CARTER ▬ save me from myself

Dans la version officielle de notre histoire, à Aly et moi, il n'y a jamais eu de véritable rupture. Elle m'avait annoncé son départ, je suis partie de chez elle, j'ai pleuré en bas de son appartement, puis je suis allée la voir avant qu'elle parte pour Orlando, pour lui dire que je serai à Harvard si elle avait envie de me voir. Mais il n'y a jamais eu de séparation, et c'est certainement pour cette raison que je n'arrive pas à refaire ma vie comme je l'entends. Je dis d'elle qu'elle est mon ex copine, mais au fond de moi, ces mots ont toujours sonnés faux. Quoi qu'il en était, de son côté, elle a bien dû refaire sa vie, comme elle l'a toujours vécue avant moi. Seule, enchaînant les filles comme on enchaîne les canettes de bières en soirée. Elle avait la chance de certainement mieux vivre cette pseudo rupture, tandis que je continue de me morfondre dans ma solitude, dans mon misérabilisme maladif nocturne. « Il pourra pas résister à toi, tu pourras même le pécho tranquillement. Et moi j'essaierai de pécho sa mère si ça marche pas, elle est pas mal pour son âge. » dis-je alors en riant. En regardant la mère de Calixte, je peux facilement imaginer cette dernière quand elle sera plus vieille, et même à quarante-cinq ans, la fille sera canon, et c'est pas donné à beaucoup de monde d'être canon passé quarante ans. Avec Carter, depuis toutes ces années, on a vécu pas mal de choses ensemble, et notre amitié ne fait que grandir avec le temps. On sait que l'une peut compter sur l'autre sans problème et vice-versa. Tout comme, si Roman refusait sa paternité et de l'accompagner mettre un terme à sa grossesse, je l'accompagnerai les yeux fermés. J'écoutais tous ces arguments, d'ailleurs. Je ne pouvais pas dire grand chose, mis à part lui apporter tout mon soutien. « Quoi qu'il arrive, quelque soit la tournure que prenne les choses, tu peux compter sur moi, je te laisserai pas tomber. Mais j'espère que tout s'arrangera pour toi, je te promets. » Je buvais alors une nouvelle gorgée d'alcool, puis, voulant rendre la soirée plus agréable, je proposais plusieurs idées. « Soit on s'amuse dans la chambre, avec la musique à fond, des trucs à la con comme des jeux d'alcool sauf pour toi qui sera au soda, soit on sort faire un peu la fête. Tu préfères quoi ? »On allait pas passer la soirée à déprimer, c'est pas fun.

J'ai déjà entendu des mecs qui se prenaient pour des caïds, que l'amour c'était pour les faibles. Ces mecs ne savent pas ce que ça fait d'aimer une personne dans le vent, ou ce que ça fait de perdre une personne qu'on a aimée plus que tout. Ils ne connaissent que la douleur des coups qu'ils se mettent dans la gueule, et pour certains d'entre eux, les coups qu'ils reçoivent dans les couilles. Mais les peines de coeur sont parfois bien plus violentes qu'une bonne bagarre, pleine de force et de violence. Les douleurs physiques passent, tandis que les blessures psychologiques restent parfois des années. C'est ainsi que va la vie. C'est ainsi que je vis ma vie depuis trois ans maintenant. Mais il fallait changer de sujet, je ne voulais pas passer ma soirée à déprimer, et j'imaginais bien que Carter non plus. De ce fait je lui avais proposé de faire autre chose, et c'est aller faire la fête qu'elle préférait faire. « Alors on sort ! Tu veux aller en boîte ou tu veux traîner à la Mather House voir s'ils sont pas encore en train de préparer une grosse fête ? » Honnêtement, les deux situations me convenaient, le choix, cependant, lui revenait.

HJ: