lawrie & lily & plus si affinités.
Si le smoking lui donnait une toute autre allure, et affinait sa silhouette élancée d’habitude dissimulée sous des vêtements un peu trop grands, il avait pourtant l’impression d’être engoncé dans un carcan qui ne lui convenait pas. Il était toujours bel homme. Avait peut-être même davantage de charme en vieillissant, mais il n’aimait pas le montrer. Et encore moins en jouer. Lawrence avait toujours été plus doué que lui à ce jeu-là et il avait encore la jeunesse pour lui. Jonathan avait souvent remarqué chez lui une capacité étonnante à se modeler et s’adapter en société, comme un caméléon aux pattes fines et agiles. Lui était plus bourru, et plus maladroit pour le coup. A croire qu’il y en avait un pour rattraper l’autre. «
Je ne le suis pas. Mais j’ai une règle : toujours décliner, sauf une fois de temps à autre pour que l’on ne cesse pas de te convier. » Répondit-il avec un petit air malin dans le regard, en sirotant sa coupe. C’était presque vrai au fond. «
Tu n’as pas choisi l’entreprise la plus discrète au monde. Tout va vite dans ce milieu-là. Et je suppose qu’après cette soirée plus personne ne l’ignorera. » Ajouta-t-il, soucieux en vérité. Il avait toujours eu à cœur l’existence de Lawrence, qu’il affectionnait parfois comme s’il avait été son propre fils. Bien sûr il ne le montrait pas mais il était inquiet. Il avait fait le choix épineux de passer de l’ombre à la lumière, et dans leur milieu, ce n’était pas chose aisée. Les menaces seraient toujours là mais plus ostentatoires. Sans s’en rendre compte peut-être, il venait de placer une cible bien visible au milieu de son front en rendant son image plus publique qu’elle ne l’était jusqu’alors. Jonathan avait toujours prit le parti d’être une figure de l’ombre toute sa vie, et cela lui avait bien réussi jusqu’à présent. Il avait souffert, il avait perdu des proches collègues, mais il avait toujours réussi à veiller sur les siens. «
Des requins sans doutes … Mais nous nageons dans des eaux obscures. Ceux qui nagent plus en surface nous craignent et nous ignorent à la fois … » Il parut songeur un instant, ne souhaitant pas montrer sa contrariété passagère. «
Pourquoi as-tu fait ce choix ? » En soi il pouvait comprendre certaines raisons : celle de ne plus se salir les mains par exemple, d’avoir une vie plus « rangée » et moins tourmentée par la violence. Quoique qu’en soi, son quotidien n’allait peut-être pas changer tant que ça en fonction de ce dans quoi trempait son entreprise. «
Tu n’as pas peur que la vie de prince emprisonné dans une tour d’acier te pèse, toi qui avais l’habitude d’être sur le terrain ? Les galas, les meetings, les interviews, les réunions, les voyages d’affaires, les courbettes … Tout cela va devenir ton quotidien à présent. » Il s’était interrompu dans son discours en apercevant enfin sa fille. Il l’avait reconnue en un clin d’œil bien sûr, même s’il trouvait que depuis son opération, elle avait énormément changé. Moins maladive, plus féminine, plus sûre d’elle aussi. Chaque jour il trouvait qu’elle ressemblait davantage à Lenore dans sa jeunesse. Ce qui le laissait à la fois admiratif et inquiet … Car si elle développait le même tempérament que sa mère, conjugué à son caractère de cochon, cela allait lui donner du fil à retordre. Oh, attendez … Cela lui en donnait déjà. «
Je pensais qu’elle t’en aurait parlé, vu que vous aviez l’air de bien vous entendre tous les deux … Elle a quitté la faculté en mars. J’étais contre bien sûr, mais tu imagines qu’elle ne m’a pas écouté. En y repensant c’est vrai que l’opportunité était à saisir. Ils l’ont engagé comme restauratrice, au musée des Beaux-Arts. Et cet O’Brien en question est égyptologue si mes souvenirs sont bons, il est le conservateur de toute la section consacrée à l’Egypte. » Il se frotta le menton, grattant sa barbe naissante en scrutant avec attention le « couple » un peu plus loin. «
Ces jeunes loups comme tu les appelles, sont beaucoup plus faciles à impressionner et faire déguerpir que des hommes d’âge mûr comme Jorah. » répondit-il du tac-au-tac, arborant un sourire carnassier équivoque, signe que contre toute attente, il veillait au grain. «
Sans doute. Elle est assez discrète sur le sujet. Elle ne m’a jamais présenté qui que ce soit depuis … » Il pensait à la Russie. Au jeune Sergeï qui avait eu l’audace de venir dans sa maison, l’air de rien, comme s’ils ne se connaissaient pas. C’était loin tout ça, et Lawrence ne savait probablement rien. «
Tu me le dirais si tu savais quelque chose, n’est-ce pas ? Si elle te mettait dans la confidence ? » Osa-t-il lui demander en lui jetant un regard en biais, histoire de vérifier qu’il était bien de son côté. Il eut cependant l’ombre d’un doute, notamment face à sa dernière remarque qui lui aurait mis la puce à l’oreille si seulement il avait pu pouvoir trouver concevable que Lawrence regarde Lily autrement que comme une enfant. «
Si je ne te connaissais pas si bien, j’aurais tendance à dire que tu es jaloux. Mais pour le coup, je suis d’accord avec toi. Il a l’air trop poli. Et trop calme. Un tel sang-froid dissimule forcément quelque chose. » Il but la fin de sa coupe d’une traite et d’un geste gracile la déposa sur un plateau qui passait non loin de lui. «
Bien sûr par une femme. » A quoi avait-il pensé franchement ? Mais la réponse ne fut pas exactement celle à laquelle il s’attendait. «
Un ami vraiment ? … Et tu ne me le présentes pas ? » Il jeta un regard autour d’eux. S’agissait-il de son fameux associé, sur lequel il ne s’était pas encore renseigné ? Jonathan se rembrunit intérieurement à l’évocation de Susan. Belle esquive gamin … Imperturbable d’apparence, il ajouta d’une voix étonnement calme. «
Aux dernières nouvelles elle va bien. On se voit moins ces temps-ci. Je ne lui pardonne pas le fait de ne m’avoir rien dit plus tôt … Pour Alysse. » Quant au fait d’engager le dialogue avec cette autre fille, c’était un sujet qu’il n’avait pas envie d’évoquer. Il se heurtait à un tel mur, il était si désarçonné au fond. Cela lui était rarement arrivé de se sentir si démuni. Enfin les Austen senior étaient arrivé à point nommé … Ce cher Gordon allait sans doutes le mettre en jambe pour la soirée. Toujours bien attifé lui d’ailleurs, il trouverait bien quelques remarques pour le dérider. «
Madame Austen … Gordon … » les salua-t-il tour à tour, baisant la main de l’une pour serrer celle de l’autre. Le caractère trop expansif de cette femme avait le don de l’exaspérer, et de l’amuser en même temps. Il se demandait comment Gordon faisait pour la supporter au quotidien. A croire que leurs deux caractères très opposés se complétaient plutôt bien. «
Ne vous inquiétez pas, ma chère … Nous saurons nous tenir. » fit Jonathan en esquissant un sourire espiègle, presque moqueur en direction de Gordon. Il n’avait pas l’intention de faire de vague ce soir. Pas trop du moins.
***
«
(…) Je dois me rendre au Caire dans les semaines à venir. Il est possible qu’ils nous confient temporairement une statue en bois de Khéops notamment, et d’autres pièces secondaires. Je compte beaucoup dessus, cela serait une pièce maîtresse de l’exposition estivale, et la marque d’une bonne entente entre nos deux musées. Je pensais demander au conservateur à ce que vous m’accompagniez là-bas … Si vous êtes d’accord ? La pièce en question est en très mauvais état, et vous seriez à même de la conditionner pour le transport. Qu’en pensez-vous ? » De grands yeux se posèrent sur l’homme, quelque peu surprise de sa proposition. Un sourire égaya néanmoins ses traits, la confiance qu’il plaçait en elle alors qu’elle venait tout juste d’arriver lui faisant réellement plaisir. De quoi lui changer les idées et lui faire oublier son échange avec ce Montou, et le visage de Lawrence qui l’obsédait ces temps-ci. «
Ce serait avec grand plaisir. Mais vous êtes sûr de ne pas vouloir solliciter quelqu’un de plus … Expérimenté que moi ? Je viens d’arriver après tout. » - «
Vous êtes la principale restauratrice du musée Lily-Rose, vous êtes la mieux placée pour m’accompag-. » Il ne termina pas sa phrase, interrompu par une voix aigüe, féminine, qui allait dans leur direction. Quelque peu surpris, bien qu’il resta d’un calme exemplaire, les yeux sombres de Jorah observèrent avec un amusement maîtrisé la femme qui serrait à présent Lily dans ses bras. Et Lily quant à elle, se sentit envahie par une vague de parfum et de chaleur humaine. Ce fut si fortuit, et si fulgurant qu’elle eut presque un mouvement de recul au début, ne pouvant cependant pas échapper à l’élan d’affection de Margaret. «
Oh bonsoir Margaret … Qu’est-ce que vous faites ici ? » s’enquit-elle avec un sourire délicat, la serrant un instant contre elle avant de la relâcher posément. Si le personnage qu’elle incarnait avait tendance à la déstabiliser, elle était dans son esprit tout ce qui incarnait une « vraie » mère. Lenore ne s’était jamais montrée si spontanée avec elle, ou si affectueuse, alors même qu’elles avaient le même sang. Margaret la connaissait à peine, et pourtant, elle avait le don de lui réchauffer le cœur et de la rassurer sans forcément faire grand-chose. «
Vous êtes magnifique, cette robe vous va à la perfection. Vous êtes venue avec votre mari ? » demanda-t-elle, alors que Lawrence faisait son apparition à la suite de sa mère. Son regard rencontra le sien par-dessus l’épaule de la femme, et pour le coup, elle n’afficha aucune hostilité. Juste un brin d’inquiétude, car elle eut le réflexe de regarder sur son côté si son « ami » n’était pas dans les parages. «
Lawrence … » Il y eut un petit moment de flottement, avant qu’elle ne reprenne sa contenance. «
Oh je manque à tous mes devoirs. Margaret, je vous présente Jorah O’Brien. Nous travaillons ensemble au musée des Beaux-Arts. Jorah, voici Margaret Austen, la mère de Lawrence que vous avez déjà croisé tout à l’heure. » Jorah arbora un sourire charmant, courbant le dos avec élégance pour se saisir de la main de Margaret, et y apposer délicatement ses lèvres avant de la libérer. «
Enchanté madame. Cette robe vous va effectivement à ravir. Lawrence … J’ai cru comprendre que vous étiez le nouvel associé de monsieur Montou que nous avons croisé tout à l’heure ? Faut-il vous féliciter ? » Il s’était renseigné furtivement, auprès d’autres convives, lorsque le Montou en question avait voulu s’isoler avec Lily. «
Comment ça … le « nouvel associé » ? » les interrompit Lily, désarçonnée par la nouvelle. Encore une fois visiblement elle était la dernière au courant, et les nouvelles allaient vite. «
Tu … Tu travailles avec ce Montou ? Depuis quand ? » En filigrane de sa question, une inquiétude, et dans ses yeux, une crainte voilée. Il ne la verrait peut-être pas. Quoique. «
J’ai eu le … plaisir de lui parler tout à l’heure. » Le mot « plaisir » lui avait plutôt écorché les lèvres en vérité, et cela, Jorah l’avait senti, exerçant une pression sur son avant-bras, presque imperceptible, afin de la rassurer. Il sentait bien que l’échange l’avait retournée, il en avait vu les effets. En revanche il ignorait quel avait été le contenu de leur « discussion ». «
Un homme très … Attentif. » ce fut le seul terme qu’elle trouva pour le décrire, « odieux » ; « terrifiant » ou bien « désinvolte » lui paraissant des termes peu appropriés dans la conversation.
Lily >
#426fdb Jorah >
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