(billander) 'tow' the past is all around

J'avais rarement voyagé à l'étranger de cette façon, sauf deux fois deux semaines auparavant quand j'ai du aller à l'enterrement de mon oncle puis au chevet d'Anya lors de la naissance de sa petite fille, pour soutenir Kenny. Et puis là, je venais encore de faire un voyage similaire, bien que plus court que les deux précédents. C'était tout de même épuisant de devoir faire toutes ces heures et se retrouver dans un pays où c'est pas l'heure qu'on attendait. Donc bon, j'avais encore du mal à m'y faire, et Billie l'avait bien remarqué. Promenade prévue, on avait décidé de prendre l'air frais et de se prendre un petit déjeuner avant d'aller en courses pour remplir le frigo pour le peu de temps qu'on serait là. Chaussures enfilées, je m'assurais d'un dernier truc avec elle, ses doigts glissés entre les miens. "Bien sûr, de toutes façons, on est proches de tout là donc on peut se permettre le détour par la maison." Ca c'était coooool! "D'acc !" On était proche de tout donc on aurait pas de soucis au niveau des différents commerces. "En route, mauvaises troupes," Je sortais de l'habitation, le chien à côté de moi et Billie fermait la marche pour verrouiller la porte. On se mit donc à avancer côte à côte sur le trottoir et je glissais mon bras sur ses épaule, la gardant proche de moi. "Ca t'fait quoi... de découvrir que t'as d'autres gens qui partagent le même sang que toi ?" En gros, ça t'fait quoi de savoir que t'as de la famille autre que celle que tu connaissais ?

J'étais tellement bien là, à redécouvrir mon ancienne maison avec Alexander à mes côtés, que j'en oubliais presque la raison de ma présence ici. Il était aisé de me laisser emporter dans la découverte de ces planchers qui craquent, ce piano un peu poussiéreux mais toujours aussi majestueux, ma vieille chambre qui avait une décoration criarde, les photos accrochées un peu partout sur les murs, posées sur les meubles .. Mais ça n'était pas cet endroit à la base qui m'avaient amenée ici. Non, l'événement principal se passait à Dublin. « Ça t'fait quoi... de découvrir que t'as d'autres gens qui partagent le même sang que toi ? » Son bras autour de mes épaules, je posai ma tête contre la sienne. J'avais un oncle .. un qui s'était fâché avec mon père des décennies plus tôt. Qu'est-ce que j'étais censée en penser ? « Je sais pas trop .. bizarre, c'est sûr. Mais j'ai surtout la trouille .. » J'inspirai lentement et me redressai un peu. « J'veux dire, la seule famille que j'ai est tellement .. cinglée ! J'peux pas m'empêcher de craindre que cette fois, ce sera pareil. » Tout ça, c'était tellement perturbant. J'avais pas envie d'une Shenae bis.

On avait tous les deux décidé qu'une balade dans les rues de Belfast était bienvenue. Du coup, on s'était préparé avec nos chaussures et nos vestes. Le chien avait sa laisse et on était donc parti pour se promener. On prendrait même un petit déjeuner si on trouve un établissement qui puisse nous proposer ce qu'on veut. Calée contre moi, nous avancions tous les deux ensemble, elle tenant la laisse du chien. Je me demandais comment elle se sentait en apprenant qu'elle avait encore de la famille du côté de son père, puisque bon, elle n'aurait pas vraiment accepté de venir si jamais ça aurait été du côté de sa mère. "Je sais pas trop .. bizarre, c'est sûr. Mais j'ai surtout la trouille .." Je la laissais se redresser avant de continuer. "J'veux dire, la seule famille que j'ai est tellement .. cinglée ! J'peux pas m'empêcher de craindre que cette fois, ce sera pareil." Je haussais les épaules, me disant qu'elle avait de quoi appréhender tout ça mais en même temps, elle devait sauter sur l'occasion. "Aies confiance.. s'ils étaient cinglés, j'pense pas qu'ils t'auraient appelé pour participer à c'te réunion. Ils veulent apprendre à te connaitre." Enfin, c'est ce que je supposais. Après tout, je ne connaissais pas l'étendue de sa famille et à quel point ils pouvaient être "cinglés".

C'était un événement bizarre, de découvrir qu'il vous restait un bout de famille - qui n'avait pas pour but de vous éliminer, j'entends - résidant à des milliers de kilomètres de là où vous aviez toujours résidé. J'hésitais encore ; est-ce que j'étais heureuse de découvrir une telle information, ou est-ce que j'aurais préféré rester seule, à bâtir ma vie uniquement avec Alex à New York, à Boston ou ailleurs ? J'en savais rien, mais sans éléments extérieurs. Tout dépendait de la santé mentale de ce nouveau pan de famille, parce que je donnais assez du côté des James pour ne pas avoir en plus à me préoccuper des O'Connell. Alex avait vécu une situation un peu similaire plus tôt dans l'année en découvrant le côté Kovalevski, puis sa sœur un peu plus tard. « Aies confiance... s'ils étaient cinglés, j'pense pas qu'ils t'auraient appelé pour participer à c'te réunion. Ils veulent apprendre à te connaître. » Ouais enfin, je venais de toucher mon héritage complet, rajoutant à mon compte en banque déjà trop plein, un peu plus de deux millions de dollars. Donc forcément que ça arrive pile maintenant, ça me rendait parano. Enfonçant ma main libre dans ma poche, je soupirai en hochant la tête. « T'as peut-être raison .. Mais bon, avant que ma mère ne pointe un flingue sur moi, j'étais aussi bourrée d'illusions comme quoi elle m'avait aimée. Alors tu vois, je préfère rester sur mes gardes. » confiai-je avec un rire qui n'avait rien de sincère. Ah la la, sacrée vie.

Je tentais de rassurer ma petite amie quant aux intentions des personnes concernées par ce voyage. Une réunion de famille, c'était quelque chose d'inattendu puisque, de ce que je comprenais, elle n'avait plus qu'une mère et une tante. Mais là, c'était toute une nouvelle famille qu'elle devait rencontrer et ça l'effrayait. Bon, ça n'allait pas être si terrible que ça puisqu'ils l'avaient quand même invitée. Ils auraient pu passer son nom lors des invitations sous prétexte qu'ils ne la connaissaient pas. "T'as peut-être raison .. Mais bon, avant que ma mère ne pointe un flingue sur moi, j'étais aussi bourrée d'illusions comme quoi elle m'avait aimée. Alors tu vois, je préfère rester sur mes gardes." Bon, je tentais de rester calme, pour assimiler ce qu'elle venait de me dire. Putain mais avec cette fille, j'en apprends tous les jours, c'est dingue! Restant collé à elle, je jetais mon regard sur son visage. "Désolé mais.. quoi ? Ta mère a pointé un flingue sur toi ?" Je retire ce que je pense, elle a vraiment une famille de fous et sa mère récolte le premier prix. Je n'sais pas jusqu'où va cette histoire, mais je ne voulais pas vraiment savoir. Enfin si mais non.

Il fallait l'avouer, j'étais devenue carrément paranoïaque sur le monde extérieur depuis que ma propre famille m'avait prouvé que même les liens du sang n'étaient pas toujours les plus forts. Roxanna avait été la seule à être un témoin direct de la folie de ma mère. C'était grâce à elle si aujourd'hui, j'avais encore le luxe d'être en vie. Donc on pouvait dire qu'elle était un peu la seule en qui j'avais encore une confiance aveugle. Et là, de laisser une bande d'inconnus intégrer ma vie, je n'étais pas sûre d'être prête, ni même d'en avoir réellement envie. J'en fis part à Alex, qui tenta de me rassurer, mais dès que je mentionnai les crasses de Shenae, je sentis que j'étais en train de le perdre. Son regard sauta sur moi, alors je le regardai de la même façon, attendant de savoir ce qui l'embêtait. « Désolé mais.. quoi ? Ta mère a pointé un flingue sur toi ? » Wait .. whaaat ? Je le fixai, silencieuse, le crâne vide d'un coup. C'était pas possible qu'il soit pas au courant. Si ? Je lui avais forcément déjà dit. « Oui .. ? » Putain, je me sentais vraiment con pour le coup, là. Comment c'était possible que ça ne soit jamais survenu dans nos conversations ? « En 2012, tu sais .. C'est à cause d'elle que j'ai passé un an en isolement ? On en a jamais parlé .. ? » J'en revenais pas quand même.

Si je pensais être rôdé avec Billie et les histoires qu'elle m'avait déjà raconté, je m'étais bien mis le doigt dans l'oeil. Il y avait énormément de choses que je ne savais pas visiblement, comme le fait que sa mère était une psychopathe qui lui a pointé un flingue sur elle. Sérieusement, si je pensais que ma mère - biologique - était déjà pas net dans sa tête, celle de Billie n'en parlons même pas. Elle avait pointé un flingue sur elle... "Oui .. ?" Je tombais des nues, comprenant alors pas comment ça se faisait que je ne l'apprenne que maintenant. On continuait d'avancer malgré cette révélation que je devais digérer. Si jamais un jour je me retrouve devant cette femme, elle va mourir, j'vous le dis. "En 2012, tu sais .. C'est à cause d'elle que j'ai passé un an en isolement ? On en a jamais parlé .. ?" Je déglutissais, tentant de me souvenir de ses paroles mais rien y fait, ça me dit rien du tout. Enfin si, j'étais au courant pour l'année en isolement mais le reste, nada. "Jamais." Ca soulevait quand même pas mal de questions et je ne savais pas si c'était le moment de les poser ou pas, sachant qu'on devait utiliser ce week-end pour se retrouver, se détendre et se ressourcer. "Comment ça s'fait..? Qu'elle en soit arrivée à là ?" J'avais bien compris qu'elle avait un truc contre sa fille mais de là à vouloir la tuer, c'était.. woaw.

C'était quand même étrange, parce que je ne me souvenais pas en avoir clairement parlé avec lui, mais j'avais ce truc dans ma tête qui me laissait penser que je l'avais déjà au moins mentionné. Peut-être un soir où on était bourrés, je sais pas .. Donc je lui redisais les grandes lignes, comme quoi elle était la cause de mon isolement et la date à laquelle ça s'était passé. Mais je n'arrivais pas trop à me dire que cette histoire n'était jamais survenue entre nous et j'étais toujours aussi déstabilisée qu'avant. « Jamais. » Je fronçai les sourcils, continuant à marcher en me mettant à regarder le sol qui défilait sous mes pieds. Bizarre, mais plausible après tout. Il y avait un paquet de choses que je gardais secret. « Comment ça s'fait..? Qu'elle en soit arrivée à là ? » J'avais appris à m'immuniser contre cette histoire, afin qu'elle ne me touche pas trop dès que je la racontais. Contrairement à mon père, elle ne méritait pas mes larmes. Donc je ne ressentais que de la colère. Doucement, je haussai les épaules en poussant un soupir. « J'sais pas .. ma tronche lui revenait pas quand j'étais gamine ? » À vrai dire, c'était la seule explication que j'avais trouvée. « Elle m'a abandonnée en 1994, s'est fait passer pour morte, jusqu'à il y a deux ans. Quand son premier plan pour me rayer de la carte a pas fonctionné, elle m'a tendu un piège pour que je vienne la voir seule et .. » Je mimai grossièrement un pistolet avec mes doigts et fis semblant de tirer avant de laisser ma main pendre contre mon corps. Fronçant un peu les sourcils encore une fois, je regardai mon petit ami. « C'est d'elle que vient la cicatrice que j'ai au-dessus du cœur. » Ouais, j'avais pensé qu'au moins pour expliquer ça, on avait dû en parler. Mais maintenant que j'y pensais, il ne devait connaître la provenance d'aucune de mes cicatrices puisqu'elles étaient toutes survenues de ma mère et de mon agression par son mec.

J'étais choqué de ce qu'elle m'apprenait et je dois dire que ça allait mettre du temps à être digéré. Fin quand même quand, elle venait de m'avouer un truc aussi gros qu'un éléphant dans une boutique de porcelaine. Bon, j'espère que ça n'allait rien casser sur le passage mais quand même, c'était énorme. "J'sais pas .. ma tronche lui revenait pas quand j'étais gamine ?" me répondait-elle après que je lui aie demandé le pourquoi du comment. A ma connaissance, c'est qu'un truc s'était passé pour qu'elle en arrive là, non ? "Elle m'a abandonnée en 1994, s'est fait passer pour morte, jusqu'à il y a deux ans. Quand son premier plan pour me rayer de la carte a pas fonctionné, elle m'a tendu un piège pour que je vienne la voir seule et .." Mais what the fuck ! Sérieusement, elle n'était là que les deux premières années de sa vie, et elle débarque par la suite pour la tuer ? Cette mère était une psychopathe doublée d'une folle furieuse. Je comprenais pourquoi elle pouvait la détester autant à présent. Ma petite amie imita alors sa mère, avec un pistolet à la main lui tirant dessus. Elle lui a donc vraiment tiré dessus... "C'est d'elle que vient la cicatrice que j'ai au-dessus du cœur." Je fronçais les sourcils, elle nourrissait clairement la haine naissante que je venais d'avoir pour sa mère. Je me stoppais, l'arrêtant avec moi et je me mettais face à elle, mes mains sur chacune de ses épaules. "J'suis désolé... que t'aies du vivre tout ça." Je savais que je pouvais rien y faire et d'ailleurs ça me tuait mais je voulais au moins montrer un peu de compassion. Je posais mes lèvres sur son front avant de me remettre à côté d'elle pour qu'on se remette à marcher.

Finalement, c'était assez cool quand je la pensais encore morte. Je n'aurais jamais cru dire ça un jour, mais putain, qu'est-ce que j'avais la paix à cette époque. Enfin, ma vie n'était pas de tout repos après la mort de mon père, loin de là, mais à ce moment-là, je ne savais pas que tout ça était de la faute de ma mère, j'savais pas que ça allait empirer et empirer et empirer. C'était quand même le bonheur. Si seulement elle pouvait l'être réellement. Quand elle s'était fait choper, j'avais sérieusement espéré qu'elle écope de la peine capitale. Elle m'avait poussée à ça, à espérer la mort d'un être humain. Je sentais qu'Alex commençait à bouillonner en entendant toute cette histoire. Je n'aurais peut-être pas dû lui balancer ça avec si peu de tact ? Il nous arrêta, posant ses mains sur mes épaules. « J'suis désolé... que t'aies du vivre tout ça. » Je ne montrai pas la moindre émotion, j'étais tellement vidée par toute cette histoire. J'avais nourri tellement de haine pendant un an qu'aujourd'hui, elle sommeillait bien sagement en moi en attendant son heure. On se remit à marcher et je haussai simplement les épaules. « L'important c'est qu'elle soit en taule, maintenant. Mais si elle sort un jour de là, j'l'attendrai. » dis-je simplement, en tirant légèrement sur la laisse de mon chien pour l'écarter du bord du trottoir.