oh for god's sake ─ Bibiho(e)

Sa requête était simple ; que tu récupères une trousse violette qu'elle a oublié y'a quelques semaines, quand elle a commencé à sortir ses affaires. Elle t'a pas dit où exactement, juste "ça doit être dans la chambre", mais la chambre, c'est vagues. Surtout quand tu rentres dedans et qu'il n'y a plus rien. Tu soupires, agacée d'avoir la sensation de perdre ton temps, et tu commence à fouiller. « Une trousse... super... mais quelle trousse ? » Y'a rien dans ce carton. Ça te gêne pas de fouiller dans leurs affaires Bibi, parce que tu t'attends pas à ce qu'on te surprenne ici, et puis, on t'a donné les clés. Alors dans leur ancienne chambre, t'as les mains dans les cartons, et tu fouines, comme... la fouine que t'es. Même si t'entends du bruit derrière toi. Parce que t'as bien une petite idée de qui c'est, et même si tu soupires pas, c'est pas l'envie qui manque.

Le roulement de tes yeux accompagne l'arrêt de tes mouvements, et le soupir qui s'échappe en douceur de tes lèvres. Insupportable. Il t'ennuie, n'est-ce pas, Bibi ? Alors tu te redresses tranquillement, la peau de tes bras frôlant le carton en même temps que tu laisse un bruit de réflexion s'échapper de tes lèvres. « Mmmh... » Tu jettes un coup d'oeil à son ombre projetée sur le mur, puis tu te retournes pour lui faire face, et croise les bras à ton tour. La désinvolture, il n'est pas le seul à la connaître, y compris le sarcasme. Tu lui offres un sourire teinté de mépris. « Mais qui vois-je ? » Est-ce que tu vas oser ? Est-ce que tu vas directement mordre là où ça fait mal, parce que malgré le jeu, tu te délectes davantage de le blesser ? « Le cocu de service. » Que tu lâches ─ et comme pour ne pas avoir à subir son regard, tu détournes le visage et referme le carton tout en parlant. « Tu serais bien aimable si tu pouvais basculer vers l'arrière et tomber de la fenêtre. Je suis certaine que le buisson se fera un grand plaisir d'accueillir ton fessier frustré, et ça m'épargnera le son désagréable de ta voix. » Et hop, refermé. Tu regardes les cartons devant toi, et tu te demandes où est-ce que tu peux trouver cette foutue trousse violette. T'aurais parié qu'elle serait avec des affaires de la salle de bain, mais visiblement, non. Et plutôt crever que de demander à Sanho.

Ah ! Qu'il t'agace. T'as beau savoir à quel point il est chiant et cynique, ça te donne toujours envie de rouler des yeux, son petit cinéma ennuyant. Ne peut-il pas faire comme les autres, prendre la mouche, râler, montrer que son petit égo fragile se raye à la moindre réflexion, et ensuite quitter l'endroit en claquant la porte ? Porte à laquelle tu jettes un coup d'oeil, visiblement las de la répartie de Sanho. « J'ignorais que tu ne savais plus comment ouvrir une fenêtre. » Le sous-entendu que tu faisais était l'attente d'un acte volontaire de sa part. Qu'il joue l'homme au coeur brisé, victime de son couple et file dans le mélodrame, comme tous les autres. T'as les mains qui rouvrent encore un carton quand il envoie un sac à tes pieds. Sac que t'avais pas vu. Tu l'observes un instant, puis tu relèves le regard vers lui. T'as vu dans le sac la fameuse trousse violette ; elle est dedans. Mais te pencher pour la ramasser, c'est lui dire qu'il te donne sur un plateau d'argent ce que tu es venue chercher, qu'il a fait le travail à ta place. Alors à la place tu te redresses, t'approches de lui tranquillement, sans le lâcher du regard. Tu te penches à nouveau vers le carton qu'il vient de refermer ; t'arraches le scotch, et paf, le carton se renverse sur le côté. « Oups. » Tu lui offres un sourire, te penche et ramasse le sac qu'il t'a envoyé pour le mettre sur ton épaule. « J'ai renversé la poubelle, j'ai confondu tes pieds avec la déchetterie. » Lâches-tu en voulant le dépasser, enjambant le bordel à ses pieds.

Il t'énerve, mais tu sais que c'est réciproque. C'est comme ça, entre vous. Ça l'a toujours été, d'ailleurs, avant même que ton amie ne le trompe avec un autre ─ chose dont tu étais au courant d'ailleurs. T'as toujours eu une attitude méfiante à son égard, et Sanho n'a jamais rien pu y faire, peste que tu es. Même tes efforts, tes sourires et ta politesse avaient été forcés par respect pour la femme qui vous unissait, mais là, aujourd'hui, y'a plus rien qui t'empêche de montrer ton dédain. Il te provoque sur ce qui te fait aujourd'hui défaut, ce qu'il a toujours su comme être des mensonges de courtoisie à l'époque, et tu lui souris avec la tête qui se penche légèrement. Bien sûre que oui, quand tu es gentille, les autres ont la paix. Mais il n'a pas ce bénéfice, lui. « Je suis gentille. » Que tu réponds sarcastiquement, parce que tu pourrais faire bien pire ─ lui donner la gerbe, par exemple. Il te demande de partir alors que tu l'as dépassé et t'éloignes vers la porte, répondant à ses dernières provocations alors que tu poses ta main sur la poignée de porte. « Probablement dans le même cul qui contient ton amour-propre, non ? Petite nature que tu es. » Et... rien. Et rien. Tu regardes la porte, secoue la poignée, mais elle ne s'ouvre pas. Tu lèves les yeux vers le bord, puis les redescend vers la poignée ; pousse, tire, mais elle ne bouge pas. Alors tu lâches la poignée d'un geste désinvolte et ta main claque ta cuisse alors que ton regard se repose sur le seul coupable dans la pièce. « Vraiment ? » Pas besoin d'autres mots, ton attitude l'accuse très clairement. Et tu croises les bras, le foudroyant du regard en silence, attendant qu'il débloque la situation tel l'homme qu'il est supposé être, au lieu de faire le coq à se pavaner de la sorte.

Le sourire est forcé. Tu te fiches bien de lui plaire d'ailleurs, à ce goujat cocu comme pas deux, mais t'aimes pas qu'il dise que t'es immonde, car t'es loin de l'être. Certes t'es pas du niveau des sublimes Morelli ou de Lena, mais t'es pas en reste, et t'as pas à rougir de qui t'es ; t'es très bien dans ta peau. Puis tu galères avec la porte, accuses au début tes maigres muscles, avant de comprendre que le problème, c'est pas toi. Alors tu l'accuses lui, Sanho, le seul autre fautif possible, quand bien même la porte avait claqué sans son aide tout à l'heure. Il se fout de toi, et tu plisses le regard un instant alors que tu relèves le menton. En te déplaçant en direction des cartons, tu l'observes à nouveau galérer, essayer plusieurs choses comme défoncer la porte ─ mais cela poserait sûrement souci pour la revendre, n'est-ce pas ? Il n'arrive à rien, finalement, alors que toi, tu flânes dans la pièce en le laissant travailler. Ta propre frustration redescend alors que tu sens la sienne augmenter, et dans ta tête, ça veut automatiquement dire qu'il te supporte moins que toi tu ne les supportes. Tu testes la solidité d'un carton discrètement alors qu'il fait son McGuyver, et tu poses tranquillement ton arrière-train dessus, croisant ensuite les bras en le regardant, jusqu'à ce qu'il te provoques. « Oh mais je suis très bien. Je peux contempler ton incompétence au grand jour, de mes propres yeux, en première ligne. Je savoure. » Tu le provoques davantage, car quitte à ce que l'un de vous explose, tu préfères que ce soit lui. Tes jambes se tendent pour que tes chevilles se croisent, et tes mains se posent sur le carton alors que tu regardes en direction de la fenêtre. « Finalement, il semblerait que le destin veuille que je te vois sauter depuis la fenêtre, mh ? » Sourire narquois sur les lèvres, tu le regardes encore. « On dirait presque que le destin s'acharne contre toi, mon mignon. » Trompé, coincé avec toi, forcé de passer par la fenêtre... un grand perdant en fait, non ?