Moi je l'ai jamais oublié, cette soirée. - Lassa&Luke

Intérieurement, c'était moi qui avait envie de prendre mes jambes à mon cou. Au fond de moi, je te comprenais assez bien de t'être enfui de mon appartement, Dimanche dernier, après qu'on ait passé la nuit à s'amuser de façon parfaitement passionnelle. Ça avait été très étrange, en fait. Comme si cette nuit-là, on mettait à jour un désir qu'on avait refoulé depuis septembre, alors que seuls nos yeux se contactaient et se lançaient des messages. Le moment est intimidant, autant pour toi que pour moi, et te voir hésiter me prouvait que je n'étais pas le seul à être dans cette situation étrange. Un faible sourire se dessina sur mes lèvres. « Je n'avais jamais été la première fois pour personne... T'aurais dû me le dire, par contre. J'aurais pu être...plus doux? »

Une chaleur me monta aux joues : probablement que j'avais même un peu les joues roses-rouge. Je souris un peu tout en baissant la tête, sans aucune raison valable. Tu me rendais dingue, je crois, c'était ça l'explication. Tu m'intriguais, et puis voilà quoi. Lorsque tu écrasas ta cigarette pour ensuite accepter de m'accompagner, mon sourire s'agrandit réellement. « Tu veux aller où ? »

J'étais nerveux. Toi, tu prenais peu à peu de l'assurance, et moi j'en perdais. J'avais peur de faire le con et de te voir t'enfuir de nouveau, ou de moi-même m'enfui. Mais bon, je restais quand même sur place, incapable de bouger, mais je m'étais rapproché de toi, juste un tout petit peu... Ta réponse me rassura : j'avais été correct. Et sincèrement, le fait de savoir maintenant que j'étais sa première fois me rendait encore plus dingue que je ne l'étais déjà. Mais merde... Je me passai de nouveau une main nerveuse sur la base du cou. « Tu sais...j'ai vraiment très aimé ça, Samedi. C'était juste..parfait, tu vois? Enfin pour moi, ce l'était. Et puis enfin, voilà... »

Un moment de silence me fit me perdre directement dans mes propres pensées. Allais-tu accepter de passer un peu de temps encore en ma compagnie? Je l'espérais secrètement, après tout. Te voir et t'observer depuis la rentrée, faire l'amour merveilleusement avec toi la semaine passée : je n'étais pas pour dégager et ne plus vouloir entendre parler de toi. Je n'étais pas l'un de ces cons qui fuyait pour blesser, sans même s'en soucier. Mais, mes craintes s'effacèrent rapidement, puisque tu «m'invitas» à prendre un verre. Un sourire éclairai mon visage. « Oh oui, bien sûr! C'est moi qui t'invite, d'acc? »

Tes réponses restaient toujours aussi vagues, mais je faisais avec, je ne pouvais pas te changer. De toute façon, je ne voulais pas te changer. Depuis que j'étais arrivée avec ma moto et que je t'avais aperçu avec ton joint, je me demandais ce que tu te disais intérieurement, et cette question ne cessait de persister en moi. Mais bon, je n'allais pas te demander ça comme ça, ce serait probablement plus effrayant qu'autre chose.

Ça irait plus vite en moto, alors je t'invitai à y grimper avec moi. Je n'avais pas deux casques, alors je te passai le mien, bien sûr, puis me mis à rouler. Qu'est-ce que j'adorais ça! Toi, je te sentais attaché à moi, cramponné, et je sentais bien entendu tes doigts toucher discrètement mes abdos. Ce geste m'arracha un sourire, jusqu'à ce que l'on arrive à destination. Je nous fis débarquer, mais je sentais qu'il y avait quelque chose de différent. « Luke? Quelque chose ne va pas...? »

Ton silence persistant me troublait et m'effrayait. Nous étions assis à la table à l'extérieur, toi fumant une cigarette. Moi, je commandai un verre de whisky au serveur du bar qui passait par là. Je ne cessais de te fixer cherchant à comprendre quelque chose que je ne comprenais peut-être même pas moi-même. Je dis d'une faible voix à ce que tu venais de dire : « Bizarre? Pas pour moi. J'ai juste envie de passer du temps avec toi. »

Voilà, c'était dit. C'était vrai. Et je le pensais. Oui, je voulais passer du temps avec toi, qui avait-il de mal à ça, en fait? Le fait que nous soyions deux garçons? Je comprenais que tu ne t'assumes peut-être pas complètement de ce niveau, et je ne serais pas le type qui ferait une crise parce que tu ne veux pas l'avouer. Je suis quelqu'un de patient, après tout... Tu me fuyais encore là, et ça me blessait un peu, même si je ne le laissais pas vraiment paraître. Je m'adossai bien au fond de ma chaise en soupirant, regardant sur le côté la rue et les gens qui s'y promenaient, sans raison même. Ce que tu venais en quelque sorte de m'avouer me serra bizarrement le coeur, mais du bon sens. « J'suis si effrayant que ça? Moi aussi tu m'intrigues depuis des mois, et j'étais vraiment...content, samedi. J'ai aimé, je ne regrette pas... Pas du tout! »

Je le vis, ton sourire, et ça me fit comme chaud au coeur. Putain, j'comprenais vraiment pas pourquoi il m'intriguait autant et qu'il m'attirait également autant. Pourquoi courir après un garçon qui vous avait fui après avoir fait l'amour de la plus merveilleuse des façons une nuit, après quelques mois d'espérance? Intérieurement, j'y réfléchissais. Pourquoi rester ici, en fait? Parce que je trouvais que t'avais quelque chose qui m'empêchait complètement de partir. Parce que tu m'intriguais. Parce que je t'aimais bien, oui.. À tes mots, je baissai la tête et dit à ton intention, dans une voix faible : « J'attendrai que tu t'y habitues, s'il le faut... »

En relevant la tête, je me mordis la lèvre inférieure tout en passant une main à la base de mon cou, signe de ma légère nervosité. Je ne savais pas que tu n'étais pas encore tout à fait capable d'assumer cela, même si c'était compréhensible. Je pris une autre gorgée de mon whisky en ne te quittant pas du regard. Je cherchais tes yeux. Qu'est-ce que je pouvais dire ou faire en sa présence? Je perdais soudainement tous mes moyens, on dirait. « J'ai pas pu arrêter d'y penser. Chaque soir de la semaine, j'y pensais encore et encore...»