(+ Caleb) The time of my life...

Thaïs avait fait envoyer ZE invitation par coursier à Caleb pour qu’il se pointe au restaurant où elle avait fait une réservation à leur nom. Pour sa propre tenue, la blondinette avait fait appel aux bons soins de Mina afin d’être absolument parfaite, mais aussi en vue de se mettre une perruque brune. La raison ? Crever un abcès. Thaïs ne pouvait décemment plus se taire et bien qu’elle ne pouvait qu’imaginer le choc de son cher et tendre à la vue de sa tenue de ce soir, elle s’assit en tentant un sourire. « Je ne sais pas si tu auras lié les wagons ensemble mais ne soit pas en colère… Jennelynn, c’est mon deuxième prénom. Je l’utilisais lorsque j’ai quitté l’Irlande pour que mes beaux-parents ne me retrouvent pas et je pense que tu sais largement pourquoi. Lorsque je t’ai laissé ma gourmette sur ton oreiller et que je suis partie, c’est parce que je perdais la vue et que je ne savais pas comment continuer à être avoir toi sans être un boulet. Il fallait que je réapprenne tout. A marcher, à lire, en bref… à vivre. J’ai eu énormément de mal et je te prie de me croire que ça m’a arraché le cœur de te laisser derrière moi. Lorsque je te dis que je t’ai toujours aimé et que je t’aimerais toujours, il ne s’agit pas de paroles en l’air… tu as été et tu restes même encore aujourd’hui plus que jamais mon âme sœur. » La voix de Thaïs était tremblante, de longues larmes s’écoulaient contre ses joues alors qu’elle ôtait peu à peu sa perruque pour dévoiler sa longue chevelure blonde. « Je te demande pardon si je t’ai fais du mal et qu’à cause de moi tu as vécu de mauvaises années… je suis prête à me rattraper un million de fois si tu m’en laisses l’occasion parce que je t’aime Caleb. De tout mon cœur, et… que tu es mon miracle… mais je t’en prie, dis quelque chose… »

Etonné, je l’étais tandis que je patientais dans ce restaurant. Thais m’avait envoyé une invitation par coursier et n’avait pas le moins du monde pris la peine de répondre à mes sms interrogateurs. Je me demandais bien ce qu’elle trafiquait mais la connaissant, ça allait valoir son pesant de cacahuètes. Je l’attendais donc, habillé d’un costume noir avec une chemise blanche, à la fois classe et décontracté. Enfin, décontracté d’apparence parce que je commençais un peu à stresser. Les surprises, ce n’était plus mon truc. Il y avait beaucoup de choses qui n’étaient plus mon truc depuis quelques années. « Tha.. » m’exclamais-je en reconnaissant la silhouette de ma femme mais quand elle se retourna, je n’en cru pas mes yeux. Cette perruque brune… J’avais l’impression de me prendre une claque en pleine tête et d’être ramené sept ans plus tôt. Sous le choc, je me laissais retomber sur mon siège, le souffle coupé. Ce n’était pas rien de retrouver votre premier grand amour et vous rendre compte par la même occasion que votre premier et votre second amour n’était qu’une seule et même personne. Depuis que nous étions en couple, Thais et moi, je n’avais eu de cesse de dissimuler l’existence de cette autre femme. Celle que j’avais éperdument aimée et qui m’avait brisé le cœur en m’abandonnant du jour au lendemain. On peut dire qu’elle m’avait complétement sonné pour la peine. « Je ne sais pas quoi dire… »murmurais-je avant de repousser la bière que j’avais commandé pour interpeller le serveur. « Un double scotch svp ». J’avais besoin de quelque chose de fort. « Pourquoi ?... Pourquoi tu n’as rien dit la première fois que tu es venue me demander pour devenir ma partenaire ? Je ne comprends pas… Pourquoi me l’avoir caché durant tout ce temps ? » lui demandais-je complétement incrédule mais sans colère. J’étais comme anesthésié.

Thaïs ne pouvait guère être étonnée de la réaction de Caleb même si elle baissa la tête quelques instants. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle s’était mise dans une belle merde. « Je n’ai rien dit parce que je savais que tu me repousserais. Je n’ai jamais cessé de veiller sur toi, je suis restée dans l’ombre en suivant tes moindres faits et gestes… et comme tu ne m’avais pas reconnue et que tu étais froid avec moi, je me suis dit que ce n’était pas le moment. J’étais pétrifiée à l’idée de te perdre à jamais. Je le suis toujours, il ne faut pas croire. Tu peux me maudire, me détester, me traiter de sale égoïste parce que je sais que je l’ai été mais je ne savais pas comment agir autrement… j’ai perdu les pédales en même temps que j’ai perdu la vue mais je ne me suis jamais vraiment éloignée de toi, jamais. »

Je l’écoutais silencieusement, attendant qu’elle termine pour parler mais dire quoi ?! J’étais complétement sur les fesses, la seule chose que je retenais c’est que j’avais gardé l’existence de Jennelynn cachée pour ne pas la blesser. Puis, doucement, la situation me frappa et je laissais un petit rire secouer mes épaules après avoir bu cul sec mon verre. « Pourquoi te détester ? Pour m’avoir aimé depuis que nous sommes gosses ? Pour m’avoir fait connaitre l’amour avec un grand A alors que j’étais compétemment bousillé et que je craignais jusqu’à ma propre ombre ? Ou pour m’avoir une nouvelle fois aimée au point d’accepter ma demande en mariage ? »lui demandais-je avant de me déplacer pour m’accroupir à côté d’elle, prenant sa main dans les miennes. « Chaton, je suis heureux voire même soulagé de me dire que je t’ai aimé deux fois passionnément. Jennelynn était la seule que j’avais aimée au point de te la cacher de peur de te rendre jalouse… »

Thaïs fut surprise de l’entendre rire car elle s’attendait à toutes les réactions possibles sauf celle-ci. Elle demeura bouche bée quelques secondes avant que ses mots ne la frappent plus encore. Elle se souvenait sans peine de l’homme apeuré et hésitant qu’elle avait rencontré et dont elle était tombée amoureuse au premier regard… « Mais tu pourrais me détester pour t’avoir laissé puis caché la vérité » avoua-t-elle alors que plusieurs larmes s’écoulaient contre ses joues avant qu’un petit rire ne la secoue à son tour. « J’aurais difficilement pu être jalouse de moi-même mais j’apprécie l’attention… je suis tellement désolé si tu savais ! J’espère qu’un jour tu pourras me pardonner… »

« Oh je ne suis pas heureux de savoir que tu m’as planté comme un con sans explication il y a sept ans »marmonnais-je car je l’avais cherché désespérément au point de harceler mes parents pour avoir au moins une adresse, un numéro de téléphone en vain. « Je comprends tes motivations chaton… même si j’aurais aimé que tu m’accordes le choix, le droit d’être près de toi pendant cette épreuve difficile » soupirais-je avant de caresser son visage pour effacer ses larmes. « Il n’y a rien à pardonner… Tu es revenu et je t’aime comme un fou… Cela ne changera jamais que tu sois Jen’ ou Thais »

« Tu ne peux pas savoir comme je me suis détestée pour ça et combien je me déteste toujours mais c’est aussi ça qui m’a poussée à avoir le culot de venir te voir pour être ta partenaire… » avoua-t-elle d’une voix intimidée, car Thaïs connaissait le poids de ses erreurs et savait que toute une vie ne lui suffirait sûrement pas pour réparer lesdites erreurs. « J’étais jeune, seule et stupide en la matière. Ce n’est pas évident quand un médecin t’envoie dans les gencives que tu ne reverras sûrement plus jamais. A l’époque je n’avais pas d’option et je ne voulais pas être un boulet pour toi. Pourtant dieu sait que j’aurais eu besoin de toi, et dieu sait combien je t'aime mais… j’ai tenu une promesse : celle de te donner de beaux enfants. Je veux que tu tiennes la tienne… je sais de ta mère que tu as laissé notre ancien refuge à l’abandon et je veux que l’on y vive… toi, nos enfants et moi. »

« Arrête, on ne peut pas revenir sur le passé mais on peut encore construire notre avenir. On a grandi tous les deux, nous sommes devenus ce que nous sommes par la force des choses et notre amour a grandi également. Je ne t’en veux pas… Je t’aime comme un fou bien au contraire. Tu as su trouvé la force de me laisser partir, tu t’es sacrifié je ne sais combien de fois pour moi… Il est temps que tu me laisses enfin prendre soin de toi » lui dis-je avant de me redresser et de l’embrasser avec tendresse. Je détournais pourtant le regard quand elle parla de notre ancien refuge. « Je n’y arrivais pas à y retourner. Il me rappelait trop celle que je n’avais perdu à savoir toi… alors je l’ai laissé à l’abandon comme j’ai laissé mon cœur subir le même sort. J’ai cherché à reconstruire ce que nous avions tous les deux dans d’autres bras mais la vérité est que je n’ai jamais aimé que toi »

Thaïs n’en croyait pas ses oreilles car elle avait cru que Caleb serait bien plus en colère, se sentirait trahi et la repousserait même… voilà pourquoi elle laissa échapper un petit rire entre ses larmes d’émotion. « J’avais imaginé mille arguments pour essayer de te reconquérir et tu me prouves une fois encore à quel point tu es merveilleux… si tu savais comme je t’aime Caleb… tu es toute ma vie et si nous n’étions pas déjà mariés, je t’épouserais sur le champ ! » Ce fut sa manière de lui permettre de prendre soin d’elle, mettant de côté le fait qu’ils soient en public car elle s’en moquait bien. « Là bas, il y a notre arbre et tu m’as promis que nos enfants joueraient dessous… je veux reprendre ce refuge Caleb, s’il te plaît. C’est le symbole même de notre amour, au même titre que nos jumeaux. Retape-le avec moi ! »

« Je crois que j’ai fini par murir un peu dans ma tête »plaisantais-je car oui, l’ancien Caleb se serait senti trahi mais comment ne pas ressentir de l’amour pour une femme qui vous attend dans l’ombre depuis sept ans, qui si je comprenais bien, vous avez vu heureux loin d’elle du moins en apparence. Je ne pouvais pas me sentir trahi ou même ressentir la moindre colère. Bien sûr, je garderai le regret de ne pas avoir été à ses côtés mais nous ne pouvions l’un comme l’autre, refaire ce passé. « Je t’aime aussi chaton mais je te promets, quitte moi à nouveau et il n’y aura pas un seul endroit sur terre où tu pourras te cacher de moi » soufflais-je avant d’hocher la tête. « D’accord.. On le retapera à deux mais… ça veut dire que tu ne veux plus de la maison qu’on voulait construire ? »