un mélange entre haine et amitié ▬ Ariane.

Je me suis levée d’étrangement mauvaise humeur ce matin, je ne saurai expliquer pourquoi, pourtant, j’ai traîné cette vague envie de massacrer toutes les personnes me croisant toute la journée. Et le sport m’a paru être le meilleur échappatoire pour tenter de reprendre le contrôle de mon moral. Vêtue d’un petit short en toile et d’un débardeur de la même couleur, un  bleu tirant sur le vert, je me suis rendue il y a de cela deux heures dans une salle de sport. Le but réel de cette manœuvre étant d’éviter Tyler à l’université. Maintenant que j’en sais d’avantage sur lui et notamment que je connais son métier, je ne me risquerai pas inutilement à croiser son chemin au gymnase d’Harvard. Une déception de plus n’est clairement pas à rajouter à ma mauvaise humeur. Des étirements, des kilomètres de course, et puis des dizaines de balles de tennis envoyés à vive allure contre le mur après, je me sens déjà mieux. J’ai réussi à évacuer les mauvaises ondes, du moins c’est ce dont je suis intimement convaincue jusqu’à ce que mon regard ne croise un visage inconnu alors que je retourne vers les vestiaires. J’hésite un moment à me servir de ma raquette comme d’une arme pour lui asséner un coup, juste assez violent pour lui faire ressentir la douleur qu’il m’a causé ces derniers jours mais je me ravise. Figée sur place, je l’observe s’approcher de moi. Je suis presque convaincue qu’il va passer, me frôler peut-être même et continuer son chemin. Cela me révolte. Oui, j’ai été sacrément idiote mais j’ai été sincère aussi. Et puis il n’est pas si irréprochable non plus, il m’a vu m’évanouir, mais n’a pas pris la peine d’attendre que je reprenne connaissance pour s’évaporer dans la nature. Je ravale ma fierté lorsque seulement quelques mètres nous sépare et d’un ton glacial je me risque à le saluer. « Bonjour Avery. Je ne savais pas que tu t’entraînais ici. » C’est mince comme approche mais que dire d’autre après tout alors que je ne sais pas s’il prendra la peine de répondre.

Planté comme un idiot, je me surpris à fixer l'Eliot sans bouger. La situation est devenue tellement bizarre entre nous que je n'ose même pas faire quelques pas vers elle. Pourtant je les fis ces quelques pas -après plusieurs secondes d'hésitation certes -, entrant dans son champ de vision par la même occasion. Bonjour Avery. Je ne savais pas que tu t’entraînais ici. Pourquoi elle a ce ton si froid ? C'est moi qui suis censé être énervé contre elle et non le contraire. En tout elle a l'air d'avoir repris des forces depuis sa chute dans sa chambre. Salut Ariane. J'ai choisi la même approche qu'elle, c'est à dire un ton froid pour ne pas qu'elle détermine mes sentiments. J't'ai déjà dit que je faisais du sport. Mais bon, tu m'diras, t'étais surement entrain de penser à un coup de pute à faire à ma soeur à ce moment là. Et bim prend ça dans la face. C'est pas mon meilleur jour. Même si sa chute m'a fait peur, elle reste quand même une fille mauvaise et manipulatrice.

Son ton glacial me salue et je ressens comme une pointe en pleine poitrine. Je me rappelle encore de ses bises chaleureuses à chaque retrouvailles. Il y a peu nous n’étions pas si distants et nous aimions nous rencontrer par hasard sur le campus, même pour quelques minutes de discussion. Prendre des nouvelles, convenir d’une soirée ensemble. Mais il n’a pas pris de mes nouvelles depuis mes aveux et je devine sans qu’il ne le dise qu’il n’est pas ravi de me revoir. Peut-être aurait-il préféré que je ne me réveille pas lors de ma perte de connaissance. Et comme si je ne devinais pas son mépris à mon égard ses mots me poignardent de nouveau. « Oh ça va maintenant d’accord ! Je sais que tu fais du sport, mais je savais pas que tu t’entraînais aujourd’hui. » Me défendis-je sur un ton proche de celui de la colère. J’ai été une idiote d’approcher Avery de cette façon c’est certain, et je croyais lui avoir fait comprendre que je regrettais pourtant je ne me doutais pas qu’il resterait borné ainsi. « Je me suis excusée moi au moins. J’ai avoué ne pas être parfaite et si tu me connaissais bien tu verrais en cela une vraie preuve d’affection. Mais toi par contre, tu n’as même pas pris la peine de te demander si j’allais bien. Tu prétends que tu tenais à moi ? Si c’était le cas tu te serai inquiété un peu plus que ça même après mes aveux. Mais finalement peut-être que c’était de la comédie toi aussi. » Ma tirade pourrait attirer l’attention sur nous, et c’est la raison pour laquelle je soupire et lève les yeux au ciel. Il me fait sortir de mes gonds et en public en plus.

Oh ça va maintenant d’accord ! Je sais que tu fais du sport, mais je savais pas que tu t’entraînais aujourd’hui. Je soupirais me demandant pourquoi je suis encore ici à lui parler. Elle est en vie, elle va bien alors parfait j'peux m'en aller. Je me suis excusée moi au moins. J’ai avoué ne pas être parfaite et si tu me connaissais bien tu verrais en cela une vraie preuve d’affection. Mais toi par contre, tu n’as même pas pris la peine de te demander si j’allais bien. Tu prétends que tu tenais à moi ? Si c’était le cas tu te serai inquiété un peu plus que ça même après mes aveux. Mais finalement peut-être que c’était de la comédie toi aussi. Nan, mais j'y crois pas, elle me rejete la faute ? En plus si je n'avais pas alerter les secours l'autre soir, elle serait peut-être à l'hopital là. Parce que c'est moi le coupable maintenant ? Alors là bravo t'as réussi à te faire passer pour la victime. Mais entre nous c'est toi qui est en faute ! C'est toi qui a prétendu être mon amie au début. Je suis sûr que tu t'es bien marré quand t'as vu que j'me rapprochais de toi. Je souffla, levant les yeux en l'air avant de reprendre sur un ton plus calme. Alors ouais tu t'es excusée, mais rien ne me prouve que tu ne me mentiras plus. Parce que maintenant y a plus aucune confiance.

Je baisse les yeux vers le sol, pour mieux encaisser les mots que prononcent Avery, dans l’intention peu subtile de me blesser d’avantage. Les larmes me montent aux yeux mais je mord ma lèvre inférieure pour les retenir, il est hors de question que je m’abaisse à pleurer pour un homme, quel qu’il soit et même s’il en vaut la peine. J’inspire profondément et relève les yeux vers lui. Mes mains se lèvent en signe de capitulation. « Très bien Avery, pas de problème. »  Dis-je en le fusillant du regard. « Je t’appréciais réellement. Certes je suis venue vers toi pour emmerder ta sœur mais tu sais quoi je n’ai jamais menti si ce n’est pour ça. Quand je me suis confiée à toi, j’étais sincère et dès l’instant où nous avons commencé à discuter, à passer du temps ensemble, j’ai oublié mes mauvaises intentions. Parce que j’avais pas envie de tout gâcher. Je me suis attachée à toi, et je m’attache à personne moi, parce que je suis une Kennedy et que c’est comme ça j’ai l’habitude que les gens finissent par s’en aller. Mais avec toi j’ai pris le risque, j’ai cru que t’étais différent au point que j’ai cru que tu me comprendrais, ou au moins que t’essaierai de comprendre qu’en te disant la vérité, je m’exposais aux représailles et que donc c’était uniquement une preuve de ma bonne foi. Mais ça ne compte pas pour toi que j’aie choisi la sincérité quand j’aurai pu continuer à mentir. » Je reprends de l’inspiration, pose ma main sur son torse et plante mes yeux dans les siens, en tentant de ne pas perdre pied dans son regard perçant. « Au fond de toi, tu sais que tout était vrai, tu sais qui je suis mais si tu veux continuer à faire semblant de l’ignorer, fais comme tu veux Silver. »  

J'écouta ses paroles avec la plus grande attention. A vrai dire je ne sais pas quoi faire ou quoi dire. La possibilité qu'elle mente est toujours présente et ce doute persiste dans mon esprit. A force je commence à me méfier de tout le monde. Hé, faute à qui ? Je sentis sa main sur mon torse et également un frisson me traverser le corps. Au fond de toi, tu sais que tout était vrai, tu sais qui je suis mais si tu veux continuer à faire semblant de l’ignorer, fais comme tu veux Silver. Je plongea mon regard dans le sien, restant quelques secondes dans le silence. Ariane est quelqu'un de génial, mais son mensonge me reste en travers de la gorge. Sérieux j'fais quoi ? Ok. C'est le seul mot que j'ai pu sortir de ma bouche. Il ne repond a rien certes. On a tous le droit à une seconde chance. J'suis faible, hein ? Mais je ne peux rester en colère contre elle.

Je m'apprête à m'en aller, la tête haute. Rester digne c'est ce que m'a toujours inculqué ma mère, et pourtant je suis stoppée dans ma lancée quand les paroles d'Avery résonne dans mon oreille. Je ne parviens pas à savoir si c'est bien lui qui a parlé ou si je finis par devenir folle en entendant ce que j'ai envie d'entendre. Mes yeux le scrute un instant, de ce regard interrogateur et finalement je hoche la tête. « Vraiment ? » Lui demandais-je n’en revenant toujours pas. Un sourire se dessine sur le coin de mes lèvres et j’ai envie de lui sauter dans les bras. Ce con m’a manqué et même si il n’a pas pris la peine de m’appeler pour avoir des nouvelles. Je ne peux pas continuer de lui reprocher cela quand je l’ai clairement trahi une fois déjà. « Est-ce que je peux t’inviter à boire un verre avant que tu ne changes d’avis ? » Dis-je en priant pour qu’il ne prenne pas la décision de revenir sur ses propos pour me blesser d’avantage. « Un soda si tu veux, puisque le champagne ne semble pas vraiment être ton truc… » Dis-je en me rappelant notre dernière soirée. Elle avait bien commencé avant de finir en désastre. « Enfin, il faut que je prenne mes affaires mais ensuite on pourrait y aller, non ? »  

Vraiment ? Je fis un sourire à la jeune femme, heureux de la voir aussi souriante. Est-ce que je peux t’inviter à boire un verre avant que tu ne changes d’avis ? Je jeta un rapide coup d'oeil à mon portable pour voir l'heure. Ouep, j'veux bien. Boire un verre en signe de réconciliation, c'pas beau ? Un soda si tu veux, puisque le champagne ne semble pas vraiment être ton truc… Enfin, il faut que je prenne mes affaires mais ensuite on pourrait y aller, non ? Je rigola suite à sa première phrase. En effet le champagne n'est pas ma boisson favorite. Bah va les prendre je t'attend ici. Vas-y ! Je lui lança un regard rassurant pour qu'elle aille chercher ses affaires sans craindre de me voir partir. Je remonta ensuite mon sac de sport sur mon épaule plutôt content de la situation. Je me mis sur un banc attendant le retour de la ravissante Eliot.

Lorsque mon regard s’est posé sur Avery, j’ai ressenti une forme de colère à son encontre. Certes, totalement déplacée mais je lui en voulais de rayer de sa vie notre amitié d’un coup de stylo définitif. Il en avait certes le droit après mes aveux mais j’aurai voulu qu’il m’écoute, qu’il essaie de comprendre. A présent alors que je contemple les traits de son visage, je ne lis plus ce dégoût à mon égard, il semble s’être effacé pour laisser place à cette mine qui ne sait pas s’il doit me faire confiance ou non. Il prend le risque cependant, et je suis touchée et émue par cela. Etant fière, et rancunière, je n’aurai peut-être pas cédé aussi vite que lui et je me rends compte qu’heureusement il ne me ressemble pas. Avery me donne envie de devenir meilleure. Je souris lorsqu’il dit qu’il m’attend, je le regarde perplexe, et son sourire me redonne confiance. Il ne va pas en profiter pour s’en aller, c’est rassurant. Je pivote sur moi-même, et m’élance vers les vestiaires où je retire à la hâte mes vêtements, me jette sous le jet d’eau rapidement, lavant mon corps et ma longue chevelure brune et je m’extrait presque aussi rapidement de la douche pour me sécher et enfiler de nouveau vêtements. Je ne veux pas le faire attendre trop longtemps, pas lui. Sans même sécher mes cheveux, je m’empare de mon sac de sport et m’enfuie du vestiaire pour le rejoindre. Il est là, assis à m’attendre. Je souris lorsque je le vois, d’un sourire qui en dit long. « Merci de m’avoir attendu Silver. » Dis-je en lui tendant la main pour qu’il se relève. « Tu as le droit de choisir le bar où tu veux qu’on aille, et c’est moi qui invite ! » Ajoutais-je.