a steel knife in my windpipe - (roxum)

Y avait eu deux semaines où j'étais sur mon petit nuage. On était comme deux ados à rire tout le temps, à baiser comme des lapins, à se donner des surnoms ridicules. Puis Caleb était sorti de ma tête avec ses menaces de procès dans le vent. J'avais Jane, j'avais Callum, et j'étais heureuse. Sauf qu'un soir alors que je rentre des cours, il est pas à l'appart. Et il rentre pas. Je panique, j'appelle Jackie, je l'imagine agonisant dans un accident de la route, ou tabassé au fond d'une rue par des types qui voulaient son porte-feuille. Avant d'appeler les flics, j'appelle les gus de la Winthrop. "Ouais, ouais il est avec nous. Non, non, il a pas dit." Je vais me coucher avec une enclume qui me pèse dans le ventre. Je regrette de ne pas avoir de quoi boire dans le frigo, pour m'assomer un coup. Je m'endors toute seule. Je le vois pas réapparaître le lendemain. Alors je fais les cent pas, je sens mes boyaux se tordre, comme s'ils se bouffaient eux-mêmes. Je ronge mes ongles jusqu'à voir le bout de mes doigts saigner. Deux jours d'absence, sans un signe de vie. Ça me tue. Putain, ça faisais des semaines que j'avais laissé la clope de côté et voilà que je fume comme un pompier.
Il est six heures du soir. Je commence à préparer à manger pour Jane. J'avais oublié ce que c'était d'être toute seule pour elle. Six heures et demi. Je lui sers son dîner, je la regarde manger, je me raccroche à elle. Je passe ma main dans ses petites bouclettes rousses. "On est toutes les deux." Pour l'instant. Parce que Callum va revenir. Avec une salopette trop grande, une bouteille de rouge et une paire de patins à roulettes.

La nouvelle t’était tombée dessus sans que tu n’y sois prêt. C’était comme ça avec Roxanne visiblement : les choses tombent, boom, un point c’est tout. Prenons Jane, par exemple. Elle déboule dans ta petite vie parfaite, te présente Jane comme ta fille et voilà. Mais alors que tout se déroulait pour le mieux, que vous sembliez être un couple parfait, le petit lot d’ennuis de Jane arrive. Ouais, tous ces trucs qu’elle ne t’as pas dit : Caleb, l’adoption, le divorce. Putain, t’étais au courant de rien et t’avais appris ça par la bouche de c’type. Tu t’étais senti con et il avait bien du rire : le parfait petit ami de son ex qui n’connait rien de la situation. Tu parles. T’étais quoi pour Rox finalement ? Un passe temps ? T’avais eu besoin de digérer, de réfléchir à tout ça. Deux jours, tu t’étais absenté deux jours, t’avais dormi seul pendant deux nuits. Il te fallait des réponses.
Tu roules en direction du petit appartement de la Dunster, grimpes les escaliers et insères ta clé dans la serrure. T’entends Jane babiller dans la cuisine, tu t’y rends. Faut qu’on parle, j’crois. Pas de bonjour, pas de sourire, juste ces mots. Et tu t’éclipses dans le salon.

"Une bouchée pour maman, une bouchée pour la Reine d'Angleterre, une bouchée pour..." La petite cuillère pleine de bouillis n'atterrit pas dans la bouche de Jane, elle me tombe des mains et ricoche sur la tablette de la chaise haute. "Faut qu’on parle, j’crois." Je bondis de mon tabouret, je laisse Jane avec son dîner coincée dans sa chaise haute. En deux enjambées je suis dans le salon. Il est là, près du canapé. Je viens vers lui. J'ai envie de poser une main sur sa joue, de lui faire un petit bisou. Mais il a ce regard dur, sa mâchoire vérouillée, alors je me fige, tout près de lui. "Je... Je me suis fais du soucis pour toi..." Merde, je m'étais jurée de lui faire des reproches, de lui dire de jamais me refaire une frayeur comme ça. Mais je m'y résous pas, ces mots sortent de ma bouche comme une petite plainte. J'ai l'estomac noué.

T’aurais peut-être dû être un peu moins direct ? T’aurais peut-être dû dire bonjour à ta fille. Enfin ta fille.. à Jane quoi, la fille de Caleb. Dans la salon, tu tiens pas en place. Roxanne te rejoint en un quart de seconde, tu t’immobilises. Elle s’approche de toi, t’as envie de l’embrasser et lui dire que tu l’aimes. Tu lui a jamais dit, encore. Je... Je me suis fais du soucis pour toi... Ouais, t’avoue, t’avais été le pire petit ami du monde ces deux derniers jours. Pas un appel, pas un texto, rien. Les gars m’ont dit que t’avais téléphoné, t’avais pas à t’inquiéter. Facile à dire. Ton cœur cogne contre ta poitrine. T’avais envie de tout cracher, là, d’avoir des réponses à tes questions. De tout savoir. Respire, t’énerves pas, c’est pas ton genre. J’avais besoin d’prendre ces deux jours, ok ? J’ai reçu un texto d’un type qui m’a proposé d’aller boire un café. Caleb il s’appelle, tu connais ? Bien sûr qu’elle connait, bordel. Il m’a appris un tas d’trucs, c’était fantastique. Sarcasme, quand tu nous tient.

"Les gars m’ont dit que t’avais téléphoné, t’avais pas à t’inquiéter." Je baisse la tête, je me gratte le bras, je sais pas quoi dire, je le reconnais pas. "J’avais besoin d’prendre ces deux jours, ok ? J’ai reçu un texto d’un type qui m’a proposé d’aller boire un café. Caleb il s’appelle, tu connais ?" J'ai l'impression de me prendre une une gifle. "Il m’a appris un tas d’trucs, c’était fantastique." C'est l'uppercut dans ma mâchoire. Je me mords les lèvres furieusement. J'aurais dû lui dire tout ça, putain, je fais quoi maintenant ? Je dis quoi ? "Je voulais t'en parler..." j'ai toujours mes yeux rivés sur mes pompes, je sens ma vue qui se floute. Putain mais arrête de chouiner comme une fillette, Rox. Je bouillonne de rage contre Caleb, contre moi. J'aurais dû lui dire tout ça, y a longtemps. Je relève mes yeux, je me mords la joue furieusement. Puis mes mains viennent chercher les siennes. Mon regard implorant cherche ses yeux, mes sourcils s'arquent. "Ecoute ça change rien du tout, rien du tout, je sais pas ce qu'il t'a dit, mais ça change rien !" S'il-te-plaît Callum, regarde moi avec ton petit sourire comme avant, et puis tes yeux qui pétillent, ils sont passés où ? S'il-te-plaît pardonne moi, crie pas. C'est des bêtises tout ça, ça compte pas.

Je voulais t'en parler... Evidemment ! Et heureusement même ! Mais elle ne l’avait pas fait et t’avais fini par l’apprendre autrement, de la pire des manières qui soit. C’était souvent ce qu’il se passait avec les secrets, les non-dits. T’as eu plus d’un mois et demi pour m’en parler, Rox. réponds-tu d’un air extrêmement déçu. Parce que tu l’étais, en plus d’être énervé. Ses mains attrapent les tiennes, ses yeux plongent dans les tiens. Ecoute ça change rien du tout, rien du tout, je sais pas ce qu'il t'a dit, mais ça change rien ! Tu retires les mains, les fourres dans tes poches et recule d’un pas. Ça change rien ? Roxanne, on parle de ton mari. On parle du type qui a adopté Jane. On parle de son père ! Le dire c’était comme à nouveau voir ce joli château de cartes s’écrouler. Et ça t’rendait fou. T’étais le dindon de la farce, le gars qu’à rien demandé un peu paumer au milieu de tout ça.

"T’as eu plus d’un mois et demi pour m’en parler, Rox." Putain, jai tellement honte. Je me sentais fière avec ma vie qui semblait filer droit, ma petite histoire d'amour parfaite mais j'ai juste pas le courage de faire face à tout ce qui va pas. Une gamine froussarde. Ses mains que je voulais attraper se réfugient dans ses poches. Il fait un pas en arrière et je sens cette abîme qui se creuse entre nous. "Ça change rien ? Roxanne, on parle de ton mari. On parle du type qui a adopté Jane. On parle de son père !" "Ex-mari." je le coupe presque, ma voix est montée dans les aigüs sans prévenir, je beugue. En fait non, pas ex-mari. Les papiers de divorce sont encore vierges, je le repousse toujours à plus tard, à quand je trouverai le courage. "Bientôt, je te promets que bientôt y aura plus de mari." Je veux refaire ce pas  vers lui, refermer ce creux entre nous, agripper ses mains sans les laisser filer. Je fais tout merder. Parce qu'il y a ça mais y a pas que ça. Y a l'alcool, les putains de thérapies, les coups. Je voudrais tout lui dire, mais je peux pas, j'ai peur de l'éloigner toujours plus de moi. Que ce gouffre entre nous devienne trop profond, que je sois pas la fille qu'il espérait. Et puis faudrait que je sache par où commencer, quel bout prendre. "Dis moi ce qu'il t'a dit, s'il-te-plaît, je sais même pas ce qu'il t'a dit, tu sais faut pas l'écouter, c'est pas un type bien." Je bégaie, ma voix monte et descend comme un accordéon désaccordé, mon front se plisse. Je sens que tout me file entre les doigts.

Ex-mari. te coupe-t-elle au milieu de ta phrase mais tu n’en tiens pas compte. Bientôt, je te promets que bientôt y aura plus de mari. Tu laisses échapper un rire jaune, croisant les bras contre ta poitrine. Dans la cuisine, tu entends Jane s’agiter sur sa chaise haute et donner des petits coups de cuillère sur la tablette en plastique. Mais peu importe, tu ne t’en soucis pas. T’es pas son père après-tout, y’a un autre type pour ça. Bientôt ? Bordel Roxanne, t’as même pas été fichue d’me parler de tout ça ! dis-tu en faisant de grands gestes de bras. Alors tu penses que tu vas être capable de ‘bientôt’ le faire sortir de ta vie ? Si t’en avais seulement envie, ce serait déjà fait ! Tu secoues la tête, dégouté. Roxanne était mariée ! Dis moi ce qu'il t'a dit, s'il-te-plaît, je sais même pas ce qu'il t'a dit, tu sais faut pas l'écouter, c'est pas un type bien. Tu vois une Roxanne qui semble complètement perdue, prise au dépourvue par cette conversation qu’elle n’imaginait pas surement avoir avec toi. Pas comme ça, du moins. Elle est mal mais tes yeux rouges de colère n’ont aucune compassion pour elle, pas maintenant, pas là. Bien ou pas bien, j’m’en cogne ! En attendant, c’est lui qui m’a appris tout ça ! T’imagines pas à quel point j’me suis senti con face à lui d’être au courant de rien. Tu fais un par vers Roxanne, la surplombant de ta hauteur. Quand tu t’es pointé le jour de la rentrer pour me parler de Jane, j’ai accusé le coup, j’ai accepté, j’me suis promis de t’aider à t’en sortir ! J’voulais devenir son père à cette petite ! Tu pointes ton bras vers la cuisine avant de faire un nouveau pas vers la Dunster qui recule. C’était pas un jeu tout ça ! Je jouais pas un rôle ok ? J’voulais vraiment prendre ma place. Et tout ça pour que j’apprenne que tu m’as menti ? Jane c’est pas ma fille, Roxanne ! C’est la sienne, elle porte son nom putain ! grognes-tu en plongeant tes mains dans ta tignasses cuivrée.

pardonne moi, j'aime pas ma réponse

"Bientôt ? Bordel Roxanne, t’as même pas été fichue d’me parler de tout ça ! Alors tu penses que tu vas être capable de ‘bientôt’ le faire sortir de ta vie ? Si t’en avais seulement envie, ce serait déjà fait !" Il agite furieusement ses bras, ses yeux en lames de rasoir qui me transpercent de partout. Je veux disparaître. Je veux secouer la tête, le contredire, l'arrêter. Mais putain, c'est juste la sale vérité. Toute cette crasse que je lui cache depuis le début. "Callum, non, non..." je murmure à voix toute basse, je sais même pas s'il peut entendre ces mots qui s'étouffent au fond de ma gorge. "Bien ou pas bien, j’m’en cogne ! En attendant, c’est lui qui m’a appris tout ça ! T’imagines pas à quel point j’me suis senti con face à lui d’être au courant de rien." "Désolée, désolée." je murmure, des excuses à peine audibles et pourtant je sais bien que j'aurais dû commencer par là. "Quand tu t’es pointé le jour de la rentrer pour me parler de Jane, j’ai accusé le coup, j’ai accepté, j’me suis promis de t’aider à t’en sortir ! J’voulais devenir son père à cette petite !" Il se rapproche et je recule. Et alors qu'il fait de nouveau un pas en avant, je monte ma main près de mon visage. Comme pour me protéger. Vieux réflexe sinistre. Putain, non, pas de Callum, j'ai pas peur de Callum. "C’était pas un jeu tout ça ! Je jouais pas un rôle ok ? J’voulais vraiment prendre ma place. Et tout ça pour que j’apprenne que tu m’as menti ? Jane c’est pas ma fille, Roxanne ! C’est la sienne, elle porte son nom putain !" Jane Bates-Edelstein. Là encore, la vérité, crue, dure. "Si je t'ai pas dit tout ça avant c'est que j'avais peur, peur de ça." De te perdre. D'une dispute qui m'arracherait à la petite vie rêvée que je commençais avec toi. Mes joues s'empourpent, mes yeux brillent. Je fulmine, je m'en veux tellement. "Que je sois pas la fille que t'imagine. Je suis pas parfaite Callum." Ces derniers mots se coincent dans ma gorge dans un hocquet. Mes yeux s'embuent, je secoue la tête pour pas perdre la face. Je peux pas pleurer comme ça, putain Rox, maîtrise toi un peu. "Et puis le mariage, Caleb, ça fait plus partie de ma vie. Maintenant c'est toi, c'est Jane et je te promets, je te promets que je me chargerai du divorce et qu'on le verra plus et le papa de Jane ça sera toi." Je te promets parce que je peux plus rien faire d'autre. Mais c'est pas dans le vent, regarde mes yeux Callum, tu verras que c'est pas dans le vent. J'y crois à tout ça. Cet enfoiré je le traînerai devant la justice pour lui retirer la garde de Jane et ça sera toi le papa. Je te le promets.

boh moi je l'aime bien cette réponse faut être indulgente avec soi-même

Si je t'ai pas dit tout ça avant c'est que j'avais peur, peur de ça. Que je sois pas la fille que t'imagine. Je suis pas parfaite Callum. Tu lèves les yeux au ciel et grognes, encore. Ce dont elle avait peur ne serait jamais arrivé si elle avait eu la brillante idée de te parler de tout ça avant ! Tu vois les yeux de Roxanne qui se remplissent de larmes, son menton qui commence à trembler. Oh non, ne pleure pas. Elle n’avait pas l’droit de pleurer. Mais putain, tu penses que j’suis con au point de rien comprendre Rox’ ? Tu penses que j’suis pas capable que savoir que t’as eu ta vie jusqu’à aujourd’hui ? Tes poings qui se ferment dans tes poches, la colère qui ta gagne un peu plus. AH ! Ca t’énervais d’être pris pour un con, d’être vu comme le « gentil » Callum . « T’façon il est cool, il comprendra il pardonnera ! » Et je l’sais que t’es pas parfaite ! Tu ronfles, t’as la fâcheuse manie de toujours repasser derrière moi quand je range quelque chose ici, tu t’lâches pas parce que t’as toujours peur que ça affecte Jane, tu laisses toujours des cheveux dans la salle de bain, tu changes jamais le rouleau de papier toilette quand il est fini.. ! Je l’sais tout ça et ça m’a jamais empêché de tomber amoureux d’toi Roxanne ! grognes-tu en avançant toujours plus vers elle au point de la bloquer contre le mur. Tes yeux colériques qui la toisent de bas en haut. Et puis le mariage, Caleb, ça fait plus partie de ma vie. Maintenant c'est toi, c'est Jane et je te promets, je te promets que je me chargerai du divorce et qu'on le verra plus et le papa de Jane ça sera toi. Les mains de part et d’autres de son visage, tu secoues la tête. Non. Ca trainera ce divorce, Caleb n’allait pas en démordre et allait faire jouer son droit de père adoptif coute que coute. Et quelque part tu ne pouvais pas lui en vouloir, même si tu détestais l’idée ! Ce gars avait été aux côtés de Jane toute sa petite vie durant. Il l’avait vu grandir, l’avait vu faire ses premiers pas, lui avait appris ses premiers mots.. La main de Roxanne se pose sur ton torse et ça t’apaise, un peu, d’un coup. Mais tu es toujours en colère, tu lui en veux toujours, putain ! Ta tête qui se balance toujours de gauche à droite. Tu réfléchis quelques secondes et puis tu lâches ta décision. Non. Caleb on le verra toujours parce que c’est le père de Jane. Alors règle ton divorce avec lui, trouvez un système de garde qui vous convienne à tous les deux, une pension, n’importe quoi, j’m’en fou ! Mais règle cette histoire une bonne fois pour toute et rappelle moi quand tout sera terminé ! T’es un connard fini de réagir comme ça, c’est la colère qui te fait parler à coup sûr, tu vas regretter ces mots une fois le palier de la porte passé, mais putain, si elle savait seulement ce que tu ressentais, là, elle comprendrait ! La colère gagne tes yeux de nouveau et tu t’arraches à elle pour rejoindre la cuisine ou tu prends la petite Jane dans tes bras et couvre son cou de bisous.