imissyou[dot]com

La dernière fois qu'on s'est parlé avec Isaiha c'était il y a une semaine environ. Je n'ai pas compté les jours et puis, je vais pas mentir, il m'est arrivé tellement de choses que je n'ai pas vraiment vu le temps passer. J'ai fais la fête, j'ai gerbé sur les godasses d'un flic et me suis retrouvée en détention pendant quelques heures avant que Denys vienne me chercher. J'ai eu une semaine chargée ! Mais une semaine de merde parce que ces mots échangés avec Isaiha m'ont hanté jusqu'ici, jusqu'à ce moment où, assise sur une chaise du salon, ma dernière valise à mes pieds, j'attends qu'il rentre. Intérieurement, au plus profond de moi, j'espère qu'il a passé une bonne semaine mais mon visage dis tout autre chose. Mon regard est sombre et je serre les poings. Deux Casey. Celle qui espère qu'il s'est amusé et l'autre qui espère qu'il a souffert autant que moi et là, face à cette porte blanche, c'est le faciès d'une Casey en colère qui est présent. La porte s'ouvre et je me lève, la chaise faisant un bruit infâme en se reculant. Je grimace et me dirige vers mon frère. Mes traits se détendent. Toutes mes affaires personnelles sont dans mon nouveau logement parce que je n'ai pas vraiment envie d'habiter à la Mather et que squatter à droite et à gauche est bien cinq minutes dans la journée. " Hey " Soufflais-je en lui faisant un signe de la main et un léger sourire. Petite entrée en la matière bien comme il faut… Ou pas. Où sont passés les accolades et les larges sourire ? En vacances, quand ma main a heurté son visage.

La semaine à Londres avait fait un bien fou à Isaiha. Il avait pu mettre de côté sa dernière dispute avec Casey et surtout son départ. Le Lowell avait fait exprès de sortir sa sœur jumelle de son esprit mais lorsque le taxi le déposa aux pieds de leur immeuble, tout lui revint en mémoire. Il savait qu’il n’y aurait personne pour l’accueillir et l’envie de faire demi-tour fut presque irrésistible. Revenir en ailleurs, effacer ses paroles blessantes… Il aurait tant aimé pouvoir le faire mais le problème c’est que c’était impossible. Etait-ce le fait de revenir ici qui réveillait ses démons et lui donnait envie d’aller se réfugier dans un casino ? Isaiha ne le savait pas mais son poing se resserra un peu plus autour de la poignée de son sac de voyage. Il avait l’impression de replonger en enfer, comme s’il venait d’être expulsé du paradis. Cette semaine avec Capucine avait été salvatrice sur bien des points mais il était temps de revenir à la réalité, de reprendre pied quitte à foncer dans le mur sans possibilité d’amortir le choc. Regret, peur, culpabilité, tout lui revenait en tête. En soupirant, il paya le taxi et se hâta de rentrer dans l’immeuble pour mieux monter les escaliers, l’esprit ailleurs, la tête baissée. Quelle ne fut pas sa surprise de voir Casey, debout sur ses pieds, à côté d’une valise à son entrée dans leur appartement. Il n’avait pas envie d’une autre dispute. « Salut » dit-il en laissant tomber son sac dans un bruit sourd. « Tu pars… » constata-t-il d’une voix morne en faisant référence à sa valise. Le retour à la vie était difficile à encaisser mais il n’allait pas se plaindre, il avait eu une semaine de répit.

Qu'est-ce que ça fait mal. Je ne sais même pas si j'ai pris la bonne décision parce qu'au final, je ne me suis pas laissée le temps de réfléchir. Il est parti, je suis partie et je ne sais pas si on va se retrouver à un moment ou à un autre. Isaiha et moi, on est sur deux planètes totalement différentes et c'est bizarre, vraiment très bizarre. Je suis en colère, toujours en colère après lui mais je ne sais pas, quand je le vois, je ne ressens plus du tout la même chose. Je me sens faible, je me sens vasciller alors que je me lève et m'interdis de flancher. Hors de questions de pleurer, de crier ou de se battre comme on l'a fait. Je n'ai plus le courage de toute façon alors franchement... Je lui souris légèrement avant de baisser les yeux sur ma valise et de soupirer. " Oui.. J'ai trouvé un appartement sympa pas très loin d'ici " Lâchais-je simplement en haussant les épaules. Je fais un pas vers lui et passe une main dans mes cheveux, cheveux bien plus foncés que ce qu'il a vu la dernière fois. Plus foncés et plus courts. " J'ai déjà tout bouger dans la semaine avec l'aide de quelques potes " Des potes alcooliques. Ça me brûle la langue mais on est pas là pour ça. " J'voulais m'excuser de t'avoir giflé l'autre fois " Soufflais-je en regardant le bout de mes baskets. Trop honte pour lever la tête et affronter son regard...

Elle avait changé de couleur de cheveux mais également de coupe. Isaiha n’avait pas remarqué ce changement, ayant un peu de mal à regarder sa sœur dans les yeux tant le malaise entre eux était palpable. « Oh… j’espère que tu t’y sentira bien et surtout en sécurité » souffla-t-il même si cela lui faisait mal de se dire que pour la première fois en tellement d’années, ils n’allaient plus vivre sous le même toit. Il avait aimé ces instants rien qu’à eux, leur complicité qui semblait s’être envolée à cause des chemins empruntés. « C’est très gentil de leur part » murmura-t-il avant de pousser un soupire comme s’il essayait d’ôter le poids lourd qui l’empêchait de respirer convenablement. « Tu n’as pas à t’excuser, je l’avais mérité. Je n’aurais jamais dû te parler sur ce ton ni même te dire tout cela » dit-il avec tristesse teintée de tendresse avant d’oser porter sa main à ses cheveux pour capturer une mèche de cheveux brun entre ses doigts. « Cela te va bien… tu es très belle comme cela » la complimenta-t-il même si cela lui faisait étrange de ne plus la voir aussi blonde que lui. Là, ainsi, ils ne se ressemblaient plus vraiment et quelque part, ça lui faisait un pincement au cœur. « Tu es venue me dire au revoir alors ? » demanda-t-il en espérant qu’elle lui réponde par la négative, qu’elle le rassure face à ce départ.

Ça fait vraiment bizarre de le revoir et je n'ose pas trop parler, pas trop le regarder. C'est à croire que le bout de mes godasses est plus intéressant. " Oui... J'espère aussi " Après tout, c'est le but non ? Le but c'est bien ça ? Partir d'ici pour me sentir en sécurité là bas. Et vu le prix de la caution et du loyer, on a intérêt à être autant en sécurité qu'en prison, moi je vous le dis... " Moi non plus j'aurais pas du Isaiha " J'aurais pas du lui dire que tout ça c'était sa faute, même si je le pensais. C'est pas une chose à dire et encore moins à son jumeau quoi... Je frissonne légèrement quand je sens sa main dans mes cheveux et je relève le visage. " Merci... Ça fait bizarre quand je me regarde dans le miroir mais bon " On s'y habitue. C'est comme tout, on s'y habitue. On s'habitue à vivre dans ce monde là, on s'habitue à aller en cours, à payer ses courses, au bruit des voitures. On s'habitue à tout. Je vais m'habituer encore plus. Mais la seule chose à laquelle je ne m'habituerais jamais, c'est à son absence. " Oui... et non " Soufflais-je doucement en souriant très légèrement. Mes yeux rencontrent enfin les yeux. Mon regard dans le sien, c'est comme si le monde se mettait sur pause. " En fait... Y a trois chambres dans cet appartement. Une pour moi pour dormir, une pour mes vidéos et... une pour toi si tu veux " Lâchais-je doucement. " Le loyer est plus cher qu'ici mais bon... " Je le regarde et je commence à avoir du mal à voir. " J'peux pas vivre sans toi Isaiha mais j'peux pas vivre ici non plus " Concluais-je avant d'éclater en sanglots. Petite chose brisée et fragile que je suis...

Il espérait vraiment qu’elle se sente plus heureuse, plus libre et surtout plus en sécurité dans cet autre apparemment. Son absence allait être cruelle mais il ne pouvait plus être un poids sur ses épaules et encore moins une entrave. Casey avait besoin de voler de ses propres ailes, de se faire une place dans ce monde. « Arrête, tu avais raison. Cette histoire, tout est de ma faute. Je n’avais pas à te faire ces reproches, tu n’as fait que m’aider alors que je nous ai conduis dans cette situation » dit-il avec difficulté. Ce n’était pas tant de reconnaitre son erreur qui était compliqué pour lui mais plutôt le fait d’admettre qu’il avait mis sa sœur en danger. Il était responsable de cette distance entre eux. « Je me doute… Nouvelle coiffure pour nouvelle vie. Qu’en penses les personnes qui suivent tes vidéos ? » lui demande-t-il afin de lui faire comprendre que malgré tout, il s’intéresserait toujours à ce qui la passionnait. Malheureusement, il allait devoir le faire à distance à présent, pour son bien. Casey lui apprit alors qu’il y avait une place pour lui dans ce nouvel appartement, déclenchant une vive émotion en lui. C’est tout bête mais le simple fait qu’elle veuille encore de lui près d’elle lui faisait un bien fou. « S’il te plait… ne pleure pas Casey » souffla-t-il en l’attirant contre son torse pour mieux l’entourer de ses bras forts et protecteurs. « Je peux pas vivre sans toi non plus mais je ne veux plus te mettre en danger… J’en mourrais s’il devait t’arriver quelque chose… Laisse moi régler cette histoire et quand tout sera fini, je viendrais vivre avec toi et nous nous quitterons plus jamais » lui promit-il en caressant ses cheveux bruns, déposant un baiser sur le sommet de son crâne. « Tout ira bien, laisse moi veiller sur toi comme avant »

Ça me fait vraiment bizarre de l'entendre me dire que j'ai raison. Je devrais me réjouir mais je n'y arrive pas. J'aurais préféré avoir tord, j'aurais préféré qu'il me dise "tiens, prends ça Casey, toute cette histoire n'est pas que de ma faute et en voici la preuve". Sauf que bon, c'était juste impossible ça, complètement impossible... Je ne savais pas comment ses amis avaient pu le laisser s'engouffrer là dedans, ça me perdait et me confondait totalement. Je voulais tous les secouer pour l'avoir laissé se perdre mais je ne savais même pas par où commencer. Capucine peut être... Celle ci, je devrais la pendre par les pieds ! Mais la colère qui commençait à naitre au fond de mon ventre s'estompa rapidement quand il me posa une question sur mes vidéos, mon audience qui augmentait toujours un peu plus. " Je n'ai pas encore tourné de vidéos avec ma nouvelle coupe, ni pris de photos... " C'est comme si je voulais le cacher au monde entier, comme si je voulais que ça reste un secret pour le commun des mortels avant que l'homme le plus important pour moi le voit : mon frère. Et puis, je lui parle de l'appartement, des trois chambres et de celle qui l'attend. Je pleure, comme une enfant, comme une enfant à qui on pardonne une grosse bêtise et quand il me dit de ne pas pleurer, les larmes redoublent d'intensité et j'hocquette doucement contre lui. " Tu sais comment les rembourser ? " Demandais-je hâtivement, comme si je ne pouvais pas attendre une semaine ou deux qu'il se débarrasse de ces types. En fait, non je ne pouvais pas attendre mais je n'avais pas le choix. " Tu sais très bien que s'ils me cherchent ils me trouveront, ici ou ailleurs... Alors viens " Le suppliais-je presque, mes bras toujours enroulés autour de son torse. Mais peut être avait-il raison... Il ne valait mieux pas donner la chance à ces monstres de détruire notre nouvel appartement et de me donner envie de fuir une fois de plus.

« Je suis certain que tu recevras que des compliments, cela te va vraiment bien même si cela me fait un peu étrange de ne plus te voir en blonde » dit-il comme s’il essayait de gommer ses propos blessants de la dernière fois derrière ses compliments. Il les pensait dans le sens où sa sœur était très jolie ainsi. La seule chose qu’il regrettait, c’était cette distance qui peu à peu les éloignait mais quand elle se mit à pleurer, Isaiha ne put retenir l’élan qui le poussa à la prendre dans ses bras, à lui offrir un refuge pour sa douleur. « Notre oncle m’a proposé de me donner la somme en échange de travailler gratuitement au centre équestre le temps de rembourser la somme et que je me soigne… Je vais devoir me trouver un travail à côté mais c’est mon problème ça » lui expliqua-t-il afin qu’elle ne s’inquiète plus de rien. Cela n’avait pas été facile d’aller voir leur oncle et d’avouer ses problèmes mais Casey méritait qu’il mette de côté son égo et sa fierté. Le problème c’est qu’il ne pouvait pas vivre avec elle malgré l’envie qu’il le tiraillait. « Je ne veux plus qu’on te fasse de mal Casey… » dit-il en la serrant un peu plus fort dans ses bras. Il aurait tant aimé la faire disparaitre de leur radar. « Je te protégerai quoiqu’il arrive, je te promets qu’ils te laisseront en paix » reprit-il même si pour cela, il devait donner sa vie. Le Lowell n’avait pas peur de souffrir ou de mourir. La seule chose qu’il craignait davantage que la peur elle-même, c’était qu’on s’en prenne aux personnes qu’il aimait. « Tout cela sera derrière nous très bientôt »

J'espère qu'il a raison et que je récolterais des tas de compliments sur ma nouvelle coupe. Pas parce que j'ai envie de plaire à tout le monde mais surtout parce que je ne suis pas sur que ce choix, aussi audacieux soit-il, soit le meilleur qui soit pour moi. Je sais pas, j'ai les yeux plutôt clairs quand même alors ça risque de jurer. Puis il y a les racines et c'est quand même un sacré entretien quand on y pense. Et puis bon, je n'étais plus sûre de rien maintenant que je n'avais plus mon frère à mes côtés. Mon monde s'écroulait mais j'allais réussir à remonter la pente à un moment ou à un autre, non ? Ouai, peut être bien. Mais pas maintenant. Effondrée, dans ses bras, sa voix me rassurait et me berçait doucement. " Mais Isaiha, tu peux pas cumuler deux jobs et l'université " Soufflais-je doucement. C'était tout bonnement impossible, il allait finir par devenir fou, pour être gentille. Et ça serait pire que tout. " Je ne serai pas en paix tant qu'ils tourneront autour de toi Isaiha... " Soufflais-je doucement en essuyant mes larmes et relevant le visage. " J'aimerais tellement croire que tu as raison mais on en sait rien, au final " Lançais-je en le regardant droit dans les yeux. " Les autorités compétentes ne peuvent rien faire ? " Je doute qu'il a envie de les contacter, ce serait risqué surtout, non ?

« J’y arriverai… j’ai toujours les publicités, si celle que j’ai tourné il y a quelques semaines fonctionnent, je pourrais toujours en tourner une nouvelle » rétorqua-t-il. Isaiha avait été casté dans la rue alors qu’il se promenait avec une amie. Au départ réticent, il avait vite compris que c’était de l’argent facile -bien que simuler une passion avec une femme l’avait mis mal à l’aise. « Je trouverai une solution, je te le promets… Maintenant, je veux que tu te concentres uniquement sur toi Casey. Tu dois prendre soin de toi, aller de l’avent, te remettre du traumatisme que tu as vécu par ma faute » ajouta-t-il avec tendresse. Il était temps qu’il se prenne en main, qu’il cesse de se chercher des excuses. Il savait qu’il ne pourrait pas faire l’autruche plus longtemps. Le lowell se devait de se ressaisir, de voir la réalité en face comme son oncle le lui avait fait comprendre. Cette addiction était néfaste, il devait se soigner. « Pour leur dire quoi ? Nous n’avons aucune preuve à leur avancer » soupire-t-il en secouant la tête. Isaiha se sentait impuissant avec cette histoire sans se douter du danger que les prochains jours allaient représenter. « On s’en sortira Casey mais j’ai besoin de te savoir en sécurité, même si c’est loin de moi. Tu te rappelles de ce que disait la chanson que j’écoutais en boucle et qui te rendait folle ? Ni l’enfer ni le paradis ne se mettront entre nous » souffla-t-il avec un petit sourire. « Bientôt, tout ceci sera derrière nous… accorde moi juste un peu de temps pour trouver une solution »