It'll Take a Long Time +++ ft. Hayden

Il me tire à sa suite vers notre "endroit", celui qu'on avait l'habitude de côtoyer avant que tout ne parte à volo. Je ne dis rien pendant ce trajet, me contentant de faire se succéder mes pas après les siens. Nous finissons par nous installer sur les estrades et il ne manque qu'une bière pour rendre le décor semblable au passé. Je ne me souviens pas de la dernière fois où je me suis retrouvé ici en sa compagnie, mais je ne pense pas que ça ait été plus joyeux pour autant.

À ses questions mais surtout son regard, je comprends que je lui dois la vérité sur ma présence ici et je ne vois même pas l'intérêt de lui mentir. Il doit sûrement avoir besoin de savoir et je ne veux pas redémarrer sur des mensonges. Mais parler avec Hayden est compliqué parce qu'il a la fâcheuse tendance à tout prendre personnellement, quand bien même il n'y a pas raison. Alors, je tente de faire attention aux mots que je choisis et croyez-moi, c'est bien la première fois que je fais ça !

"J'ai les mexicains au cul, pour être honnête. Mais de tous les USA, j'me suis dit que ce serait ici, là où tu es, que je devrais retourner. J'sais pas, ça semblait plus logique." Je sors un paquet de clopes de ma veste ainsi qu'un briquet, lui en propose une puis les allume. Je me permets de souffler la fumée avant de répondre à la question n°2.

"Ce n'est pas prévu. Et toi, quoi de neuf ?"

J'écoute ce qu'il me dit et je ne suis même pas étonné. N'empêche, je soupire en frottant ma nuque et dit «T'as fait quoi, cette fois...?» sur un ton de reproche ...mais c'est bien parce que je tiens à lui. Il sait très bien que je lui poserais même pas la question si ce n'était pas le cas. Il me tend ensuite une clope et je la fume pour tenter de calmer mes nerfs qui se sont remit en boule depuis ce qu'il m'a dit et le regarde souffler sa fumée. Un faible sourire s'affiche sur mon visage à sa réponse et je hoche oui en ajoutant «T'étais mieux de me dire un truc du genre...» avant de lui pousser son genoux avec le mien, pour taquiner.

Pour sa question, je prends un peu mon temps avant de dire «Ça peut aller ...J'suis ai toujours mon emploi comme ambulancier ...J'suis quand même stable ...Si on veut. Niveau famille, c'est toujours la même histoire. Tu connais ma soeur...» et je roule des yeux en fumant longuement «...Elle me fait toujours autant chier ...Même que je pense qu'elle est pire depuis que t'es partie. Elle est de plus en plus chiante, sérieusement....» mais bien sur, je reste en surface. Je ne lui dirai pas les mélanges de drogues et alcools que je fais ...Le fait que je ne prenne pas mon traitement assidûment. Je sais très bien comment il réagirait ...et je n'ai pas envie de drama en ce moment. Je veux juste retrouver mon Nikolaï, c'est tout..

Je hausse les épaules. Ce que j'ai fait ? Je suis sûr qu'il n'a pas vraiment envie de le savoir. Disons que j'ai dealé avec les mauvaises personnes. Je préfère encore le rassurer sur ma présence ici plutôt que de parler des conneries que j'ai fait ailleurs.
À mon tour, je lui demande comment est sa vie et vu l'état dans lequel je l'ai trouvé, je commence à me dire qu'il n'a pas vraiment respecté ses engagements médicaux. Seulement, je préfère qu'il soit honnête et en parle de lui-même.

Je constate que soit il me ment, soit si c'est la vérité, elle est moins bonne que mes espérances. Hayden s'est toujours plaint de sa sœur et même si parfois je lui accorde qu'elle est compliquée et étouffante, je sais que ce n'est pas à mauvais escient. Est-ce que je prends le risque de m'embrouiller avec lui maintenant à ce sujet ou... ?

"C'est parce qu'elle t'aime et tu le sais, Hayden. Il suffit juste que tu respectes tes engagements et ses interventions finiront par diminuer. Rassure-moi, tu les prends toujours... ?" Voilà, j'ai posé la question fatidique qui me brûle la gorge depuis que je l'ai revu. Non pas que je sois obsédé par ça, mais j'ai trimé dur pour qu'il accepte sa condition et qu'il deale avec tous les jours. Qu'il comprenne que oui, il est lui, il est comme ça et que j'accepte ça, mais qu'il a tout autant besoin de s'aider avec ces petites pilules.

Il évite ma question et ça me fait chier. J'en serre les dents et passe les paumes de mes mains sur mon jeans afin de me calmer un peu. C'est légitime comme question, non? Je veux savoir ce qu'il a fait pour que les Mexicains soient à ses trousses! Néanmoins, je lui répond à sa question et parle un peu de ma soeur qui m'agresse souvent avec ma condition. Ce qu'il me dit me fait rire jaune et je hoche non en passant mes mains dans mes cheveux «Elle devrait plutôt se mêler de sa propre vie avant de vouloir gérer la mienne, ouais! Elle aussi a des problèmes mais elle adoooore les éviter en tachant de régler ceux des autres dans le but qu'on la voit comme un model à suivre! C'est de la pure bullshit, si tu veux tout savoir!» puis rebaisse la tête pour tenter de formuler ma prochaine phrase.

J'ai bien entendu sa dernière question ...mais comment lui répondre? Ah, ça! Je prend un grand respire et dit «Je vais mieux, Nikolaï. J'ai changé, depuis que t'es parti. Comme je t'ai dit, j'ai un bon boulot ...Je me débrouille bien dans la vie. Ça va.» Honnêtement, je ne vois pas le besoin de prendre mon traitement si je me sens bien. De plus, celui qui m'obligeait à le prendre est parti au Mexique pendant un an. Il s'en passe des trucs, en un an, laissez moi vous dire! Je frotte mon poing, l'air calme mais au fond, je bouille intérieurement. J'ai eu beaucoup d'emmerdes cette année, aussi ...J'ai fait un peu de prison ...Quelques jours et c'est tout, mais n'empêche. Si mon frère n'avait pas trouvé l'argent pour m'en libérer, je serais toujours là aujourd'hui, sans doute.

Il n'en démordra pas et ça ne sert à rien de continuer sur cette voix-là. Il n'arrive toujours pas à voir ce que sa sœur tente de faire pour lui, mais il comprendra plus tard. J'en suis certain. En attendant, il faut qu'on change de conversation parce que je sens qu'il va péter un câble si je continue d'en parler. Preuve de plus qu'il ne prend peut-être plus son traitement d'ailleurs... Ce dernier est sensé lui permettre de canaliser ses humeurs.

"Tu n'as pas répondu à ma question, Hayden. Ce qui veut tout dire." Je secoue la tête, déçu. Je veux bien reconnaître que j'ai une part de responsabilité là-dedans parce que je suis parti du jour au lendemain, mais est-ce une bonne raison ? Non, certainement pas. Des insultes passent dans ma tête mais ne sortent pas par ma bouche, fort heureusement. J'essaye de trouver les mots mais fuck, c'est pas mon truc ça ! J'suis pas conseiller après tout...

"Je sais que tu ne me dis pas la vérité. Mais okay, j'vais pas te forcer de toute façon. T'as pas envie de me parler, c'est ton choix. T'as sûrement d'autres personnes plus proches à qui te confier ou qui peuvent t'aider. T'as eu des copains depuis que j'suis parti ?" Je tire sur ma cigarette. On aborde les sujets délicats mais il le faut bien non ?

Je serre les dents. Toi non plus, le con! T'as pas répondu à ma question! La mâchoire serrée, je dis alors «Des gens plus proches??? T'es sérieux, la!? et nah, j'ai pas de copain. J'ai bien baisé des centaines de mecs depuis ton départ, mais l'amour ...Nah.» Bon. J'exagère un peu avec les centaines, mais ce n'est que pour le faire chier un peu. Lui rendre la monnaie, quoi. Lui démontrer qu'il n'aurait jamais du me quitter comme ça! Énervé, je me repositionne un peu et kick une roche du bout de mon pied.

Croisant les bras en penchant mon corps vers l'avant tout en m'appuyant sur mes jambes, j'ajoute «Je me sens bien, okay? J'en ai plu besoin. Je me sens mieux que jamais, même! C'est bon?» puis le regarde «et stp, si tu veux rester en vie, ne commence pas à me faire la morale toi aussi, compris!?» en haussant un peu la voix. Ce qu'il m'énerve, merde! J'étais tranquille avant qu'il débarque à nouveau dans ma vie!

Ouai, les centaines de mecs, ça m'étonne même pas. Hayden est du genre à se dépenser de cette façon, qu'il soit heureux ou triste d'ailleurs. Mais bon, je n'ai pas mon mot à dire à ce sujet, on n'était pas ensemble alors... C'est juste frustrant parce qu'il me semble pas avoir été aussi ouvert aux autres depuis mon départ.

"C'est pas la peine de t'en prendre à moi là. Mais t'sais quoi, débrouille-toi. T'es adulte, y'a que toi que ça regarde." Bien sûr, je ne pense rien de tout ça. J'ai envie de prendre les médocs et de les enfoncer au fond de sa gorge parce que c'est ça qui lui rendra sa vie et sa confiance en lui. Mais non. Il pense qu'il est bien sans et j'en ai marre de me battre contre cette pensée. J'ai passé des mois à lui faire comprendre que l'état d'endormissement suite à la prise du traitement n'était que passager et il a foutu tous mes efforts en l'air en l'espace de quelques secondes, je parie ! Vous voulez que je dise quoi après ça hein ? Il ne veut clairement pas qu'on l'aide, eh bien qu'il se débrouille. J'suis pas sa mère... Même si ça me tue de le voir comme ça.

Je tire une nouvelle fois sur ma cigarette et la termine. Franchement, c'est tellement tendu là que j'ai juste envie d'aller à l'hôtel, seul et de me reposer. Même pas envie de baiser parce qu'il m'a énervé avec ses conneries. Il ne comprendra jamais.

"Bon, j'te laisse tranquille."

À ce moment, je ne veux même plu croiser son regard. Mes yeux sont rivés vers le sol et ma jambe gauche tremble un peu sous l'énervement et le stress que je ressens à présent. Il me dit de ne pas s'en prendre à lui ...mais c'est difficile de faire autrement! C'est lui qui m'a quitté! et oui, je ne l'ai pas suivi. Certes, mais j'aurais foutu quoi au Mexique??? Je venais de commencer un bon job payant! Je n'étais pas pour tout foutre en l'air, quand même!

Mon coeur se serre lorsqu'il semble vouloir partir. Je relève alors mon regard vers lui. Un regard de haine mais ...un regard blessé à la fois. D'une voix sombre, je dis «C'est ça, va t'en. Laisse moi tranquille, comme tu dis! C'est en pleins ce qu'il me faut, de la tranquillité!» puis je me relève d'un bond avant de frapper fort sur une poutre en bois pour ensuite partir en sens inverse. Les jointures saignantes.  

Je pige que dalle à ce qui se passe, je ne comprends pas ce qu'il veut que je fasse. Revenir en arrière ? C'est impossible. Je suis de retour, c'est déjà pas mal non ? On dirait qu'il fait tout pour m'écarter de son chemin et je commence à me demander si je ne devrais pas respecter ça et m'en aller. Ou du moins, pour ce soir, le laisser tranquille. Il n'a peut être pas besoin de moi ce soir... Je lui fais donc savoir que je vais le laisser en paix pour la soirée, mais là encore, sa réaction me rend perplexe. Il veut que je parte ou que je reste ? C'est à n'y rien comprendre.

"Putain mais tu veux quoi Callaghan ??? Je te propose de me suivre au Mexique, tu veux pas puis tu me reproches d'être parti sans toi. Je reviens, je te dis que je m'inquiète pour toi et toi, tu me rejettes ! J'essaye de me soucier de ta vie et tout ce que tu fais, c'est de me mentir et m'engueuler ! Ptn j'suis pas ta mère okay ? Respecte-moi un peu !" Je shoote dans une canette, furieux à mon tour. Je ne souhaitais pas que ça se passe comme ça mais tant pis. De toute façon, c'est rarement tout rose et tout beau entre lui et moi. Faut toujours que ça parte au quart de tour. Ce que ça peut être épuisant, parfois...

"Tu pourrais pas juste dire la vérité pour une fois ??? Au lieu de jouer au Mr Je Suis Fort Tout Seul Sans Les Autres ? J'te rappelle que je suis encore sous un mandat d'arrêt ici parce que j'ai tenté de résoudre TES petits problèmes. Alors sois tu me prends comme je suis en acceptant que oui, je vais te faire chier pour tes médocs mais que c'est parce que je t'aime, SOIT tu me largues une bonne fois pour toute. Mais ptn de merde, arrête de faire semblant Hayden !!! Ce n'est pas un jeu, c'est la vie !" Je souffle rapidement. Je n'avais jamais autant parlé de ma vie, même moi ça m'étonne ! Mais au moins, c'est dit. Si ça se passe mal, au moins j'aurais fait ce que j'ai pu

Il se met à m'engueuler et immédiatement, la rage me monte au coeur. Je serre mes dents et mes poings et dit «Je ne t'ai pas suivi au Mexique car pour UNE FOIS dans ma vie, j'avais réussi à faire quelque chose de bien de ma vie! Ce job d'ambulancier, bah j'en étais fier! et je le suis encore, d'ailleurs! Je m'en sors foutrement bien, pour un Callaghan! C'est rare, dans ma famille! Si je t'avais suivi, j'aurais du quitter et tenter de me retrouver un emploi là-bas et peut-être que j'serais tombé sur un emploi de merde! Fort probable, même! et je n'avais pas envie de ça!» puis je kick la même canette que lui.

Je m'allume une clope pendant qu'il continu à chialer comme un bébé et le regarde intensément. Limite, avec un regard de tueur. Quand il fini, je le prend vite à la gorge et l'écrase contre la clôture. À deux pouces de son visage, je l'observe galérer un peu avant de le lâcher en le jetant au sol ...pour ensuite le relever par le collet ...Le frencher et le jeter à nouveau au sol. J'suis tellement perdu que je ne sais pas comment réagir à sa déclaration. Du coup, je fume ma clope comme si c'était ma seule source de vie, le dos tourné à lui. J'vais pas lui dire «Je t'aime», ce serait trop facile. C'est ce qu'il veut ...et il m'a tellement fait chier qu'il ne l'aura pas. Je fini donc par repartir sans un mot. Si il me suit, tant mieux. Sinon ...Bah qu'il aille se faire foutre. Je m'en bat les couilles.