Je commençais à perdre pied, je le sentais jusque dans mes tripes. Je devenais ingérable dans ma violence et je savais que tôt ou tard, je ferais une connerie que ce soit contre le premier inconnu qui aura eu le malheur de me regarder de travers ou bien cette nana, la copine de ma meilleure amie. J’avais besoin d’en vouloir à quelqu’un, de trouver un défouloir mais même avec ça, je n’arrivais pas à reprendre le contrôle de mes nerfs. J’étais paumé et comme à chaque fois que c’était le cas, je me retournais vers la seule personne capable de m’aider à savoir ma cousine, Thaïs. J’adorais ce petit bout de femme que je considérais plus comme une petite sœur que comme une cousine. « Salut. J’ai besoin de parler. Je ne te dérange pas ? » demandais-je sur le pas de sa porte. « Si y a ton mari, je peux repasser hein »marmonnais-je car je n’avais pas envie de le voir et surtout, qu’il soit témoin de ce que j’allais dire à ma seule famille à laquelle, je parlais encore.
Caleb était parti en cours pour toute la journée tandis que Thaïs avait ordre de ne pas bouger de l’appartement et d’appeler la voisine au moindre pépin. Elle avait tout de même réussi à négocier de pouvoir végéter sur le canapé pour ne pas rester alitée toute la journée durant mais par une chance extraordinaire, Declan vint la sortir de sa torpeur en sonnant à la porte d’entrée. « Tu sais bien que tu me déranges jamais ! » fit-elle à la cantonade en lui offrant une bise pour mieux l’inviter à entrer. « Caleb est en cours pour toute la journée donc tu peux rester ici aussi longtemps que tu voudras ! Ça me fait une compagnie au moins. Je peux t’offrir quelque chose à boire ? En tout cas je suis toute ouïe, qu’est-ce qui te tracasse ? »
Me rendre chez Thais était une chose naturelle bien que ces dernières semaines, j’avais suivi sa vie plus en retrait qu’autre chose car chacun trop occupé à se construire pour prendre le temps de se voir. Je ne lui en voulais pas le moins du monde et j’espérais qu’il en allait de même de son côté. « Merci » lui souriais-je brièvement avant de l’embrasser à mon tour, pénétrant dans son appartement. Au départ, j’avais été un peu réticent à accueillir son compagnon mais quoi de plus naturel quand on savait qu’il était flic sous couverture. « Pourquoi, il t’a collé au bagne ? » lui demandais-je en essayant de ne pas regarder son ventre arrondi. « Je veux bien une bière si tu as…Remarque, si ton mec n’a pas de bière, il ferait honte à sa nationalité » plaisantais-je faiblement. « J’arrive plus à me gérer Thais… Je suis en train de péter un câble »soupirais-je en me laissant tomber sur son canapé.
« Collée au bagne ? Non il ne faut rien exagérer ! Mais je n’ai pas le droit de sortir pour éviter les malaises, tout ça… ne cherche pas Caleb est un papa poule ! » fit-elle d’un air mi amusé mi attendri avant de se rendre dans le frigo pour sortir une bière pour Declan. Il allait sans dire que Thaïs ne loupait pas un mot de ce que lui avouait actuellement son cousin, fronçant les sourcils à plusieurs reprises tandis qu’elle se rasseyait sagement sur le canapé. « C'est-à-dire tu n’arrives plus à te gérer ? Il s’est passé quelque chose avec Mallory ? » lui demanda-t-elle, inquiète, en serrant automatiquement sa main dans la sienne.
« Je veux bien le comprendre… Quand on a une famille, on veut tout faire pour la protéger » murmurais-je tandis que mes poings se serrèrent. J’en serais presque à envier Caleb. Non, je l’enviais tout simplement parce qu’il allait être père, il avait le bonheur de voir sa femme changer au fur et à mesure de sa grossesse. « Merci pour la bière »lui dis-je avant de garder le silence car parler de ce qui était arrivé à Mallory était toujours difficile pour moi sans que je me mette en colère ou que je fonde en larme. Ouais, combien de fois n’avais-je pas fini totalement en sanglot quand les coups ne fonctionnaient plus. « Y a quelques semaines, Mallory s’est fait tirer dessus, elle a failli y passer »commençais-je avant de prendre une grande inspiration. « Elle a survécu mais le bébé lui, n’a pas eu la même chance… On a perdu notre bébé »
Thaïs n’avait pas encore répliqué quoi que ce soit aux propos de Declan mais connaissant le loustic comme elle le connaissait, il ne lui fallut guère de temps pour comprendre que sa famille était au cœur du problème. La jolie blonde ne se doutait simplement pas à quel point cela le touchait personnellement… ainsi que sa propre famille. « Oh mon dieu ! » s’exclama-t-elle aussitôt. « Et Mallory va mieux ? » s’enquit-elle aussitôt, même si ses yeux s’étaient immédiatement humidifié. Rien que l’idée de perdre un bébé la terrifiait elle, alors autant dire que la jeune irlandaise ne pouvait que comprendre. Voilà pourquoi elle eut le réflexe de serrer Declan dans ses bras, cherchant à apaiser sa peine si toutefois elle en était capable. « Je suis terriblement désolée pour toi mon chou… est-ce que je peux faire quelque chose ? Si tu veux hurler, hurle, pleure, rien de ce que tu diras ou feras ne sortira d’ici tu le sais bien… »
« Elle va mieux. Du moins physiquement, elle récupère » répondis-je même si je la soupçonnais de s’envoyer en l’air avec la drogue. « Thais… Je crois non je suis certain qu’elle est devenu accro à la drogue » soupirais-je. Encore un échec de plus pour moi car je n’avais pas su être présent pour elle bien que j’essayais de tout mon corps. J’étais au bout du rouleau, je crois que j’avais atteint mes propres limites. « Thais, je ne comprends pas, j’ai tué des centaines de personnes, j’en ai torturé tout autant alors pourquoi putain de merde, je me sens si touché par la perte de ce fœtus ?! Il avait à peine deux semaines »lui demandais-je en la serrant brusquement dans mes bras, laissant mes larmes de colère et de tristesse s’échouer sur mes joues. Thais était bien la seule personne à me connaître ainsi car je n’avais jamais ressenti aucune honte à lui montrer mes faiblesses. « J’arrive pas à oublier… J’aimerai tellement mais dès que je ferme les yeux, je la vois se faire tirer dessus »
Thaïs ne pouvait qu’être horrifiée d’apprendre que Mallory sombrait peu à peu mais comptait y revenir plus tard : dans l’état actuel des choses, Declan semblait avoir surtout besoin d’extérioriser tout son ressenti à l’égard du fœtus, et c’est sûrement ce qui la poussa à resserrer davantage son étreinte, caressant son dos tandis qu’elle embrassait sa tempe de temps à autre. « Il y a tellement de choses que j’adorerais oublier concernant Caleb en position de souffrance mais d’un autre côté, ces souvenirs me rendent plus fortes, ils mettent mes sens en éveil. Et tu souffres parce que ce n’était pas qu’un fœtus mais la preuve la plus merveilleuse de votre amour, à Mallory et à toi. Qu’il ait eu deux semaines ou neuf mois… c’est la même chose. Je crois juste que ta blondinette a besoin de toi autant que tu as besoin d’elle-même si les circonstances sont pourries. Tu veux des enfants avec elle ? »
J’avais besoin de craquer, de lâcher prise car je devenais complétement dingue avec cette histoire. Je n’en dormais presque plus, passant le plus clair de mon temps à veiller sur le sommeil de Mallory quand j’avais la chance de passer une partie de ma nuit avec elle et lorsque ce n’était pas le cas, je me plongeais dans mes cours ou dans cette salle de boxe. En temps normal, je me serais lancé corps et âme dans un contrat pour passer mes nerfs mais je préférais rester à l’écart de ma famille. « La seule façon de l’aider serait que je la foute en cure de désintoxication car je peux pas l’aider. Elle n’a pas besoin de moi mais d’un toubib »soupirais-je avant de me redresser pour boire presque cul sec ma bière. « J’en veux… Je fais même tout pour qu’elle retombe enceinte. J’ai même été consulter un marabout »lâchais-je dans un petit ricanement amusé. « Par contre, je crois que j’ai réussi à me fâcher avec Bambi » soupirais-je. « Tu vois le cas désespéré que je suis devenu… Arrêter de tuer des gens est dangereux pour la santé »marmonnais-je.
Thaïs n’émit aucun son lorsqu’il se redressa et le laissa s’exprimer. Ce n’est qu’ensuite qu’elle reprit la parole : « et tu as essayé de la confronter doucement là-dessus ? » Sauf que la douceur, dans la famille O’Malley, c’était un peu trop souvent en option. Là-dessus, hélas, l’irlandaise ne pouvait pas l’aider car Mallory prendrait sûrement très mal le fait qu’elle s’en mêle. « Un marabout ? » éclata-t-elle de rire. « Ah ouais quand même là tu étais foutrement désespéré… tout ça dans le silence le plus total j’imagine, Mallo n’est pas au courant ? Par contre il va falloir que tu m’expliques comment tu t’es débrouillé pour te fâcher avec Bambi alors qu’elle ne s’est jamais énervée contre toi ! »