Warning : langage cru
@Joyce Millett
* girl friend or girlfriend
Une gorgée pour elle, une gorgée pour lui. Égalité parfaite qui, toutefois, la plaçait plus près de porter le fameux « pull moche ». Et ce n’était pas pour déplaire au jeune homme qui s’autorisa une pause dans le jeu. Un simple aller-retour jusqu’à la poubelle remplie d’un restaurant qui lui permit d’apprêter ses lèvres d’un plus grand sourire. Satisfaction extrême d’apprendre qu’elle lui avait donné accès à ses premières vidéos hot, quand il l’avait pensé adepte de ce genre de pratique, puisque souvent et longtemps éloignée de son compagnon de l’époque. Information qui le fit marcher de façon plus assurée, accompagné d’une certaine fierté. Tant pis pour l’aveu qu’il avait dû faire en échange, parce que ça valait le coup. Il jeta donc son mégot au-dessus des ordures après avoir vérifié qu’il l’avait complètement éteint, et retrouva la jeune femme à l’endroit où il l’avait laissée plus tôt. Son sourire avait repris la forme initiale d’une simple esquisse, et il ne fit rien paraître de cette bonne humeur qui l’avait submergé le temps du « va » pour se dissiper au moment du « revient ».
Son côté gentleman aurait voulu qu’il la joue plus cool, mais la partie « Pforzheimer » de sa personnalité prit l’avantage ; pas de quartier, il était là pour gagner. Alors il trouva de quoi marquer des points et pensa aussitôt au fait qu’il semblait plus habituel d’inviter de potentiel(le)s partenaires aux États-Unis quand ça l’était moins dans son pays. Alors, homme ou femme, il était gagnant, puisqu’il savait qu’elle avait eu des copains, mais aussi une copine. Il confia qu’il n’avait jamais invité de blonde, de brune, de rousse, dans sa chambre – de sa vie, avant elle. Ça valait donc pour Boston, mais aussi en Corée du Nord. À l’heure où ils parlaient, aucune demoiselle n’avait pu approcher d’aussi près son monde. Il avait toujours pensé que ça serait déplaisant de voir une personne du sexe opposé tourner autour de ses affaires, s’intéresser à ses passions, ses loisirs. Il n’avait jamais essayé d’aller bien loin dans les échanges intellectuelles, même s’il avait toujours espéré finir sa vie avec une épouse plus intelligente que sotte. L’avait-il rêvé ? Il ne le saura malheureusement jamais.
Il la vit pester, et ça lui donna encore plus envie de continuer à jouer ; c’était marrant, – vraiment marrant ! II sortit de nouveau son paquet déjà bien entamé, et piqua un deuxième tube à l’intérieur. Le briquet entre les doigts, il fit aller la roulette. Après quelques étincelles, une jolie apostrophe orangée apparut et mit le feu à la cigarette qu’il avait coincée à sa bouche. Je n’espère pas, fit-il avant de lâcher une énième bouffée dans le vent ; qu’elle ait dit son dernier mot, parce que : quand c’est trop facile, je n’aime pas. Qu’elle se batte, corps et âme dans leur duel, il aimait le challenge et détestait les filles qui se la jouaient « faciles » ; barbant ! Il attendit son attaque, main à présent dans le fond de sa poche de pantalon. La peau de ses extrémités commençait à prendre une petite teinte rosée dans la fraîcheur de cette soirée d’automne. Elle trouva un autre terrain sur lequel le confronter, et il fut plutôt surpris de cet aveu. Avec ton ex, même pas, demanda-t-il, parce qu’un militaire avait forcément un rythme d’entraînement, même de retour à la maison.
Sa caserne avait-elle été trop loin de l’endroit où elle vivait, préférait-il découvrir d’autres états, d’autres continents, que venir passer son temps libre avec elle ? On n’allait pas à la guerre tous les premiers du mois, pas vrai ? Il la fixa, tentant de deviner ce qui avait bien pu les empêcher de s’exercer ensemble – même juste pour faire semblant –, parce qu’il n’osa pas la questionner, et réclamer des détails sur ce passé qu’il tentait de lui faire oublier ; en vain ? Ce fut son tour de répondre, alors il commença : un sport plutôt individuel je pratique… Il ne faisait pas de relais, se concentrait sur ses temps. Il n’avait jamais demandé à quiconque de l’accompagner, et les personnes qui le faisaient travailler sur ses capacités physiques et mentales ne comptaient pas vraiment. Toutefois… À l’armée, j’avais un binôme, ça compte, l’interrogea-t-il. Ils s’étaient mutuellement choisis pour effectuer les exercices qui allaient par paires, et ne s’étaient jamais quittés jusqu’à ce que […] En-dehors de l’armée, il avait été une énergie solitaire, lui aussi.
À mon tour, reprit-il tout de suite après. Il réfléchit en fumant sa cigarette à intervalles réguliers, les yeux voguant de-ci de-là, à la recherche d’une idée. Ce fut sans compter sur l’interruption d’un homme qui, après s’être stoppé devant la ruelle où Joyce et Ji-hun s’étaient isolés, l’emprunta également pour les rejoindre. Il s’arrêta devant eux et lança un coup de menton vers l’asiatique après les avoir salué. T’aurais pas une clope s’te plaît, mon gars, qu’il demanda au fumeur, d’une voix qui supposait qu’il avait déjà entamé sa soirée de quelques verres. Le nord-coréen répondit par l’affirmative et fouina de nouveau à l’endroit où il avait remis son paquet pour offrir la boîte ouverte à l’inconnu. Ce dernier tira sur le mégot sortant et le coinça entre ses lèvres sèches. Il galéra avec ses allumettes pour les tenir loin du vent, alors le doctorant proposa de donner un coup de main ; ça allait tout de même bien mieux avec l’allume-gaz. M’ci, t’es un bon, toi, lança-t-il familièrement au brun qui hocha la tête poliment ; pas de quoi en faire tout un plat.
Les yeux bleu-vert se tournèrent vers la biologiste, et ils matèrent furtivement son apparence avant de la fixer étrangement. Ji-hun observa le comportement de l’homme qui devait avoir leur âge, plus ou moins, mais ne dit, ni ne fit, rien. La situation ne supposait pas qu’il intervienne, en tout cas. T’es une vraie bombe, qu’il remarqua en faisant aller son pouce bien haut pour accentuer ses dires, c’est ta copine ou ta petite-copine* ? Le nageur haussa les sourcils et ouvrit un peu plus les yeux d’incompréhension. Pardon, montra-t-il qu’il ne comprenait pas la nuance, et encore moins la question du coup. L’Américain demanda que l’on patiente, le temps qu’il se délecte d’une grande et longue – très longue – inspiration de nicotine. Tu la baises ou tu la baises pas, qu’il reformula sans aucune once de gêne quant à la vulgarité des propos. Euh… non, répondit-il de façon légère, bien qu'un poil hésitant ; ils ne s'étaient pas unis, s'étaient juste touchés, ça ne comptait donc pas. Le mec ivre applaudit en faisant basculer sa tête en avant ; qu’est-ce qui se passait ?
Ji-hun le regarda, impassible. Il avait parfois fait face à des gens alcoolisés ou/et complètement shoutés en Corée du Nord, alors ça ne l’effrayait pas – pas plus que ça –, tant que les limites étaient respectées. Dis-lui quand même, qu’elle est beauté. Tu peux, c’est gratos, qu’il s’exclama en venant tapoter l’épaule du sportif, comme s’il compatissait d'on-ne-savait-quoi. Il répéta son geste si longtemps que ça parut une éternité. Je le ferai, acquiesça le biochimiste avant que l’individu ne les salue d’un signe de main, et reparte en titubant vers la grande rue. Où on en était je ne sais plus…, avoua-t-il en tournant la tête, après avoir suivi de ses agates la silhouette masculine disparaître. Il la dévisagea un instant, plantant ses billes ici et là, puis sortit, naturellement : tu es… « beauté ». Son sourire s’élargit avant que des éclats ne viennent bousculer le vent qui s’engouffrait dans l’allée. Il ne se moquait pas du type, c’était la situation qui avait été marrante. On ne lui avait jamais demandé s’il « baisait » une femme aussi ouvertement. Une première qu’il n’allait pas oublier de sitôt, c’était certain.
@Joyce Millett
* girl friend or girlfriend
(Ji-hun Hwang)
Blossoming
In the land of cherry blossoms,
Love bloomed like delicate petals.
Hearts entwined, two souls aligned.
Love bloomed like delicate petals.
Hearts entwined, two souls aligned.