You here ? (Oliver)

Le temps est doux encore. Et ça permet de profiter encore un peu avant de devoir me couvrir comme un oignon pour passer la moindre demi-heure à l'extérieur. Et depuis que je suis descendu du bus qui fait la liaison avec Boston, je n'ai pas envie de rentrer à la Lowell.

Mon dernier cours ayant été annulé hier et ma belle-soeur m'ayant demandé quand je passerais à la maison, on s'est finalement organisé un souper. Selon nos habitudes, ça a fini assis au salon, devant un film. Sauf que je m'y suis endormi et elle n'a pas voulu me réveiller. Mon aîné, lui, ne s'est pas gêné très - beaucoup trop - tôt ce matin, quand il a réalisé que le fait que je dormes sur son canapé pouvait lui apporter des crêpes au petit déjeuner.

Ça en résulte que le soleil n'est pas encore au zényth et que je vadrouille en ville, un peu au hasard, à profiter de l'air frais. Je ne suis pas rester à la maison, même si j'aurais pu, mais je n'avais pas envie de m'y enfermer alors qu'ils allaient tous les deux travailler. Et puisque j'ai déjà fait l'exercice du cours de photos d'aujourd'hui, je n'ai pas besoin de m'y présenter et aie ma journée libre. Traversant l'un des nombreux parc de Cambridge, mon regard scanne la foule, accrochant sur quelques détails, posant sur mes lèvres un sourire permanent. Et je connais cette sensation : l'inspiration du moment. Je sais d'avance que je vais capter plusieurs images dont je serais fier. Alors, sortant mon appareil-photo de son étui, je me penche et l'active pour immortaliser une petite fille blonde en manteau colorée qui court après les oiseaux suivi de son chien …à manteau tout aussi coloré.

Je risque de passer un moment dans ce parc, pour l'instant, c'est une mine d'or d'images.

La carte mémoire de mon appareil photo se rempli progressivement alors que le temps file doucement. Les gens semble s’être concerté en partie pour vider quelques peu le parc, s’entassant probablement dans les restaurants où maisons des alentours pour partager un repas. J’imagine que je devrais faire pareil, mais honnêtement, je ne ressens pas encore la faim. Les crêpes de ce matin remplissent encore bien leur fonction et mon estomac, alors je n’ai pas à m’inquiéter.

Faisant tout de même une pause, je prends le temps de regarder les clichés qui s’entassent. La plupart sont des instants croqués sur le vif, des moments naturels, qu’un jeu du cerveau ne peut venir trahir. J’aime ces moments. Que ce soit le sourire plus que sincère d’un enfant qui rit ou les pas de danses égarés de l’adolescente qui oublie, toute à sa musique, qu’un univers l’entoure ou encore la posture de l’homme amoureux qui parle au téléphone. Ce genre d’instants où le corps reflète l’esprit sans trahison, sans complexe.

Fier de quelques clichés, je relève les yeux, près à me coller à nouveau au viseur une fois que j’aurai trouvé mon nouveau sujet. Mon regard accroche la silhouette d’un mec assis sur banc, penché vers ce que je devines être un chien d’après les pattes que je vois dépasser sous le banc. Étant derrière eux, je n’ai malheureusement pas la meilleure vision pour immortalisé un possible lien. Décidant de m’approcher un peu, je choisis de ne pas faire le tour comme je l’avais initialement prévu, laissant finalement tomber l’idée de la photo.

- Tiens, tiens, mais qui voilà? Questionnais-je en m’appuyant sur le dossier du banc. M. Sexy Jax est de sorti aujourd’hui?

Un sourire étire mes lèvres quand il me salue après avoir réalisé qui venait le déranger dans sa séance de copain-copain avec son chien.

- Je vais très bien, je te remercie, fis-je. Et toi?

Il m'explique que son chien avait besoin de sortir, puisqu'il a foutu le bordel dans sa chambre la dernière fois que Jax est resté dormir à la Lowell. Haussant un sourcil, je tourne la tête vers le chien qui me regarde. On dirait un croisement avec une peluche géante : il est énorme, mais il a pas l'air agressif pour deux sous. Après, j'ai pas vraiment l'habitude avec les chiens, donc je peux facilement me tromper. Ce qui me fait tiquer, c'est plutôt le fait qu'il me dise que sa bestiole est jalouse. Je vais avoir des problèmes si je m'approche de Jax en sa présence? Genre si je me colle sur lui ou l'embrasse, il voudra me mordre ou me grognera après? Ça ne risque pas d'arriver pour l'instant puisqu'on est en public, mais quand même, je veux pas avoir de problèmes et que Jax se retrouve coincé à choisir entre ma présence où celle de son animal.

La voix du grand tatoué ramène à nouveau mon attention sur lui et je lui souris quand il passe une remarque pour mon appareil-photo. La dernière fois qu'il l'a vu, c'était en studio et c'était loin d'être comme aujourd'hui.

- La faune local et l'ambiance du parc. C'est le sujet d'aujourd'hui, souris-je. Donc tu peux garder tes vêtements, ajoutais-je plus bas avec un sourire entendu.

Riant doucement, je me tais cependant à l'arrivée d'une petite fille qui s'intéresse à la peluche sur pattes. Laissant le chien et le maître faire avec la curieuse, j'en profite pour ranger mon appareil dans l'étui avant de passer par-dessus le dossier quand la visiteuse repart. M'installant aux côtés de Jax, gardant une distance raisonnable pour deux amis, je fouille dans mes poches de manteau pour en extirper mon paquet de cigarettes, lui tendant en premier pour qu'il se serve s'il en a envie.

- Ha! Au fait…

Retirant ma tuque, passant la main dans mes cheveux pour attirer son attention, je secoue légèrement pour lui montrer le changement. Ça fait partie de la raison de ma visite chez mon aîné hier, Shirley m'a finalement couper les cheveux. Pas trop courts, même si je ne peux plus les attacher, mais disons que ça se remarque assez bien que j'en ai moins quand le vent décide de passer sur ma nuque. Je l'ai laissé s'amuser et au final, elle m'a fait cocoter sous une teinture - temporaire heureusement - pour que j'aie la tête plus caramel foncé que doré comme le blé. Ça j'ai un peu plus de difficulté, mais bon c'est quand même pas rose furby, donc ça va. Et puis, elle m'a dit que ça partirait au bout de deux ou trois semaines, donc que j'avais pas à m'en faire si ça me plaisait pas.

- Qu'est-ce que t'en dis? Le questionnais-je.

J’hoche la tête à sa première question avant qu’un léger rire ne franchisse mes lèvres. Il est parfaitement au courant maintenant que je suis pas du matin. Pour le peu que j’arrive à dormir correctement, je ne me lève pas tôt de par moi-même. Et mon cerveau ne fonctionne pas très bien avant les premières gorgées de café. Je ne sais pas si c’est une conséquence directe de mes insomnies fréquentes, mais je suis plutôt « marmotte dans son terrier » quand le soleil se lève. Le bon point, c’est que je ne ronfle pas apparement, mais je suis difficile à réveiller et ‘faut parfois rester près de moi pour s’assurer que je me lève et ne me rendorme pas.

- Mon aîné est d’une délicatesse incroyable quand il s’agit de me réveiller. Surtout si c’est son estomac qui parle. …il m’a poussé en bas du canapé, ce matin, expliquais-je. Je m’y suis endormi en regardant un film avec ma belle-soeur hier.

Elle était assez adorable pour me laisser dormir et même me border en me couvrant de l’une des doudous de molletons qu’elle adore. Le réveil, par contre, disons que c’était pas aussi délicat!

Parlant de ma visite chez Jason hier, j’en retire ma tuque, montrant à Jax les résultats des expérimentations de Shirley. Je lui ai laissé carte blanche et au final c’est plus court que ce que j’avais prévu, mais ça ne me dérange pas. Ce sur quoi je bug plutôt sur la couleur. Ça me fait étrange de voir ma tête plus foncé. Même si, bon, j’ai déjà fait pire.

La cigarette entre les lèvres, prêt à l’allumer, je m’arrête dans mon mouvement lorsqu’il passe sa main dans mes cheveux. Par plaisir, je ferme un instant les yeux, avant de les réouvrir pour le regarder, lui offrant un sourire.

- J’ai de la difficulté à m’habituer, avouais-je. J’ai rarement eu les cheveux teints, expliquais-je. T’aurais probablement rit la dernière fois que c’est arrivé, fis-je avec un sourire en coin.

Laissant un instant pour laisser l’effet se faire, j’allume ma cigarette et en tire une bouffée.

- Tu vois le rose flash thématique de la Cabot House? le questionnais-je. Bah je les avais de cette couleur en juin dernier. Trois semaines pour un défi, riais-je.

- Qu'il soit plus jeune ou plus vieux, le but d'un frère est d'emmerder gentiment l'autre, fis-je remarquer avec un rire. On se fait des vacheries à tour de bras, Jason et moi. Je suis habitué t'en fait pas. Et pour info, techniquement, je suis un grand frère aussi, mais disons que c'est compliqué de ce côté, dis-je avec une légère grimace de contrariété.

Parce qu'après être partie, ma mère n'est pas simplement rester dans un coin du monde à attendre que le temps passe. Elle s'est refait une vie et elle a eu notre petit frère. Elle ne nous a pas oubliés, mais avec le paternel autour, j'ai cru comprendre qu'elle avait dû renoncer à revenir nous voir. J'ai pas demandé vraiment ce qui s'était produit puisque, après considération, je m'en fous un peu. On peut se voir maintenant et c'est pas mal tout ce qui compte. Peut-être qu'un jour, on aura cette discussion, mais ça ne presse pas vraiment.

Informant Jax pour les cheveux roses, je peux comprendre son aversion pour cette couleur. Du moins pour un mec de ce que j'en déduis à ses dires. Je me joins facilement à son rire lorsqu'il dit se transformer en youtubeuse beauté. J'apprécie son compliment cependant.

- Faut que je commence à m'inquiéter pour toi si je vois du rouge à lèvre dans ta chambre alors ou je devrai comprendre que tu veux aller faire un tour chez Mado? Me moquais-je doucement avant de réaliser qu'il ne sait probablement pas de qui je parles. Mado Lamotte est une drag queen qui -entre autre- possède un cabaret, précisais-je. C'est en quelques sorte une icône pour la communauté gay de Montréal. Disons que "Ça" a fait sauter plusieurs barrières, expliquais-je. Je t'avais dit que je ne suis pas vraiment américain? Le questionnais-je en riant, tirant sur ma cigarette.

En vrai, je sais plus ce que je lui ai dit ou non, ce qu'il est au courant à mon sujet ou non. Faut dire que la plupart de nos rencontres se passent, en majeure partie, le dos contre un matelas ...ou autres surfaces aussi parfois.

- Si non, bah, maintenant tu sais d'où vient mon accent et mes expressions parfois étranges, fis-je, amusé.

On m'a dit à quelques reprises que, si c'était pas particulièrement agressant, ça finissait par se remarquer. J'ai pas de mal à le comprendre et j'en suis pas vexé non plus. Ça me fait rire, au contraire, la plupart du temps.