Quand on parle de Lou...

  Parfaitement menée, là où je voulais, pour découvrir à travers ce jeu que je lançais avec légèreté, ce que pouvait cacher la façade de petite fille sage que Lou s’appliquait tant à montrer à tous. Elle ne pouvait pas être que cela, sinon elle aurait parlait en d’autres termes du train train de son quotidien. Elle ne l’aurait pas qualifié d’ennuyant, que ce soit à mes yeux ou aux siens. Alors j’hochai la tête quand elle reprit mes mots pour confirmer : « Celle que tu veux. » C’était qu’un jeu de rôle, ça ne nous engageait à rien, aucun risque encouru sinon celui de se dévoiler un peu plus à moi… Je lançai quelques idées en vrac, et c’est une autre réponse qu’elle me servit. De petite intello studieuse elle se rêvait un instant capricieuse héritière, impatiente et peste, tout ça saupoudré d’égocentrisme. Je souris malgré moi en entendant le portrait, ne pouvant m’empêcher d’y voir certains traits de caractère de ma tempétueuse jumelle. Finalement j’étais le partenaire idéal pour la faire glisser dans ce rôle. Puis soyons honnête, ce genre de demoiselle aux innombrables exigences, on en trouvait plus d’unes au sein de ma confrérie. « Je vois… » acquiesçai-je donc. « Le jeu commence maintenant. Et je crois que cette Lou là, elle ne serait pas satisfaite de sa boisson… » Et ma main se leva, mes doigts claquèrent sèchement pour attirer l’attention de l’un des serveurs avec un certain autoritarisme. Lorsque l’employé arriva à notre table pour s’enquérir de notre requête, je laissais la blonde se charger de renvoyer son verre pour en réclamer un autre, je la laissais se glisser dans la peau de cette gosse pourrie gâtée qu’elle avait envie d’être aujourd’hui. Un premier petit exercice avant de l’entraîner vers d’autres folies…

Peut être que c'était un peu fort de parler d'admiration et.. J'étais d'accord pour dire que ce genre de fille en règle générale étaient insupportables mais elles avaient quelques choses de malsain assez attirant. Peut être que c'était leur force de caractère ou alors le fait qu'elles se fichaient totalement de ce qui pouvait les entourer. Ouais, c'était sûrement un mélange de tout ça mais quoi qu'il en soit, j'avais toujours été assez intriguée par ce qu'elles pouvaient représenter. Et j'savais que je ne serais jamais comme elle. Parce que je me souciais trop des gens autour de moi pour être capable d'agir de la sorte. Parce que j'aimais pas faire de la peine aux autres et que la méchanceté gratuite était un truc que j'appréciais absolument pas mais.. Puisque ce n'était rien d'autre qu'un jeu de rôle, pourquoi pas. Après tout, on était seulement assis dans un bar, j'allais pas pouvoir blesser qui que ce soit, pas vrai ? Tu crois ? Effectivement. Le genre de fille dont je parlais serait plutôt du genre à tourner aux cocktails, à quelque chose d'alcoolisé. Ce genre de fille n'agirait pas comme une sainte nitouche. Et j'avais pas tellement le temps de réfléchir qu'il claquait des doigts attirant l'attention d'un serveur. Cette simple action me déplaisait. C'était comme.. S'il appelait un chien. Et j'trouvais pas la façon de faire poli mais j'disais rien, baissant le regard quelques instants. C'était pas spécialement facile de se mettre dans ce genre de rôle, fallait dire la réalité. Pourtant, après une seconde d'hésitation, je relevais le regard vers le serveur en attente me pinçant les lèvres. Un gic tonic s'il.. J'me coupais me demandant si ce genre de fille faisait réellement preuve de politesse. Et plus vite que ça. Crédible ou non ? J'étais gênée de parler de la sorte. J'avais l'impression de lui manquer de respect puissance mille et c'était vraiment pas dans mes habitudes.

   C’était marrant qu’elle veuille rentrer dans la peau de ce genre de nanas, fille à papa aux caprices insatiables, aux dévorantes exigences, éternelles insatisfaites. Ce genre de filles que j’avais l’habitude de côtoyer, et oui, moi même je l’avouais, dans leur caractère tempétueux, il y avait un côté fascinant. En attendant, ce qui me captivait, c’était mon interlocutrice et la surprenante réponse qu’elle venait de me livrer. Alors amusé, et histoire que le jeu ne se cantonne pas qu’à moi, histoire aussi de mettre bien la demoiselle dans son –rôle- je claquai des doigts pour attirer le garçon en annonçant à la jeune femme sa première mission : renvoyer ce verre. Et pas avec des –merci, s’il vous plait, prenez votre temps-  La formule de politesse lui échappa presque mais elle se reprit. Le cœur n’y était pas encore vraiment, mais il y avait de l’idée. Le serveur sembla plutôt amusé d’ailleurs, sentant probablement l’hésitation dans le ton de la jeune femme, notant surement aussi l’erreur qu’elle avait commis sur l’appellation du cocktail. Il tenta de la rectifier :-gin tonic vous voulez dire ?- mais je le coupai un peu sèchement : « Elle veut un GIC tonic, faites lui un gic tonic. » Interdiction de corriger princesse Octavia aujourd’hui mon brave. « C’est la même chose, mais avec double dose de gin. » inventai-je alors que le serveur me regardait sans comprendre. On eut ainsi le droit à un –très bien, je vous fais ça tout de suite- attrapant la boisson actuelle de la jeune femme et s’éclipsant vers le bar pour s’activer à la confection du cocktail commandé. Une fois de nouveau seuls, je soufflai à la blondinette : « Pas mal, mais je suis sûr que tu peux faire plus convaincant encore. » Petit clin d’œil avant de me lever, la laissant quelques minutes. « Je reviens tout de suite excuse moi… » Feignant aller passer un appel, je glissai au serveur un gros billet et la consigne de faire terminer le fameux GIC tonic sur la demoiselle. Je retournai ensuite m’asseoir face à elle, l’air de rien, attendant avec presque impatience l’arrivée fracassante du verre, et la colère que la dunster allait devoir simuler.

Ouais, en fait j’étais peut être pas assez douée pour entrer dans ce genre de rôle. Peut être que j’étais trop sympa, trop douce, trop soucieuse de ne pas blesser les autres pour réellement être cette fille hautaine. Alors probablement que je pouvais juste pas y arriver. J’avais déjà du mal à ne pas sortir les formules de politesse, il serait donc probablement plus compliqué que prévu d’entrer dans le rôle pour le coup. Preuve étant que le serveur me lançait un regard intrigué avant de corriger le nom du cocktail que je venais de commander. Ah ouais, ma langue avait fourché. J’ouvrais la bouche pour m’excuser et confirmer que c’était bien ça que je voulais mais Cole me dépassait entrant à merveille dans le rôle de l’emmerdeur de première.  Je me concentrais pour éviter d’esquisser un sourire désolée me concentrant alors sur la table jusqu’à ce qu’il disparaisse pour me laisser une nouvelle fois en tête à tête avec l’Eliot. « Pas mal, mais je suis sûr que tu peux faire plus convaincant encore. » Ah ouais ? Parce que moi, j’en étais pas réellement sûre pour la peine. Disons que j’avais juste l’impression d’être totalement nulle dans ce rôle et peut être qu’il serait mieux d’arrêter les frais maintenant, pas vrai ? Non. Il avait pas tellement l’air de cet avis. En fait, j’avais même l’impression qu’il s’amusait plutôt de ce petit jeu comme si me voir entrer dans le rôle d’une garce de première lui plaisait. Pas de souci. Je le regardais quitter la table pianotant alors de mes doigts sur le rebord de celle-ci attendant sagement qu’il revienne. Et une fois fais, je reprenais alors la parole. Je suis plutôt nulle dans ce rôle, pas vrai ? T’as le droit de confirmer, pour la peine j’en suis totalement consciente et ne serait aucune vexée si tu venais à approuver mes dires. C’était ce moment que choisissait le serveur pour revenir balançant un –et le « gic tonic » pour la demo..- Pas le temps de finir sa phrase que le verre titubait de son plateau se renversant soudainement le contenu atterrissant sur mon jean et tee shirt. Mais.. Non. J’fronçais les sourcils alors qu’il se confondait en excuse pour sa maladresse et j’secouais la tête me levant de ma chaise contemplant l’étendue des dégâts. « C’est.. » Pas grave. Non, j’avais pas fini la phrase. « Vous ne pouvez pas faire attention ? »  Je tentais d’employer un ton plutôt sec relevant mes prunelles noisettes dans celle du maladroit. « Vous avez une idée de combien coûte ce haut ? Même votre misérable salaire ne pourrait pas me le rembourser. » J’exagérais le tout avec des mimiques et des signes de main. « J’exige de parler à votre supérieur. Maintenant ! » Ou pas. Non parce qu’en vrai j’avais pas vraiment envie de lui parler hein ?