(magique) what if I fell to the floor, couldn't take all this anymore, what would you do?

Quoi? T'es sérieuse? Je fronce les sourcils, roule des yeux, soupire, devant l'absurdité de tes mots. "J'veux pas mourir Agathe." J'suis trop jeune pour mourir. Puis, j'ai pas fini de faire chier mon monde. J'ai encore rien accompli dans la vie. J'recommence les études à zéro presque, j'suis instable psychologiquement parlant, j'sais pas ce que je veux faire plus tard, j'ai pas encore élucidé mes soucis familiaux, et puis j'sais pas. Prêtre que finalement j'ai envie de me construire une belle vie, me marier, avoir des gosses. J'en sais rien. T'sais, le rêve que j'fais de la petite fille qui court dans mon appart et te ressemble comme deux gouttes d'eau? J'ai pas dit que c'était un cauchemar. C'était pas un songe désagréable, que j'aime pas voir. "J'ai peut-être pas été prudent mais ça veut pas dire que j'ai voulu faire une overdose. J'suis pas suicidaire, arrêtez de vous faire des films." Vous m'avez bien regardé, sérieux? Moi, suicidaire? J'savais déjà pas comment gérer la mort des autres. Tu me dis de me rappeler les bons moments passés avec lui mais... "J'veux pas me rappeler. Ni des bons, ni des mauvais. J'veux juste oublier. Me dire qu'il est pas mort, qu'il est parti vivre à l'étranger avec la femme de sa vie sur un coup de tête." C'est pas juste putain. C'est pas juste et ça fait mal. Alors j'baisse les yeux, sentant mon coeur se serrer à nouveau, et c'est le moment que tu choisis pour venir glisser ta main dans la mienne. Je regarde le geste, et... j'sais pas, ça me met un peu de baume au coeur? J'crois que j'suis trop épuisé pour continuer d'être énervé pour l'instant. Alors j'me contente juste de serrer un peu ma main sur la tienne et de glisser mes doigts entre les tiens sans un mot.

Mes yeux étaient toujours rivés sur lui, alors qu'il me rassurait qu'il voulait pas mourir. J'étais pas dans sa tête à cet instant, je l'étais pas non plus dimanche. J'ignorais les réelles intentions qui se cachaient derrière son stupide geste. Je soupirais de soulagement quoi qu'il en soit, parce qu'au moins j'savais qu'il comptait pas se suicider. « Tu dis ça à une meuf qui a fait elle aussi une overdose y a un an. » Difficile de pas m'faire des films sur mon copain, anyway il avait géré sa frustration et sa tristesse en se tournant vers la drogue et l'alcool. Est-ce que je devais lui en vouloir? Non, même si je l'avais frappé sous la colère et l'impuissance. Je le conseillais de se rappeler des bons moments avec Wyatt, sauf qu'Elliot voulait pas. Il me disait clairement qu'il refusait de se souvenir des moments, bons ou mauvais. « Tu peux faire ça, te dire qu'il est ailleurs avec l'amour de sa vie. Heureux. » Je profitais de ce calme pour prendre sa main dans la mienne. Il me regardait faire, sans dire ou faire quoi que ce soit. Il se contentait de serrer l'emprise, en glissant ses doigts entre les miens. Mon pouce caressait doucement le sien. « Tu sais tout ce que je t'ai dit hier, je le pensais. Mot pour mot, c'était pas.. dans mon intention de te blesser. Balec d'être une connasse à tes yeux, je t'aurais pas dit tout ça si je le pensais pas. J'ai pas peur d'être seule, je sais que t'en vaux le coup. » Mieux vaut être seule que mal accompagnée non? Sauf que j'étais hyper bien accompagnée, c'était là la putain différence.      

J’suis pas suicidaire, juste accro. Alors si j’venais à crever, à faire une overdose, c’était pas que j’voulais mourir, mais plutôt parce que j’étais trop con et imprudent. Et ouais j’comprends ta crainte vis à vis de ta propre overdose passée mais vraiment, j’voulais pas mourir. Puis pour Wyatt, j’préfèrerais rester consciemment dans le déni. Me dire qu’il est parti avec la femme de sa vie, dieu sait où. Tu confirmes, même si je sais que c’est pas la meilleure des solutions. C’est juste repousser l’inévitable. Le moment où je devrais faire mon deuil. Tu prends ma main, j’entrelace nos doigts, restant silencieux. Ca fait du bien mine de rien, de te retrouver. J’avais passé une partie de la nuit et la matinée à réfléchir à tout ça et j’comprenais. Que t’avais pas voulu me blesser ou me trahir. Que t’avais pas pensé à mal, au contraire. Et j’avais réagi sous le coup de la colère et j’avais été impulsif, mais je savais que tu comprendrais ça aussi parce que t’avais le même caractère que moi. « Je sais... Et... j’te pardonne. Je t’en veux plus Agathe. Surtout que... j’ai réalisé que j’avais fait la même chose. J’ai outrepassé mes droits sur l’un de nos secrets, comme tu l’as fait hier. Et moi non plus j’pensais pas à mal. Donc... je comprends et je t’en veux pas. » Et j’vois à ta tête qu’il te manque des infos pour comprendre mes dires alors je rajoute : « J’ai dit à Barbie pour ta grossesse. Enfin, ton avortement. » Whatever. Et c’était pas pour te trahir, c’était juste que j’avais mes doutes sur la question même si tu le savais pas et que j’avais besoin d’en parler à quelqu’un qui n’était pas toi, pour ne pas te faire peur.

Doigts entrelacés, on restait là en silence. J'étais bien à cet instant, j'avais l'impression que la plus grosse partie de la tempête était passée. Il me repoussait pas, ni rien quoi que ce soit, c'tait plutôt.. bon signe pas vrai? Sans plus attendre, je lui déballais tout ce que j'lui avais dit la veille. Comme quoi je m'excusais, que c'tait pas pour mal agir ni rien de cela. J'étais sincère dans mes mots putain et j'finissais mes explications en lui disant clairement qu'il en valait la peine. Je relevais les yeux alors qu'il me disait qu'il me pardonnait. Ça me soulageait.. parce qu'il ne m'en voulait pu. La suite de ses mots j'les comprenais pas, de quoi il parlait? Il m'avouait qu'il avait balancé un de nos secrets et je le regardais avec des points d'interrogation. « Attends, t'as quoi? » L'info se rendait trop vite jusqu'à mon cerveau. J'ai dit à Barbie pour ta grossesse. Enfin, ton avortement. Il avait pas osé? Si?  « TU TE FOUS DE MA GUEULE EN FAIT! » Je relâchais vivement ses doigts en me décalant de lui. « Tu m'as reproché de t'avoir trahi et je t'ai laissé m'traiter comme une merde. Parce que j'me disais '' ouais j'comprends sa colère, j'aurais du fermer ma gueule. '' Et toi, tu vas balancer à ta meilleure amie ex plan cul ex machin NOTRE SECRET?!?! » Trop sympa le petit ami heeein.

Finalement, le vent avait chassé la tempête. Je m’étais calmé, j’avais réfléchi à mes actes, à mes mots, à ma réaction. Et peut-être qu’en effet, c’était un peu exagéré. Mais t’sais, c’est la drogue. C’est pas un sujet facile, j’en ai totalement honte et le fait que mon meilleur ami soit au courant, ça m’a totalement retourné. Mais j’te pardonnais parce que finalement, sans même m’en rendre compte, j’avais fait la même chose en disant à Barbie que tu avais avorté. Et du coup, tu te mettais à crier, énervée comme jamais, rompant notre contact. « Ça a jamais été mon plan cul. C’est juste ma meilleure amie. Et oui, j’ai balancé ça, parce que j’avais besoin d’en parler à quelqu’un d’autre que toi, j’avais besoin de parler de mon rêve chelou et des doutes que j’ai suite à ce qu’on a fait??? » Tu vas vraiment me basher pour ca? Il me fallait un regard extérieur sur la question, parce que toi, j’savais que t’étais sûre de ta décision d’avorter, j’savais que t’y avais pas réfléchi à deux fois, que ça t’avait pas touchée plus que ça. Mais moi, ça m’avait touché finalement, alors que je pensais rester totalement insensible face à la situation. Et c’était pas vraiment des questionnements que je souhaitais partager avec toi. À quoi bon?

En trois secondes, j'pétais un câble. Je partais au quart de tour, j'hallucinais en fait. J'étais énervée comme jamais, je vrillais. C'tait censé être notre putain de secret et il était allé le balancer à sa meilleure amie. Même ma meilleure amie, Nora-Blue, celle que j'considérais comme ma soeur âme soeur et ma personne, la mienne, j'lui avais pas dit qu'Elliot était le père. De un, parce que j'avais fait cette promesse à Elliot au summer camp que l'identité de la personne qui m'avait mise enceinte resterait secrète. Et de deux, on avait décidé ensemble de garder les détails de mon avortement secret. C'tait comme.. un coup de poignard qu'il me plantait dans le dos, comme pour être sûr qu'on soit à égalité dans la trahison. J'savais pas trop, je voulais pas savoir. Et les mots sortaient rapidement de ma bouche, lui balançant qu'il s'était foutu de ma gueule. Je l'avais laissé me traiter comme une sous-merde, alors que je savais pertinemment que ce que j'avais fait c'était inacceptable et dégueulasse. Au point que je culpabilisais vis-à-vis de son amitié avec Davi, que mon mec allait lui faire la gueule à cause de moi.  « Comment ça des doutes sur l'avortement?? » je continuais de gueuler comme une furie dans le cimetière, censé être un endroit paisible pour les morts qui reposent en paix ptdr. « J'comprends pas, tu remets en question ce qu'on a fait? Nos choix? » J'faisais encore les cent pas avant de m'arrêter et de me pincer l'arrêt du nez pour m'calmer.    

Ok, j’ai peut-être merdé. Enfin non, pas peut-être. J’ai merdé. Mais comprends-moi? Ta grossesse, l’avortement, mes rêves, ça fait beaucoup à endurer. Et peut-être que toi tu le vis parfaitement bien, peut-être que toi t’y penses plus, peut-être que ça te fait rien, mais moi, j’ai l’estomac noué rien que de penser à ce jeudi 6 septembre, de revoir ton lit passer les portes qui me sont interdites, j’ressens encore la peur, la confusion quand j’ai posé la main sur ton ventre ce matin là. « J’en sais rien ok? Arrête de me gueuler dessus! » que je peste à mon tour en te tournant le dos pour m’éloigner, plus loin, pour rejoindre le bord de la route. J’aime pas les cimetières, ça me fout la chair de poule, et j’crois qu’on commençait à déranger l’enterrement en fait. Je soupire, me tourne à nouveau vers toi qui m’a suivie. « Je sais pas quoi te dire Agathe. Oui j’ai des doutes, oui j’y pense, ça me travaille. Y’a ce rêve aussi dont je t’ai parlé qui n’arrange pas les choses et qui me fait me poser des questions. Ptêtre que, j’aurais jamais du toucher ton ventre ce jour là. Ptêtre que... j’aurais pas du venir avec toi. J’pensais que ca me toucherait pas, que j’resterais insensible à tout ça, mais en fait... bah, c’est pas le cas. Et si j’en ai parlé à Barbie c’est parce que j’avais le sentiment que j’pouvais pas t’en parler à toi. Que ça servirait à rien. Ça servira à rien, toi t’étais sûre de ton choix, t’y as même pas réfléchi à deux fois, et depuis, on en a jamais reparlé. T’as l’air de bien le vivre. » Alors que les rôles sont censés être inversés non? En général, c’est la meuf qui avorte qui le vit mal, pas le gars qui l’a foutue enceinte sans même être en couple avec elle. « Bref on s’en fout ok? J’suis désolé d’avoir ébruité ça alors que c’était notre secret. Mais Barbie dira rien à personne. J’lui ai fait promettre. » Et bref. Voilà quoi. Sujet clos? On passe à autre chose? Non parce que j’suis pas forcément à l’aise avec le sujet en fait.

Est-ce que j'avais bien entendu? Il avait parlé de notre secret à sa meilleure amie, secret qu'on s'était juré de garder pour nous jusqu'à la tombe? Clairement, j'voyais rouge à cet instant. Je me gênais pas pour lui gueuler dessus, lui montrer que moi aussi j'avais des putain d'états d'âme. J'avais l'impression qu'il avait dévoilé une partie de ma vie à une inconnue et ça, j'aimais pas. J'étais le genre de meuf qui gardait trop de trucs pour elle et, forcément que ça m'faisait chier. Lorsqu'il m'expliquait qu'il avait eu des doutes quant à l'avortement et tout le toutim. Pardon? C'tait comme si en entendant cette information, mon cerveau surchauffait. Toujours en gueulant comme une furie, je lui demandais de développer son explication. Parce que moi j'comprenais pas où il venait en venir, j'comprenais pas ses mots. À son tour, il se mettait à gueuler en me disant d'arrêter de le faire moi-même. Je lâchais des '' putain ''  par ici et par là, alors que je faisais les cent pas dans le cimetière. Elliot s'éloignait en se dirigeant vers le bord de route et moi, je le suivais. En même temps, je lui demandais s'il remettait en question ce qu'on avait fait.  « Ou sinon, ptêtre que j'aurais pas dû avorter. »  C'était ça le soucis? Le fait que j'avais avorté? Calme Agathe, calme.  Je plissais les yeux aux mots qui sortaient de sa bouche '' t'as l'air de bien le vivre. '' « Tu voulais qu'on dise quoi de plus là-dessus? J'y peux rien si j'suis détachée de mes sentiments.. C'est pas toi qui a eu une mère qui en avait littéralement rien à chier de ta gueule.  »  Je balançais l'un des sujets tabous: ma relation avec ma mère. « Pourquoi tu m'en parles que maintenant? » Sérieux, pourquoi là dans ce cimetière? Pourquoi tout simplement? En réalité, j'voulais pas de réponse de sa part. Je soupirais pour signifier que j'étais plus calme, ou du moins quelque chose qui s'en rapprochait. « Je te jure Elliot Maxwell, que si j'apprends qu'elle en a parlé à qui que ce soit je la démonte. T'as ma parole. » Bff ou pas, rien à chier.

J’balance tout ce que j’ai sur le coeur depuis quelques jours. Mes doutes sur l’avortement, mes doutes sur moi-même, mon rêve illogique. Peut-être que j’aurais pas du t’accompagner, peut-être que j’aurais pas du assumer tout ça et prendre mes responsabilités, peut-être que j’ai été con d’avoir voulu toucher ton ventre. Comme si ça m’avait donné une foutue connexion avec c’qui se passait dans ton corps. Mais c’était pas le mien, de corps, alors la décision te revenait et j’avais jamais voulu remettre en cause tes choix. Surtout qu’à l’époque, c’était sûrement la bonne décision. "Ouais." Que réplique dans un souffle, visiblement vexé et replié sur moi-même. J’aime pas cette conversation. J’ai juste envie de me barrer. "Non. C’était pas ma mère mais mon père." Y’a pas que toi qui a des problèmes de famille Agathe. J’suis peut-être pas le prince de j’sais pas quoi, mais mon père, il s’est jamais préoccupé de moi, il a toujours été ce roc froid et distant, et j’aurais pu avoir ma mère en soutien derrière mais non, elle avait préféré être soumise à l’homme de la maison et fermer sa gueule. "J’en sais rien. P’têtre que si la même chose arrivait maintenant, j’ferai pas les mêmes choix, c’tout." Et puis je roule des yeux à l’entente de ta remarque sur Barbie. Elle dira rien, t’as pas à t’en faire. Je jette un dernier coup d’oeil à l’enterrement qui a encore lieu, avale une nouvelle gorgée de ma flasque, toussote un peu en plongeant ma main libre dans la poche de ma veste. "J’vais y aller moi." J’suis pas bien ici en fait. Face à l’enterrement, face à notre discussion. Alors ouais, encore une fois, j’préfère prendre la fuite. C’est pas ce que tu m’as dit par texto hier soir? Que j’étais qu’un lâche? Bah voilà. C’est cadeau, une raison de plus pour que tu continues à penser ça.

Mes yeux clignaient lorsqu'un faible '' ouais '' sortait de sa bouche. Ouais, j'aurais pas dû avorter? Pourquoi on avait cette conversation,  là maintenant? J'me souvenais au début de l'année quand il m'avait demandé à plusieurs reprises si j'étais certaine du choix que j'faisais. Si j'étais certaine que c'était ce que je voulais, au plus profond de moi. Au final.. j'me rendais compte que c'était pas moi qu'il avait essayé de convaincre mais lui. Ça, je l'avais pas vu venir. Pour le coup, j'restais.. bouche bée. Aucun son ne sortait de ma bouche, j'savais pas quoi dire. Et après un moment de silence, je changeais de sujet en parlant de ma mère. La relation que j'avais elle était en dents de scie, cette femme n'avait pas su m'aimer et me montrer que j'étais sa petite fille. C'était probablement une des causes qui avait jouée dans la grossesse interrompue. Parce que j'savais que je serais une mère comme elle et ça, j'voulais pas faire subir à mon bébé ce que j'avais subi. Elliot m'arrêtait dans mon discours en précisant qu lui, c'était son père qui en avait jamais rien eu à chier de sa vie.  « Désolée.. j'voulais pas balancer ça. » C'était pas mon but, parce que en effet, j'connaissais pas son background avec les liens familiaux étroits. Et je lui posais à voix haute la question qui me brûlait les lèvres, à laquelle il répondait avec un peu trop de franchise. « Si je tombais enceinte, tu refuserais qu'on refasse ce qu'on a fait? » J'étais ptêtre égocentrique avec mon '' je '' sauf que c'était moi sa copine à l'heure actuelle m'voyez. Pourquoi il foutait la confusion dans ma tête maintenant? Putain. Il disait rien lorsque je menaçais de démonter Barbie. J'pense que c'était légitime, j'étais méfiante envers ceux que j'connaissais pas et ce secret m'appartenait. Elliot regardait par-dessus mon épaule, vers l'enterrement et il prenait une gorgée dans sa flasque. Son autre main venait se loger dans la poche de sa veste. Il m'annonçait qu'il préférait s'en aller et je le regardais avec un regard qui voulait dire '' pourquoi tu m'fais ça. '' « Tu vas où? » Malgré cette discussion, le lieu et les évènements, j'me raccrochais à cet espoir qu'on formait encore un couple.