Appel masqué (a) : Cole ► Lucky

Elle, elle m’attaquait en me demandant si j’avais cru qu’elle attendrait la rupture sagement en se laissant utiliser, moi je répliquais, piqué au vif, si elle avait cru être capable de me changer. J’étais comme ça, je l’avais toujours été et j’avais jamais prétendu être quelqu’un d’autre avec elle. Elle m’avait entendu rager après mon ex après l’aveu de son histoire avec Wade, elle m’avait vu magouiller en me servant de Fe’ pour parvenir à mes fins, elle m’avait même encouragé à rester avec la quincy histoire de camoufler notre propre idylle, elle le savait l’égoïste connard égocentrique que j’étais, tout simplement parce qu’avec elle, je n’avais pas fait semblant. Elle m’avait vu tel que j’étais et elle avait signé en connaissance de cause donc. Et sa conclusion était que je ferais mieux de rester seul, ou bien de virer gay. C’est sur ce ton houleux que la discussion se poursuivait, alors qu’elle évoquait Nina, que je me braquais de plus belle, parce que ma relation avec ma meilleure amie, l’espèce de lien quelque peu malsain qui nous unissait, ça ne regardait que nous, que Nina et moi et je n’avais clairement pas envie d’entendre l’avis de Lucky là dessus. Me retenant donc de raccrocher d’agacement, j’essayais de me souvenir pourquoi je l’avais appelé, mais c’était avec un tout autre objectif que je proférais quelques menaces sifflantes à son égard. Me gardant bien de préciser ou et comment j’allais m’y prendre, elle saurait juste que c’était moi, en somme. Elle me connaissait, elle saurait reconnaître ma patte dans mes futures attaques sournoises. « Non j’ai rien à ajouter. Salut. » que je conclus en ronchonnant alors, sec, ferme, décidé, mais n’appuyant pas pour autant sur la touche raccrocher… 

Je me rebellais comme ont dit, je voulais moi aussi me faire entendre. Mais c'était peine perdue avec Cole. Il n'entendait que lui. Il n'y a que lui qui compte. C'est vrai que je connaissais comment il était, mais je ne pensais pas me retrouver moi, au coeur de ses manigances. Je pensais qu'il aurait un peu plus de respect pour la femme qu'il dit aimer, celle qui a justement accepté ce qu'il était. Je pensais qu'il me tiendrait en dehors de tout ça. Sauf que c'est moi qu'il utilise et ça, oui ça, ça me faisait mal. Je m'attendais à ce qu'il le fasse avec toutes les autres nanas, mais pas à celle qu'il a dit "je t'aime" et plus d'une fois. En fait, je n'arrive pas à croire que ces mots avaient une si grande importance comme il me l'avait fait comprendre. Enfin... Il l'a dit, je ne suis pas différente des autres et je le savais, je l'avais même dit à Ayma. Cole c'est Cole et il ne saura jamais faire la différence. Peut-être qu'au fond, c'est lui qui regrettera d'avoir joué au con avec moi. Peut-être qu'un jour il se rendra compte de l'erreur qu'il fait de ne pas avoir su préserver ce qu'on avait. Alors salut. Que je répétais à la suite sans pour autant fermer le combiné aussi. Raccroche oh !. Z'allez pas vous dire salut mille fois avant de raccrocher.

Elle répéta le –salut- sur me même ton sec, distant et froid que moi. Rien d’étonnant, vu l’échange peu cordial qu’on venait d’avoir et pourtant… Pourtant les tonalités qui auraient du m’indiquer qu’elle avait raccroché ne résonnèrent pas. Pas de bip, juste… un silence. Et en me concentrant je pouvais encore entendre son souffle énervé, en arrière fond… Je décollai mon portable de mon oreille, regardant l’écran, la touche rouge pour clore l’appel, et je recollais quasi aussitôt le combiné sur mon visage. C’était idiot hein… J’étais furieux, j’aurais du raccrocher sans hésitation, après ce salut froid et pourtant j’étais toujours en ligne. « Lucky… » soufflai-je alors. « Tu ne raccroches pas ? » demandai-je, en m’empressant de préciser, histoire qu’elle aille pas s’imaginer que j’étais accroché ou quelque chose du genre : « Ma touche marche plus alors je ne peux pas couper… C’est cette Léo qui a du abîmer mon portable. » Pratique hein… Enfin, c’était un peu bidon. A l’aire où on vivait, et Lucky connaissait mon téléphone, avec l’écran tactile, ce n’était plus des touches comme autrefois qui pouvaient être potentiellement défaillantes…  

Pourquoi était-ce si difficile de raccrocher ? Un simple geste et hop, je n'entendrais plus sa voix ainsi que ses mots blessants et pourtant, je tiens encore le téléphone près de mon oreille à vouloir écouter son dernier mot, son dernier souffle pour la dernière fois avant de redevenir une parfaite inconnue et ou d'attendre la vengeance, vu qu'il venait de me promettre de me faire regretter. Silence total... Silence qu'il brise en donnant une excuse bidon à la Cole quoi. Excuse qui ne passait pas d'ailleurs. Du coup, c'est moi qui allais passer pour la meuf super accrochée, puis même si c'était vrai, il fallait que je suive son exemple. T'es encore là ? Répliquais-je en jouant l'étonnée. Ben j'pensais que t'avais raccroché parce que mon tel est posé sur le plan de travail et je l'ai mise en haut-parleur. J'peux pas l'attraper, mes doigts sont remplis de chocolat. Et voilà, pour avoir été la copine de Wildingham, on apprenait quand même certaines choses.

 Je m’étonnais de ne pas entendre la tonalité habituelle qui suivait la fin d’un appel, non c’était toujours son souffle que j’entendais toujours en bruit de fond. Alors oui, je l’interpellais, je la questionnais et elle s’étonna à son tour que je sois toujours au bout du fil, même si moi, pour ma part, j’avais une raison tout à fait valable. « Ha… Bah on va être obligé de rester en ligne alors… » Puis malgré moi, j’avais ce sourire qui se dessinait au coin des lèvres. Heureusement qu’on n’était pas en visio. « Fais gaffe avec le chocolat hein, faudrait pas que tu te tapes un diabète gesta en plus de l’hypertension… » Ta gueule Cole, ça faisait bien trop le mec qui s’était renseigné, et un mec qui se renseigne, ça trahit de l’intérêt, du soucis, de l’inquiétude. Hors on est d’accord : je m’en foutais… En théorie, puis histoire de noyer vite cette petite marque de considération, j’ajoutai une réflexion plus colesque : « Et t’en as que sur les doigts du chocolat ou ailleurs ? » Ouais mauvais plan aussi, ça risquait de me rappeler cette fois où j’avais du me faire pardonner après ma sortie de l’hôpital…  

Wowowo à quel moment cette conversation avait pris une autre tournure ? On était en train de s'engueuler comme d'habitude et encore comme d'habitude on se calmait quelque minutes plutard comme si de rien n'était. Cole ?... Soufflais-je ignorant tout ce qu'il venait de dire, son inquiétude pour mon état, sa remarque sur le chocolat ou encore son dernier sous-entendu un peu pervers. Tu crois qu'on pourrait faire semblant d'être...amis ? Soyons honnête, on ne pourra jamais l'être, car je ne pourrais jamais oublier ce que nous avons été, mais... Je ne pouvais pas me résoudre à ne plus entendre sa voix. Alors si faire semblant d'être amis peut me permettre de l'entendre souvent, pourquoi pas. Fin, je venais de parler sans réfléchir en fait, c'était sortis comme ça, par pulsion. La preuve, je n'arrivais pas à raccrocher. Et pour répondre à ta dernière question, oui j'en ai au coin des lèvres... Et voilà, c'était repartie pour un tour. Ce n'était vraiment pas une bonne idée de parler de chocolat sur les lèvres avec son ex. Ça réveille des souvenirs un peu trop osés... Un peu trop alléchants pour des exs.

Elle pouvait pas raccrocher, je ne pouvais pas raccrocher. On avait l’air fin, là, tous les deux, avec nos excuses tellement bidon. Puis moi qui essayais de noyer le poisson, genre je voulais jouer au téléphone rose alors que quoi ? Quinze secondes plus tôt, j’étais en train de jouer les glaçons insensibles et indifférents… Crédibilité zéro. Sûrement qu’elle l’avait senti, ma faiblesse, parce que son ton était quelque peu différent lorsqu’elle prononça à nouveau mon prénom. « Oui, j’suis toujours là. La touche va pas se remettre à fonctionner d’un coup. » En gros, soit tu te laves les mains pour raccrocher ma petite, soit tu en as pour toute la soirée à écouter mes conneries. Enfin, c’était pas du tout là qu’elle voulait en venir. Ses paroles suivantes étaient tout bonnement étonnantes. Je m’étais attendu à tout sauf à ça. « Euh… » J’en étais pris de court, me redressant dans le fauteuil, perdant mon assurance et mes mots au passage. « Je… Je crois qu’on peut essayer ouais. Pourquoi ? » Quel intérêt ? Faire semblant d’être amis… J’en étais capable, je le faisais avec tellement de gens que j’en perdais presque de vue qui comptait vraiment parmi les vrais des faux. Mais je ne voyais juste pas pourquoi Lucky pourrait souhaiter cela pour nous. Et elle répondit ensuite à ma question, ce qui me provoqua malgré moi un petit rire. « Ca va, j’avais imaginé que peut être tu t’en étais tartiné ailleurs… » Le coin des lèvres c’était chaste en fait… Quand on se rappelait à quel genre de jeux nous, nous avions pu jouer avec la pâte à tartiner…

C'était sortie comme ça cette proposition de rester amis, sauf que voilà, je n'avais pas prévu de donner d'explications à ça. À mon moment de faiblesse. Il était surpris et je pouvais le sentir, c'est pour cela que ma langue fourcha et que je cherchais quoi dire, quoi inventer. Sur le coup... Rien ne me venait. Mais il fallait pourtant que je lui explique le pourquoi de cette décision et tout ce que j'ai trouvé à dire... T'es resté en bon terme avec tes exs, alors pourquoi pas nous. On peut essayer nous aussi. Ça reste mieux que se prendre la tête. Quand je parle de ses exs c'est bien évidemment, Leevy et Kyla. Feryel n'était pas réellement une ex. Puis honnêtement, nous allons avoir un gosse. Je pense donc que ce serait aussi dans son intérêt de ne pas voir ses deux parents en mauvais termes. Ça serait quand même weird de me tartiner du nutella ailleurs moi seule... Disais-je en souriant malgré moi. Un sourire que je n'ai pu contrôler. Et au fait, j'crois pas à cette excuse de touche en panne. T'aurais pu trouver mieux comme excuse. Ah bah regardez qui parle. Moi je peux très bien aussi me laver les mains et raccrocher tout peinard ou à la limite si mes doigts sont occupés, il y a mon coude et j'en passe...

《Je pourrais trouver autre chose c'est clair...》 rigolai-je quand elle critiqua mon excuse. 《Je pourrais te dire que tu me manques, que j'avais envie d'entendre ta voix, que de t'imaginer avec ton Nutella au coin des lèvres ça me rappelle un certain jeu auquel on avait l'habitude...》 Je pourrais hein... J'étais en quelque sorte en train de le faire d'ailleurs. Mais c'est avec mon ton plus froid et détaché que je repris : 《Mais bon, c'est pas des choses qui se disent entre "amis" 》 Et là, au sarcasmes dans ma voix, on sentait bien le fond de ma pensée quant à un essai amical entre nous. Oui, j'avais dit qu'on pouvait tenter, mais en vrai, je crois que je préférais une guerre ouverte plutôt qu'une fade amitié. Qu'elle cite mes ex en guise de preuve n'aidait pas. Elles étaient sorties de ma vie ces filles. Nos relations étaient plus tempérées désormais, certes, mais nos contacts quasi inexistants... Alors à choisir... À choisir je préfère l'attaque, le mordant, le piquant. 《 Et toi ton excuse tu la trouves mieux ? Il est en rade ton robinet pour que tu puisses pas te laver les mains ou comment ça se passe ? 》

Cet aveu, la façon dont il le disait. J'en pouvais plus, j'allais craquer. Je lève les yeux vers le plafond en essayant de retenir mes larmes, mais impossible. Ma respiration et mon pouls s'accéléraient et au fur et à mesure que je l'entendais me parler, j'avais la gorge plus que nouée, comme si on m'étouffait. Tu me manques aussi... Lâchais-je dans un souffle et même si je voulais cacher mes larmes, ma voix me trahissait. Et je ne cesserai sans doute jamais de t'aimer mon amour... Mes doigts venant effacer mes larmes. Mais j'pouvais pas rester avec toi en sachant que tu me largueras. J'peux plus Cole. Vraiment, j'veux plus vivre une seconde déception, la cicatrice de la première est encore là et la tienne, ce serait m'achever... Bordel que ça faisait mal. Ma poitrine me faisait mal, mon cœur me faisait mal. J'ai perdu toute confiance en toi en moi, tu m'as tellement menti, tellement fait de crasses que je ne sais plus reconnaître le vrai du faux... J'suis perdue Cole... Et j'ai peur de ne jamais me retrouver. Alors retrouve-moi, si t'es vraiment sincère, retrouve-moi, sors-moi de cette prison dans laquelle je me suis enfermée pour ne plus en souffrir. J'suis désolé, c'est trop dure... J'vais raccrocher... que j'avoue à demi voix, posant cependant mon doigt sur la touche raccrocher.