Le jour du départ était enfin arrivé. Suite aux tourments qu’avait subi le brun depuis son entrée sur le campus, Joyce avait eu la merveilleuse idée de l’inviter à un second séjour, loin de Boston. Si le premier s’était passé sur les flots océaniques, dans un bateau familial où elle avait passé bon nombre de ses années, celui-ci était prévu à la montagne, dans un chalet qui appartenait aux amis de ses parents. Opportunité toute trouvée pour passer ensemble du temps, et peut-être effacer un peu de la distance qui s’était installée, suite à la jalousie de la piratesse avouée au nageur. Sentiment effroyable duquel le nord-coréen s’était nommé seul responsable. Pour cette raison, il avait décidé de s’éloigner, et de la laisser souffler. Reprendre la place qu’il avait eue jadis ne lui avait pas paru si difficile que ça, parce qu’il avait été habitué à raisonner à l’aide de cet instinct qui protégeait sans cesse ses objectifs et ambitions – sa vie aussi. Ce « warning » qui avait été bien utile jusqu’ici, et à quoi il faisait confiance, réagissant au moindre signal d’alarme sans la moindre hésitation ; contrôle incroyable du corps, de la tête et du cœur qui avait permis à ses semblables de survivre à la dictature.
Ce fut tout de même heureux et impatient qu’il referma son sac de voyage sur les dernières affaires ajoutées. Rendez-vous diurnes et nocturnes moins réguliers, il s’était concentré sur sa formation, sa thèse, les rencontres sportives et son travail à la Luna Caffe. Tant et si bien que cette perspective de s’en défaire le temps d’un weekend lui plut. Cela ne l’empêcha pas de lever le regard sur l’ordinateur portable, et de se demander s’il devait le glisser dans son bagage, – au moins pour corriger les tournures de phrases qu’il avait déjà tapées sur traitement de texte. Mais il se ravisa, se rappela que c’était probablement le dernier week-end de l’année durant lequel il pouvait faire passer ses obligations au second plan. Il enfila la parka d’hiver qu’il avait commandée sur le site de Canada Goose, faisant de l’infidélité aux marques de luxe qu'il s’était peu à peu habitué à porter, à force d’entrevues avec l’élite ; merci à ses résultats en natation et son projet de développement scientifique. Qu’importait ce que pouvaient penser les autres, Ji-hun se construisait discrètement des relations, et gardait en tête de devenir l’un des meilleurs chercheurs que la terre ait portés.
Sac sur l’épaule, il rangea portable et portefeuille dans ses poches et sortit de sa chambre qu’il prit soin de verrouiller. Non pas parce qu’il avait peur d’être dévalisé durant son absence, mais plutôt dans l’espoir que son départ soit remarqué, ne puisse inquiéter sa voisine de pallier comme ce fut le cas – il l’avait deviné – lorsqu’il avait quitté la Pforzheimer House pour vivre un temps chez sa marraine d’accueil. Bruits de clé exagérés pour ce faire, il les mit en sûreté dans son bagage avant de quitter le couloir, l’étage, la Maison. Il se rendit à pieds jusqu’au point de rendez-vous, parking où Joyce avait demandé à ses amis de venir les chercher. Le brun arriva après la blonde, et le simple fait de la voir, là au loin, lui fit penser qu’à l’aller et au retour ils seront accompagnés des camarades de la demoiselle, mais qu’entre ces deux moments ils vivront en tête-à-tête. À mesure des pas qu’il faisait dans la direction de la biologiste, il se s'interdit de faire quoi que ce soit de stupide, qui mènerait la doctorante à ressentir à nouveau un attachement négatif à son égard ; pas de jalousie, pas de colère ou de tristesse – son rôle était de la faire sourire, juste ça.
Pression sur ses épaules qu’il balaya en adressant un sourire chaleureux à sa dame de l’eau, trottinant vers elle sur les derniers mètres. Il laissa tout de même une distance respectable entre eux, parce qu’ils étaient à Harvard, à vue de tous, et qu’ils avaient été d’accord pour rester décents au milieu des étudiants. Salut, lui adressa-t-il. Ses mains plongèrent dans son manteau pour empêcher toute tentions de prendre l’une des siennes, et d’entrelacer leurs doigts comme ils avaient pour habitude de faire loin des bâtiments de l’université. Ont été compliqués les derniers jours d’attente, mais enfin on y est, commenta-t-il. Les messages qu’ils s’étaient envoyés avant bien mis en avant l’empressement dont ils avaient été submergé. Ils avaient peiné à se concentrer sur leurs projets respectifs, et ça s’expliquait sans nul doute par tout le positif qui avait découlé de leur premier séjour sur l’Atlantique. Ça ne pouvait être autrement, voire mieux encore que leur première escapade. Aujourd’hui, leur relation avait évolué, et ils pouvaient envisager de passer ces deux prochains jours de bien des manières ; ils feront l’amour, inévitablement, parce que ça faisait longtemps.
Ils n’eurent pas à attendre bien longtemps le véhicule qui était censé les emmener jusqu’aux montagnes et, avant même qu’il n’apparut à leurs yeux, ce fut le bruit du 4x4 qui frappa leurs tympans. Tout-terrain pratique pour l’environnement dans lequel ils allaient s’immerger. Court moment pendant lequel Ji-hun considéra l’importance d’avoir son permis de conduire et de posséder son propre véhicule. Il s’était renseigné, et avec son statut de réfugié, il lui était impossible de s’inscrire. Mais les lois changeaient, et l’été prochain le Massachusetts avait prévu de revoir les règles d’obtention, ce qui était une très bonne nouvelle pour lui. Une opportunité qu’il ne laissera pas passer de devenir davantage indépendant, davantage ancré à la société qui l’avait accueilli ; mais d’abord la green card. Les amis de la biologiste sortirent du véhicule et ouvrirent le coffre pour permettre à leurs semblables de déposer leurs affaires à l’intérieur. Ça sonna le départ, et le conducteur proposa élégamment à la jeune femme de s’asseoir du côté passager. Ce qui parut une bonne idée au biochimiste, même s’il aurait préféré la savoir à ses côtés ; gentleman attitude first.
@Joyce Millett
(Ji-hun Hwang)
Blossoming
In the land of cherry blossoms,
Love bloomed like delicate petals.
Hearts entwined, two souls aligned.
Love bloomed like delicate petals.
Hearts entwined, two souls aligned.