Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility« Il rentrait chez lui, là-haut, dans le brouillard... »
Le Deal du moment : -17%
SSD interne Crucial SSD P3 1To NVME à ...
Voir le deal
49.99 €


« Il rentrait chez lui, là-haut, dans le brouillard... »

Anonymous

Préférences de jeu
veritas
Invité
est en ligne
Invité




❃❃❃❃❃❃


Les yeux encore fermés, je peine à sortir de ma torpeur lorsque la voix hélas reconnaissable de l'animateur fait vriller mes tympans, planqué derrière son micro. Appuyant vigoureusement sur mon réveil en lui ordonnant de se taire, je m'extirpe du lit, difficilement. Les muscles endoloris, le teint pâle, j'esquisse la première grimace d'une longue série en découvrant dans le miroir de la salle de bain cette barbe de plusieurs jours qui me donnait l'air d'un pirate des temps modernes. Les cheveux tels des épis de mais sur le point d'éclore, je retins un grognement d'agacement alors que mes mains recherchaient fébrilement ma brosse à cheveux ainsi que la lame capable de débrousailler cette faune déplorable. A mon grand soulagement, je finis par mettre la main dessus, et c'est sur les coups de quatorze heures passées que mon visage recouvrit l'apparence de celui d'un être humain. Quelques détails avaient changé, cependant. Au cours des trois derniers mois, alors que je vivais dans un état de réclusion volontaire, deux balafres de plusieurs centimètres de longueur avaient entaillé mon torse. Un trou circulaire rajoutait une touche artistique à l'ensemble près de ma clavicule gauche. Mon genou droit lui, souffrait parfois du mal des transports, et râlait lorsque je cherchais à le faire transpirer. D'où, une légère claudication qui me donnait l'impression d'avoir vieilli de plusieurs années. Enfin, l'oeuvre la plus aboutie demeurait cette cicatrice infime mais bien présente, qui traversait ma paupière presque intégralement. Fort heureusement, mon œil avait survécu. Celui de mon agresseur en revanche... Passons, il est maintenant dix sept heures. Voilà trois heures que je me traîne dans les diverses rues que j'avais connues il y a de cela trois mois, et que j'avais déjà oubliées. Comme si les années s'étaient égarées trop vite, je me rends dans une dernière boutique, choisissant avec soin les fleurs que je comptais lui offrir pour me faire pardonner mon absence. En y songeant une minute, un sourire moqueur étire mes lèvres, que la jeune vendeuse prend pour une invitation à poursuivre son badinage à mon intention. Je songe, j'ai l'air d'un homme s'apprêtant à rejoindre sa fiancée, lui présenter ses excuses avant de l'embrasser. Idiot que tu es. Je n'y peux rien. Depuis plusieurs jours, cette idée m'obsède. Celle de la revoir. Bien que j'eusse garder un œil discret sur elle, et sur son état de santé notamment depuis son opération des poumons, je me revois lui tenir la main, innocemment lorsqu'elle était encore allongée sur son lit d'hôpital, son père nous observant dans un coin de la chambre, mélange subtil d'inquiétude et d'attention. « Gardez la monnaie. » Tiens, j'ai cette voix là. Encore une chose que j'avais oublié. Voilà longtemps que je ne m'étais pas exprimé. Pour quoi faire ? Deux semaines que j'étais rentré. Deux semaines que j'étais resté cloîtré dans mon nouvel appartement, prenant le temps de panser mes plaies et de songer à l'avenir. Le mien, le leur.

C'est sur les coups de vingt et une heure que je me décidais à quitter mon logement, après avoir pesé le pour et le contre, l'heure tardive, la peur des retrouvailles et leurs conséquences, pour me rendre chez Lily-Rose. Vêtu d'une simple chemise blanche dont les bords plissaient avec soin dans mon pantalon à pinces marron, une veste du même ton pour survivre à la brise du soir, je desserrais bientôt les trois boutons qui irritaient ma gorge, laissant respirer le haut dénudé d'un torse d'une blancheur vanillée. Trois minutes me furent nécessaire pour trouver le courage de sonner à sa porte, et trois de plus à l'attendre sous le porche, les fleurs dans une main, des oursons à la guimauve de différentes couleurs dans l'autre. « Bonsoir, Lily. »

made by roller coaster


@Lily-Rose S. Hopkins
(Invité)
Anonymous

Préférences de jeu
veritas
Invité
est en ligne
Invité

« Il rentrait chez lui, là-haut, dans le brouillard... »
lawrie & lily




Aujourd’hui, cela ferait trois mois. Très exactement trois mois, jour pour jour, qu’elle n’avait plus de nouvelles de Lawrence. Evaporé, lueur évanescente de son existence qui avait rejoint le territoire des ombres pour ne devenir qu’un songe. Un songe aux allures cauchemardesques, qui presque toutes les nuit, la tenait éveillée, les prunelles agrandies vers ce plafond imparfait qui jamais ne lui donnait les réponses qu’elle attendait lorsqu’elle l’interrogeait du regard. Etait-il mort ? Peut-être. Quoiqu’il semblait être de la trempe des parasites difficile à éradiquer. Et au bout d’un moment, si Lily avait continué de se soucier de son sort, ses pensées avaient décidé de tracer leur chemin, d’avancer malgré tout pour ne plus attendre des signes qui ne venaient pas. L’attente était pire que tout. Se projeter dans cette absence qui la tourmentait plus qu’elle ne le devrait avait tendance à la scléroser dans l’incertitude et les soupçons fragiles. S’il n’avait plus voulu la tenir informée, ou même lui envoyer quelques signes pour la rassurer, c’est qu’il avait eu ses raisons. Jamais elle n’avait eu à douter de lui, ou de sa parole. Alors pourquoi commencer aujourd’hui ? En sortant de l’hôpital, il y a de ça trois mois, elle avait souffert de ce silence qu’elle pensait au début passager. Et puis le temps avait suivi son cours, inexorable, terrible dans la froideur qu’il impose à ceux qui le traversent.

Le petit appartement était baigné d’une lueur tamisée, presque diffuse. Il sentait bon l’acrylique fraîchement posée, le thé vert infusé à la menthe et le jasmin encore en fleurs. La pièce principale semblait calfeutrée, petit cocon qui réunissait la pièce de vie, une cuisine ouverte minimaliste, et donnait accès à une terrasse minuscule qui ressemblait davantage à une serre pour plantes vivaces qu’autre choses. Les couleurs oscillaient entre la chaleur du vieux cuir, la douceur du métal, et le bleuté obscur dans un mélange harmonieux et subtile, chargé, sans trop l’être pour autant, si bien qu’on avait l’impression de se trouver enveloppé dans un cocon sécurisant. En fond sonore, la voix enivrante de Billie Holiday passant entre les grésillement du trente-trois tours donnait l’impression d’un lieu de perdition, projeté au cœur d’une Amérique torturée des années 30. La douceur de sa voix, égarée, résonnait comme un écho à la musique, alors que concentrée, elle s’attelait à redonner vie et couleurs à un vieux meuble en bois récupéré dans une brocante quelques jours plus tôt. Assise en tailleur au milieu du salon dont les meubles avaient été repoussé, et minutieusement bâchés pour lui laisser de la place pour travailler, elle portait une chemise d’homme trop grande pour elle, tâchée ici et là par la peinture bleue grisée, tirant sur le bleu canard, dont elle avait étalé la première couche sur l’un des murs. Ses cheveux, moins longs qu’autrefois, étaient relevés en un chignon négligé, maintenu sur le haut de son crâne par un pinceau en bois qu’elle avait entortillé pour faire office de baguette. « Bordel ! » avait-elle juré entre ses dents, ayant un loupé avec son pinceau lorsque l’interphone avait crié dans tout l’appartement, venant réduire à néant l’espace tranquille, alors que son cœur balbutiait sous le coup de la surprise.

Lily avait claudiqué jusqu’à l’entrée, sa voix dans l’interphone se réverbérant en un : « Oui ?! Raah, ça ne marche jamais ce truc … (Visiblement, elle n’entendait pas qui arrivait de l’extérieur, quand la personne au dehors, elle, pouvait tout entendre) … Qui que vous soyez, vous n’avez qu’à entrer ! L’interphone ne marche que dans un sens de toute façon ! » Inconscience, quand tu nous tiens. Elle aurait bien pu laisser entrer le plus sombre des psychopathes que cela n’aurait fait aucune différence. Surtout qu’elle n’attendait personne en particulier ce soir-là. Mais la minute suivante, la porte du vieil immeuble au rez-de-chaussée s’ouvrait pour le laisser entrer. En attendant de voir si la visite lui était vraiment destinée, elle avait simplement épousseté sa chemise, se frottant la joue sur laquelle on pouvait distinguer ici et là quelques traces d’acrylique. Tant pis. Quelqu’un venait de frapper. Avec enthousiasme, sans prendre la peine de regarder par le judas, elle avait simplement ouvert, ses yeux s’agrandissant alors sous la surprise, devenant rond comme des soucoupes. « Law … Lawrie ? » Elle convoquait le souvenir, essayait de se rappeler leur dernier échange, sans y parvenir tout à fait. Ses lèvres avaient tremblé, d’effroi d’abord, puis de soulagement, alors que sans s’en rendre compte, ses bras s’étaient refermés autour de son cou pour affubler de sa présence, et être sure qu’il était bien là, en chair et en os, et qu’il n’allait pas se dérober une fois encore. « Lawrie, c’est bien toi ?! » répéta-t-elle en le pressant contre elle, ignorant complètement qu’elle était en train de l’écraser, lui, et les fleurs qu’il avait apporté. « Je me suis fait un sang d’encre ! Où étais-tu passé ?! Trois mois sans nouvelles, tu ne te rends pas compte ! J’ai cru qu’il t’était arrivé quelque chose !  » La colère la nimbait à présent, alors qu’elle avait reculé, l’air furibond et les traits inquisiteurs.  Et puis son regard s’était attardé sur ses traits, les redessinant avec finesse, alors que son propre visage se décomposait de constater à quel point il avait changé. Il était le même bien sûr, mais plus marqué. Comme tiraillé par une souffrance dont elle apercevait des stigmates ici et là sur sa peau diaphane. Particulièrement sur sa paupière, qui attira son attention, et qui la fit devenir plus blême. « Que t’est-il arrivé ? Tu es … si pâle … Ton œil ? » L’inquiétude était désormais absolue, alors qu’elle réalisait peu à peu qu’il était toujours sur le seuil. « Désolée, j’ai un peu tâché ta chemise … Je faisais de la peinture et … C’est pour moi ces fleurs ? » Ses paupières tergiversent encore. Elle a tellement de question à lui poser qu’elle se sent presque essoufflée, son cœur battant dans sa poitrine à le rompre. « Entre. Ne fais pas attention au désordre, je travaillais sur un meuble … Comment tu savais que je vivais ici désormais ? Ah oui bien sûr … Tu as des yeux partout … » Sur la fin, s’était presque de l’ironie. Elle ne voulait pas lui tomber dessus tout de suite. Mais au fond d’elle, elle lui en voulait. D’être resté silencieux ainsi, pendant des semaines qui lui avaient parues prendre des atours d’éternité.


© ACIDBRAIN
(Invité)
Anonymous

Préférences de jeu
veritas
Invité
est en ligne
Invité




❃❃❃❃❃❃


Une voix, la sienne, m'autorise à entrer. Je n'ai pas eu le temps de me présenter que la porte s'ouvre. Il faudra que je lui donne une leçon de sécurité. Encore. Mais ce soir, je ne suis pas venu pour me quereller. Au contraire, j'en oublie mes inquiétudes qui laissent place à une joie incommensurable à l'idée de la retrouver. Je fais quelques pas, le temps de dénicher le numéro de son appartement, et finalement cogne deux fois, fébrile et anxieux à la fois. A peine la porte ouverte et l'expression de son visage m'indique son étonnement, presque de l'incrédulité. Au moins m'avait-elle reconnu. Non que j'eusse tellement changé d'apparence en trois mois, mais mes traits paraissaient plus durs quoique davantage fatigués par les longues nuits sans sommeil. Seul témoin visible d'un passé à pourchasser nos assaillants l'un après l'autre à travers le monde, cette cicatrice à l'arcade qui, à mes yeux, m'enlaidissait. Non pas que j'accordais une grande importance à l'esthétisme de mon corps, mais des erreurs, quelles qu'elles soient entraînent immanquablement leur lot de questions. Des questions auxquelles je ne pouvais répondre, et dont la non-réponse ajoutait plus encore au mystère et à l'incompréhension. Aussi, sans devoir être parfait, je devais me prémunir contre les gens dits « normaux », qui vivaient sans se soucier des autres, qui seraient effrayés en apprenant que James Bond n'est pas un film d'action mais la réalité pratique de chaque agent. Qu'il n'y a pas que des policiers, des gendarmes, l'armée qui les protège. Qu'ils existent aussi des individus, comme moi, qui sévissent dans l'ombre des médias. Malheureusement, pour que la chasse puisse avoir lieu, tout devait demeurer secret. Jusqu'à notre visage. Alors une cicatrice comme celle que je portais, vous imaginez...

Inconsciemment, lorsque ses bras avaient entouré ma nuque, mes épaules s'étaient affaissées. Penché en avant, les miens s'étaient emparés de sa taille, serrant à leur tour son petit corps contre le mien. « Oui, c'est moi. » la rassurais-je dans un sourire en tapotant doucement le sommet de son dos. Dommage, les embrassades n'avaient pas duré aussi longtemps que je l'avais espéré. Bientôt, la colère prit le dessus, tandis que fidèle à moi-même, droit comme un I, j'accusais sans me départir de mon calme. « Je suis désolé Lily, à la fin je n'ai pas pu te donner plus de nouvelles, ça devenait trop dangereux... » commençais-je avant de mesurer le regard avec lequel elle me détaillait. Les sourcils froncés maintenant, quelque peu mal à l'aise, je préférais détourner le regard, admirant l'intérieur cocooning de son appartement, laissant mes yeux dériver sur ces divers bibelots d'artistes ravissants mais qui n'avaient jamais réellement su trouver grâce à mes yeux. « Il survivra. » ironisais-je en lui faisant face à nouveau. Evidemment que je percevais son inquiétude à mon égard. Et malgré moi, malgré ce côté raisonnable et professionnel de ma personnalité qui lui criait que ce n'était rien, que je m'en sortirais, qu'il s'agissait des risques du métier, un autre côté, plus sentimental, fut touché par sa sollicitude, au point qu'un sourire ému vint poindre à la commissure de mes lèvres. « Ce n'est pas grave, Lily. Oui, elles sont pour toi. J'espère que tu aimes les fleurs. » Ne sait-on jamais, certaines personnes, telle que ma mère, n'apprécie pas d'avoir des fleurs coupées à l'intérieur de la maison. Elle se plaignait toujours d'avoir l'impression qu'elle était sur le point de mourir et que ces fleurs représentaient le symbole de son trépas. « Je... » Etait-ce un reproche déguisé ? J'en avais la sensation, bien que le ton avait été plus ironique que sarcastique. « Je garde toujours un œil sur toi, Lily-Rose Hopkins. » répliquais-je, non sans une certaine gravité. « Merci. » Entrant comme elle me l'a permis, je fais attention à ne claudiquer que lorsqu'elle se retourne, le regard autre part. « Je t'ai apporté aussi ta friandise préférée. Tu sais, ces choses molles enrobées de chocolat qui collent aux dents et n'apportent aucune vitamine ? » soupirais-je en lui tendant le petit coffret au sein duquel reposaient une dizaine d'oursons en guimauve.

made by roller coaster


@Lily-Rose S. Hopkins
(Invité)
Anonymous

Préférences de jeu
veritas
Invité
est en ligne
Invité

« Il rentrait chez lui, là-haut, dans le brouillard... »
lawrie & lily




Son pragmatisme naturel, sur le coup, revient la heurter comme une gifle en plein visage. Il survivra. Non mais, c’était quoi cette phrase franchement ? Il survivra. Ses nerfs s’étaient crispés sous sa chair, alors que sa mâchoire, doucement se serrait imperceptiblement. Le flegme qu’il arborait était insupportable, et Lily avait envie de le secouer, pour faire s’émouvoir dans ce corps fébrile plus qu’une forme de lassitude muette, et la sensation doucereuse d’être endormi par la douleur jusqu’aux tréfonds de l’âme. Qu’il vienne ajouter que c’était les risques malencontreux du métier, et elle ne se gênerait pas pour lui coller son point sur le nez. Après tout, ça aussi, c’était les risques du métier. Du métier d’homme. « C’est gentil … » murmure-t-elle d’un air absent, prenant avec un calme maîtrisé les fleurs entre ses mains. Elles étaient belles. Elles sentaient bons. Il avait du goût, une finesse, comme toujours avec ce genre d’attention. Et même si cela lui faisait toujours mal au cœur de voir des fleurs coupées se flétrir dans un vase, cela lui faisait plaisir quand même. Quelle femme n’apprécie pas de recevoir un bouquet d’un homme qu’elle admire après tout ? Mais elle ne parvenait pas à se mettre dedans. A éprouver la reconnaissance délicate qu’un tel geste aurait dû faire naître en elle d’habitude. « Dommage que tu ne laisses personne veiller sur toi en retour, Lawrence Austen. » Un écho qui sonne désormais comme un reproche à peine voilé, alors qu’un petit sourire dépité vint orner ses lèvres tandis qu’elle remplissait un vase en céramique d’eau claire, pour y placer le bouquet. La seconde attention lui fit lever légèrement un sourcil, elle s’avança prudemment, le détailla à la dérobée, partant du visage pour arriver aux jambes. « Tu veux bien me les apporter par ici, s’il te plaît ? Je vais les mettre dans le pot, qui est sur l’étagère … Là-haut. » Quémanda-t-elle avec une douceur qui dissimulait ses intentions. Qu’il avance. Qu’il marche avec aisance, qu’elle puisse constater l’ampleur des dégâts quand il pensait pouvoir se dissimuler à son regard quand elle avait le dos tourné. Mais bon sang, il pensait réellement qu’elle ne remarquerait rien ?

Après une minute, ses mains commencèrent sensiblement à trembler. Elle se massa le front, convoquant toute la bienveillance dont elle était incapable. Mais le voir dans un et l’état sans rien savoir de plus que le silence qu’il voulait bien convoquer, cela lui nouait les entrailles, et lui donnait envie de rendre son déjeuner. Comme s’il ne se rendait pas compte qu’il n’était pas seul. Qu’autour de lui, il y avait des gens qui tenaient à lui, qui s’inquiétaient de son sort. « Que s’est-il passé Lawrence ? Dis le moi, même en omettant les détails, ça m’est égal. Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? Je vois bien que tu souffres. On dirait que tout ton corps est vrillé par une douleur terrible tapie sous ta chair … Tu pensais vraiment qu’avec des attentions prévenantes, je ne remarquerai rien ? » Elle est presque blessée qu’il ait pu penser qu’elle aurait été naïve à ce point. Et si autrefois, elle était plus prompte à céder au silence, et aux non-dits, depuis quelques semaines, elle semblait se modeler dans le déterminisme. Comme si en peu de temps, elle avait grandi, mûrit davantage, et qu’elle laissait passer moins de choses. De l’intransigeance naissante peut-être ? Ou simplement le désir de ne plus être vue comme une enfant alors qu’elle n’en était plus une depuis longtemps. Sauf qu’autrefois, statufiée dans un corps trop maigre et maladif, elle devait subir le carcan de l’infantilisation permanente, ne parvenait pas à sortir du joug de l’enfance. Depuis qu’elle avait pris son indépendance, elle commençait à se mouvoir différemment, à penser sans influence, à s’insurger sans crainte. Et si Lawrence l’impressionnait toujours, elle ne le voyait plus comme un être supérieur, un aîné à respecter parce qu’il avait l’expérience de l’âge et des tourments. A présent elle le voyait comme son égal. Lui répondait comme tel aussi, se dérobant moins face à ses regards, voire se montrant plus incisive envers lui qu’elle ne s’était jamais permis de l’être autrefois. Comme si en partant, il avait laissé une enfant surprotégée par son père, et qu’en revenant, il rencontrait une entité indépendante qui ne se laisserait plus personne la couver jusqu’à l’étouffement. « Si tu ne veux pas m’en parler, montre-moi l’ampleur des dégâts au moins. N’essaie pas de te dissimuler à mon regard en pensant que je suis suffisamment naïve, et stupide, pour ne rien voir. »



© ACIDBRAIN
(Invité)
Anonymous

Préférences de jeu
veritas
Invité
est en ligne
Invité




❃❃❃❃❃❃


Qu'avais-je dit qui l'avait blessé ? Je la sentais sur le point d'imploser pour une raison que j'ignorais. Enfin si, j'imaginais sans peine son soulagement de me savoir en vie, teinté de colère parce que durant ces derniers mois seul le silence avait dû répondre à ses cauchemars à l'idée que je ne sois plus de ce monde, mais sa colère était-elle à ce point maîtrisée ? Ou avais-je tort et n'était-ce que le fruit de mon imagination ?

Imbibée de rosée, ma chemise parfumée des quelques pétales qui s'y étaient égarées lorsqu'elle m'avait enlacé tout à l'heure, séchait à la lumière du salon, tandis que je découvrais, songeur, l'intérieur de son appartement, ne prononçant mot que lorsqu'elle m'interpellait, plus concentré sur la gestion de la douleur présente dans mon genou que sur la décoration, puisqu'au fond, je ne connaissais pas grand chose aux techniques artistiques permettant de faire d'un simple logement, un petit nid douillet. « Dommage que tu ne laisses personne veiller sur toi en retour, Lawrence Austen. Ma main, occupée alors à soulever l'un des objets trônant sur l'un de ses mobiliers s'arrêta dans son élan. A peine quelques secondes qui arrêtèrent le temps, avant qu'il ne retrouve son pied à terre. « Je n'ai besoin de personne pour veiller sur moi, miss Hopkins. Je le fais très bien tout seul. » lançais-je un peu abruptement en me retournant pour lui faire face. Allez savoir pour quelles raisons inavouables, son commentaire me mettait en colère. Ou mal à l'aise. Un peu des deux sûrement. Dans un coin de mon esprit, je tentais de comprendre le cheminement de ses pensées, ce qu'elle avait voulu dire par là. Parlait-elle d'une relation amicale...ou sentimentale ? Dans le premier cas, si je devais reconnaître ne pas avoir un cercle très étendu d'amis, ceux que j'estimais étaient néanmoins dignes de confiance. En revanche, si Lily avait sous-entendu par là que je devais me fier à une compagne qui veillerait sur moi comme l'avait fait Catherine avant son décès prématuré...mon trouble s'accentuait, me rendant soudainement pantois alors que je l'observais toujours. Je ne suis pas certain que nous devrions avoir cette conversation, à ce sujet. Non, à bien y penser, je ne désirais pas en parler. Pas avec elle. Pas aujourd'hui.

Retournant à la contemplation de ses bibelots, j'eus un soupir de désespoir en remontant le long de l'étagère sur laquelle elle me demandait implicitement de déposer ces chocolats. Implicitement, parce qu'entre nous deux, j'étais celui qui faisait la taille utile à un tel effort. Son mètre 60 à peine ne lui servait hélas qu'à récupérer une chaise pour mieux y grimper afin d'attraper le fameux pot qui lui servirait de protège guimauve. Loin de deviner ses intentions, songeant davantage à une bonne action de ma part, j'avançais silencieusement jusqu'à la fameuse étagère, oubliant d'un seul coup ma jambe déficiente qui me faisait claudiquer malgré moi, et lui remettait alors son bocal avec le sourire. Sauf qu'elle ne le prit pas immédiatement. Sauf que son regard changea du tout au tout. Evidemment, je ne compris que lorsqu'il fut trop tard. « Lily... » soupirais-je, un brin agacé par son attitude que je jugeais trop « protectrice ». C'était à moi qu'il revenait de la protéger, de veiller sur elle. Pas le contraire. Pourquoi l'oubliait-elle toujours ? « Je... » Ne pas craquer. Ne pas s'énerver. Quoique touché par sa sollicitude, je n'en étais pas moins un agent conditionné à respecter les contraintes qu'imposaient mes missions, à savoir pour commencer : me taire. Un bon agent est un agent solitaire. « Je vais bien, Lily. Quand cesseras-tu de toujours t'inquiéter pour moi ? » soupirais-je à nouveau en fronçant les sourcils comme s'il s'agissait d'un ordre implicite. La suite me fit sourire, malgré moi. « Te...montrer ? » répétais-je, pour être certain d'avoir bien compris le message. « De quelle manière ? Tu veux que je me déshabille devant toi, c'est ça ? » me moquais-je avec un sourire en demi-lune. Un sourire qui disparut aussitôt que ces derniers mots me revinrent en mémoire. « Je n'ai jamais considéré que tu étais stupide, Lily. Bien au contraire. Tu es une jeune femme pleine de ressources, intelligente, très observatrice et perspicace. » soufflais-je pour moi-même en reculant de quelques pas. « Cependant, comme ton père te l'a souvent répété j'en suis sûr, ce sont les risques du métier. Je fais ce pour quoi je suis payé. Comme il est arrivé à ton père de le faire au cours de certaines missions plus éprouvantes que d'autres, je me suis battu, j'ai été blessé et j'ai survécu. Il n'y a rien d'autres à ajouter. » Avisant le canapé du salon, puisque la douleur dans mon genou semblait croître, je m'y installais alors, me gardant bien de grimacer lorsque ma jambe se plia sous mon poids afin d'éviter de nouvelles remontrances et inquiétudes chez la jeune Hopkins. « Parle-moi plutôt de toi. Ces derniers mois ont dû être ...particuliers pour toi. Respirer sans ta bouteille d'oxygène pour la première fois...comment tu t'es sentie ? Comment tu te sens aujourd'hui ? » Voyez avec quelle subtilité je détournais la conversation sur un sujet moins sensible.

made by roller coaster


@Lily-Rose S. Hopkins
(Invité)
Anonymous

Préférences de jeu
veritas
Invité
est en ligne
Invité

« Il rentrait chez lui, là-haut, dans le brouillard... »
lawrie & lily




« Tellement bien en effet.  S’en est troublant de réalisme. » L’écho est désormais empreint d’un sarcasme maîtrisé, alors que concentrée sur les fleurs qu’elle arrange avec délicatesse dans le vase, ses sourcils se arquent légèrement, viennent trahir le dépit qui l’anime tout à coup. La mine légèrement interdite dont il la gratifia ensuite lui fit légèrement pincer les lèvres. A quoi pensait-il ? Qu’elle tenterait d’évoquer une relation évanescente sans fondement ni partage ? Qu’elle prétendait être celle qu’il lui fallait quand elle savait à peine ce dont elle avait besoin pour elle-même ? Non, bien sûr que non. Elle avait seulement voulu évoquer ce qu’il repoussait comme une honte. Comme si le fait que quelqu’un puisse veiller sur lui était un sacrilège, une ignominie à éviter à tout prix. Elle devinait les raisons de cette solitude farouche, presque sauvage. La crainte sans doute de souffrir d’autres pertes, de n’avoir aucune emprise sur les aléas de l’existence qui décident parfois, sans raison apparente, d’arracher au cœur des hommes ce qu’ils ont de plus cher. Mais elle ne lui pardonnait pas la volonté tapie de vouloir lui imposer une étiquette. Amie, compagne, quelle importance ? Qu’était-elle en réalité pour lui, si ce n’est une réminiscence d’un passé dont il ne parvenait pas à se départir pour la voir telle qu’elle était, et non telle qu’elle avait pu être ? Elle avait l’impression de n’entrer dans aucune case. Elle n’était pas son amie, car s’il concevait l’amitié ainsi, basée sur une confiance à sens unique, il pouvait bien la garder pour lui. Elle n’était pas une compagne non plus, du moins pas telle qu’il la concevait, dans la mesure où l’infantilisation constante dans laquelle il la statufiait ne lui permettrait sans doutes jamais de l’envisager autrement que comme une enfant sans âge. Alors qu’était-elle pour lui ? Un fardeau ? Un moyen de se racheter une conscience ? Elle se l’était souvent demandé depuis ces dernières semaines, dans les affres des nuits sans sommeil.

Sa question, prononcée avec un tel dépit las, fit un instant bouillir son sang dans ses veines. Il palpitait sous ses tempes, rendait la colère tapie sous sa chair plus difficile à maîtriser qu’elle ne l’était jusqu’alors. Les dérobades. Encore. Toujours. Il n’était pas épuisé, parfois, de s’y adonner corps et âme ? Alors ses mots devinrent plus incisifs, moins compatissants, dépourvus de cette sympathie dont elle l’avait toujours gratifié avec une douceur qui aujourd’hui, lui retournait les entrailles. Mais le calme n’avait pourtant as quitté ses traits. Tout se jouait sous la surface, sous sa peau diaphane qui prenait ici et là des teintes plus rosées, signes apparents d’un tourment plus profond : « Quand tu seras mort sans doutes. Et vu les chances que tu te donnes, ça ne devrait pas traîner. » Elle leva les yeux au ciel à sa remarque suivante. Et qui était l’enfant, dans l’équation, à présent ? « Bien sûr que non. Je n’ai pas besoin que tu ôtes tes vêtements pour deviner ce qu’ils cachent. J’en ai déjà eu un aperçu il y a quelques mois, en t’ôtant cette balle de l’épaule, je suppose que ça ne peut qu’être pire aujourd’hui. Je te demande simplement de ne pas faire semblant, de ne pas me cacher si tu as mal, si c’est le cas. D’être honnête, même dans la douleur. Je ne te regarderais pas autrement, que tu gambades, ou que tu claudiques. »

Et voilà qu’il invoque les sempiternels risques du métier. Elle manque de lâcher le vase qu’elle a entre les mains, a une envie soudain irrépressible de le balancer à l’autre bout de la pièce. Bien sûr elle se contrôle, effleure un pétale entre deux doigts, tente d’y puiser un calme lointain qui ne vient pas. En plus il convoque son paternel dans la conversation. Que vient-il faire là, au juste ? « Qu’est-ce que mon père vient faire dans l’équation ? Tu es incapable de me parler sans l’invoquer ? Tu veux que je lui demande son accord parental avant de penser par moi-même ? Tu crois que je n’ai pas conscience des fameux « risques du métier » pour que tu me les rappelles ? Toute ma vie j’ai vécu aux côtés d’un père qui n’était jamais là. Ou qui quand il était là, était présent sans vraiment l’être. Il avait le même flegme que toi, la même façon de prendre comme une normalité ce qui aurait dû être crié comme une torture. Mais ça je l’ai toujours accepté parce qu’il avait la décence de ne pas essayer de masquer ses douleurs. Et même s’il ne pouvait rien dire, il avait suffisamment confiance en moi pour essayer de m’expliquer, de se confier quand il avait peur, qu’il avait des doutes, ou qu’il se retrouvait dans une impasse. Alors oui peut-être qu’il a pris des risques inconsidérés, qu’il m’a mise en danger en voulant partager ses fardeaux, mais au moins il n’a jamais rompu le lien en se terrant dans le silence. » Et pour le coup, elle non plus, elle n’avait plus rien à ajouter. Ses doigts parcoururent le plan de travail, elle se frotta légèrement la joue sur laquelle une trace de peinture lui tiraillait la peau. Elle l’entendit à peine changer de conversation, tant elle était déjà loin, à se demander si elle pouvait supporter une tonalité si légère quand le son en son cœur était si grave. Dire qu’elle s’était tant inquiétée. Que son cœur s’était emballé chaque fois qu’un soubresaut avait fait grincer sa porte. Et il ne s’en rendait même pas compte. Un tel silence, presque aux atours de dédain, s’en était blessant, lui ôtait toute envie de communiquer avec lui. Pourquoi devrait-elle lui sourire, lui parler de sa vie, invoquer ses découvertes, quand ce n’était toujours ou presque qu’à sens unique ? Alors elle se replia en elle-même, malmenée par les tourments impérieux de son propre caractère. « Tu devrais partir Lawrence. » La supposition avait fendu le silence de la pièce, rendant l’atmosphère plus lourde, et plus glaciale. « Tu devrais partir, avant qu’il ne soit trop tard. » répète-t-elle dans un écho fébrile, son cœur criant pourtant de la simple idée de le voir s’évaporer encore. Trop tard pourquoi au juste ? Elle ne savait pas bien. Avait invoqué ce temps évanescent sans comprendre ses revers. S’ils s’enlisaient dans cette conversation à sens unique, dans cet échange frontal, ils n’en reviendraient pas. Et elle n’était plus capable de passer outre les silences, les sermons, les invocations répétées de son père, l’infantilisation constante … Non, elle ne pouvait plus. Alors, pour éviter d’avoir à l’affronter quand il partirait, parce qu’elle était persuadée qu’il le ferait, elle s’était simplement repliée dans sa chambre, la traversant d’un pas nonchalant pour aller s’enfermer dans la salle de bain, afin d’ôter toute cette peinture, retourner à son quotidien en ignorant simplement sa présence, se dérober comme il pouvait le faire, même si cela lui en coûtait. Quand elle en sortit, ayant passé un long tee-shirt blanc et un gilet en maille épaisse, s’épongeant les cheveux avec un regard vide, elle avait hésité à reparaître dans le salon, s’arrêtant à l’embrasure de la porte. Il n’y avait pas de bruit. Rien de perceptible en tout cas. Seul el tourne disque continuait de grésiller. Etait-il parti ? Ou non ? Elle resta ainsi interdite, sans bouger, à se demander si elle devrait assumer les conséquences de sa demande … Ou non.




© ACIDBRAIN
(Invité)
Anonymous

Préférences de jeu
veritas
Invité
est en ligne
Invité




❃❃❃❃❃❃


Le sarcasme, parfaitement décelable sous un soupçon d'ironie me fit froncer les sourcils. Incrédule qu'elle puisse s'adonner à des reproches, même déguisés, à mon égard. Peu désireux de poursuivre une conversation que je sentais s'éterniser et peu à peu dégénérer. La remarque suivante, d'une cruelle vérité anima mes paupières et blessa un cœur déjà meurtri par des années de solitude farouchement défendue. A quelques nuances près, le sous-entendu était le même que celui que m'avait jeté au visage Catherine avant que je ne quitte précipitamment la maison ce soir-là, d'une humeur massacrante. De quel droit m'empêchait-elle de vivre ? D'exercer un art dans lequel j'excellais ? Ce que je prenais alors pour une forme de chantage – rester aux côtés de ma famille et cesser toute activité ou mourir en faisant ce pourquoi l'on m'avait conditionné et risquer de la perdre – m'avait aveuglé au point qu'aujourd'hui, j'ouvrais grand les yeux, incapable de penser que sous ce masque de douceur maîtrisée, se cachait au fond une femme clairement décidée, souhaitant simplement par ses seules paroles me faire passer le même message que ma femme avant elle. Des mots que j'acceptais mal, et à raison. Cependant, je gardais le cap, droit, digne dans ma douleur physique et morale, chanceux qu'elle existe car c'était elle qui me rappelait que j'étais humain et non pas une machine comme je l'avais interprété dans les reproches de ma bien-aimée, et de Lily aujourd'hui. Les poings serrés maintenant, je la regardais comme si je ne l'avais pas vu depuis des années, la gorge sèche, les yeux immobiles, une lueur incandescente qui tournoyait sans jamais vaciller. Lily refusait de comprendre. Comme Catherine avant elle, elle pensait que si je ne parlais pas de ce que je ressentais, de ma souffrance, c'était pour elles. Leur éviter de voir l'homme sous l'apparence mécanique. Non. Non, c'était exactement le contraire. Si je me taisais dans mon malheur, c'était justement parce que je ne savais pas le contrôler. Parce qu'il m'effrayait par son intensité souvent au delà de ce qu'elles pouvaient imaginer. Parce que si fragilité je me découvrais, alors je ne serais plus un bon agent, mais un homme avec des faiblesses, lesquelles je craignais par dessus-tout. Finalement, ce n'était pas que le regard de Lily sur ma personne qui me dérangeait le plus, mais mon propre aperçu de la triste réalité qu'était devenue ma vie aujourd'hui. Et puis, il y eut le silence. Lourd tel que je l'imaginais. Une demande non désirée. Une promesse incompréhensible, et le néant.

Plusieurs minutes s'étaient écoulées. Mes pas m'avaient dirigé en premier lieu vers la sortie. Fidèle à moi-même, je souhaitais éviter de me disputer avec elle. Mais n'était-ce pas ce que nous étions en train de faire ? Une discussion animée qui ne mènerait à rien de plus que de la souffrance, de son côté comme du mien, si je disparaissais maintenant. Non, pas cette fois. Le souvenir de Catherine, de ses yeux dévastés et de ses larmes me firent faire demi-tour. Cette fois, comportes-toi comme un homme. Parle-lui.

Enfermée dans sa chambre, sa porte à peine entrouverte, je refusa d'entrer. Une chambre est un lieu trop intime pour que j'y sois à ma place. Elle avait besoin d'air et moi...de ne pas la voir pour pouvoir exprimer ses attentes. Alors, demeurant dans l'ombre du salon, ma voix grave s'éleva, des mots que je cherchais pour commencer avant de me laisser aller à la confidence puisque c'est ce qu'elles m'avaient toujours réclamé... « Je suis désolé, Lily. Je suis désolé de ne pas être assez fort pour te faire endurer ce qu'elle a enduré quand nous étions mariés. Je suis désolé de ne rien te dire alors que c'est ce qu'elle me reprochait. Je ne suis pas cet homme, ni pour elle, pour toi. Que veux-tu que je te dise ? Qu'à chaque fois que je vais en mission, j'ai peur de ne pas en revenir et que ce n'est pas la peur de mourir qui m'effraie mais celle de ne plus revoir les gens que j'aime ? Que lorsque je me fais tirer dessus, je me dis toujours que ma dernière heure est arrivée ? Tu veux savoir ce que je ressens ? J'ai mal, oui, j'ai mal tous les jours. J'ai mal depuis le jour où Catherine est morte. Je m'en veux de ne pas avoir été là pour les protéger toutes les deux. Tout ça parce que je faisais ce pourquoi on me payait. Tout ça parce que je ne suis qu'un égoïste qui préfère sauver le monde que de s'engager vraiment dans une relation. Tu me demandes d'être honnête avec toi ? Tu dis que tu ne changeras pas ton regard si je t'en parle, mais c'est faux. Si je te disais que j'ai pris plaisir à tuer. Que certains, à mes yeux, méritent la torture plutôt que la mort, que dirais-tu ? Tu crois que je n'ai pas confiance en toi, mais tu te trompes. Catherine aussi se trompait. Je ne sais pas exprimer mes sentiments, certes, mais j'ai confiance en vous. Elle a toujours su en espérant que ça change, et toi aussi, que je n'étais pas le prince charmant. Non je ne suis pas de ceux qui se plaignent de leur malheur, qui énoncent tout haut leur souffrance, qui parlent de tout et de rien. J'ai été conditionné pour être un bon agent. Et un bon agent a un moral d'acier, quoiqu'il arrive. » Les minutes passent, les souvenirs remontent à la surface, et ma main échoue bientôt sur la devanture de la porte. Je l'entends respirer derrière le battant, et je reprends, plus sincère qu'elle ne l'aurait espéré. « La vérité, c'est que j'ai peur. J'ai peur de ne pas pouvoir faire face à l'homme que je suis devenu. Pourquoi crois-tu que je sois toujours célibataire ? Voilà six ans que ma femme et ma fille ont disparu, et six ans que j'ai eu le temps de faire mon deuil. Je n'ai pas toujours réussi, mais je sais que Catherine aurait voulu que je sois heureux, même si ce n'était pas avec elle. Plusieurs fois j'ai songé à tourner la page définitivement, à...faire à nouveau des rencontres, à...me laisser aller aux plaisirs de la chair uniquement pour me sentir vivant. Sauf que je n'y parviens pas. Tu as raison en un sens, je fais semblant. Semblant de pouvoir à nouveau ressentir de la joie, du plaisir, ...de l'amour. Au fond, je ne suis même plus sûr de savoir ce que c'est... » Ma voix se brise, envolée, alors que ma main retombe et qu'un voile se dépose sur mes deux lagons de solitude. Je n'ai pas bougé pour autant, comme si j'attendais...quoi au juste ? Je devrais partir, oui, je devrais.

made by roller coaster


@Lily-Rose S. Hopkins
(Invité)
Anonymous

Préférences de jeu
veritas
Invité
est en ligne
Invité

« Il rentrait chez lui, là-haut, dans le brouillard... »
lawrie & lily




Figée derrière la porte, comme maintenue dans une obscurité rassurante qui lui interdisait pour l’heure de lui faire face, son souffle se perdit dans la confidence, se dissipa dans les brumes du tourment qu’il osait enfin lui dévoiler sans barrière.  La lassitude soucieuse qui imprégnait jusqu’alors ses traits se perdit dans une expression plus grave, plus réfléchie aussi. Elle le laissa parler, sans l’interrompre, sans esquisser un geste, sa seule respiration pouvant éventuellement trahir sa présence. Elle ne regrettait pas de l’avoir poussé, d’avoir enfoncé le couteau dans la plaie. Un mal nécessaire dont il ne comprendrait peut-être jamais l’essence, mais qui pour elle, revêtait des atours précieux, lui permettait de parfaire le portrait encore fugace qu’elle se faisait de lui. Certains éléments de sa confession lui semblaient encore obscur, d’autres révélaient une cruauté qu’elle avait encore du mal à apprivoiser entièrement. A l’évocation de ce plaisir à tuer par exemple, de ce délicat engouement pour la torture. Des images mécaniques voilèrent ses paupières un instant. Elle revoyait ses gestes, d’une précision chirurgicale, craquant les os, pourfendant les chairs. Un léger frisson la traversa, et elle rattrapa le fil de ses paroles, interdite.  Ce fut sa dernière phrase qui la fit sortir de la léthargie qui la tenait, alors qu’elle ré-ouvrait doucement la porte en posant sur lui un regard d’une étrange lucidité. « Bien sûr que tu sais toujours ce que c’est … » Sur le coup, elle avait eu envie de poser sa paume sur son bras, de lui insuffler une sérénité. Mais elle s’était retenue, ses doigts se resserrant simplement autour de la serviette humide qu’elle tenait devant elle, et qui lui avait servi à éponger ses boucles rousses.  «  Ce qui est arrivé à Catherine … Tu n’y pouvais rien Lawrence. C’était un accident. Que tu aies été présent, ou non, ça n’aurait rien changé … C’est terrible à dire mais … Ça fait partie de la vie, mais j’imagine que tu le sais mieux que quiconque … Il y en a qui survivent, un peu comme nous, sans savoir pourquoi, et d’autres qui disparaissent, sans raison apparente … Même si c’est terriblement dur, tu ne peux pas continuer à culpabiliser à ce sujet. Je ne pense pas qu’elle souhaiterait que tu culpabilises qu’elle soit morte … Et toi pas. Parfois j’ai l’impression qu’à l’intérieur, c’est ce que tu cherches. La rejoindre dans la lividité, laisser cette partie qu’elle a emmenée avec elle se diffuser comme une onde mortifère en toi … Si tu laisses cette onde te dominer, elle ne t’accordera jamais aucun répit … Tu le sais, n’est-ce pas ? » Elle s’interrompt un instant, cherche ses mots, l’entend déjà répliquer d’arguments imparables qui lui donneraient l’impression de réfléchir comme une enfant naïve … peu importe. Elle prenait le risque. « Tu as beau avoir été formé, et conditionné ainsi, tu n’es pas une machine. Ta carcasse, c’est celle d’un homme, ni plus … Ni moins. » Dans un geste impérieux, mais d’une douceur délicate, son index s’était soulevé, venant tracer le dessous de son menton, convoquant ce regard qu’elle avait parfois eut si peur d’affronter entièrement, mais quelle pourfendait à présent sans honte. «  Cette humanité te rappellera toujours ses faiblesses, quoiqu’il arrive, même si tu la repousses. Si tu avais tant un moral d’acier, que tu étais cet agent statufié, tu ne serais pas venu ici. Tu ne serais pas resté à mon chevet à l’hôpital non plus. Tu ne chercherais pas à m’expliquer même si cela va à l’encontre de tes habitudes. Et tu serais parti ce soir. Ne prends pas tes peurs, tes souffrances, tes faiblesses comme une honte, comme la marque des fêlures de l’agent que tu es censé être, alors qu’elles forment toutes ensemble les forces impérieuses de l’homme que tu es au fond de toi. » Sa main se recule, s’interrompt. Elle se frotte un instant le front en se demandant si toutes ses réflexions ont un sens. Mais elles sont si criantes de sincérité et de spontanéité quand elle les exprime, comme sorties dénaturées des courbures de son esprit. Il ne l’entendra peut-être pas. Tant pis pour elle. Tant pis pour lui. En tout cas, elle poursuivit plus fébrilement, se souvenant de ses paroles sur son célibat, de son incapacité à tourner la page.

« Laisse du temps au temps. Tu ne pourras jamais tourner la page par mécanisme. Quoique tu fasses, Catherine fera toujours partie de toi … Peut-être que tu n’as tout simplement pas encore accepté l’idée que cette partie de toi qui lui appartient pouvait cohabiter avec une autre ? Ce n’est rien cela. Six ans, ce n’est rien, quand on perd l’amour de sa vie. Enfin … Je suppose … Consommer des chairs anonymes juste par mécanisme, à part te flétrir davantage … je ne suis pas sure que ça pourra changer grand-chose. A part peut-être te divertir … Je sais que certains arrivent à faire ça comme un sport, à y goûter comme une friandise … J’avoue avoir du mal à le concevoir mais … Pourquoi pas ? Mais si cela va à l’encontre de ta nature, pourquoi s’en mortifier ainsi ? Tu n’as pas encore réussi à tourner la page d’un point de vu sentimental, et alors ? Ça ne t’empêche pas d’écrire d’autres pages, d’autres sentiments, qui n’ont peut-être rien à voir avec la tendresse, avec l’amour que tu as connu auparavant, mais qui au moins ont le mérite d’exister. Si pour te sentir de nouveau vivant tu as besoin de goûter le vide absolu, et des impressions sans étiquettes… Pourquoi pas ? Réapprendre les mécanismes de l’existence quand on a connu une perte telle que la tienne, ce n’est pas toujours facile. J’imagine que chacun fait comme il peut. Tu n’as pas d’épée de Damoclès au-dessus de la tête sauf celles que tu t’imposes … Alors … laisse toi du temps. Qu’as-tu à perdre de plus, de toute façon ? » Elle haussa les épaules, son regard furetant ici et là aux alentours, fuyant bientôt la lourdeur de la conversation pour une tonalité plus subtile, plus légère aussi. « Tu vois … Ce n’était pas si terrible. » murmura-t-elle pour elle-même, alors qu’elle l’avait contourné d’un pas feutré pour se diriger de nouveau dans le salon. Moins sur la défensive, peut-être plus encline à la légèreté maintenant que le dialogue avait été instauré, elle continuait d’éponger ses cheveux en jaugeant d’un œil critique le contenu de son réfrigérateur. « Tu as faim ? J’ai … De quoi faire une omelette aux champignons si tu veux. Rien de transcendant, mais je n’ai pas fait les courses … ça rivalise avec les étendues désertiques  de l’Arctique là-dedans. »




© ACIDBRAIN
(Invité)
Anonymous

Préférences de jeu
veritas
Invité
est en ligne
Invité




❃❃❃❃❃❃


Discrètement, mes pas s'éloignaient de la porte de sa chambre. Je devais fuir. Jamais je n'avais été aussi « bavard », depuis longtemps. La peur de devoir faire face à son moi intérieur donne des ailes dit-on. Sauf que je n'eus pas fait deux pas que je sentis sa présence derrière moi, et que nos regards se croisèrent, le sien songeur, le mien farouche. Comme si une partie de moi lui en voulait de l'avoir obligé à se confier. Cette partie-même qui restait dans l'ombre, secrète et dangereuse, qui n'aimait pas la discussion, préférait le silence et l'ordre de toutes choses. Même de ses propres sentiments. Chaque geste est observé méticuleusement. Le loup en moi gronde sur la petite fille en elle qui ose approcher sa main comme si elle pouvait l'apprivoiser. Un sourire étreint pourtant mes joues. « Tu parles comme mon psy. » soupirais-je presque avec dépit. Encore une information qu'elle ignorait à mon sujet, quoiqu'elle avait sûrement éprouvé des doutes à ce propos : que j'ai eu le privilège de me faire « assister » d'un psychiatre pour me remettre de la mort de ma famille. C'est quand même ironique lorsque l'on pense que d'éliminer des gens ne me pose aucun problème de conscience. « Je sais que je n'y pouvais rien pour l'accident, Lily. Ma culpabilité ne réside pas dans ce problème-ci. Je sais que si j'avais été là, nous serions trois à partir ensembles ce jour-là. Non, ce qu'il y a c'est que, et même si je ne peux pas changer le passé, nous nous sommes quittés après une dispute Catherine et moi. » lui avouais-je, penaud. « Quand tu t'aperçois de la futilité de notre querelle, et te rendre compte que tu ne seras plus là pour réparer tes torts, même si tu sais que l'amour entre vous est bien présent, tu te dis que tout est de ta faute. Que si tu avais su trouver les mots ce jour-là, si tu t'étais montré moins égoïste, plus...présent, alors cet accident n'aurait pas eu lieu. » lui expliquais-je en souriant d'un air absent.

Sa main, trop proche. Son index qui effleure mon menton comme un parent le ferait pour son enfant. Si je ne me sentais pas un âge trop jeune pour supporter son geste, j'en fus néanmoins touché. Mes iris se sont alors grisées et, ancrées aux siennes, ne quittaient pas le navire avant d'atteindre le port. Pourtant, cette même main, ces doigts qui se voulaient rassurants finirent leur course figés contre les miens. Un crochet capturant sa paume pour l'obliger à s'éloigner, subtilement. « Etre un agent ne m'empêche pas d'éprouver de l'affection pour les gens qui m'entourent et de vouloir veiller sur eux, Lily. Mais à mes yeux c'est tout autant une question de méthode, d'organisation. Parce que je sais que si vous n'étiez plus là, toi, ton père, ceux qui me sont chers, je sombrerai totalement dans l'amertume et la noirceur. » Je ne savais pas comment l'exprimer autrement. Lui faire comprendre que si j'avais agi pour son bien, ce n'était pas uniquement pour elle, mais aussi pour moi. Me conforter dans l'idée que je faisais une bonne action qui réparait peut-être tout le mal que j'avais commis. Une bonne action qui me rendait, l'espace d'un instant, mon humanité.

Un sourire amusé, presque plutôt sarcastique répond ensuite à sa remarque. « Je ne suis pas sûr de mériter d'être aimé à nouveau. Et pas sûr de savoir m'y prendre correctement pour...plaire. » Ironique, quand on songe au nombre de femme qui gravite autour de moi à longueur de temps, et à qui je fais cet effet. A ces femmes que j'envoie paître d'un seul regard. Ou à celles avec qui je pourrais mais qui m'effraie par leurs attentes, trop éloignées des miennes pour prendre le risque d'essayer, juste essayer. Sauf qu'on ne changeait pas la nature d'un individu. Sauf que je n'avais plus l'âge de badiner. « Non, je suppose que tu as raison sur ce point. A mon âge, je n'ai plus rien à perdre. » répliquais-je avec humour en fronçant les sourcils suite à son murmure qu'elle pensait sûrement inaudible. « Tu es toujours aussi insolente ? » la fustigeai-je, à demi sérieux. « Merci, je n'ai pas faim. Mais j'ai besoin d'occuper mes mains alors, va pour TON omelette aux champignons. » Me dirigeant vers son réfrigérateur, j'appose tranquillement mes mains sur ses épaules pour l'obliger à s'éloigner vers le salon. Va jouer à la poupée pendant que papa met la main à la pâte. « Effectivement. Mais...qu'est-ce que tu manges dans la journée ? » m'exclamais-je alors, interloqué, après avoir constaté la pauvreté de son frigo. « Ne me dis pas que tu es une adepte de ces fast-food à la mode ? » Seigneur, tout mais pas ça. « Demain, je t'emmène faire des courses. Il faut manger équilibré, surtout à ton âge. » la taquinais-je, ayant depuis un moment déjà compris que ses vingt quatre printemps était un sujet de discorde entre nous. Allez savoir pourquoi d'ailleurs. « A propos, tu n'as pas répondu à ma question : comment vas-tu ? Et je ne fais pas seulement référence à ton état physique. » l'avertis-je en coupant les premières lamelles d'oignons.

made by roller coaster


@Lily-Rose S. Hopkins
(Invité)
Anonymous

Préférences de jeu
veritas
Invité
est en ligne
Invité

« Il rentrait chez lui, là-haut, dans le brouillard... »
lawrie & lily




« Peut-être que j’ai raté ma vocation, qui sait ? » ironisa-t-elle avec un petit air bougon au coin des lèvres. Volontairement elle n’avait pas relevé l’information, se contentant de l’ajouter à la liste d celles sur lesquelles elle n’avait pas encore l’audace de le questionner. La psychothérapie sonnait comme une évidence. On en proposait pour n’importe quoi aujourd’hui, alors pour de décès de son épouse, et de son unique enfant … Y échapper aurait été surprenant. Et puis, si elle se souvenait bien des informations fournies par son père, un agent subissait souvent des tests, aux autres suivis psychologiques au cours de sa carrière, au retour de certaines missions par exemple. Le fait qu’il n’ait pas échappé à la règle ne la surprenait pas beaucoup. « Je vois … » Un murmure qui se perdit dans l’écho de ses paroles. Une dispute avant la fin funeste … Au fond, hormis pour sa conscience, cela ne changeait pas grand-chose. Peut-être serait-ce arrivé alors qu’ils venaient de se quitter comme des amants en parfaite harmonie … Avec des si, tout le monde pouvait être reformaté, et les possibilités démultipliées. Elle se garda bien de lui énoncer son point de vu, sans doute trop froid, et trop objectif pour trouver en lui une oreille attentive. De toute façon, elle avait l’impression que quoiqu’elle dise, ses mots ne faisaient que glisser le long de sa surface sans jamais y pénétrer. Magistraux ou non, poétiques ou indélicats, cela ne semblait rien changer. Du moins, cela ne modelait en rien le ton condescendant qu’il arborait souvent à son égard, le plaçant sur un piédestal aussi lointain que détestable. « Tant que les actes qui te motivent envers nous ne servent pas à te racheter une conscience …» Car un instant, elle l’avait soupçonné du pire. De cette absence totale de spontanéité affective, qui pousse à agir auprès des gens par égoïsme, pour au final, se contenter soi-même. Son côté altruiste avait tendance à mépriser ce genre de comportement, et à fuir cette empathie étrange qui au fond, n’était pas gratuite, mais belle et bien intéressée. Et tandis qu’elle l’observait avec attention, elle sentait l’indicible noirceur qui sommeillait en son cœur l’envelopper toute entière, lui murmurer tout doucement de fuir, maintenant, de briser ce lien qui était malsain depuis le départ, et qu’elle n’aurait jamais dû chercher à nourrir. Lily prenait peu à peu conscience du souci qu’elle se faisait pour lui, des vrilles incessantes qu’elle faisait subir à son propre subconscient pour essayer de comprendre, d’apaiser, alors qu’il ne voulait pas de ses gestes. Et alors qu’elle le regardait, son regard sembla perdre en intensité, se fondre dans une solitude muette, et invisible, qui lui avait ôté toute envie de sourire, ou de s’émouvoir. Sa main retomba dans l’inertie sur le côté de son corps juste après qu’il l’ait repoussée doucement. Elle ne s’était offusquée, s’en étant à peine aperçu. Mais à présent elle semblait le regarder avec une distanciation étrange. « Si tu veux le mériter de nouveau un jour, tu devras te violenter pour que ça arrive. Et je ne parle pas par-là d’initiatives, mais d’efforts plus … Spirituels sans doute. Tu devras prouver que tu le mérites toujours, et pas attendre que la divine providence te dise si c’est le cas ou non. Appelle ça la quête de l’absolution si tu veux. On a jamais rien sans rien. » Elle hausse les épaules, balance machinalement sa serviette humide sur son épaule. Elle n’a pas envie de lui répondre avec un petit air mielleux qu’il le mérite, alors qu’au fond, elle n’en sait rien. Comment peut-elle le juger à ce sujet de toute façon ? « Quant au fait de plaire … Je suis persuadée que tu sais toujours comment faire. Tu es bel homme, pour ton âge, il n’y a pas de raisons que tu n’y arrives pas. Pour le peu de fois où je t’ai vu dans les couloirs de la faculté, tu avais toujours des abeilles qui bourdonnaient autour de toi, alors, entre nous … Ne fais pas comme si tu n’avais aucune conscience de l’effet que tu leur fais. »  Elle n’était pas sure de vouloir poursuivre sur ce terrain quelque peu … Glissant. Parler du charme, et de la capacité à séduire d’un homme qui avait sans le moindre doute beaucoup plus d’expérience et d’aplomb séducteur qu’elle n’en aurait jamais, la gênait un peu. Elle pouvait parler de la nudité des corps sans pudeur, voire apprivoiser une sensualité dans sa matière charnelle (le côté artiste sans doutes, elle avait une notion du charme très singulière), mais de là à en discuter ouvertement avec lui, essayer de le conseiller … peut-être pas. Une part d’elle-même s’y refusait. Un frein inconscient, presque agaçant, qui lui interdisait d’aller trop loin dans cette voie au risque de se heurter à un inconnu étrange. « Tu as toujours ce petit air furibond de louveteau effarouché ? » répond-t-elle du tac au tac, un sourire moqueur venant orner momentanément ses traits alors qu’elle se plongeait déjà dans l’inspection du frigo.

« Je ne suis pas souvent ici en ce moment. Je dois souvent manger dehors … » Pourquoi devrait-elle se justifier ? Elle peut bien se nourrir exclusivement de gâteaux enrobés de chocolats, de fruits secs, ou de produits vegan d’aspect douteux, qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire ? « Tu en mangeras aussi. Tu es tout blanc, et tout squelettique. Pire qu’un pruneau sans le noyau. Un peu de nourriture ne te trouera pas l’estomac. » Que fait-il à présent ? Est-il en train de la pousser plus loin ? Alors qu’elle est CHEZ ELLE ?! Ses épaules s’animent le repoussent, elle s’empare de la boîte d’œufs d’une main, et de barquette de champignons blancs de l’autre, sans demander son reste. « Pour tout te dire je suis plus cuisine indienne, vietnamienne, ou japonaise. » Elle fronce les sourcils, ajoute enfin, songeuse : « Je ne savais pas qu’il y avait des « fast food à la mode ». C’est que tu es plutôt in pour un vieillard en devenir. » Sourire de toutes ses dents, petit défi du regard alors qu’elle hausse les sourcils avec désinvolture. Elle est déjà en train de passer les champignons sous l’eau froide pour les nettoyer. « Et passé un certain âge, il faut manger tout court, pour avoir des os solides, et éviter le plus longtemps possible l’arthrose précoce. » Quoi ? C’est lui qui a commencé. Juré. « Je ne peux pas demain. J’ai promis à Lénore … Enfin … Ma mère, de l’accompagner faire les boutiques en ville. » Un petit soupire lui échappe alors qu’elle sort une planche à découper, commençant à tailler les champignons mécaniquement. « Elle veut absolument m’emmener à cette soirée, pour promouvoir les jeunes artistes, ou je ne sais pas quoi. C’est son cher mari qui organise ça tous les ans … Je sens déjà d’ici les sourires surfaits, les rires gras, l’eau de Cologne de luxe, et les costards sur mesure. Si un vieux ventripotent essaie de me mettre la main aux fesses, riche ou non, influent ou non, je te l’étrangle avec son nœud papillon, direct. » Dit-elle presque avec mépris, batifolant de temps à autre avec ses mains (et le couteau dans sa main droite de fait …) pour mimer son désarroi, le regard figé sur les petits champignons morcelés qui étaient en train de subir son courroux face à un gratin dont elle ne connaissait finalement rien, mais dans lequel sa chère Maman se plaisait à graviter. « Je vais bien. » rapide, concis, sans fioritures. Elle n’avait rien ajouté, n’avait visiblement pas très envie d’aborder le sujet de sa santé, de son moral, et de tout ce qui impliquerait une réflexion intérieure sur ses propres ressentis. « Tiens, tu peux me passer le poivre, dans le tiroir à épices, sur ta gauche, s’il te plaît ? » En même temps, elle sortait une poêle, et un bol pour y casser les œufs. « Tu vis toujours au même endroit du coup, dans ta belle maison près de la côte ? Ou est-ce que tu as changé depuis qu’ils ont … enfin … Tu sais bien. »





© ACIDBRAIN
(Invité)

Préférences de jeu
veritas
Contenu sponsorisé
est en ligne
(Contenu sponsorisé)