(marley) serait-ce juste dans ma tête, ou toi aussi c'est dans la tienne ?

Assis à l'arrière de la limo, je patientais -ou plutôt je trépignais, clairement pas patient pour un sou- attendant que Brinley montre le bout de son nez. Toutes mes illusions vis à vis d'elle semblaient s'être écroulées depuis vendredi soir où je l'avais embrassée. J'avais... terriblement envie de la revoir. Et c'était d'ailleurs probablement la seule certitude que j'avais tant j'étais perdu dans cette situation. J'étais dans le flou, ne sachant même pas comment me comporter tant notre relation avait été négative jusqu'à présent. Totalement déstabilisé. Et ce n'était clairement pas une émotion à laquelle j'étais habitué, moi avais l'habitude de tout calculer. Clope au bout des doigts j'expirais lentement la fumée par la fenêtre, avant de relever le regard en la voyant arriver sur le perron. Je me redressais, sortant de la limousine pour lui tenir la porte et lui faire face. « Il va falloir m'expliquer où tu vis parce que je n'ai rien compris » commentai-je en haussant un sourcil, le naturel revenant au galop.

Comment on avait pu passer de ''j'te hais'' à ''allez viens on s'embrasse comme deux ados'' à mettre des emojis dans nos messages? Pour finalement se voir ce soir parce qu'on en crevait d'envie? Je savais pas du tout où on se dirigeait, peut-être qu'on fonçait tout droit dans un mur. Normalement les gens normaux franchissent des étapes dans l'ordre des choses et avec logique, nous pas. Faut croire que c'était ce qui rendait cette situation encore plus complexe, parce qu'on suivait notre propre feeling. Ça m'avait touché qu'il prenne les devants -j'veux bien être gentille mais c'était à lui de renvoyer un message après ce vent *pan*- en me disant clairement qu'il avait de l'attirance pour moi et que c'était pas seulement basé sur le physique. Il avait réussi à m'arracher plusieurs sourires devant mon portable, je devais me calmer parce que sinon ça serait compliqué d'avoir les idées claires. Un de mes colocs me prévenait qu'il y avait une limousine devant l'immeuble, je prenais mes trucs avant de sortir à l'extérieur pour rejoindre Marcus qui m'attendait. Il m'avait pas posé de lapin c'était déjà un bon début. Il sortit de la voiture pour me tenir la porte. « Il va falloir m'expliquer où tu vis parce que je n'ai rien compris » Décidément rien lui échappait. Je prenais place dans la limo, exactement sur la même banquette où je m'étais retrouvée y'a deux mois. « Je reste dans cet appart qui appartient à un ami qui y vit avec ses colocs, j'ai aussi une chambre à la Dudley mais j'y vais rarement.. » Depuis l'agression en fait, ça me rendait malade. J'observais la réaction de Marcus qui était encore plus paumé dans mes explications. « J'attends d'avoir un peu plus de fric pour me retrouver un appart près de l'université qui soit abordable. » Et de tomber sur un propriétaire plus cool que le précédent.

Je la voyais arriver emmitouflée dans son manteau, et ça me faisait ce petit truc bizarre de l'avoir face à moi après ce qu'il c'était passé dernièrement. Enfin accepter le fait qu'elle me plaisait m'avait soulagé d'un poids et pourtant je me sentais un peu nerveux malgré tout. C'était... étrange de constater à quel point j'avais envie de la voir, à quel point elle habitait mes pensées, alors que durant tout ce temps je n'avais fait que la dénigrer. Mon égo surdimensionné c'était pris une claque tout comme mon self control et à présent, j'étais terriblement curieux de tout ce qui la concernait, encore plus qu'auparavant, si c'était possible. J'écrasais ma cigarette, puis je m'engouffrais à sa suite dans la limousine pour me mettre au chaud. Je m'installais face à elle, pensant inévitablement à la dernière fois que nous nous étions retrouvés seuls ainsi dans cette limousine. Si on m'avait dit à ce moment là que je l'aurais ensuite invitée à sortir avec moi, j'aurais eu toutes les peines du monde à le croire. Kenneth démarrais alors que j'écoutais ses explications. A l'évocation de la Dudley House je faisais le parallèle avec l'agression qu'elles avaient subi elle et Gracie, me demandant soudain si c'était pour cette raison qu'elle préférait vivre chez un pote. Je tentais de dénouer le fil de ses pensées, acquiesçant finalement. « Ca ne te dérange pas trop d'avoir du monde autour de toi en permanence ? » demandais-je, sachant pertinemment qu'à sa place je ne le supporterais pas. Pas pour rien que je vivais seul dans la suite luxueuse d'un hôtel. « Curieuse de savoir où on va ? » commentai-je en la voyant jeter des coups d'œil par la fenêtre.

Si on m'avait dit il y a plusieurs années que je finirais par craquer pour lui, j'y aurais pas cru. Parce que nous étions clairement tout l'opposé de l'autre et c'était con mais peu importe ce qu'on pouvait dire sur la question, j'étais d'avis que les contraires s'attirent. Je comprenais mieux désormais certaines de mes réactions, certaines de ses réactions. Tout ça avait changé lors de l'anniversaire de Gracie, seulement j'crois que j'étais pas prête à assumer ce qu'il en était. Ce rapprochement inattendu avait été la réponse, comme une évidence. Je pouvais pu nier qu'il me plaisait, que j'avais envie de le voir et.. que je le détestais pu. Ce sentiment existait pu, maintenant il faisait place à un autre dont j'arrivais pas à expliquer mais qui me provoquait des vertiges. Positivement parlant, pas genre des vertiges où j'allais m'écraser au sol. Non, quelque chose qui me faisait du bien, j'aimais bien la sensation forte qu'il provoquait malgré lui. Il prenait place devant moi, j'avais l'impression de revivre la même scène qu'à Paris. Sauf que là, tout avait changé pour le mieux. « J'ai toujours été habitué d'avoir des gens autour de moi, je viens d'une grande famille. J'imagine que ça vient de là, ce besoin d'avoir de l'action autour de soi. » répondais-je doucement, surtout du côté italien de mon paternel où c'était très bruyant créant une cacophonie monstre. La tranquillité je connaissais pas mais c'est pas pour autant que j'appréciais pas un peu le silence. Je regardais par la fenêtre, observant les bâtiments défiler sous mes yeux. « Pas qu'un peu, je devrais avoir peur tu crois? » demandais-je avec un sourire en coin. Forcément que j'arrêtais pas de réfléchir, je n'avais aucune indication ni indice. DIS-MOI avant que je te dise mes théories les plus folles les unes que les autres.

Au fond je ne connaissais pas grand chose de Brinley, mis à part que jusqu'à présent, je ne comprenais pas toutes les personnes de mon entourage qui s'entendaient bien avec elle. Elle n'avait fait que m'agacer, me mettre sur les nerfs, et c'était assez déroutant de comprendre que finalement à l'origine de tout ça, j'étais surtout très attiré par ce qu'elle dégageait. Elle n'avait clairement pas le profil des nanas que j'avais pu côtoyer par le passé, à l'opposé même de ce que j'étais et de mon mode de vie. Mais il y avait ce truc que je n'expliquais pas chez elle, qui me fascinait. Elle était captivante. Et tandis que je l'écoutais, mes yeux eux ne la quittaient plus, analysant chacun de ses gestes, chaque mouvement de son visage. Je repensais à ce baiser échangé et mon regard glissait une fraction de seconde sur ses lèvres, attiré comme un aimant. Avec pourtant cette retenue que je n'avais pas eue vendredi, l'humeur bien trop exacerbée par la colère et l'alcool. « Comment se fait-il que tu te sois retrouvée seule pour les fêtes ? » demandai-je, sourcils légèrement froncés. C'était assez étrange de la part de quelqu'un qui a une famille nombreuse.
Puis la voyant scruter le paysage, je tâchais de titiller sa curiosité, ce qui ne ratait pas. Je souriais à mon tour en entendant sa remarque. « Je te laisse juger » répondis-je avec un regard malicieux avant de lâcher un léger rire. Le fait est que je m'étais réellement creusé la cervelle pour essayer de l'emmener à un endroit qui lui plairait. En temps normal avec les femmes, je ne me posais pas de question: le restaurant le plus cher de la ville faisait mouche à tous les coups. Mais avec Brinley c'était... différent. La limousine ralentissait jusqu'à s'arrêter et je passais devant pour ouvrir la portière et lui tenir la porte, la laissant découvrir... un karting intérieur. « J'ai privatisé les lieux pour qu'on ait la piste pour nous » précisai-je, attendant sa réaction.

Il aura fallu une fraction de seconde pour que ses yeux se baissent sur mes lèvres pour que je sois une fois de plus déstabilisée. En fait, c'était son regard qui me rendait nerveuse. J'crois que j'avais eu la même pensée vendredi dernier mais ça se confirmait que là de suite. Maintenant que j'étais sobre, j'avais les idées plus claires et j'étais plus en mesure de voir les choses sous un autre angle. Regarde pas Brin regarde pas, fallait que je me parle mentalement pour contrôler ça. Je me mordais la lèvre lorsqu'il évoquait la raison de ma présence chez lui, dans sa famille. Il fonçait dans le tas comme si c'était quelque chose de tout à fait normal, est-ce que c'était vraiment le bon moment pour lui parler des problèmes de famille chez les Morelli? Est-ce que c'était une sorte de ''allez vas-y t'es au courant que je vais voir ma mère sur sa tombe quand j'en ai l'occasion''? « Disons que les fêtes sont différentes depuis.. un moment. C'est pu comme c'était. » Ma soeur décédée, ma mère qui aura pu jamais la même qualité de vie, mon frère ainé qui a fait une croix sur nous, mon p'tit frère qui traîne dans des trucs chelous. Et finalement, mon père qui a perdu cette envie de fêter à cause de tout ça. Génial le portrait détaillé. Quant à la destination où on allait, est-ce qu'il allait m'emmener dans son monde pour que je comprenne mieux? Ou au contraire, il avait marché sur sa fierté pour découvrir le mien? Ou alors, j'sais pas, il avait googlé pour trouver des idées originales et créatives. J'étais dans le néant total help help. Et sa réponse m'aidait pas, il allait pas m'en dire plus. La limousine s'immobilisait, Marcus passait devant pour m'ouvrir la portière. Ma bouche faisait un O en découvrant la surprise. Un karting pour nous. « T'as pas fait ça ?! Impossible. » disais-je, j'avais un visage très expressif. J'étais excitée, émerveillée, telle une gosse. « Je pensais pas que c'était ton truc ça, hâte de voir si tu vas gérer. « poursuivais-je en le suivant, je sautillais un peu sur place.    

Je comprenais assez vite que je venais de mettre le doigt sur un sujet sensible, voyant son visage se fermer un instant. A quoi ressemblait la famille de Brinley ? J'étais vraiment curieux de savoir dans quel environnement elle avait grandi, qui faisait partie de ses proches. Est-ce qu'elle avait des frères et soeurs. Mais je me contentais d'acquiescer, voyant que le moment était peut-être mal choisi pour s'embarquer vers ce terrain là. Je voulais pas la mettre mal à l'aise. Du moins, vis à vis de ça.
On arrivait à destination, dévoilant enfin ce que je lui avais réservé. Immédiatement je voyais l'excitation dans ses yeux, telle une gosse découvrant ses jouets à noël. Limite si elle n'était pas en train de sautiller sur place. Je voyais de l'étonnement aussi, et ça me plaisait d'avoir réussi à la surprendre. « Si je vais gérer ? Hâte de voir si t'es capable de m'arriver à la cheville plutôt » lançai-je avec mon arrogance habituelle en entrant dans le bâtiment. Il fallait pas me mettre au défi, j'étais tellement compétiteur que j'en devenais taré. Mais au vu de la flamme que je venais d'allumer dans son regard, Brinley ne devait pas être en reste. Le propriétaire récupérait nos manteaux puis nous équipait de casques. Je me retenais de rire en voyant sa dégaine. « Ca te va pas mal » lançai-je d'abord, un brin moqueur. « ... plutôt sexy » ajoutai-je malgré moi, un léger sourire flottant sur mes lèvres. Allez ta gueule Marcus. Je m'installais dans le kart, Brinley faisant de même dans celui juste à côté. « Rattrape-moi si tu peux » lançai-je pour la provoquer, avant de démarrer au quart de tour et de foncer sur le circuit.

J'aurais pu m'attendre à tout à vrai dire. Et à la fois, non. Jusqu'ici je n'avais pas eu d'indices, le seul truc qu'il m'avait dit c'était d'éviter les talons. Il ignorait complètement ce que j'aimais et ce que j'aimais pas, ça me touchait cette petite attention. Il avait bien fait de choisir une activité légère, sans prise de tête. Sourcils levés, je pouvais pas m'empêcher de sourire devant son arrogance. Certes il était arrogant mais plus soft on va dire, alors qu'il me mettait au défi. « Sois pas trop confiant ça porte malheur. répondais-je pour le provoquer un peu. Je remettais mon manteau au propriétaire avant de mettre le casque sur ma tête. Je mordais la lèvre au compliment qu'il lançait, volontairement ou pas on va le prendre. « La soirée commence bien dis donc. » disais-je en passant à côté de lui, effleurant son bras. « Toi aussi ça te donne un certain charme. » Et pas qu'un peu et aussi, j'mourrais d'envie de le prendre en photo là. On s'installait chacun dans notre kart. Fallait pas me dire ça, me donner un tel challenge. On partait presque à même temps, Marcus ayant pris un peu d'avance. J'appuyais un peu plus sur la pédale de droite pour accélérer. Le devant du kart percutait celui qui était devant moi, j'étais fière quoi. « Il semblerait que vous soyez un peu trop lent à mon goût. » lâchais-je voulant à tout prix gagner. Je détestais la défaite. Je commençais à me rapprocher, jusqu'à arriver à ses côtés. « Regarde-moi, j'te fais mes plus beaux yeux pour que tu me laisses passer. Après tout, t'es censé être gentleman. »      

Un petit rictus s’installa sur mes lèvres en l’entendant répondre à mon flirt, à la fois déstabilisé et content. C’était assez étrange de se retrouver dans cette situation alors que jusqu’à présent on avait fait que se tirer dans les pattes. Rien chez Brinley ne m’avait fait penser que je pouvais lui plaire… bien au contraire. Si je n’avais fait que la dévorer des yeux à la dérobée, je n’avais pas eu l’impression que la réciproque était vraie, du moins avant qu’elle ne me repousse pas lorsque je l’avais embrassée. J’aimais cette tension qui s’installait doucement, sans alcool ni stup cette fois.
Pour autant je me concentrais rapidement sur le circuit, compétiteur né, en profitant pour la provoquer un peu. Je partais comme un dingue, espérant la planter sur place. J’étais comme un gamin, enivré par l’adrénaline que me provoquait la vitesse et le jeu de la course. Au bout de quelques minutes pourtant je me faisais tamponner par l’arrière, Brinley bien décidée apparemment à ne pas se laisser distancer. Ca m’agaçait autant que ça m’éclatait. Ignorant sa pique j’appuyais sur l’accélérateur, mais on se retrouvait bien vite au coude à coude. « C’est mal d’essayer de m’amadouer » répondis-je assez fort pour couvrir le bruit des moteurs, sans pour autant lâcher la route des yeux. On continuait de se taquiner ainsi sur toutes la course, faisant de courtes pauses pour repartir de plus belle. Au bout d’une heure environ on finissait par descendre de nos kart, hilares. « J’avoue tu m’as dégommé sur la fin » dis-je en riant, retirant mon casque. Voyant qu’elle galérait à retirer le sien je m’approchais. « Attends tu as des cheveux pris dans la fermeture » dis-je en glissant mes doigts sous son menton. J’essayai de me concentrer sur ce que je faisais, essayant d’ignorer ses yeux bleus rivés sur mon visage et cette tension qui s’emparait de moi face à cette proximité. Vainement. Mon regard croisa le sien un instant, et je me pinçai la lèvre, revenant à cette fermeture. « Voilà » dis-je en parvenant à l’ouvrir, l’aidant à retirer le casque. Je m’éclaircissais la gorge, léger sourire aux lèvres, totalement conscient qu’il était écrit sur mon visage les pensées qui traversaient mon esprit à cet instant. « T’as faim ? » demandais-je après m’être éclairci la voix.

Comme deux véritables enfants sur la piste, une fois de plus, j'oubliais tout. On s'amusait en essayant de dépasser l'autre, de se provoquer verbalement. Malgré ce flirt qu'il y avait entre nous, ce trouble qu'il provoquait chez moi, fallait que je garde la tête froide pour l'empêcher de remporter cette course. J'étais archi mauvaise perdante et en l'observant faire, je pouvais pas nier qu'il se débrouillait quand même assez bien. Je lâchais un ''blablabla'' au commentaire qu'il me lançait. Difficile d'argumenter avec les moteurs qui faisaient un bruit monstre. J'aurais pu rester ici pendant des heures et des heures avec lui, il me fascinait. Même derrière sa personnalité propre à lui, y'avait un gamin. Est-ce que ça lui arrivait souvent de lâcher prise? Est-ce qu'il avait eu une enfance.. heureuse? Je sais que son statut royal l'obligeait à rester droit et sérieux mais pourquoi lui? Et pourquoi ses soeurs elles étaient complètement différentes? Ça m'intriguait beaucoup trop. On finissait par mettre fin à l'activité, j'étais encore dans cette euphorie. « T'es facilement distrait, j'attends des applaudissements.. ou des excuses. » disais-je en riant, ouais surtout des excuses. Fallait pas partir confiant comme ça, je lui avais dit que ça porterait la poisse. Ah les hommes que voulez vous. Je perdais patience avec ce casque sur la tête, je voyais pas ce que je foutais. Marcus se rapprochait pour m'aider, glissant ses doigts sous mon menton pour démêler ce noeud. Forcément que je le regardais, je pouvais pas regarder ailleurs. Mes yeux détaillaient ses traits, cette proximité me laissait pas indifférente. Quelque peu différente que la dernière fois, parce que là j'étais sobre. J'avais des frissons qui parcouraient mon corps, j'avais chaud. Quand son regard croisait le mien.. gosh, c'était pire. Quelques minutes plus tard et il me débarrassait de ce casque. Recoiffant mes cheveux rapidement, j'avais pas bougé d'un millimètre. « C'est la nourriture qui te fait sourire comme ça? » demandais-je, évidemment que non. « Oui j'ai faim, j'ai envie de fast food. Sauf si.. t'avais mieux à proposer. » Après tout c'était un peu ma soirée non? Elle était loin d'être terminée.