EVENTINE & MINNIE-LOVE ❥ retrouvailles après les fêtes.

Les fêtes de Noël étaient toujours synonyme de grand rassemblement, surtout dans la famille Casiraghi, sans compter que le jeune prince avait pu faire la connaissance de son neveu, tout juste né, à la sorte de l’hôpital de sa sœur aînée Charlotte. C’était presque le cœur lourd qu’il avait repris l’avion direction Cambridge, obligations obligent. Eventine n’était pas homme à abandonner en cours de route ses concerts à venir, ses répétitions de virtuose ou même ses prochains enregistrements… il voulait être sur tous les fronts et pour cela, il lui fallait abandonner son réveillon de fin d’année. Qu’importe, il savait par avance que Gauthier, son majordome, ne manquerait pas de lui organiser un semblant de fête auquel il prendrait par avec plaisir mais pour l’heure, la place était à la musique, et tout spécifiquement à Chopin, dont il sublimait la Nocturne Vingt avec son doigté ayant fait frimer de plaisir les critiques aux abois lors de son dernier concert à Madrid. A vrai dire, il n’était pas censé s’entraîner dessus, Chopin n’étant pas au programme de son concert prévu à New York début janvier mais il fallait prendre cela comme une pause spirituel, un moyen fabuleux que de délier ses doigts tandis qu’il entamait chaque note avec un tel brio qu’il fallait presque en arrêter de respirer pour en saisir toute la beauté. Ce fut presque à regret qu’il termina la partition, qu’il récitait dans son esprit pendant son jeu, le jeune homme ayant capté un bruit des plus discret dans son dos. « Il me semblait bien avoir capté une fugace respiration votre altesse » la salua-t-il avec tout le respect dû à sa caste, car s’il était prince, Minnie s’avérait l’être tout autant. « Que me vaux cet insigne honneur ? » reprit-il, n’hésitant pas à mettre les formes dans ses phrases au cas où d’éventuels étudiants auraient la mauvaise idée de passer dans le coin. Cela l’aurait beaucoup étonné mais Eventine était connu pour savoir être un homme des plus prudents…

Justement, il ne fallait pas s’attendre à ce que le jeune prince quitte son masque de raison et de traditions ancestrales à moins d’être absolument sûr qu’ils se trouvaient tous les deux seuls dans cette pièce. Pourtant, un léger sourire amusé étira bientôt ses lèvres en la voyant faire une révérence, chose à laquelle il ne s’attendait en aucune façon, mais il apprécia l’effort : il ne devait y avoir qu’en sa présence que Minnie renouait avec ce protocole qu’elle semblait tant haïr. « Mais il fallait que j’en sois persuadé Minnie » ajouta-t-il en la voyant fermer la porte, adoptant bientôt un haussement d’épaules amusé. Il était évident que la demoiselle n’était pas forcément là en suivant un plan précis : elle se dirigeait généralement là où ses pas la guidaient et Eventine l’avait toujours connue comme ça. Il ne pouvait pas se prétendre capable de la sonder des pieds à la tête, pas alors qu’ils avaient passé davantage de temps à s’ignorer superbement en public qu’à se côtoyer plus personnellement mais il n’hésita cependant pas à éclater de rire en entendant la suite de ses paroles. Il avait toujours connu son talent de séduction, qui lui ne datait pas d’hier, et comme toujours, celui-ci l’amusait vu qu’il n’était pas foncièrement fait du même bois. « Si c’est mon violon qui te manquait ma belle je peux très bien te jouer quelque chose et tu sais combien je ne suis pas fana d’avoir un auditoire en dehors de mes concerts… si c’est quelqu’un d’autre qui te manquait en revanche, il va falloir m’indiquer son identité, que je t’aide à remettre la main dessus » s’amusa-t-il à la provoquer sans perdre son sourire, tout en sachant éperdument où il voulait en venir : mais après tout, qui a dit qu’Eventine était un jeune homme facile ?

Eventine esquissa un bref sourire mystérieux, pouvant dire tout et rien à la fois, comme à chaque fois qu’il ne voulait surtout pas être sondé. Peut-être était-ce vital pour lui que de garder un jardin secret des plus confortables, cela lui évitait de trouver femme ou ami capable de le détruire littéralement d’un seul mot ou bien d’un seul geste. Il ne s’attendait pas réellement à ce que Minnie puisse le comprendre là-dessus : bien qu’ils aient de nombreux points communs, et nul ne le savait mieux que lui, cette rouquine incendiaire vivait une vie bien différente de celle du jeune prince. « Il m’arrive de te tutoyer… mais prudence est mon deuxième prénom et depuis le temps, j’aurais cru que tu t’y serais faite, à moins que la distance que je mets en public t’indispose » reprit-il d’un ton à la fois très présent et ailleurs. Il cherchait à comprendre le message de son interlocutrice royale mais quelque chose lui disait qu’elle ne risquait pas de lui faciliter la tâche : c’était une femme, ne l’oublions pas ! « Fort bien fort bien… tes désirs violonistes sont des ordres ! » fanfaronna-t-il d’un air taquin avant que son sourire ne s’agrandisse d’autant à ses paroles suivantes, dévoilant ainsi ses dents blanches et si bien alignées. « J’avais compris le message, mais si je ne pouvais pas te taquiner en privé, où serait l’intérêt ? Je suis flatté du manque que tu as éprouvé et je te rassure… » Eventine s’approcha légèrement d’elle en adoptant cette fois-ci une expression sérieuse : « … il était réciproque » conclut-il non sans reprendre son violon en main et partir dans une improvisation de plusieurs partitions qu’il avait en tête, mélangeant les genres et les compositeurs avec une aisance telle que c’en était presque choquant. Au final, une fois que ça transe eut pris fin, c’est un air presque cabotin qui avait pris place sur ses traits. « Verdict, ma chère auditrice ? »

Peut-être Eventine n’était-il pas forcément habitué à se rebeller contre le protocole et le fait de connaître quelqu’un de particulièrement rebelle le dérangeait d’une certaine manière ? Non, pas réellement car dans le cas contraire, il aurait purement et simplement coupé les ponts avec Minnie, sans autre forme de procès et sans appel. On ne pouvait pas dire qu’ils soient extraordinairement proches, le jeune prince ayant un mal fou à se lier de façon forte et inébranlable à autrui et peut-être plus spécifiquement à la gente féminine. La raison ? Elle s’avérait tout à fait objective mais pour qu’il en vienne à en parler, encore fallait-il être extraordinairement proche de lui… comme son meilleur pote Caleb, par exemple, récemment mis au courant du pot aux roses. « Le fait que tu te rebelles contre le protocole a tout et rien à voir avec mon comportement à vrai dire. Disons que j’ai peur d’être un homme compliqué… » avoua-t-il sans détour ni hésitation car il n’était pas mal à l’aise avec Minnie, pas en privé du moins. Il la savait nettement plus vraie une fois les caméras éloignées et cette image d’elle qu’il appréciait, pas celle qui multipliait les frasques, faisait parler d’elle et manquait de provoquer un double infarctus à cette chère Elizabeth II… « Oh mais je n’en doute pas ! Tu veux que je me montre incroyablement repentant pour cet accès d’assurance dont j’ai été l’instigateur ? Non… tu sais très bien que je me fais toujours pardonner autrement » fit-il non sans lui adresser un petit clin d’œil entendu et la remercier à l’aide de son violon, soit sa meilleure arme, son plus fidèle allié et un véritablement prolongement de lui-même à vrai dire. « Ensorceler ? L’effet obtenu gonfle le musicien que je suis ! Mais tu sais à quel point j’ai du mal à me lier aux autres, car la plupart du temps je ne les comprends pas. Quand je joue, tout me paraît plus simple, plus net… tellement évident que c’en est presque choquant. Je voudrais pouvoir jouer au lieu de parler… ce serait tellement plus efficace ! Tu ne ressens pas une telle passion pour quelque chose de similaire dans ta vie, Minnie ? »

« J’ai toujours cru que j’étais une exception à vrai dire ! » fit-il de son habituel air cabotin, accompagnant ses dires d’un magnifique sourire limite provocateur car prendre ce genre de choses de façon humoristique n’était pas désagréable… au contraire, cela s’avérait même confortable au bout du compte. « Peut-être faudra-t-il que tu me guides sur mes potentielles façons de me faire pardonner » la guida-t-il d’un air tout aussi mystérieux, sans trop se mouiller pour l’heure. Le jeune prince était aussi secret que l’on pouvait l’être, protégeant non pas seulement sa vie privée mais sa vie tout court, de peur que celle-ci ne soit brisée par quelqu’un de mal intentionné, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. Voilà pourquoi sa confiance n’était donnée au compte goutte et bien qu’il ait tendance à partir du principe que dans l’environnement privé, Minnie avait toujours été plus ou moins privilégiée par ses bons soins, il demeurait plutôt caché d’elle. Il peinait parfois à la cerner et cet état de fait ne pouvait l’empêcher de redouter le pire, de façon viscérale. Ne finirait-elle pas par le blesser, au final, comme beaucoup d’autres ayant essayé avant elle et s’étant purement et simplement cassé les dents ? « Je ne peine pas à te comprendre mais à te suivre, je l’avoue » reprit-il d’un ton légèrement plus sérieux, conservant son violon en main comme s’il pouvait l’aider à conserver cette assurance lui proférant tant d’aisance, autant verbale que gestuelle. « Ah, tu sais je ne suis pas Dieu, pourtant, Minnie. Juste un être humain qui a parfois le besoin de tourner certaines pages et de se relever de certaines difficultés… mais je n’ai jamais cru que tu n’étais qu’une fêtarde sur le retour n’ayant rien d’autre à offrir que des frasques, toujours des frasques. Je pense plutôt que c’est ton moyen d’exister dans le monde qui est le nôtre. C’est un moyen de ne pas passer complètement inaperçue, d’être effacée entre les nombreux membres de la famille Windsor dont tout le monde ne cesse de parler. Je ne te juge certainement pas pour cela. Mais peut-être n’as-tu pas de passion car il y a beaucoup de choses que tu ne connais pas… tu as toute la vie devant toi, Minnie, et c’est peut-être cela que tu oublies. Si tu devais mourir demain, que serait la première chose que tu voudrais à tout prix faire ? » Peut-être qu’en tournant les choses de cette manière, elle se trouverait un sujet la passionnant ?