Elle avait des vertiges, et maintenant elle avait des saignements de nez et me prétextait un rhume ? Sérieux y a saigner du nez parce qu'on se mouche trop, et saigner du nez. Surtout qu'elle avait pas le nez irrité, son excuse était pire que bidon et il était clair désormais qu'elle me cachait quelque chose... J'avais déjà eu cette impression à notre première rencontre, ça m'avait paru étrange qu'on lui permette de réintégrer Harvard après avoir été virée, je m'étais contenté de penser que ses parents avaient fait un chèque mais maintenant... Je sais pas, c'était bizarre tout ça. Je fronçai les sourcils.

« Un rhume, te fous pas de moi Joleen et essaie pas de changer de sujet. Mais merci. »

Je me redressai pour lui faire face, accroupi devant elle et la dévisageant. A y regarder de plus près, je la trouvais vraiment pâle, les yeux cernés, l'air fatigué.

« Tu sais que toi aussi tu peux compter sur moi pour me dire ce qui va pas. »

Cette fois encore je me sentais piégé, je voyais Andy me dévisager, il n’était pas idiot, il avait bien compris que mon excuse ne tenait pas la route. Je ne savais pas quoi dire, mon cœur battait très fort et je ne me sentais pas très bien, après les vertiges et le saignement de nez, je ne savais pas ce qui pouvait se passer, en tout cas rien de bon
.
« Je te remercie mais ça va t’inquiète pas. » Répondis-je en feintant un nouveau sourire peu crédible.

Je décidais alors de me relever, mauvaise idée, à peine étais-je debout sur mes jambes, que la tête me tourna encore plus. Ma vision devint de plus en plus flou, je sentais les battements de mon cœur jusque dans ma tête, et soudain le vide, mes jambes lâchèrent ….

Ne pas m'inquiéter ? C'était un peu difficile dans un moment pareil, si ce n'était pas grave elle n'essaierait justement pas de me le cacher, c'était là tout le problème. Son comportement était tout sauf discret. Je ne relevai pourtant pas, me contentant de secouer un peu la tête de gauche à droite, un peu désespéré qu'elle ne veuille rien me dire mais j'avais, je pensais, suffisamment insisté. Voyant qu'elle essayait de se redresser, je me levai également pour faire attention à elle, prêt à la rattraper si cela s'avérait nécessaire. Et ce fut le cas.

« Joleen ?! »

Je la rattrapai et constatai qu'elle avait perdu connaissance, il ne m'en fallu pas plus pour sortir mon téléphone et appeler les secours.


L'ambulance était arrivée rapidement et j'étais resté à l'arrière pour surveiller la jeune femme, puis elle fut prise en charge une fois à l'hôpital. J'étais frustré d'attendre, j'avais vraiment la sensation d'aller trop souvent à l'hôpital ces derniers temps et ça m'irritait grandement. Enfin, un médecin vint me voir pour m'annoncer que je pouvais aller lui rendre visite mais qu'elle était fatiguée et que je ne devais pas la brusquer. Non sans rire, j'allais la kidnapper et la mettre sur le dancefloor alors qu'elle venait de faire un malaise. Je levai les yeux au ciel et me rendis à la chambre qu'il m'avait indiquée, poussant la porte pour retrouver une Joleen allongée dans son lit d'hôpital, une vision que je n'appréciais pas vraiment... mais elle devait l'aimer encore moins que moi.

« Jo... comment tu te sens ? »

Lorsque j’ouvris les yeux, je vis simplement une femme, un bloc de feuille à la main, en train de noter je ne sais quoi. Il me fallut quelques secondes avant de comprendre. J’étais de retour à l’hôpital. Instinctivement je tentais de me redresser, l’infirmière me remarqua alors et m’expliqua la situation en me demandant de ne pas trop bouger. Mon médecin arriva quelques minutes plus tard, il m’avertit simplement que j’allais devoir repasser une série d’examen … encore … Et que je devrais rester plusieurs jours. J’en avais marre, j’avais l’impression que je ne pourrais jamais m’en sortir, des larmes coulèrent alors de mes joues …
Quelques minutes plus tard, Andy fit son entrée dans la chambre. Je me sentais tellement ridicule … Je ne savais pas quoi dire, maintenant je ne pouvais plus prétendre que tout allait bien … J’étais coincé et je n’avais plus le choix, je ne pouvais plus me défiler.

« Comme après une grosse cuite à la tequila. » Répondis-je en tentant de sourire.

Mais très vite mon sourire s’effaça et des larmes coulèrent de nouveau, je n’arrivais même plus à contrôler mes sanglots, j’avais tenté d’être forte mais là j’étais à bout de force.

Hum, la dernière fois que Joleen et moi on allait pas bien et qu'on s'était retrouvés sur un lit, ça avait fini sous la couette. J'eus un léger sourire à cette pensée, sourire qui s'élargit un peu à sa blague mais très vite je vis les larmes lui monter aux yeux et elle se mit à pleurer. J'eus un pincement au coeur en la voyant dans cet état-là, pour le coup je ne voyais plus quoi lui dire. Je me sentais un peu égoïste et je comprenais désormais que si elle avait disparu de la circulation sans prévenir c'était à cause de soucis de santé, qu'elle n'avait pas voulu m'en parler. Je refermai la porte derrière moi et m'approchai doucement du lit, m'y asseyant et attirant Joleen dans mes bras pour la serrer doucement contre mon torse, ma main montant et descendant contre son dos dans un geste qui se voulait réconfortant.

« T'es plus toute seule Jo. »

Elle avait voulu surmonter ça toute seule apparemment, mais n'y arrivait pas. Eh bien je serais là pour elle, je serais sa béquille quand elle aurait besoin de s'appuyer pour tenir, l'épaule sur laquelle elle pourrait pleurer quand ça n'irait pas.

Lorsqu’Andy s’approcha et me pris dans ces bras, je me laissais aller quelques minutes. Je ne pouvais pas pleurer devant ma mère qui pleurait de toute manière à chaque fois qu’elle me voyait sur ce lit, je devais être forte pour nous deux. Je ne pouvais pas pleurer devant mon père parce que ce serait admettre que j’étais faible et il ne l’accepterait pas et je ne pouvais pas pleurer devant ma sœur parce qu’elle me voyait déjà morte et je voulais lui prouver que j’étais toujours là, du moins encore un peu en tout cas. Mais avec Andy, je n’avais plus ces barrières à la con, je savais qu’il ne me jugerait pas. Sa présence me faisait du bien, je ne voulais pas me retrouver seule, j’avais des idées pas très joyeuse qui me traversait parfois la tête mais quand quelqu’un était là, je pensais à autre chose.
Après m’être calmé, je repris la parole.

« Je suis désolé Andy, j’aurais vraiment voulu être là pour toi ces derniers mois, mais j’aurais juste été un souci de plus et tu n’en avais pas besoin. »

J’étais devenu un fardeau pour ma famille, ils se sentaient tous obligés d’arrêter de rire devant moi, de ne plus profiter de leur vie, tout ça parce que moi j’étais malade, et qu’ils ne voulaient pas me faire de la peine, mais personne n’avait encore compris que c’était cette attitude de compassion et de pitié qui me rendait encore plus malade …

Pour la première fois depuis quasiment un an, Joleen accepta mon aide et se glissa dans mes bras pour venir s'y blottir et pleurer en paix sans se soucier que qui que ce soit ne la juge. Je la serrai doucement contre moi, espérant que ma présence l'aiderait au moins un peu à se sentir mieux. L'avantage avec moi c'est que j'avais bien montré que la pitié c'était pas vraiment mon truc... je n'en aurais pas plus avec Joleen qu'avec les autres. Au contraire, j'étais plutôt de ceux qui se disaient qu'une fois malade on devait voir la vie autrement, quand on sait que la mort n'est pas loin on accorde de l'importance à des détails auxquels on ne ferait pas attention si on n'était pas en danger. Psychopathe ? Peut-être un peu, ça pouvait être vu ainsi mais de toute manière on était tous condamnés à mourir tôt ou tard et Joleen avait beau être malade, je pourrais bien crever avant elle dans un accident de voiture demain alors bon...

« C'est pas un soucis de prendre soin de son entourage. Allez, je suis déjà pas le pro du relationnel, me rend pas la tâche en plus compliquée tu veux ? »

Je la poussai légèrement sur l'épaule avec le poing pour appuyer mes dires avant de lui sourire.

Andy avait souvent eu les mots pour me remonter le moral, et encore une fois il avait trouvé les bonnes choses à dire. Lui au moins ne me regardait pas comme une mourante et c’était tout pour moi.

« Fais gaffe, tu pourrais être élu pote de l’année ! »

Je ris en le regardant, tout en séchant mes larmes, je le pensais réellement, malgré tout ce qui c’était passé entre nous il était là.
Je restais silencieuse quelques minutes, le temps de calmer mes pleures complètement et de respirer de nouveau de façon régulière. Il ne m’avait encore rien demandé, pourtant maintenant qu’on était à l’hôpital, il devait bien ce douter que quelque chose clochait, mais j’appréciais le fait qu’il ne me saute pas dessus avec 25 milles questions.

« Voilà donc ma nouvelle maison, désolé de pas t’avoir invité à la crémaillère. » lâchais-je enfin, sur un ton ironique pour continuer dans cette ambiance moins stressante.

Je ne savais pas par où commencer, je n’aimais pas parler de ma maladie et surtout je ne savais jamais comment présenter les choses sans que ce soit dramatique. Au mot tumeur les gens commençaient toujours à flipper et je ne savais plus quoi dire.

« Pote de l'année ? »

Je me mis à rire, essayant d'imaginer un tel concours et songeant qu'au final ce serait vraiment du n'importe quoi. Mais après tout j'avais bien été élu Roi du Bal de l'année 2012 alors que la moitié d'Harvard -sinon plus- ne m'aimait pas, alors pourquoi pas Pote de l'année, hein ?

« Je vais rougir. »

Je secouai légèrement la tête de gauche à droite, amusé. Non je n'allais pas rougir parce que je savais que je n'avais de toute manière pas vraiment de quoi être élu pote de l'année au vu de tous les problèmes qui s'étaient présentés, j'avais été pas mal un boulet plus qu'autre chose et pour la première fois j'avais réussi à m'engueuler avec Anastasiya, même si ça avait été court et sans grandes conséquences, ça restait une engueulade qui avait un peu chamboulé le trio qu'on formait. Je levai les yeux vers le plafond puis examinai la pièce autour de nous avant de reporter mon attention sur Joleen tout en parlant.

« Oh c'est pas grave, mais je dois dire que ça m'aurait bien plu une petite fiesta au milieu des infirmières, dommage. »

Je souris, jetant un coup d’œil à la porte. Sait-on jamais qu'une infirmière soit arrivée entre temps hein. Je ne pus m'empêcher de me demander combien d'infirmières s'étaient envoyées en l'air sur un lit d'hôpital pour le coup, c'était plutôt cool comme lieu insolite.

Quoi qu’en dise les gens, Andy était un mec en or, il avait ces mauvais côtés comme tout le monde, mais on pouvait compter sur lui, la preuve, il était à mes côtés alors que j’avais foirée en beauté, peu d’ami l’aurait fait ! Alors pour moi, il méritait ce trophée qui n’existait pas.
Je rigolais à sa réflexion sur les infirmières, c’était tout lui ça.

« Une fois que tu auras vu les infirmières du service, tu changeras peut-être d’avis. » Répondis-je en rigolant.

Connaissant les goûts en matière de fille de mon camarade, je doutais que les infirmières d’une quarantaine d’année, pas forcément taille mannequin lui plaise, mais de toute façon, je savais qu’il rigolait.

« Tu pourrais me passer un verre d’eau s’il te plait, j’ai la bouche pâteuse avec leurs médocs … » Demandais-je.

On avait pas encore réellement abordé le sujet tabou. Il savait désormais que j’avais été à l’hôpital, restait à lui avouer pourquoi, sauf que je ne savais pas par où commencer …