(marley) do you see that i don't care

« Rien, Morelli. Il va falloir me faire confiance » Typiquement la phrase qui me donnait pas du tout confiance justement. Le problème c'est que je savais un peu comment il fonctionnait, comment il était. Faut savoir être prudent quand on se tient devant Marcus von Habsburg.. il était très beau mais j'pouvais pas baisser ma garde. Je jetais un regard autour de moi avant d'attraper un oreiller que je foutais sur le lit qui servait de séparateur. « C'est moi qui fixe les règles » répliquais-je avec une certaine assurance. Il sortait sa fiole de sa veste pour jouer avec, alors qu'il réclamait tout de suite son briquet. « Non » C'était trop facile comme demande ça. Un sourire se dessinait sur le coin de mes lèvres, tandis que je me retournais légèrement pour sortir le briquet du tiroir de la table de chevet à côté de moi. « J'ai une meilleure idée, on dépose les objets en même temps chacun du bon côté. J'te déconseille de tricher » C'était une première ça, négocier avec Marcus omg.  

Evidemment elle ne pouvait pas juste me dire amen et faire ce que je lui demandais, ça aurait été trop facile. Pourtant là, j'aurais bien aimé avoir les choses facilement, sans trop de difficultés, comme avec cette cruche de Nila par exemple. Brinley elle était terriblement têtue et ce depuis le début. J'en faisais les frais à mes dépend... Je soupirai en entendant son "non", levant les yeux au ciel, avant de l'observer faire son petit manège avec son coussin. Qu'est-ce qu'elle foutait ? Je la vis sortir mon briquet de sa table de chevet, et alors que je l'avais enfin sous mes yeux, la tentation était forte de le lui enlever par la force. En vrai, elle n'était pas vraiment de taille à luter avec son bras et sa jambe plâtrés. Néanmoins je patientais, toujours dicté par ma bonne éducation, attendant la suite. « J'ai une meilleure idée, on dépose les objets en même temps chacun du bon côté. J'te déconseille de tricher ». Vu de l'extérieur ça devait être terriblement ridicule. Pourtant, bien décidés autant l'un que l'autre à ne pas se faire avoir, nous prenions la chose très au sérieux. « Va pour tes gamineries » soupirai-je néanmoins, me tenant prêt. Je la laissais faire le décompte et au moment voulu je ne trichais même pas, trop déterminé à enfin récupérer mon briquet.

J'ignorais cet attachement si spécial pour ce briquet, à mes yeux ça restait qu'un simple objet. Il avait insisté pour venir chez moi à Brooklyn rien que pour le récupérer. Et ça m'intriguait de connaître le fin mot de l'histoire. Plusieurs possibilités s'offraient à moi. Soit je continuais de jouer la carte de l'otage pour lui soutirer des infos, soit je cherchais pas plus loin et je lui redonnais, soit j'fermais ma gueule mais je comptais pas trop là-dessus. Soit aucun de ces choix parce qu'en échange d'alcool, on pouvait tout obtenir. Je suppose que Marcus voudrait pas que je finisse la fiole toute seule, parce que ça lui appartenait. J'installais ce qui fallait sur mon lit pour cet échange de précieux biens. « J'en déduis qu'on t'a jamais fait ce coup auparavant » répliquais-je à la critique. Je n'avais aucun mal à imaginer Marcus embobiner les gens pour arriver à ses fins, en faisant les yeux doux à sa manière, rentrer dans la tête des gens pour obtenir ce qu'il veut.. user de son charme jusqu'à la toute fin. « Un deux trois.. go ! » lâchais-je en déposant le briquet de son côté alors que lui il déposait la fiole. Je récupérais rapidement cette dernière, tout en le surveillant du coin de l'oeil au cas où il voudrait me la faire à l'envers. « J'te pensais pas si honnête » disais-je en prenant une gorgée de l'alcool. « Ça a une valeur sentimentale? » demandais-je en désignant sa main.  

C'était totalement ridicule et plus les secondes passaient, plus je me persuadais que je détestais vraiment Brinley, qu'il n'y avait pas de personne actuellement dans mon entourage qui m'agaçait plus qu'elle. Je ne savais pas poser des mots dessus et ça m'énervait encore plus, me donnant envie de la planter là et de lui arracher le briquet des mains. Mais si je faisais ça, c'était perdre, en quelque sorte. Perdre de ma fierté en tout cas et ça, hors de question, surtout avec elle. Alors je me retrouvais à faire cet échange débile, sur un lit avec un oreiller et une meuf en fauteuil roulant. Tout va bien.
Je récupérais finalement mon briquet, le serrant avec une certaines satisfaction au creux de ma main alors que Brinley récupérait l'alcool. Je faisais fonctionner le mécanisme une ou deux fois, écoutant distraitement ses commentaires. « Sentimentale ? Je connais pas ce mot » répondis-je avec un certain amusement pour éluder sa question, me dirigeant vers la baie vitrée. Je l'ouvrais, m'installant à cheval entre l'intérieur et l'extérieur, et m'allumais une cigarette avec mon briquet. Alléluia. « Ca va, à priori tu ne l'as pas abîmé » dis-je en expirant la fumée à l'extérieur. Puis, après une courte pause, je reprenais. « Pourquoi t'as accepté de sortir ce soir ? ». Parce que bon dans son état, c'était clairement un périple. Et si je l'avais royalement ignorée depuis le décollage à Boston, je n'avais pu m'empêcher de constater du coin de l'oeil combien elle avait galéré.

Sentimentale ou pas, je le sentais qu'il y avait un truc et j'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Pas que ça me saoulait de pas avoir toutes les pièces du puzzle, juste que ça m'agaçait un peu. Il m'aurait pas fait un scandale pour rien par message, j'y croyais pas une seule seconde. « Peu importe le mot employé, ça répond pas à ma question. » Suffisait de me dire oui ou non, basta. J'allais pas aller plus loin dans mon interrogatoire, même si c'était pas l'envie qui me manquait. Je le regardais partir vers la baie vitrée qu'il ouvrait pour venir s'installer à cheval. J'entendais le clic du briquet, levant les yeux au ciel à ses mots. « À priori j'ai pas pour objectif de briser les objets d'autrui. » Même si ce mec m'insupportait, c'était pas mon délire de faire du vandalisme. J'aurais pu ne pas lui redonner tout court mais encore une fois, il y avait cette voix dans ma tête qui m'avait poussé à le lui rendre. On restait là en silence sans se regarder jusqu'à ce qu'il me repose une autre question. « Pour faire plaisir aux filles et voir si j'avais encore la cote. » C'était la vérité, ou plutôt, une demi vérité mais ça il avait pas besoin de le savoir. Au fond, j'avais voulu passer outre ce traumatisme. J'en avais marre de rester cloîtrée dans un lit ou un canapé à regarder les quatre coins des murs. Si j'avais su que la soirée se terminerait comme ça, jamais je serais sortie.  

Est-ce que je me délectais à l'éconduire de la sorte ? Oui, autant que je me complaisais dans ce rôle de mec sans coeur ni âme. A quoi bon être sentimental si ça ne faisait que nous maintenir en arrière ? J'aimais pas ce mot, ni la faiblesse que cela sous entendait indéniablement. Je détestais montrer mes faiblesses, et les dévoiler à Brinley n'était pas une option envisageable. « Passe à autre chose Morelli, tu pers ton temps » glissai-je nonchalamment en prenant une nouvelle taffe. Mais malgré tout, j'étais rassuré de voir l'objet en un seul morceau.
C'était tellement bizarre cet instant. Comme une espèce de parenthèse qu'on assumait pas vraiment, ni l'un ni l'autre. J'aurais pu la planter là et aller fumer ma clope dans ma chambre. Mais quelque chose me poussait à faire durer l'instant, encore un peu. A essayer d'en savoir plus sur elle et sur ce qui habitait sa tête à cet instant. J'haussais légèrement les sourcils de surprise en entendant sa réponse, ne m'étant pas vraiment attendu à ça. Puis, faisais une légère moue. « C'est vrai qu'il y a mieux qu'un fauteuil roulant comme technique d'approche » répondis-je un brin moqueur, avant de tendre le bras vers elle pour qu'elle me file la fiole d'alcool. « On avait dit "partager" il me semble ». Puis je reprenais, réellement curieux. « T'as besoin de te prouver que tu plais ? » demandai-je, essayant de comprendre.

« Il y a bien un truc. » Je hochais la tête pour signifier que j'avais compris. On était pas assez proches pour parler de ça, ce que je comprenais parfaitement. Ça m'intriguait cette part de mystère qu'il dégageait et pas juste pour une question de briquet, la totalité de sa personne. C'était encore et toujours fluide notre discussion, peut-être à cause de l'alcool qui nous permettait de se dévoiler prudemment. Je roulais des yeux devant cette analyse, il jugeait sans connaître le fond du problème. « Parce que les tiennes sont classées comme étant exceptionnelles? » Surtout que j'avais vu personne depuis que j'étais dans cet état, j'essayais pas de faire genre hey cool la vie elle est belle les oiseaux chantent. C'était pas pour rien que j'avais pris des distances avec mon entourage, j'avais perdu cette envie de sociabiliser avec tout le monde. Son bras tendu vers moi pour réclamer la fiole. « C'est valable pour ta cigarette. » En d'autre terme je lui laissais pas le choix, allez donne moi ça Marcus. « Les gens ont pris l'habitude de me bichonner tu vois. C'est comme si.. hm, j'étais une chose fragile. » même Braden voulait pas me casser en mille morceaux.   

Evidemment que Brinley avait raison, il y avait un truc. Ce briquet c'était celui de ma mère. Mère que j'avais abandonnée dans sa maladie quand elle, elle n'avait jamais cessé de me porter. Cette culpabilité, je me la traînais comme un boulet, ignorant quand ou si un jour je parviendrai à m'en défaire. Mais tout ça, elle n'avait pas besoin de le savoir.
Le sujet déviait vers elle et je devenais à nouveau curieux, essayant de sonder celle pour qui jusqu'à présent je n'avais ressenti que de l'animosité. « Evidemment » répondis-je avec arrogance, comme s'il s'agissait d'une évidence. Je réclamais l'alcool, elle négociait la clope. Elle perdait pas le nord elle. « Décidément, ça te plait de récupérer ce qui passe par ma bouche » lançai-je, provocateur, avant de tirer une taffe sur ma cigarette et de la lui tendre. Je récupérais la fiole en échange, tout en analysant ses paroles. « Si ça te gonfle montre-leurs que c'est pas le cas » répondis-je, avant d'ajouter. « Ca doit être pour ça que tu me lâches pas ce soir, tu cherches à ce que je te maltraite en fait ».

J'avais presque oublié que j'avais monsieur parfait en face de moi, je pouffais légèrement à sa réponse. Si j'étais pas en fauteuil, si j'souffrais pas d'un choc post-traumatique, si.. j'allais bien, ma technique aurait été quelque peu différente c'est vrai. « Décidément, ça te plait de récupérer ce qui passe par ma bouche » Si j'avais l'esprit lucide, je l'aurais envoyé chier. Ceci dit, l'alcool faisait déjà son effet et je captais un truc ambiguë mais j'devais sûrement rêver hein, c'est pas possible. « T'as pas l'air d'être contre depuis tout à l'heure. » taggle Brin, taggle. T'aventures pas sur ce chemin par pitié. Espérons qu'il se focaliserait sur mon sarcasme, ça sauverait la situation. Pourquoi j'étais en train de me confier à lui au juste? C'était pas un sujet que je m'autorisais à discuter avec monsieur et madame tout le monde. J'allais même pu sur meets non plus, parce que une fois de plus, j'étais limitée et j'aimais pas ça. Je tirais une taffe sur la cigarette, envoyant la fumée dans sa direction. « T'attends quoi? Te gênes pas surtout. » disais-je d'une voix détendue, le fixant du regard. « Et t'es dans ma chambre. » sous-entendu à son tu me lâches pas. J'y pouvais rien si il avait suivi son instinct.   

La pique était sortie toute seule de ma bouche et pourtant, cette ambiance, je ne l'avais jamais connue avec elle. J'étais décontenancé, mais pourtant intrigué, plus que jamais. L'alcool semblait délier sa langue bien plus qu'à l'accoutumée, alors j'essayais d'en savoir plus. L'instant vécu un peu plus tôt dans la soirée toujours bien ancré dans mon esprit. Difficile à présent de se dire qu'elle avait fait un malaise et finit dans mes bras, quand nous étions maintenant en train de picoler et fumer ensemble. Improbable. « Attention Morelli, je pourrais te prendre au mot » dis-je avant de prendre une nouvelle gorgée d'alcool. La fiole diminuait à vue d'oeil, la clope aussi. « Parce que tu m'y a invité » rectifiai-je, ravi de le lui rappeler. « J'ai eu pitié de te voir si seule, vois ça comme un énième acte de charité ».