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A dire vrai, Lily se trompait à mon sujet. Non pas que je ne taquinais pas Amoun à propos de ses sentiments à mon égard, ce serait difficile de ne pas en rire connaissant le tempérament de mon ami et le fait que lui, dans les mêmes circonstances, ne se serait pas gêné pour le faire, ceci dit je ne flattais pas plus que cela ses intentions à mon égard. Bien au contraire. Combien de fois avais-je répété à Amoun que rien ne se passerait entre nous ? Que je n'étais attiré que par l'autre sexe ? Qu'il perdait son temps en vaines illusions ? Malheureusement, il ne m'avait pas écouté, jugeant qu'un jour je finirai par moi-même me rendre compte de mon erreur, si ce n'était pas lui qui, attendant que je sois suffisamment saoul par une nuit d'été, ne me rejoigne dans ma chambre pour...enfin, vous comprenez ? Depuis lors, je verrouille toujours ma porte à double tour et je me suis pris un chien de garde qui veille à côté de mon lit. Exagéré, vous pensez ?
Sa réaction différa catégoriquement de celle à laquelle je m'attendais. Surprise par son attitude et presque autant par les reproches qui émanaient de son timbre maintenant qu'elle me fixait avec un mélange de déception, de tristesse et de colère, je me levais de mon banc, encore inconscient de ma faute et pourtant bien sage de ne pas répliquer face à ces accusations. Evidemment, mon interprétation malheureuse l'avait conduite à croire que je l'accusais d'adultère ou d'une forme de tromperie de nature sexuelle. Ce n'était pas le cas. Du moins, je ne l'avais pas envisagé sous cet angle. Dans mon esprit, après notre séparation, Lily avait eu besoin d'une épaule, de conseils, d'un confident même peut-être. Or, elle ne pouvait se confier à son père pour des raisons évidentes, à sa mère moins encore. Ne restait plus que ce Jorah qui débarquait de nulle part et qui, son regard l'avait trahi, éprouvait une tendre affection pour la jeune femme. Je ne prétendais aucunement que Lily avait couché par envie, mais par désespoir. Je ne lui en voulais pas bien que ma jalousie fut une évidence, car je savais que la faute m'en revenait entièrement. Si j'avais été présent, si je l'avais écouté, Jorah n'aurait aucune utilité aujourd'hui. Mais voilà, après les disputes, nous nous séparés et sans doute que dans son chagrin pensais-je, Lily avait reçu le soutien de cet homme. Une chose en entraînant une autre... Des histoires comme celles-là se lisent tous les jours. « Je... mais enfin de quoi est-ce que tu parles ? » finis-je par soupirer, presque comme un grondement, tandis que le front plissé, en quête de réponses qui ne venaient pas, je cherchais à l'apaiser de mes mains levées. Trop tard, elle reculait, et les insultes pleuvaient déjà. « Ca t'écorcherait la bouche de me dire ce que j'ai fait pour te mettre aussi en colère plutôt que de me traiter d'idiot ? Ca, ça ne fait avancer personne ! » protestais-je en roulant des yeux, jusqu'à ce qu'elle se mette à courir à travers le jardin fleuri, sans que, malgré mes pas en avant, je ne parvienne jamais à la rattraper. Sur le coup, oui je me sentis comme un idiot. Planté dans le gazon fraîchement taillé, les bras ballants, les traits tordus dans un expression de dépit, de colère et d'incrédulité, je ne respirais plus, je ronflais de rage. Tout allait pourtant si bien, exception faite de cette...'heureuse' nouvelle. Et voilà, elle avait disparu. Sans que je n'y comprenne rien. Il avait bien fallu que je commette une erreur pourtant pour qu'elle se mette dans une telle fureur, mais laquelle ?
Eprouvant quelques difficultés à rembobiner la scène tellement les émotions contradictoires m'envahissaient au point de me faire perdre le sens de la réalité, j'avançais maladroitement dans l'ombre, reliant chaque point les uns aux autres, jusqu'à stopper net, comme si la foudre venait de s'abattre à l'endroit même où je me tenais il y a une minute à peine. Blêmissant à vue d'oeil, je devenais peu à peu aussi livide que si mon sang venait brusquement de s'étioler dans mes veines. A+A=B, comment n'avais-je pas réussi à faire ce simple calcul ? Pratiquement l'accuser de m'avoir trompé, après tout ce que nous avions connu, alors que je savais au fond qu'elle en serait incapable...oui, j'avais été le dernier des idiots. Sauf que je ne me rendais plus compte. Pas tout à fait. Le contrecoup de la nouvelle. Parce que cet enfant...j'en étais le père. Je venais de le comprendre. La bouche entrouverte, le regard vide, les mains moites, j'inspirais et expirais en tâchant de reprendre une contenance, accordant à ce fait inattendu une attention toute particulière. J'allais devenir papa. Pour la troisième fois. L'ivresse, la surprise, l'effroi, le rire, tout se mélangeait. Je songeais à mes deux autres enfants. Au premier que je n'avais pas pu élever et qui aujourd'hui, était adulte. A la seconde qui n'avait pas vécu plus de quatre années avant d'être fauchée par un tragique destin. Enfin, je pensais à Lily, à nous. A ce couple qui avait existé, que je voulais voir perdurer, à notre...famille. Petit à petit, un sourire fit son apparition sur mes joues, puis un rire résonna dans l'air. Père. Lily portait mon fils. Ou ma fille. Négligeant mes doutes et l'angoisse de la parentalité telle que je ne l'avais que trop brièvement connue, mon sourire se renverse, et des larmes de bonheur roulent le long de mes joues. Un prénom, leurs premiers pas, les premiers mots...Et finalement le néant. Mon visage se relève, j'efface rapidement les traces de ma joie avant de me lancer à sa poursuite, retenant du bout de mes doigts la douleur de mes côtes ravagées... Lui dire que je regrette. M'excuser, tout faire pour qu'elle me pardonne. Hélas, deux pas en avant suffirent pour que je manque de le renverser. « Pardon ? Oui c'est moi, tu vois bien que c'est moi, enfin ! » lâchais-je un peu trop brusquement comme si sa question était totalement stupide puisque je me tenais devant lui. « Jon, excuse-moi je dois... » Il me bloquait la route, m'empêchait de la retrouver. A mesure que les secondes défilaient, je perdais le peu de patience qui me restait encore. « Tu l'as vu ? Par où est-elle partie ? » lui demandais-je en cherchant à voir par dessus son épaule. « PAR OU JONATHAN ? » m'exclamais-je cette fois. Serait-il devenu subitement aussi sourd qu'un pot ou le faisait-il exprès ? J'avais envie de le secouer comme un prunier, lui dire qu'on discuterait plus tard, que j'avais autre chose de prévu, de bien plus important. Malheureusement, l'homme n'avait pas bougé d'un pouce, et à moins de passer par dessus la balustrade, et de risquer d'abîmer mes vêtements voire d'ouvrir à nouveau mes points de sûture, mieux valait laisser tomber. De toutes façons, Lily avait sûrement déjà rejoint ce Jorah depuis longtemps, et vu l'état dans lequel elle s'était précipité dans la grande salle, je ne doute pas que l'Egyptologue m'empêcha, au moins ce soir, de m'approcher à nouveau de la jeune femme sans appeler le service de sécurité au passage. « D'accord. Bon qu'est-ce que tu veux ? » finis-je par grogner à l'attention du père de la jeune femme, visiblement de mauvaise humeur de l'avoir manqué. « Ne le prends pas mal, mais ça ne te regarde pas. Tu n'as cas lui poser la question. Si elle veut te répondre, elle le fera elle-même, moi je n'ai rien à dire. » Tout en me souvenant de la question de mon ami, je ne pouvais refréner mes ardeurs, et mon émoi. Non seulement j'allais être père, mais en plus Lily et moi nous nous étions à nouveau disputés, sans compte la présence de Jonathan qui débarquait pile au mauvais moment. Une coïncidence fâcheuse qui m'horripilait et contribuait à mon incapacité à maîtriser mes émotions les plus basiques. De toutes façons, même si je le voulais, je n'aurais pas pu tout avouer à Jonathan. Pas seulement parce que la réaction du père de Lily ne se ferait pas attendre s'il l'apprenait, et je n'étais pas de taille à l'affronter ce soir, mais plus sincèrement, parce que cette décision ne m'appartenait pas. C'était à Lily de déterminer quand elle serait prête à affronter son père. En aucun cas, je n'avais le droit de me prononcer à sa place. « Je dois y aller, à plus tard. » tonnais-je alors à l'homme en me dressant devant lui, sans le provoquer outre mesure mais plutôt dans l'espoir qu'il se décale sur le côté afin de me laisser passer.
AVENGEDINCHAINS
@Lily-Rose S. Hopkins
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