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« On va dire ça » répondit simplement Thaïs au sujet de son émancipation mais aussi de ses potentiels mauvais souvenirs liés à son pays natal. Hors de question qu’elle parle de cela à un inconnu, surtout irlandais… c’était peut-être stupide, mais lorsque l’on en vient à haïr son propre pays de toutes ses forces, on redoute un peu le regard d’autrui si cela vient à s’apprendre. Depuis le temps qu’elle avait justement quitté Dublin, sa colère s’était un peu apaisée, fort heureusement, mais de tels souvenirs restaient encore douloureux et oppressants dans son esprit. Thaïs préférait, comme toujours, se concentrer sur quelque chose de positif plutôt que sur ce qui aurait tendance à la stresser plus qu’autre chose. « Effectivement si vous aviez du mal à fixer votre attention, je ne suis pas très étonnée que vous ayez eu du mal à apprendre, mais vous n’avez jamais retenté l’expérience ? Ce que vous avez fait pendant votre adolescence peut peut-être différer aujourd’hui ? M’est avis que cela vaudrait le coup si jamais vous aimez ça… d’ailleurs, je peux sûrement vous aider ! » Il ne s’agissait pas d’être prétentieux ou quoi mais Thaïs avait tout de même la capacité de donner un cours à un presque débutant, c’était dans ses cordes. Elle faisait du piano depuis tellement longtemps que c’était presque devenu une seconde nature, chez elle. La jolie irlandaise respirait la musique du matin jusqu’au soir, et faisait même ses propres compos pour ses examens de danse… c’est dire si elle était douée en la matière. La musique l’avait moult aidée à se faire à ce monde si sombre dans lequel elle avait été plongée quelques années plus tôt. D’ailleurs, sitôt qu’elle eut commandé un café frappé et Aaron une bière, la question de son handicap vint bientôt sur le devant de la scène, comme elle s’y attendait à chaque nouvelle rencontre qu’elle faisait depuis que c’était arrivé. Thaïs restait pour ainsi dire conditionnée à répondre à cette fameuse question… cela ne la blessait plus tant elle était capable de faire preuve de recul, désormais. Il faut dire que sa cécité l’avait énormément murie… « En théorie c’est toujours un sujet sensible mais vous savez, avec les années, j’ai appris à vivre avec… à faire de mon handicap une force. Je ne peux plus voir comme vous, certes, mais je m’intéresse aux sons, qui sont extrêmement révélateurs dans leur genre… mais je m’égare. Pour vous répondre, cela fera bientôt sept ans en juillet prochain. Je souffrais d’un glaucome dans chaque œil, qui n’a jamais été soigné correctement. J’ai perdu petit à petit de mon champ de vision jusqu’à être dans le noir total, ça n’a pas été immédiat. Mais j’arrive à vivre avec, je pense que vous avez pu en avoir un aperçu tout à l’heure. Pourquoi cela vous intriguait-il, si vous me permettez la question ? »
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