NINA ✻ Les échos du passé

Il y a de la pluie, un vent capricieux et aucune volonté de se battre contre les éléments. Boston a connu de plus belles journées, mais visiblement le beau temps se paye. Qu’il regrette les doux rayons lumineux qui caressait son visage il y a quelques heures à peine. Ajoutez-y qu'la dame de la météo n’est pas très optimiste quant aux jours à venir. L’homme se réfugie dans le renfoncement d’un bâtiment en attendant que ce rideau d’eau finisse par se calmer. Loin de là les espoirs, il préfère s’asseoir sur une espèce de muret et sort son téléphone. Ecouteurs dans les oreilles, il camoufle sa condition de prisonnier par la nature en se plongeant dans sa bulle de musique. C’est jusqu’à ce qu’on vienne perturber l’harmonie récente. Une demoiselle, également victime de la tempête. Il la regarde du coin de l’œil, ne comptant pas faire la conversation avec une inconnue. Sauf que l’inconnue n’en est pas une. Une fois les cheveux retirés de son visage, il reconnait les traits de Nina Dunford. Belle demoiselle de son passé londonien. Pas forcément les meilleurs souvenirs, mais ceux qui lui étire un sourire amusé à leur pensée. « Ça doit te rappeler les mauvais jours à Londres. »  Par là, il n'entend pas la pluie ou le vent, mais plutôt leurs échanges d'adolescents. Notamment ce jour où elle a fini par perdre la bataille.

les échos du passé — C'est le genre de jour où il vaut mieux rester sous sa couette. Mais parfois, les choses ne se prévoient pas. Nina a voulu sortir, aujourd'hui pour faire quelques boutiques mais rien de concret. Aucun sac à ses bras. Les recherches n'ont pas été bonnes. Tiens, elle aurait mieux fait de rester à l'appartement. Surtout qu'en plein milieu de la rue, une pluie s'abat. D'abord, légère mais finalement une averse s'ensuit. Super. Elle rejoint rapidement dans le renfoncement d'un bâtiment pour s'abriter, le temps que la pluie s'arrête. Elle regrette bien vite. Parce que la personne qui se trouve à ses côtés n'est autre qu'Antwan. Le passé british. Pour le coup, elle souhaiterait se retrouver dans une boutique et non, dans ce petit espace avec le jeune homme. Et je n'ai aucun moyen de m'échapper. dit-elle d'un léger et faux sourire. Voir même une petite grimace. Si, elle a un moyen mais la pluie est bien trop forte. Il suffit seulement d'attendre et attendre en compagnie du jeune homme ? C'était la dernière de ses envies. Et encore. Je n'ai pas eu que des mauvais jours à Londres, tu sais. qu'elle lâche d'un sourire en coin, cette fois-ci. Parce que mine rien, il y a des bons côtés, des très bons côtes. Il y a eu cette manipulation, ce jeu qui fut agréable.. mais dont la fin ne lui plait guère. Chose qu'elle préfère oublier... si Antwan n'était pas ici.

« Et je n'ai aucun moyen de m'échapper. » Crois-le, il aimerait aussi rentrer chez lui, au chaud, et sans habits trempés. On n'a pas tout ce qu'on veut. « Si, mais tu prends le risque d'abimer ta coiffure. Quoi qu'elle est déjà dans un piteux état. » Antwan sourit. Un pli discret se creuse au coin de sa bouche alors que ses yeux reviennent sur son portable pour changer la musique. « Je n'ai pas eu que des mauvais jours à Londres, tu sais. » Mh. Certainement. Antwan n’a pas la prétention d’affirmer qu’il a gâché tout le voyage de Dunford. C’était juste une mauvaise fin, et encore, il ignore si elle est restée après coup. Plus de contact, plus de messages. Silence radio. Ce n’était peut-être pas plus mal. « Je savais que j’illuminais tes journées de ma présence enchanteresse. » L’ironie qui lui étire un nouveau sourire. Il retire son écouteur, lève les yeux vers Nina, avec l’envie de discuter avec elle. Cela fait longtemps que leur chemin ne se sont pas croisés. Il n’était pas dans l’ignorance de sa présence à Boston. Il n’a d’ailleurs jamais douté de ses capacités à intégrer l’université d’Harvard. Pourtant, pas beaucoup d’échanges entre les deux, ce qui est justifié par leur passif tumultueux. Se serait étrange de construire une sorte de lien. Y aurait aucune confiance, juste la méfiance d’un couteau pouvant se planter dans le dos. Par représailles. « Raconte-moi ton plus beau souvenir alors. »

les échos du passé — C'est possible de s'échapper et de partir loin de cette présence mais la pluie est bien trop forte. Il suffit d'attendre et de prendre son mal en patience. Bien sûr, ce n'est pas si terrible mais disons qu'elle n'a pas envie de se souvenir de cet épisode. Heureusement, que ça ne lui a pas gâché ses vacances. Vacances qui ont duré tout l'été. Où elle a pu faire des tas de rencontres dont Cole et Capucine, par exemple. De belles rencontres puisqu'aujourd'hui, ce sont des amis proches. J'ai surtout pas envie d'avoir un accident. On ne sait jamais, avec cette pluie. Prudente. Mais pour ses cheveux, ce n'est pas si grave. Tant qu'il ne commence pas à friser dans tout les sens. Je t'aurai plutôt qualifié de poison. Carrément mais elle lâche un sourire amusé, ensuite. Elle finit par céder et se poser contre ce qui se fait passer pour un banc. Tant qu'elle peut s'asseoir quelques minutes. Si c'est pour rester ici, un petit moment. Pas des heures, non plus. Et à sa question, elle fit mine de réfléchir. Sérieusement, elle en avait des tas mais pas assez pour qu'il puisse s'en intéresser alors elle préfère choisir une autre option. Quand je me jouais de ton ami. C'était.. amusant. Ma petite distraction du moment. Si tu n'avais pas été là, la fin aurait pu être meilleure. qu'elle finit par grimacer. Dommage que tu ne te sois pas prêté au jeu, je te trouvais... intéressant. Elle ne prend rien au sérieux, elle reste détachée parce que là, c'est sa seule défense, dirons-nous. Elle n'a rien contre lui et c'est frustrant, dans un sens.

« C'est surtout pas envie d'avoir un accident. On ne sait jamais, avec cette pluie. » Oui, c’est une évidence. Lui non plus hein, c’est pour ça qu’il évite de s’engager sous cette pluie battante. C’est c’qu’on dira. « Je t'aurai plutôt qualifié de poison. » Forcément, ça le fait sourire, le malin. Peu importe si elle pèse réellement ses mots. Lui n’y voit qu’une sorte de jeu. Comme il a gagné la partie, il a la confiance et la certitude qu’elle ne pourra jamais l’atteindre. « Un poison très efficace sur toi. » Il la suit du regard. Elle qui s’assoit sur le banc, qui abandonne une quelconque idée de fuite. Voyez, Antwan n’est pas assez détestable pour qu’elle se rue sous l’eau. « Quand je me jouais de ton ami. C'était.. amusant. Ma petite distraction du moment. Si tu n'avais pas été là, la fin aurait pu être meilleure. » S’il n’avait pas été là, son ami aurait quand même gagné. Il n’aurait pas laissé Nina s’en sortir alors qu’elle n’était sur le sol londonien qu’une poignée de jours. « Je suis persuadé que tu as trouvé une meilleure occupation par la suite. » Elle n’est pas le genre à se morfondre trop longtemps. Loin de là cette idée. Nina doit être une queen avec plusieurs royaumes à conquérir. Ce n’est pas parce que l’un d’entre d’eux n’a pas cédé qu’elle abandonne sa conquête du monde. « Dommage que tu ne te sois pas prêté au jeu, je te trouvais... intéressant. » Il aimait la découverte d'une nouvelle personne. Jusqu'à ce qu'on lui rappelle que le rapprochement était stratégique et que l'un deux allait perdre son sourire. « Il fallait un perdant. » C'était toi. « T'aurais été plus subtil dans ton rapprochement, j't'aurai peut-être grillé trop tard. »

les échos du passé — Un piège. Comme si, elle revenait, quelques années, en arrière. Parce qu'il est là. Non, elle ne le déteste pas mais c'est juste qu'elle ne supporte pas d'avoir 'perdu' contre lui, d'être tombé dans son piège et d'avoir été humilié, à la fin. Bien sûr, ça ne lui a pas donné envie de quitter le pays. Elle est restée jusqu'à la fin de son séjour et elle ne regrette pas. Sinon, elle n'aurait pas pu faire, toutes ces rencontres, qui sont toujours présentes, aujourd'hui et sur Boston. Qui l'était. Plus maintenant. Oh non, il n'aura plus cette supériorité avec elle. Qu'il ne compte pas s'amuser de trop. Il gagne dans le passé mais dans le présent ? Non. Elle finit par céder et à s'installer, non loin de lui. Avouant alors que son ami n'était qu'une distraction, ce qui est vrai et ça aurait été beaucoup plus amusant, si lui, n'avait pas été là. C'est vrai, j'en ai trouvé des biens meilleurs. Elle ne va pas le nier, le reste de son séjour a été positifs. Cet épisode a été humiliant, oui mais pas de quoi en faire une affaire d'état, elle s'en est remis. Mais elle avoue une chose, qu'il était intéressant et que le jeu aurait été plus amusant, s'il avait participé. Elle n'en doute pas, parce que, devant elle, se trouve un joueur. Un très bon joueur. Et à sa taille. Excuse-moi d'avoir été déstabilisé, par ton charme. Légère ironie mais avec le sourire. J'ai perdu, une fois, avec toi et tu vas me le rappeler, pendant combien de temps ? Non pas qu'elle est agacé mais elle se dit, qu'il vit un peu trop, dans le passé. C'est le présent, peut être un nouveau jeu ? Même si, elle ne devrait pas, elle a assez le bordel, dans sa tête pour se rajouter une distraction.

Un amusement le temps d’un instant. Une défense aussi, fut un temps. Il n’aurait pas joué si elle n’était pas venue. C’n’est pas dans sa nature d’enfoncer d’autres individus sans aucune raison. En revanche, quand on s’attaque à sa personne ou à ses amis proches, la donne change. Ça reste rare, mais kiffant. « C'est vrai, j'en ai trouvé des biens meilleurs. » Il n’en a jamais vraiment douté. Tant mieux pour elle. Elle ne détestera pas Londres pour une bêtise d’adolescent cherchant à se faire entendre. « Comme par exemple ? » Aussi étonnant soit-il, ça l’intéresse de connaitre la suite des aventures de Nina. « Excuse-moi d'avoir été déstabilisé, par ton charme. » Un rire s’échappe de ses lèvres. « Ravale ton ironie et assume. » Qu’il se fiche de savoir si, un jour, elle a apprécié les yeux qu’il a pu poser sur elle. De toute manière, aucune sincérité ne sort de cette conversation. Du moins, il n’en discerne pas, et ne fera pas l’effort de l’être. « Autant de fois que je le souhaiterai. » Aah, ce sentiment de victoire qui le reprend. Tu peux rien faire contre son sourire de petit con qu’il arbore les quelques fois où leurs chemins se croisent. « Qu’est-ce que tu deviens ? » qu’il lance, passant sa langue sur sa dentition. « On peut faire semblant de construire une amitié le temps que tempête cesse. » Se justifie t-il avant même qu'elle ne l'interroge. C’est qu’ils vont avoir l’habitude.

les échos du passé — Ce n'est même pas de la haine, qu'elle éprouve pour lui. En fait, il n'y a... rien. C'est comme un étranger. Parce qu'il faut se l'avouer, elle ne le connaît pas vraiment. Seulement ce souvenir qui ne fait que la hanter, à chaque fois qu'elle le croise. Non mais, elle aimerait bien passer à autre chose. Londres, c'était loin. Du moins, cette première fois. Quand elle repense à ces vacances, c'est vrai que l'épisode Antwan ne fait pas partie du top. Pas du tout. Mais il est toujours dans les parages pour lui rappeler, cette humiliation. Et elle pourrait tenter de jouer ou de prendre le dessus, comme une sorte de revanche mais non. L'envie n'y est pas. De toute façon, elle n'y arriverait pas. Elle n'arrive plus à rien, en ce moment. Elle hausse simplement les épaules, en évoquant de biens meilleures occupations. Non, elle ne va pas épiloguer, là-dessus. Pourquoi, tu doutes de ton charme ? Voyons.. qu'elle glisse d'un sourire en coin, lui reprochant alors de lui rappeler trop souvent ce souvenir. Mais en même temps, de quoi parler ? Ils n'ont pas grand chose en commun, si ? Pour le découvrir, il faut parler et pour parler, il faut en avoir envie. Et son sourire si désagréable. Elle donnerait beaucoup pour qu'il arête de sourire, de cette façon. Elle n'aime pas, ne pas avoir ce contrôle. Il faut vraiment qu'elle trouve quelque chose contre lui. Bah tiens, elle va enquêter. Non, elle n'a pas que ça, à faire mais disons, qu'elle peut facilement trouver en s'adressant aux bonnes personnes. Elle fronce le regard à sa question et comprend mieux, par la suite. Je n'ai pas envie de faire semblant, je ne vais pas perdre mon temps. Non, l'envie n'y est pas. Ouais, elle est facilement braqué, en sa présence. C'est souvent quand elle n'a rien comme répartie. La prochaine fois, peut être. Déjà que j'en perd, en restant ici. Allez, c'est juste de la pluie, tu peux la braver.

« Pourquoi, tu doutes de ton charme ? Voyons.. » Il garde son air assuré. Presque sérieux face à la question. « Absolument pas. Il fait des ravages. » Ce sarcasme qui ne quitte plus ses lèvres depuis le début de leurs échanges. A vrai dire, il s’en fiche totalement, et aborder ce thème avec Nina l’amuse. Le jeu traine des années après et il n’en est pas l’investigateur cette fois. « Je n'ai pas envie de faire semblant, je ne vais pas perdre mon temps. » Oh, allez. Ils perdent leur temps dans tous les cas. Antwan ne bougera pas de sa place avant que la pluie ne cesse ou qu’on ne lui propose un parapluie. Dunfort semble être du même avis. Pour une fois qu’il n’est pas réfractaire à une conversation avec une.. inconnue. Presque. Après tout, il ne connait pas grand-chose de la demoiselle. Seulement quelques bribes de son passé, quelques nuances de son caractère. « Déjà que j'en perd, en restant ici. » C’est qu’on pourrait presque la plaindre. Pauvre princesse trempée. « Personne ne t’empêche de partir. Brave la tempête si telle est ta volonté. » Sauf qu'elle a peur de se faire mal, c’est vrai. Il hausse les épaules, regarde la pluie battante, ajoute un « Passe une bonne journée alors. » sans intonation particulière. Puis il remet ses écouteurs, musique faible, à l’affut de la moindre parole ou du moindre geste de Nina. Elle est sa seule distraction dans cet endroit.  

les échos du passé — Il n'est jamais là, quand il faut. Parce que si, elle l'avait croisé, quelques semaines plus tôt, elle aurait eu, cette force pour se mesurer à lui et son petit ton arrogant. S'amuser pour lui donner un retour d'humiliation. Pour finir, sur une bonne note, plutôt que celle de Londres. Mais, certains événements, plutôt important, font que l'envie de jouer s'estompe. Du moins, ce genre de jeu. C'est comme si, quoiqu'elle fasse, rien n'y fait. Une chose qu'elle ne contrôle pas et c'est déjà assez pénible. Peut être, une mauvaise période ? Alors, faites qu'elle se termine, au plus vite. Le charme anglais, je suppose. Oui, ça doit aider. Assise près de lui, elle ne peut faire semblant d'apprendre à le connaître.. parce qu'honnêtement, à quoi, ça va servir ? Non.. elle ne trouve pas vraiment de raison. Mais, rester dans un long silence, jusqu'à ce que la pluie s'arrête ? C'est frustrant. Comme dans une impasse. Il marque un point : elle peut partir et braver la tempête mais ça serait dingue. Tout comme, rester ici. Il n'y a pas de choix, à faire, pour le moment. Donc, elle se résigne et elle hausse les épaules. Son regard tombe sur lui, qui remet ses écouteurs. Qu'est-ce que tu veux savoir ? Qu'il entende ou non, peu importe mais elle vient de faire un pas. Un effort pour apprendre faussement, à le connaître. De toute façon, quoiqu'elle fasse, ici, elle va perdre son temps alors, autant ne pas s'ennuyer, pour le coup. Il lui faut, une distraction. C'est normal.