Dans la chambre d'hôpital de Bambi ne régnait qu'un grand silence, entrecoupé de quelques bips. D'un point de vue extérieur, l'italienne semblait dormir du sommeil du juste, surveillée de près par un monitoring, un masque à oxygène sur son visage. Pourtant, il n'en n'était rien. Plus tôt dans la journée, elle avait été l'une des nombreuses victimes d'un accident de bus, et sortait de chirurgie après un arrêt respiratoire. Ses poumons étaient sévèrement endommagés et personne ne savait quand ni si elle se réveillerait. Jusqu'ici, les seules personnes à lui avoir rendu visite faisaient partie du corps médical, mais c'était sans compter sur la présence de son abominable mère. Cette dernière avait insisté à rester dans cette fameuse chambre, toisant sa fille avec froideur, attendant patiemment non pas que cette dernière se réveille... mais que l'un de ses toubibs ne vienne. Ce fut bientôt le cas avec un jeune interne prometteur, dont Anya Corleonesi connaissait déjà le visage. Comment, mystère. Monsieur Bishop, je présume ? le toisa-t-elle à présent avec le même côté supérieur, comme s'il n'était rien, ne représentait rien. Fort bien, nous allons gagner du temps... comme je ne crois pas aux miracles, et que je suis responsable de son destin ici, vous allez me donner un formulaire de non réanimation... et sans faire d'histoire, n'est-ce pas ?
Un accident de bus... Adrian avait été horrifié en apprenant que parmi les victimes se trouvait sa petite amie, donc il avait immédiatement contacté le père de celle-ci. Il ne l'avait pas encore rencontré mais Bambi lui avait dit de le contacter si jamais quelque chose lui arrivait... Et c'était le cas aujourd'hui ! Le jeune australien travaillait aux urgences aujourd'hui et il avait été dans l'obligation de gérer plusieurs cas à la fois dont celui de sa chérie. Il avait du lutter pour rester maître de lui-même parce que voir sa petite amie dans cet état, c'était dur pour lui. Mais il avait des devoirs envers les autres blessés donc il avait réussi à maîtriser la situation. On l'avait félicité parce qu'il avait su prendre des initiatives et il s'était presque retrouvé en tant que chef des internes présents aux urgences à ce moment-là. Ne sachant guère combien de temps il avait passé loin de sa petite amie qui venait de sortir de chirurgie, il se hâta de mettre un pansement à une petite fille blessée puis il prit le dossier de Bambi et il se rendit jusqu'à sa chambre. Il ne fut pas surpris de voir son horrible mère, on l'avait prévenu mais le jeune homme était prêt à l'affronter. « Bonjour Madame » dit-il d'un ton courtois, sans réellement faire attention à ce qu'elle disait. Il se contenta de faire son travail. « Navré de vous décevoir, vous n'êtes nullement autorisée à signer ce formulaire en question. Seul Monsieur Corleonesi en a l'autorité. » répondit-il finalement tout en regardant cette femme qui pensait réellement lui faire peur.
Plus hautaine que jamais, Anya savait parfaitement à qui elle avait affaire. Selon ses sources, sa fille s'était entichée du même jeune homme lui faisant actuellement face, partant du principe que seul son mari pouvait signer ce maudit formulaire... hors de question. Oh vous auriez pu être responsable de cette signature mais il me semble que vous n'êtes personne, et surtout pas son mari... commode, n'est-ce pas ? Voyez-vous, le mien n'est pas le seul à avoir autorité sur ma fille. Je suis sa mère, présente en ces lieux alors que je ne vois aucune trace de mon mari ici. Ne jamais oublier que le bel australien faisait face à une avocate de renom, parfaitement au courant de ses droits... surtout de ses droits, et qui n'avait cure du fait que Bambi puisse l'entendre à ce moment précis. Je vous conseille d'être docile et de m'apporter ce formulaire ou je vais devoir viser plus haut et écorcher quelque peu votre nom au passage... n'ayez aucune crainte, je sais parfaitement à qui j'ai affaire. Vous en revanche... vous vous êtes entiché d'une mourante, mauvais choix.
Il se doutait qu'il affronterait une femme horrible, mais à ce point-là il ne s'y attendait pas du tout. Sauf qu'elle ignorait clairement à qui elle avait affaire. Elle pensait sincèrement qu'elle lui ferait peur avec ces viles menaces, mais alors pas du tout. Il la laissa parler, débiter son venin tandis qu'il la regardait avec un calme olympien. « Je sais parfaitement à qui j'ai affaire, Madame Anya Corleonesi. Vous faites partie des avocates les plus douées de votre profession, avec des méthodes peu conventionnelles mais qui fonctionnent toujours. N'est-ce pas ? » dit-il avec son calme légendaire. Elle semblait oublier qu'il faisait partie d'une femme ayant une influence mondiale dans la justice donc il savait où chercher. « Donc, tout ce que vous pourriez dire ou faire, n'aura aucune influence sur moi. Vous n'êtes pas autorisée à signer ce formulaire. Votre nom n'y figure pas et si vous outrepassez vos droits, vous pensez que vous en sortirez ? » elle comptait réellement s'attaquer à lui ? Un fils de politicien qui a été formé dans l'art de l'intimidation. « Je ne vous laisserais jamais faire du mal à Bambi et je peux vous assurer qu'aujourd'hui sera la dernière fois où vous la verrez ».
Ce fut un rire cynique qui accueillit les propos d'Adrian, comme si rien de ce qu'il ne pourrait dire n'était susceptible de l'atteindre. Je trouve absolument fabuleux que vous soyez si bien renseigné sur moi alors que vous connaissez si peu la femme que vous dites aimer... étrange, n'est-ce pas ? S'il voulait jouer à ce petit jeu, ils seraient deux. Anya n'avait peut-être pas l'habilitation pour signer ce foutu formulaire, mais briser la vie de sa fille, ça, elle était passée experte. Comme le fait que son père soit un parrain mafieux... ou qu'elle ait déjà manqué d'être mère ! La liste des choses que vous ne savez pas est tellement longue... mon pauvre ami, les femmes sont viles et fourbes de nature. Mais ça, vous le savez déjà... Non sans le toiser avec une froideur extrême, elle s'approcha dangereusement de lui, les yeux lançant des éclairs. Aujourd'hui je perds. Et pour gagner... il faut savoir perdre. Mais n'ayez pas la naïveté de croire que j'en resterai là. Et elle quitta la chambre. Avait-elle eut le flair de sentir que Bambi se réveillait ? Impossible à dire. Mais l'italienne bougeait dans son lit, et tendait d'ouvrir les paupières, son corps douloureux l'empêchant de parler distinctement. Mmh... Elle revenait de loin.
Si ça ne tenait qu'à lui, Adrian aurait giflé cette femme qui lui faisait face. Mais il gardait son calme tandis qu'elle déversait encore son venin. « Ne vous inquiétez pas, je m'attendais à ce genre d'aveux de votre part. » dit-il simplement alors qu'elle était clairement en train de cracher sur sa fille. Comme s'il en avait cure qu'elle soit fille de mafieux ou encore qu'elle ait failli être mère... Certes il aurait préféré que la jeune femme lui en parle elle-même mais cela n'allait pas briser tout ce qu'il ressentait à son égard. La fourbe s'était rapprochée de lui pour ajouter qu'elle avait perdu mais qu'elle n'abandonnerait pas pour autant. « Je n'attends pas moins de vous... » répondit-il d'un air qui voulait clairement dire qu'il se fichait royalement de ce qu'elle pensait. Surtout que sa petite amie était en train de se réveiller là. « Mon amour, je suis là. » dit-il d'une voix douce tenant aussitôt la main de la jeune femme.
Un dernier sourire suffisant avait ourlé les lèvres d'Anya Corleonesi avant que cette dernière ne quitte définitivement la pièce, et son venin avec elle. Ce fut sans doute ce qui permit à Bambi de revenir dans le monde conscient, à émettre de petits sons caractéristiques malgré la douleur. Entendre la voix d'Adrian fut comme une sorte de signal, une aide pour lui forcer à ouvrir les yeux, ce qu'elle fit après de multiples tentatives infructueuses. Où... où je suis... articula l'italienne avec une extrême difficulté, non sans serrer délicatement la main de son homme dans la sienne. Elle était là, bien là, saine et sauve malgré ses blessures et son diagnostic peut engageant au départ... comme quoi, la jolie brune venait de prouver à quel point elle était battante, et combien elle avait de raisons de rester en vie désormais. Elle... elle était là n'est-ce pas ? se rit-elle cependant à paniquer en sentant le parfum de sa mère dans la pièce, affolant le monitoring cardiaque qui venait de se mettre à biper violemment.
Cette conversation avec la mère de Bambi avait mis le jeune australien dans un état assez particulier, mais il retrouva vite le contrôle de ses émotions lorsqu'il entendit la voix de sa petite amie. Celle-ci semblait être en train de se réveiller, ce qui le soulageait complètement. Il avait tellement eu peur de la perdre... Il s'était aussitôt précipité à ses côtés afin de lui tenir la main et lui montrer ainsi qu'il était là pour elle. « Tu es dans une chambre d'hôpital mon ange... » dit-il d'une voix légèrement enrouée, il était complètement ému mais il ne pouvait pas encore craquer. Sa petite amie avait besoin de lui en pleine possession de ses moyens. Alors qu'il serrait tendrement ses mains dans les siennes, la jeune femme se mit à paniquer lorsqu'elle comprit que sa mère avait été présente. « Malheureusement... Mais elle est partie maintenant ! Ton père ne devrait plus trop tarder mon cœur. C'est la première personne que j'ai contacté lorsque tu as eu ton accident... »
En théorie, Bambi se plaçait toujours parmi les soignants, ceux capables d'aider les autres et détestait par dessus-tout prendre la place d'un malade. C'était le cas aujourd'hui, la douleur dans sa cage thoracique et dans sa jambe lui indiquant sans peine qu'elle avait été opérée il y a peu. La donne lui arracha une large grimace tandis qu'elle essayait de bouger, sans toutefois y parvenir. Je ne veux pas rester ici... pitié... le supplia-t-elle littéralement, posant sur Adrian un regard implorant à déchirer n'importe quel cœur. L'italienne était mal, angoissée, se sentait comme dans une sorte de mouroir et la présence de sa mère, encore vive dans la pièce, augmentait énormément son angoisse. D'ailleurs, son homme confirma son passage sans mentir une seconde, serrant délicatement ses mains en tentant de la rassurer... mais en vain. Le mal était fait. Elle ne va pas s'arrêter là... s'agita-t-elle en serrant si fort la main d'Adrian qu'il pût très certainement sentir toute sa détresse. Maintenant qu'elle me sait faible, elle agira en conséquence... mais tu as bien fait de prévenir mon père, mon ange. Je voudrais qu'il soit déjà là... qu'à vous deux, vous éloigniez cette harpie qui ne me veux pas seulement du mal...
Adrian avait fait preuve d'un sang froid exceptionnel aujourd'hui alors que la situation pouvait clairement le faire craquer... Déjà retrouver sa petite amie dans un lit d'hôpital, c'était difficile à encaisser mais c'était encore pire lorsque la mère de celle-ci essayait à tout prix d'obtenir le droit de la faire mourir. Cette rencontre avait été horrible pour le jeune homme mais il avait su se maîtriser parce que sinon, il l'aurait mise en pièce cette horrible personne. Il s'était dit qu'il devait rester fort pour la beauté qui luttait actuellement pour sa vie... Finalement, Bambi revenait à elle et il s'était précipité à ses côtés pour lui témoigner de sa présence. « Je sais mon cœur... Mais tu as eu un grave accident et nous ne pouvons pas encore t'autoriser à sortir... Néanmoins je te promets que je vais faire de mon mieux pour que tu puisses vite quitter ces lieux. » dit-il avec douceur, essayant de bien expliquer pourquoi il ne pouvait pas encore accéder à sa requête. Par la suite, elle semblait avoir remarqué la présence de sa mère quelques minutes plus tôt et il ne put lui mentir sur le sujet. Néanmoins il lui disait qu'il avait prévenu son père et que celui-ci arriverait tôt ou tard. « Oui ton père et moi, allons tout faire pour te protéger de cette femme... Elle ne pourra plus exercer son pouvoir pour te briser. » s'exclama-t-il les yeux brillants d'une détermination sans faille. Il allait empêcher cette harpie de briser son couple, de tuer sa petite amie.