(+ Mei) encore toi ?!

Eventine poussa un très léger et imperceptible soupir. « A vrai dire, je n’ai pas encore recommencé, je n’ai pas eu le courage. Il y a eu l’arrivée de Viktor entre temps et c’est… compliqué on va dire » avoua-t-il sans même savoir pourquoi il se lançait dans pareille discussion. Après tout, ce n’était qu’une furie inconnue, non ? Peut-être pas si furie que ça mais quand même. « J’en déduis que tu as fait de la musique ou d’autre chose et que tu t’es tellement investie que tu as fini par ne plus en pouvoir ? Ça ne sera pas mon cas. Le violon, c’est toute ma vie et je veux que ça reste comme ça. »

« Non, c’est une perte familiale qui m’a littéralement coupé la chique…C’est compliqué….J’ai continué mais pas devant un public pour moi, c’est sans doute un peu égoiste, mais j’ai besoin de ça pour ne pas abandonner. » Le regardant alors en souriant, j’avais toujours un petit pincement de cœur pour mon père. J’ouvrais donc la porte pour voir s’il y avait encore du monde, et la salle était vide pour une fois. Je lui disais : « C’est bien, tu continues face à un public…Pour ma part, si je refais cela, je sais que je vais me faire critiquer encore et encore…. »

« Oh je vois. Toutes mes condoléances même si je vois très bien de quoi tu parles en vérité. Ceci dit ce n’est pas égoïste, tu n’es pas obligée de partager ce que tu fais avec un public tant que cela te plaît à toi… le public est souvent intransigeant et ne voit pas ton art à ta manière. » Même si en l’occurrence Eventine n’était pas prêt de se priver de son public, c’était une certitude certaine. Il préférait mille fois se taillader les veines avant ! « La critique fait partie du job. Tu penses vraiment que je n’y suis jamais sujet ? Les critiques classiques sont les pires, ce n’est pas qu’une légende… »

  « Oui, tu as sans doute raison. Je vais continuer pour moi et lorsque je serais prête, j’y retournerais en public. » Je souriais, et il ne fallait pas non plus que je sois stressée, mais bon, je tentais quand même de lui dire ceci : « Oui sans doute, mais après, je trouve que s’acharner sur une personne n’est plus une critique mais un masacre littéraire. » Je voulais dire par là que j’avais toujours eu des gens pour me critiquer encore et encore sans prendre en compte ce que je faisais. Ils ne s’arrêtaient jamais et je devais donc supporter cela.

« Peut-être que tu ferais mieux d’agir ainsi, en effet. Surtout si tu n’es pas prête à subir encore la critique potentielle que l’on t’enverra forcément dans les gencives dès que tu vas côtoyer un public » reprit-il, sachant pertinemment de quoi il parlait pour être passé par là à maintes et maintes reprises. Probablement était-ce la même chose pour tout le monde, au bout du compte… « Du massacre littéraire ? Ah mais tu sauras que dans la vie, tout le monde critique tout le monde. Personne n’a plus de tolérance pour rien et surtout pas pour ce qu’il n’aime pas. C’est devenu un jeu, une façon d’exister… j’emmerde donc j’existe, tu ne connais pas cet adage ? C’est ridicule peut-être mais ça n’en reste pas moins vrai. »

  « En tous les cas, je profite bien de mon petit truc pour moi. Comme ça je peux toujours travailler et continuer de m’améliorer. » Je continuais donc de faire comme je le faisais avant et j’espérais bien pour une fois réussir à progresser. Je lui répondais : « Oui, tu as sans doute raison, mais bon, je vais essayé de ne pas y penser et d’ignorer donc ce qu’ils peuvent dire sur moi. »

« Si ce n’est pas indiscret, qu’est-ce que tu entends par « truc » exactement ? » Eventine n’était pas critique, et lui ayant même confié être violoniste à la base, Mei n’avait pas grand-chose à craindre. Il ne se trouvait vindicatif qu’en cas d’extraordinaire bonne raison et pour l’heure, la russe ne lui en donnait aucune. Encore heureux, car il était fatigué de s’énerver pour des choses futiles en ce moment. « Au pire, qui t’empêche de zapper ? Je ne lis jamais les critiques, je ne les trouve pas constructives. Je pars du principe que tant que l’on me propose des concerts c’est que les places se vendent et que j’ai des amateurs, le reste, ce n’est qu’un détail insignifiant. »

  « Je danse en cachette….A vrai dire je danse depuis mes cinq ans…Et après ça, j’ai arrêté devant tout le monde, mais je continue de prendre des cours…Personne ne le sait même pas ma sœur, à part une amie proche, je n’en parle à personne… » Je l’entendais me dire qu’il fallait tout simplement que je zappe le tout, et donc, je me demandais bien s’il fallait que je continue sur ma lancée. « Je vais essayer mais bon, je finirais bien par y arriver. »

« Les claquettes, tiens c’est original. Et pourquoi ne pas l’avoir confié à ta propre sœur, elle se serait moquée de toi ? » demanda-t-il, légèrement intrigué par le comportement de cette presque parfaite inconnue dont il apprenait des bribes d’existence au compte goutte. Eventine avait toujours été attiré par l’art et demeurait admiratif devant le talent de certains danseurs, par conséquent il ne lui jetait pas la pierre… cela l’intriguait seulement. « Puisque tu as une amie proche qui te soutient, ce serait sûrement bien plus simple que si tu n’avais personne. Positive la chose comme ça » lui conseilla-t-il, tellement bien placé pour le faire dans son cas où le violoniste était autant critiqué que le prince.

  « Pas les claquettes, la danse classique…Et non, elle ne se serait pas moquée…Mais c’est juste mon petit secret. » J’avais dis cela patiemment, et tout en essayant de voir comment est-ce qu’il était possible pour moi de continuer sur cette lancée, je continuais donc de suivre le tout de ma place : « Oui, tu as sans douta raison. Je vais essayer de rester positive. »