Appel masqué (a) : Cole ► Lucky

Je venais de récupérer mon téléphone, et la première chose que j'avais envie de faire c'était ça... L'appeller. Je m'exaspérais moi même. Puis après réflexion, je passais le portable en mode -masqué-. Juste un petit coup de fil, je ne risquais rien, au pire je ne parlerais même pas, j'écouterais juste sa voix, soit sur sa messagerie vocale si elle ne répondait pas, soit de vive voix si elle venait à décrocher... J'avais juste trop besoin de l'entendre...

Femme célibataire de nouveau et enceinte s'il vous plaît, je dois être malchanceuse en amour parce que tous les mecs avec qui c'est du sérieux, aiment se jouer de moi et ou m'utiliser. Ou alors c'est que je suis née avec un mauvais karma tout simplement. Pourtant, il me manque... Je ne cesse de penser à lui, mais je me force à essayer d'oublier mes sentiments, ou du moins à les étouffer. Ça me tue de rester loin de lui, mais ça fait aussi mal de rester près de lui. Alors niveau situation, c'est un peu le doute. Je ne sais toujours pas où était ma place dans sa vie, si j'étais celle qui devait lui permettre d'arriver à ses fins ou simplement la fille à qui, il avait dit "je t'aime". Lui qui m'avait fait croire que ces mots avaient plus d'importance pour lui que je ne l'aurais imaginé. Suite à ce fameux mail que j'ai reçu, j'en suis arrivée à douter de sa sincérité et de ces mots. Enfin... Assise sur le plan de travail de ma cuisine, cuillère de Nutella dans la bouche, pot dans une main et mes jambes balançant dans le vide, mon portable sonne. Appel masqué ? Tiens donc. Trop à fond dans mon chocolat, je réponds en mode haut-parleur. Allô ! Silence total, personne ne répond. Allô ! répétais-je avant de manger une nouvelle bouchée de chocolat. Puis comme si je pensais qu'on me faisait un coup, je reprenais. Si c'est pour me demander quel est mon film préféré et sortir par derrière avec un couteau et un masque sur la tête, j'suis en pleine dégustation de nutella, vous perdez votre temps ! Le tout, répondant la bouche pleine en plus. Bah ouais Lucky et le nutella, une belle et longue histoire d'amour. D'ailleurs, ce chocolat me restera le seul fidèle.

Je voulais juste entendre sa voix. Pas longtemps quelques secondes… Même si elle ne parlait pas à la rigueur, entendre son souffle dans le combiné m’aurait suffit. Avec beaucoup d’imagination, j’allais essayer de me rappeler la sensation que j’avais quand cette respiration effleurait ma peau… Les bips s’enchainaient, m’informant que le téléphone de mon ex était en train de sonner et après quelques secondes, sa voix se fit entendre. Elle avait décroché… Je déglutis. Un premier allo. Puis un deuxième, un ton un peu agacé, surement devant le silence que j’installais à l’autre bout de la ligne. Mais qu’est-ce que je pouvais dire ? Elle m’avait largué, via l’une de mes amies, sans prendre le temps de m’expliquer… Le seul truc que je voyais de mon côté, c’était que peu de temps avant je m’étais lancé, je lui avais avoué que je l’aimais et résultats des courses elle me jetait. Conclusion, j’avais raison : ces trois mots c’était tabou, fallait JAMAIS les dire en vrai. Je pensais que la jeune femme allait raccrocher, au lieu de quoi, du grand Lucky, elle sortit cette phrase, cet avertissement, cliché de film d’horreur par excellence. Elle avait surement du trop regardé Scream dans sa jeunesse et malgré moi, un rire s’échappa de mes lèvres, que je mordis mais trop tard, elle m’avait surement entendu.

Je commençais à m'impatienter avec cette personne qui ne répondait pas au bout du fil loin de me douter que ce soit Cole. À vrai dire, je ne pensais pas que mon ex appellerait, lui, fier comme un paon. Du coup, ça m'était totalement sortie de la tête. Alors quand j'entends son rire au bout du fil, mes yeux s'écarquillent manquant d'avaler la cuillère que j'avais bloquée entre mes dents pour retirer le chocolat. Je la retire rapidement en la plongeant dans le pot et en déposant ce dernier sur mes côtés. Respire Lucky. Difficile. Je ferme les yeux, tentant de retrouver mon calme. Cole... Ce n'était pas une question pour savoir si c'était lui au téléphone, je le savais, je reconnaîtrait le son de sa voix à des kilomètres. M'appelles-tu pour m'inviter à ton mariage alors ? Faisant allusion à ce que j'ai pu lire dans ce mail. Aussitôt débarrassé de moi, qu'il ira épouser le choix de son pote. Parce que vous savez, il tient tellement à ses potes, qu'il serait prêt à larguer sa copine pourvus qu'il ne les perd pas eux. J'attrape le combiné que je glisse à mon oreille.

Le rire m’échappa, malgré moi, parce qu’elle avait ce talent là, de provoquer un sourire, un éclat de rire, même quand l’ambiance ne s’y prêtait pas. Pendant une fraction de seconde, j’eus l’illusion que ça allait peut être passer inaperçu mais l’instant d’après elle souffla mon prénom et je sus alors que j’étais grillé. « Lucky… » soufflai-je à mon tour, sur le même ton. La question qu’elle énonça alors, non sans sarcasme, me laissa dubitatif. « Quel mariage ? »

À vrai dire, parler avec lui ou même le voir à des kilomètres me faisait repenser au mail que j'avais lu. Je crois que ce mail m'a tellement choqué que je n'arriverais peut-être pas à oublier, même si je l'envoyais à la corbeille. Chaque lettre de ce mail m'avait blessé, alors imaginez mon état. Ce mail, va me hanter en fait et bientôt, il ne me laissera plus dormir. Alors quand je fais allusion à une phrase de son contenu à son expéditeur en personne, il faisait semblant d'ignorer de quoi je parle. Faut-il que je te rafraîchisse la mémoire ? Parce que je n'avais pas très envie de revenir là-dessus. Mais bon, je crois qu'il est nécessaire puisqu'il joue à l'ignorant. Je vais te citer l'une de tes phrases, tu vas voir ça va te revenir. "Stratégiquement ça serait une erreur de la larguer maintenant alors qu'elle reste proche de toute la vermine mage" Je marque une petite pause tant là, j'avais la gorge nouée. J'ai beaucoup bossé pour avoir cette place infiltrée je vais pas tout laisser tomber sans avoir fait quelques dommages. Faut que ma situation serve un peu, qu'on fasse de la casse mon Hadès. Et après cela j'épouse ta cousine, ta soeur, ton ex, qui tu veux... Oui c'est vrai qu'il a beaucoup bossé dans le mensonge pour avoir cette place d'infiltrée.

« Oui. » Oui fallait qu’elle me rafraichisse la mémoire, parce que je ne voyais pas ce à quoi elle faisait référence. Fallait dire qu’entre toutes les demandes, fausses demandes mais allusions quand même à Ayma, mon amoureuse des bac à sable, mes fiançailles arrangées par ma mère l’an passé, et maintenant ce plan de fake mariage avec Gab que les amis voulaient me faire, j’avais de quoi me perdre quand le thème –mariage- était abordé. Et là, mot pour mot, calmement, mais suffisamment sèchement pour que je comprenne que c’était cela, l’origine de cette soudaine et mystérieuse rupture, elle me cita mot pour mot le speech que j’avais écris à Hadès dans un échange de mail assez récent, quand ce dernier m’expliquait justement son projet pour redorer mon blason. « Ha ça… » Petit rire nerveux. « C’est bien tu lis mes mails. » L’art de se victimiser, regardez la grande maitrise. Là où je devrais me repentir en excuse, je me fais accusateur, lui reprochant d’avoir été fouiner dans mon ordi. Sinon comment expliquer qu’elle soit au courant. « Les cousines d’Hadès ne sont pas du tout mon genre, sa sœur est une pauvre junkie, qui ne restera pas très longtemps à Harvard, je bosse là dessus, et son ex… Son ex pourrait me plaire. Mais elle est blonde, tout le monde sait que je préfère les brunes. » C’est pas le moment de jouer à ça Cole, elle va te raccrocher au nez. « Lucky, c’est pour ça ? C’est pour ça que tu m’as quitté ? » demandai-je en reprenant un ton plus sérieux, plus touché aussi, moins détaché. « Ha oui et aussi, fallait que je te dise : j’applaudis, le coup de faire passer le message par l’une de mes amies, on me l’avait jamais fait bravo, tu gagnes la palme. » 

Heureusement que je n'ai pas accès à ses mails, heureusement que je ne suis pas le genre de petite amie à fouiner dans le portable de son mec ou même dans son ordinateur. Heureusement, parce que sinon tout ce que j'aurais lu m'aurait brisé. Heureusement que Léo m'avait forcé à lire ses messages lorsqu'elle avait kidnappé son tel. Heureusement parce que j'aurais été le dindon. Fin, c'est trop tard. Je le suis déjà de toute façon. Je n'ai pas lu tes mails. Mais je remercie l'anonymat qui me l'a envoyé... Je le remercie parce qu'encore une fois, mon ex petit ami m'avait prise pour une conne. Il croyait que quoi ? Que je lui étais acquis et que ça va, il pourrait me mener en bateau et je fermerai les yeux à chaque fois ?. Bah c'est bien t'aimes les brunes, tu te trouveras une brune. Dis-je désintéressée sans hausser de la voix, même que j'étais plutôt calme. Je m'en fous de cette partie-là, ce n'est pas pour ça que je t'ai quitté. Je reprenais une cuillère de chocolat que je glissais dans ma bouche. Tu croyais que j'allais te laisser encore m'utiliser comme un passe d'entré à toutes les informations sur les miens et quand tu auras ce que tu veux, tu me largueras ? Tu croyais que j'allais attendre ce jour arriver sagement ? Ça c'était juste la goutte qui débordait le vase avec tout ce qu'il a pu faire jusqu'à aujourd'hui. Je l'ai fait parce que je ne voulais pas que tu me retournes le cerveau encore une fois. Tu l'as bien dit, t'es un très bon acteur. Tu sais bien jouer la comédie et comme d'habitude, je t'aurais cru avant que tu ne tournes le dos pour rire avec tes copains de combien t'es trop doué pour servir de belles paroles à ta copine et la manipuler comme un jouet... Et moi, j'en ai juste marre de laisser mes sentiments parler. Fallait que je sois plus forte que ça. Et s'il te plaît, ne parle pas de palme ou je ne sais quoi, parce qu'avec toutes les crasses que tu m'as faites, t'es le premier à m'avoir montré toutes les couleurs. Même mon ex n'est pas allé aussi loin... T'as juste permis à tous les autres de rire, de me traiter de cocue et j'en passe. Et toi, t'étais fier, fier de tes conneries. Je garde la cuillère dans ma bouche. Et tu continues à blesser les mauvaises personnes. Nina, Nina qu'est-ce qu'elle t'a fait elle ? Pourquoi détruire la seule relation avec qui elle se sentait bien ? Tu te rends compte que tu l'as envoyé baiser un homme marié comme si on payait une pute pour le faire ? Tu ferais ça à ta soeur Cole ou bien t'aimerais qu'on lui fasse ça ? Là oui, j'étais plus en colère parce que je pensais que Nina était assez proche de lui pour qu'il la protège comme une soeur. Quel genre d'homme tu es ? Prête à blesser tes proches juste pour une histoire de vengeance... Ces gens que tu ne verras peut-être plus une fois que tu auras terminé tes études. Moi, je ne voulais plus faire partie de ses pions.

 Il existait cet expéditeur anonyme ? Sérieusement, elle avait pas trouvé mieux comme excuse pour justifier qu’elle savait mot pour mot ce que mon mail pour H contenait ? Allez à la rigueur, peut être que, elle disait vrai. On avait des détracteurs, en fait on avait que des détracteurs. Preuve en est, en récupérant mon téléphone j’avais vu ce texto d’Oks, ma propre demi sœur qui se positionnait ouvertement contre mon couple, ancien couple, avec Lucky. Bref, ça m’étonnerait pas qu’on ait piraté ma boîte mail ou celle d’Hadès pour faire tourner ce genre de courrier déplaisant sur ma petite amie. Heureusement que les vrais plans, je l’avais compris thanks to Léo, désormais, je ne les écrivais plus, je les mettais en place oralement dans des lieux sûrs à l’abri d’oreilles indiscrètes. Ton désabusé de mon ex à l’autre bout de la ligne, et elle reprit : elle ne m’avait pas quitté pour ça, pour cette histoire de mariage, plan foireux censé redorer mon image. C’était pour le reste du message, le contenu où j’affirmais vouloir faire durer ma relation, place privilégiée et stratégique oblige, le temps de tirer profit de tout cela. Ha ouais c’était dégradant ça ? « J’ai toujours été comme ça, je le serais toujours. » A prendre ou à laisser. Enfin à laisser, 4ème rupture à mon palmarès pour preuve. « Tu croyais que j’allais changer pour toi ? » Ton moqueur. Qu’elle joue les désabusées, allez. Je ne jouerais pas les blessés. Oh, pas que je ne le sois pas non, mais un Cole blessé c’est un Cole amer, un Cole mauvais, un Cole blessé c’est un Cole blessant. Demandez à Kyla. Je ne serais pas l’ex qui rampe pour demander pardon, quand bien même on me montrait par A + B que j’avais eu tord sur toute la ligne. Et quand enfin, après m’avoir envoyé dans la figure toutes ces reproches, c’est la défense de Nina qu’elle prenait, je m’énervais. « Parle pas de ça ok, tu connais pas la moitié de l’histoire Lucky. Tu sais qui c’est Baptiste ? C’est peut être un type que je déteste, certes, mais pas que… C’est le fiancé de sa frangine, et je sais de source sûre qu’Hippolyte va revenir très prochainement. Je la sauve d’embrouilles pas possibles avec sa sœur en la débarrassant de ce crevard d’Archibald. Et puis j’sais même pas pourquoi je me justifie auprès de toi… J’sais même pas pourquoi je t’ai appelé en fait. » Ha si parce que tu me manques, que j’avais envie d’entendre ta voix, mais ça je ne l’avouerais pas. Je préférais reprendre sur un autre ton, on ne peut plus menaçant : « Tu vas regretter de m’avoir larguer Lucky. Je t’assure, tu vas amèrement le regretter. » Parce qu’aussi vrai que j’avais pu la dénigrer dans ses stupides mails, dans les faits j’aurais tout fait pour la préserver, pour la protéger… Alors que là, là, c’était guerre ouverte. Et je savais très bien où frapper pour l’atteindre indirectement. Si elle, elle ne s’était pas risquée à fouiller dans mon téléphone, moi j’avais su trouver toutes les infos qu’il me fallait.  

Je vois, je viens d'énerver le Cole on dirait. J'aurais pu en tirer satisfaction si je n'en avais rien à faire de lui. Mais le truc c'est que j'en ai pas rien à faire et que ça me blesse d'entendre que j'ai été une fille comme toutes les autres. Seulement, je ne laisse rien paraître au bout du fil, au contraire, je joue l'intouchable, celle qui se moque à présent. Et bien dans ce cas, reste célibataire ou même mieux, deviens gay. Que j'avoue non sur une pointe de provocation. Il voulait me blesser, bah tien, moi aussi je pouvais jouer à ce jeu-là. Ah parce que t'es capable de changer ? Rétorquais-je en riant sur le même ton moqueur. Non t'inquiète, je ne me sentais pas aussi spéciale pour espérer que tu changes pour moi. J'ai accepté qui tu es, j'ai fermé les yeux sur beaucoup d'choses, sauf que tu as dépassé les bornes. Et je refuse de me laisser faire. C'est aussi simple que ça. Je ne vais pas passer une partie de ma vie aux côtés de quelqu'un qui me blesse sans arrêt. Les parties de jambes en l'air c'est beau, mais ça ne prouve rien, si ce n'est qu'il aime juste prendre son pied comme il pourrait le prendre avec une autre. Rien ne justifie ce que tu lui as fait. Ce qui se passe entre elles ne regarde qu'elles, elles sont assez grandes pour s'occuper de leurs affaires. Toi tu l'as juste utilisé parce que tu savais qu'elle ne pouvait rien te refuser. Arrête de te cacher derrière des excuses. Un jour, tu te feras bouffer par tes propres mensonges... j'essayais de rester calme, mais ce n'était pas facile je vous jure. J'avais envie de fondre en larmes, mais non, il ne fallait pas que je lui donne cette satisfaction. Puis lorsqu'il me menaçait sur le fait que j'allais amèrement regretté de l'avoir largué, je ne peux m'empêcher d'avaler difficilement ma salive. Je sais d'avance que ça va être une rude épreuve pour moi, mais je n'allais pas flancher. Non, il ne faut surtout pas. Au jour d'aujourd'hui, la seule chose que je peux regretter, c'est de perdre mon gosse. Mais vas-y, si ça peut te soulager toi, tu peux toujours essayer. Oh gad, je n'arrivais pas à croire que je lui disais tout ça, moi qui d'habitude, remuait la tête comme une bonne petite chienne domptée. Et croyez-moi, ça ne me faisait pas plaisir de me comparer à ça. Mais faut voir la vérité en face, je l'ai trop laissé faire et résultat, il s'est cru tout permis avec moi. T'as quelque chose d'autre à rajouter pour remuer le couteau dans la plaie ? Non parce que je suis en tête à tête avec mon nutella et un peu que tu nous déranges.