situation. Malheureusement pour lui, Danae n'avait pas de rotule, non, elle avait des poignards tranchants à la place ! Il dut dire adieu à sa virilité le temps d'un cri et, étonnamment, Danae ne fit preuve d'aucune compassion. Ils sont où les mots gentils ? Le bisou magique ? Le mercurochrome et le produit rouge ? Et bien non, au lieu de ça, elle le fouetta avec ses cheveux. Ça devenait violent, Cody n'était pas sûr de ce qu'il fallait en penser, s'il devait considérer ça comme une preuve d'amour ou pas. « Empoté, moi ? Empoté, moi ? Non mais empoté, moi ? » Oui, empoté, toi. C'est un homme, il faut lui répéter dix fois la même chose pour qu'il l'assimile. Il se pointa lui-même du doigt, l'air accusateur, laissant encore une chance à Danae de rattraper ses paroles. Ceci dit, qu'elle les retire ou non, il ne risquait pas de venger grandement. Il était trop bourré pour élaborer des plans maléfiques. « Tu t'installes ou tu me mets la ceinture ? » demanda-t-il finalement en tapotant du pied comme pour la faire réagir, craignant toutefois une nouvelle attaque capillaire. Sa première expérience fut intense, il n'était pas sûre de vouloir la revivre.

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Cody & Danae

You, me, you're confusing

Oui, actuellement, je considérais Cody comme un parfait empoté. Sérieusement, quel genre de mec ne sait pas mettre une ceinture de sécurité ? Première possibilité de réponse : le genre saoul. Seconde possibilité de réponse : le genre de Cody Bleeker. Bizarrement, dans cette situation précise, la réponse finale était un mélange des deux. Je regrettais presque de lui avoir dit que je l'amenais chez moi. C'était probablement une très mauvaise idée. Je sentais que j'allais passer une nuit d'enfer. Au sens propre du terme. « Oui. Un très gros empoté. », lui lançais-je avec un sourire sarcastique. Le trajet s'annonçait marrant, tiens. Comme Cody me le fit remarquer, je n'allais pas m'éterniser sur ses genoux. La position n'était pas des plus confortables. « C'est pas que tes cuisses sont pas super moelleuses, mais non, je vais passer ma vie ici. » J'enclenchais la ceinture de sécurité et me rasseyais sur mon siège conducteur. Et voilà une bonne chose de faite. Je mettais le contact et avant d'avancer, me retournais vers Cody. « Surtout, si tu as envie de vomir, tu me le dis. Ne vomis SURTOUT pas dans ma voiture, merci. » On était jamais trop prudents. Simple question pratique. Je passais la première et commençait à m'aventurer dans ce quartier inconnu de Cambridge. Je me rendais alors compte que je n'avais aucune idée de comment rentrer chez moi. « Tu sais où on se trouve ? Tu saurais me guider vers Imman Square ? » Moi et l'orientation, ça faisait trente-six.

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Voilà que Danae l'insultait, voilà qu'il se sentait lynché, humilié par la jeune femme. Ou presque. Il ne put s'empêcher de rire, elle avait une manière tellement drôle de prononcer 'empoté'. Puis paye ton insulte de l'an 600 quoi. Plus personne ne traitait les gens d'empoté aujourd'hui, à part Olsson. Qui sait, peut-être avait-elle appris son anglais avec Shakespeare ou George V. Cody Nobel exprima enfin tout son savoir ; « Tu sais que les empotés, ce sont les gens qu'on met dans des pots ? ... » Et il fixa Danae, l'air très sérieux, hochant la tête de haut en bas tel un de ces chiots sur la plage arrière d'une voiture, avec la régularité d'un diapason. On s'attendait sûrement à ce qu'il finisse sa phrase, qu'il dise quelque chose de pertinent, n'importe quoi … Et bien non, il en resta là. Bref, cette conversation irait loin. Il tapota ses cuisses. « Merci, il m'a fallu des années de McDo et de pudding pour arriver à ce résultat. J'suis content que ça te plaise. » Ben quoi, elle avait dit que ses cuisses étaient moelleuses, c'était un compliment ? Une fois attaché, ils prirent le chemin de sa maison, après – évidemment – que Danae ait fait part des consignes de sécurité pour le bon déroulement du voyage. Ne pas vomir dans la voiture. Si jamais l'envie lui prenait, il enfilerait son costume de Jean-Claude Van Damme et roulerait en dehors de la voiture. Il avait toujours rêvé de le faire. Il acquiesça d'un signe de tête avant d'entamer une espèce de danse de l'épaule, sur une chanson qu'il avait dans la tête. Il se mit à la fredonner quand Danae demanda à Cody d'utiliser ses capacités de GPS. Il s'arrêta net, réfléchit, puis répondit ; « Oui mais ça dépend quel paysage tu veux voir. On peut longer le Charles River si tu veux, c'est très beau la nuit, enfin on voit rien, mais si tu aimes la couleur noire alors tu seras servies. Après, on peut faire un détour par Harvard Square, y a un bar sympa. J'aurais dû mal à te dire quel est l'itinéraire le plus beau, désolé ... » Comme si c'était ce qu'elle avait demandé.

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Cody & Danae

You, me, you're confusing

Cody délirait complètement. Je le regardais quelques instants, dubitative. Mais qu'est-ce qu'il racontait encore ? Je ne savais même pas quoi répondre. Je commençais sérieusement si c'était l'alcool qui le rendait comme ça ou s'il n'était pas ainsi au quotidien. « Si tu veux... Tu as du te prendre un méchant coup sur la tête... », lui disais-je en fronçant les sourcils. A présent, c'était lui qui me fixait en hochant doucement la tête. Qui était le psychopathe maintenant ? Il tapota ensuite ses cuisses en m'expliquant qu'il les avait obtenues grâce à un régime alimentaire composé de graisse et de sucre. Ca donnait envie tout ça. « Très sexy tout ça ! », ajoutais-je. Je reportais mon attention sur la route. Je pinçais les lèvres, n'ayant absolument aucune idée de où on était, ni ou je devais aller. Je continuais toujours tout droit, alors que j'allais peut-être - probablement - dans la mauvaise direction. J'espérais vraiment que Cody allait m'aider à retrouver mon chemin, mais visiblement je ne pouvais pas trop compter sur lui. Il commença à déblatérer, carrément à côté de la plaque. Je m'arrêtais au stop et le fixais, incrédule. « L'itinéraire le plus court ça ira, sinon ! Je sais pas du tout où on est, je vais me retrouver à New-York si ça continue. » Pourquoi je n'avais pas de GPS comme tout le monde ?

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Secrètement, Cody espérait que demain, Danae ne s'amuserait pas à lui conter les délicieuses histoires qui se déroulaient dans la voiture ce soir. Entre les situations gênantes, les discours un peu bancales, il y aurait de quoi alimenter un nouveau numéro des brèves de comptoir. « J'ai attrapé un coup de soleil, un coup d'amour, un coup de je t'aime. » avoua-t-il mielleusement en la fixant dans les yeux – dans ses gros yeux bouuuh – pour jauger sa réaction. Il n'avait pas chanté la chanson, il avait juste récité les paroles de cette très célèbre chanson française. Mais il déconnait hein, on se détend, même si à côté de Richard Cocciante, Roméo et Juliette c'est aussi romantique qu'un dîner aux chandelles entre deux poubelles, style la Belle et le Clochard. « Je suis sexy et toi tu es pas trop mal donc si tu veux, je sais comment on peut finir la soirée. » Avec ça, s'il n'arrivait pas à la pécho. Il regarda la route devant eux, réfléchissant au trajet à suivre pour arriver jusqu'à chez elle. Du moins jusqu'à Imman Square, il fallait pas pousser, pour le reste elle se débrouillerait. « On peut aller à New York si tu veux, je connais le chemin ! Mais sinon Imman Square c'est touuuuut droit tout droit tout droit. » fit-il en pointant de la main la ruelle. « Et je te dirais quand il faudra tourner. » Genre au dernier moment, pour qu'ils vivent un moment à la Fast and Furious.

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Cody & Danae

You, me, you're confusing

Il y avait deux possibilités : demain matin, soit je m'amuserais à charrier Cody sur cette fabuleuse soirée, soit je préférerais oublier ce désastreux moment et ne rien dire. Pour savoir lequel des deux j'allais choisir, il fallait attendre demain matin. Actuellement, la soirée ne faisait que s'améliorer - ironie - avec les petits discours complètement improbables de Cody. Et voilà maintenant qu'il me récitait les paroles d'une célèbre chanson française. Je posais mon regard sur lui quelques instants. « Quel poète, vraiment, je suis subjuguée ! », disais-je avec un sourire ironique. Quand j'y pensais, il avait vraiment de la chance d'être tombé sur moi. Beaucoup de personnes n'auraient pas eu la patience de ramener un alcoolique chez soi. Surtout quand cet alcoolique était particulièrement lourd. Bon allez, il était un peu drôle aussi, mais pas de quoi se rouler par terre non plus. J'arquais un sourcil à sa proposition. Il était sérieux là ? Il venait juste de franchir la ligne entre « je suis un gros lourd mais ça passe » et « je dépasse un peu les bornes ». C'était donc à ça qu'il s'attendait ? Ce qu'il espérait pour sa fin de soirée ? « Tu penses que je t'ai pris avec moi et que j'ai choisi de te ramener chez moi pour qu'on couche ensemble ? Vraiment ? » J'avais bien insisté sur ce dernier mot pour souligner la débilité de ses propos. Heureusement, Cody devint utile en m'indiquant la route. Ben dit, c'était pas trop tôt, il servait enfin à quelque chose. Il m'annonça que nous étions sur la bonne route. Enfin je l'espérais, car il y avait des chances que son cerveau soit retourné dans tous les sens au vu de la quantité d'alcool ingurgitée.

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Cody faisait la cour à Danae, jusque là tout était normal, pas vrai ? Ou pas. Ça ne serait jamais venu à son esprit de Lowell de se ridiculiser autant s'il n'avait pas eu l'aide de l'alcool pour ce faire. Il s'en voudrait demain matin, il s'en voudrait d'avoir assisté autant, d'avoir laissé parler cette tare qui le suivait inlassablement. Au fond, c'est vrai, il avait de la chance que Danae soit tombée sur lui mais, malheureusement, ce sentiment ne devait pas être réciproque, sûrement pas à ce moment-là. Alors qu'elle réduisait à néant tous les espoirs d'un Cody ivre – la précision est utile voire nécessaire – ce tout ce qui forgeait son expression joyeuse, ses rires, ses fossettes … TOUT, se désagrégea en une fraction de seconde. Voilà, krash boursier de 1929 dans le cœur de Cody. Même dans les pires moments, il restait un économiste dans l'âme. Check le professionnalisme. « Aurais-je mal interprété les signes ? » lâcha-t-il à demi-mot, alternant ses regards sur Danae puis sur la route, avant de finalement resté scotché à la route. Il répéta, dans un murmure ; « J'ai mal interprété les signes ... » C'était horrible, Danae venait de réduire en poussière le ticket qu'il avait cru avoir avec elle. « J'ai mal au cœur, je crois que je vais vomir. De l'air, de l'air ! » Comment ça, il simulait ? Nawak. Il tira sur la poignée de la porte, fortement, mais impossible de l'ouvrir. Merde, les constructeurs auto pensaient vraiment à tout en matière de sécurité.

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Cody & Danae

You, me, you're confusing

Après avoir ouvert la bouche, je me rendis compte que j'avais peut-être été un peu trop directe. Certes, j'avais été obligée de refroidir les ardeurs de mon passager, mais j'aurais peut-être pu être un peu plus délicate, surtout vu sa condition. Les émotions des personnes saoules ressemblaient bien souvent à des montagnes russes, et pouvaient passer d'un bonheur immense à un désespoir intense en l'espace d'une seconde. A en juger par l'expression sur le visage de Cody, c'était ce qui venait de se produire. Je me mordais les lèvres. Bravo Danae, quel tact, bien joué. Cody me regardait à peine à présent. Manifestement, il croyait vraiment avoir un ticket avec moi. Je me sentais un peu mal maintenant. Même si j'avais pourtant l'impression d'avoir été très claire dans mes intentions. « Visiblement oui, tu les as mal interprétés... Désolée... » Voilà que je m'excusais maintenant ? A vrai dire, j'espérais juste qu'il n'éclate pas en sanglot, car je savais que les personnes saoules étaient fortement sujettes à ce genre de réactions. Soudainement, Cody m'annonça qu'il avait mal au coeur et tira violemment sur la poignée de la porte. Oh mon dieu, pas dans ma voiture ! Je le regardais d'un air horrifié et me rangeait brusquement sur le bas côté. Cody sortit précipitamment de la voiture et je le suivais. « Ca va aller ? Vaut peut-être mieux que je te ramène chez toi... » C'était probablement une mauvaise idée de l'emmener chez moi à Imann Square.

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