Cette crispation, cette ambiance, j'aurais fait n'importe quoi pour la détendre pour me détendre, pour faire s'évaporer mes peurs idiotes. Alors je me répétais mentalement ses textos rassurant, je nous mettais plus à l'aise en l'entrainant sur le canapé puis je fais le zouave deux secondes en zipant mes lèvres, donnant ainsi mon accord à la jeune femme quant à ses conditions. J'allais me taire et l'écouter jusqu'au bout. Alors ça commençait mal. Un prof. Elle allait me larguer pour ce prof. TG Den, elle a dit qu'elle te larguerait pas. Écoute un peu. Je clignant des yeux, me recentrant sur ses débuts de révélations. Le mec tabassé. Je fronçais les sourcils en écoutant ça, les problèmes d'argent, les menaces sur Ash. Son regard accrocha le mien. J'ouvrais la bouche pour commenter et me ravisais en me rapellant ma promesse. Je crois qu'à ses yeux, l'étincelle qui y brillait, particulière, je sus à cet instant que le pire restait à venir, que mes petites craintes débiles et égocentriques d'un rival, d'un stop étaient complètement débiles. Elle reprenait, évoquant son week-end dans le New Hampshire. J'hochai lentement la tête pour signifier que oui, je m'en souvenais. Et ce que je redoutais, ce que j'avais pressenti dans ses yeux la minute d'avant se confirma. Je déglutis difficilement. Ash se faisait hésitante dans le choix de ses mots. Elle avait détourné les yeux, manquant l'expression horrifiée qui peignait soudainement mes traits. Mon envie de l'ouvrir, de pester. Mes poings qui se serraient, la jointure de mes doigts qui blanchissait, mes dents qui se serraient. Ash enlevée. Et je me souvenais à merveille de ce week-end là. Sa disparition. Le loft sans dessus dessous. Le stress. L'angoisse. Sans nouvelle... Et sa réapparition. Ses bleus. Son visage tuméfié. Comment j'avais pu ne pas le voir ? Ne pas comprendre ? Et elle n'avait pas finit. Elle parlait de Darren et me révélait alors ce que miss Burberry avait pressenti : pas son ex. Ce type était flic sous couverture qui avait tenu ce rôle de petit ami pour assurer sa protection. J'avais envie de la couper d'un "pourquoi tu me l'as pas dit" mais j'avais promis de rester silencieux. Puis elle ajoutait qu'elle n'avait pu en parler à personne. Et quand à nouveau la lumière se fit sur ses problèmes de sommeil que j'avais bien noté, je me foutrais des baffes de ne pas avoir compris plus tôt, d'avoir mis ça sur le compte de l'état de son père, ou plus récemment ses prises de têtes avec Ivy. Et puis nouvelle information : Darren n'était pas Darren mais en fait Declan. Le lieutenant Yates-Hamilton. Et sa dernière phrase je l'entendais à peine. Abasourdi par toutes ces révélations. "Ces gars là ils les ont arrêté ? Je vais les buter..." rageai-je entre mes dents. Et dieu sait que dans la bouche d'un peace and love dans mon genre, ce genre d'expression de violence c'était fort. Incapable de penser à moi-même, à tout ce que cela provoquait en moi, qu'elle m'ait menti, qu'elle m'ait caché tout cela, ce que ça disait de la fragilité de sa confiance en moi, de la fragilité de notre lien; sur le coup je n'y pensais pas du tout. De toute façon c'était de ma faute. Si elle ne me parlait pas. Si elle ne s'était pas confié avant. C'était parce que j'étais un piètre meilleur ami, probablement obnubilé par mes sentiments pour elle. J'étais donc d'abord fou furieux contre ses agresseurs. Et lorsque mon regard se posa sur elle, ma colère se changea en inquiétude. C'était juste à elle que je devais penser. Et elle avait pas besoin de me voir péter un plomb. Et ses yeux rivés sur sa bouteille, ses doigts s'activant sur l'étiquette, elle paraissait si... mal.. . "Ash..." Mes doigts stoppèrent les siens, doucement. Et tirant délicatement sur sa main, j'ecartais les bras pour venir l'enlacer. "Ash... Je suis désolé..." Soufflai-je en la serrant contre moi. Désolé de ce qu'elle avait du endurer. Ce qu'elle avait vécu. Ce qu'elle du garder pour elle.